La Dent du Salantin | Club Alpin Suisse CAS
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La Dent du Salantin A la découverte d'un sommet peu couru

L' ascension de la Dent du Salentin en Valais est une course estivale idéale. La vue depuis ce sommet vaut le détour puisqu' elle permet d' admirer les rives du lac Léman, les sommets préalpins, la quasi intégralité du massif du Mont-Blanc ainsi que la majorité des 4000 mètres marquants des Alpes valaisannes.

Alpage fertile autrefois exploité par de nombreuses générations, le site de Salanfe, dans le Bas-Valais, devint rapidement un site privilégié des touristes à partir de 1850. La littérature le qualifia même de « plus grandiose pâturage de Suisse ». Il est vrai que le cirque de Salanfe, d' une ampleur grandiose, se situe au carrefour de formations géomorphologiques diversifiées, et présente une faune et une flore particulièrement riches et préservées. Une visite à la Dent du Salantin ( 2482 m ), isolée et rarement parcourue, permet de s' imprégner pleinement de la magie des lieux, que la présence depuis 1947 d' un barrage et d' un lac à accumulation n' a en rien altérée. Le vallon de Van, niché sur les hauts du village de Salvan, constitue le point de départ idéal pour s' élever en direction de Salanfe. C' est ainsi par une journée estivale et ensoleillée que nous démarrons notre course, mon frère et moi, directement au-dessus du Camping de Van d' en Haut. Nous constatons que le danger de chutes de pierres rend la route carrossable interdite aux piétons et empruntons donc d' emblée un cheminement raide et sinueux. Le parcours traverse une forêt dense principalement composée d' épicéas et de mélèzes, égayée ponctuellement par la présence remarquable de quelques lis martagons. Certaines barres rocheuses imposantes se présentent à nous, mais sont traversées de plusieurs escaliers métalliques permettant de gagner aisément de l' altitude.

Nous rejoignons la route au P. 1775 et, alors que la pente s' adoucit et longe la rivière, nous apercevons le barrage de Salanfe ainsi qu' une petite chapelle sur un promontoire, édifiée par les ouvriers du chantier lors de la construction de celui-ci. Une fois parvenus au pied de cette imposante muraille, nous longeons sa base par la droite pour rejoindre son couronnement et la terrasse de la très accueillante Auberge de Salanfe, située à peine plus loin. C' est alors que se présente en face de nous le cirque extraordinaire composé du versant nord-est -rocheux et englacé de la Tour Sallière ( 3220 m ) et du Luisin ( 2786 m ), se reflétant dans un magnifique lac de retenue, ainsi que du versant sud des Dents du Midi, dont les sept éminences se détachent distinctement. Le barrage et le lac de Salanfe représentent des témoins vivants de la reprise économique de l' après et du développement -généralisé de l' hydroélectricité dans les Alpes à cette période. Ses eaux, mises sous pression, sont acheminées et tur-binées instantanément près de 1500 mètres plus bas, à la centrale de Miéville, lorsque les besoins en courant sont élevés.

Nous poursuivons notre route en direction du col du Jorat ( 2212 m ). Notre objectif du jour, la Dent du Salantin, se présente alors en ligne de mire d' une montée régulière sur le flanc sud des Rochers de Gagnerie, au travers de quelques passages dans de fins éboulis. Une croix en bois visiblement martyrisée par les années signale notre arrivée au col. La perspective s' ouvre alors remarquablement vers le nord, avec la présence inévitable de la Cime de l' Est ( 3177 m ) et de la Vierge ( 2641 m ), tour intrigante élancée vers le ciel et comme dépourvue de toute contrainte physique liée à la pesanteur. Nous profitons de cette halte bienvenue pour jouir d' une vision plus large du cirque et du lac de Salanfe. Le niveau de celui-ci, relativement bas en cette fin de mois de juin, ne devrait pas tarder à monter rapidement suite à la fonte accélérée des névés environnants.

Une sente peu marquée se poursuit vers l' est sur un large dos herbeux, nous donnant l' occasion d' admirer l' abondance et l' extrême diversité de la flore en présence: gentianes, anémones, lotier et doronic se côtoient allègrement et constituent une révision idéale de nos connaissances partielles en botanique. A partir du P. 2323, l' atmosphère de la course change brusquement à mesure que nous nous approchons des pentes supérieures de la Dent du Salantin. Nous suivons dans un premier temps avec attention une crête étroite venant buter subitement au droit d' une brèche verticale profonde, aboutissant à un raide et profond couloir herbeux, lequel semble difficilement franchissable de prime abord. Pour ce faire, nous contournons l' obstacle par la droite et descendons d' environ 50 mètres jusqu' à une vire équipée d' une chaîne, permettant enfin d' accéder au fameux couloir. Nous le remontons scrupuleusement, nous sentant soudain dominés et épiés par d' innombrables bouquetins de grande taille,manifestement rompus à ce type de terrain escarpé! Malgré ces nombreuses et sympathiques présences, le sentiment de solitude s' accroît, et nous prenons conscience du caractère peu fréquenté de cette randonnée, qui lui confère ainsi tout son charme et son côté sauvage. Au terme du couloir, nous empruntons une traversée herbeuse pour atteindre l' arête ouest-nord-ouest, encore peu marquée à cet endroit.

Nous nous élevons par la suite au travers de gazons redressés et entremêlés de rochers, en essayant de trouver le passage le plus approprié. Une zone rocheuse très solide et plus aérienne, avec les précipices de près de 400 mètres du versant nord sur notre gauche, conduit plus haut à une antécime pour le moins trompeuse, à partir de laquelle la véritable éminence est enfin visible une centaine de mètres plus loin. La croix sommitale, posée sur un socle de pierres empilées à la cote 2482.1, est atteinte en quelques minutes par une arête de rochers gneissiques appartenant, du point de vue géologique, à l' ancien massif hercynien des Aiguilles Rouges.

Le point de vue circulaire est exceptionnel, dans la mesure où il se situe à proximité stratégique du coude du Rhône, ce qui permet de visualiser aussi bien les rives du lac Léman que les sommets préalpins, la quasi intégralité du massif du Mont-Blanc, ainsi que la majorité des 4000 mètres marquants des Alpes valaisannes. Malgré la proximité de la plaine et de son agitation perceptible, nous nous sentons retirés, voire même isolés. Nous profitons ainsi de longs instants de quiétude bienvenue conférée par ce sommet presque tombé dans l' oubli, et délaissé au profit de sommets de plus hautes altitude et renommée. A l' issue de cette parenthèse temporelle incitant à la contemplation, voici venu l' instant d' entamer la chemin du retour, où il convient de ne pas descendre trop bas et manquer la sortie du couloir.

Une fois parvenus sur les rives du lac, nous nous promettons d' y revenir prochainement pour en faire le tour. Cette randonnée pourrait en effet permettre de découvrir le bassin de Salanfe sous un autre angle et de bénéficier de la richesse de son patrimoine naturel hors du commun, sous le regard de la discrète Dent du Salentin, dont l' ascension représente une excellente alternative aux sommets plus courus et, à notre sens, parfois trop fréquentés selon les saisons.

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