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L'arête orientale de la Cime de l'Est

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

rPar E. R. Blandief.

( 25 septembre 1934. ) Pour qui, de Plan Névé, a examiné la Cime de l' Est, le parcours de la vire Kussler ( du glacier à l' épaule de l' arête orientale ) et celui de l' arête orientale ( de l' épaule au sommet ) se combineraient en une voie admirable et complète. Du glacier le bas de l' arête ( au-dessous de l' épaule ) est invisible et il est impossible d' y arriver directement de Salanfe.

Depuis des années, le jet vertical de l' arête nous obsédait, Caspar Mooser et moi. Vu de St-Maurice il est comparable aux surplombs de Furggen au Cervin. On a reproché aux alpinistes d' engager leurs guides dans des expéditions périlleuses, on a même imprimé le mot de criminel. Ces censeurs font erreur quand il s' agit d' un Mooser, d' un Armand Charlet ( et de quelques autres ): il n' est pas nécessaire de les y entraîner. L' escalade de la face nord du Cervin a été longtemps l' idée fixe de Mooser. Les frères Schmidt nous y ont devancés.

Accueil cordial à l' Hôtel de la Dent du Midi. L' aimable tenancier, M. Coquoz, ne nous accorde pas tout de suite la permission d' emmener le lendemain jusqu' au glacier, en qualité de porteur, son fils, un garçon de quatorze ans.

Dans certaines maladies héréditaires une génération, parfois, est épargnée. Un chaînon plus avant dans la chaîne de la descendance, on retrouve le mal plus violent, plus rebelle. Le grand-père Coquoz, guide connu bien au delà du Bas-Valais, a transmis à son petit-fils, avec une virulence exaspérée, sa passion de grimper dont le père demeure indemne. Notre hôte, certes, aime ses montagnes. Mais d' un amour platonique. Il n' en goûte pas les périls. Surtout quand il s' agit de son rejeton. Nous le rassurons. Notre expédition — comment diable en a-t-il deviné l' objetexclut la présence d' un troisième compagnon, une fois hors des chemins battus.

A Salanfe, la chère vaut l' accueil. Et les prix sont modestes. II n' est pas d' hôte plus honnête, dans les deux sens du mot.

Mille souvenirs me lient à l' Hôtel de la Dent du Midi. Les plus chers: trois soirées au coin du feu avec Henry Montagnier. Son portrait est accroché au mur. Et de cet hommage au disparu, plus que de toutes prévenances, je sais gré à Coquoz.

4 heures du matin. Fidèle à sa consigne, le patron est venu me réveiller. Il m' engage à reprendre mon somme: la pluie, le vent font rage.

Nouveau réveil à 6 heures et demie et départ à 7. De lourds nuages traînent sur le Col de Clusanfe. Pas de neige fraîche à la Tour Sallière, un instant dégagée.

Deux heures plus tard, nous touchons au glacier. La convexité de son bord inférieur masque le bas des Dents. La victoire des sommets sur les vapeurs fuligineuses ne durera pas. De l' ouest, le vent leur amène des renforts; déjà elles lancent de nouveaux assauts. Une courte rampe, polie comme verre, mais striée, çà et là, de craquelures. Au bout de la côte, Caspi s' est arrêté. Par delà Plan Névé — à l' extrême droite, le glacier commence sa courte chute vers l' est — notre arête se dessine, haute étrave d' un cuirassé, verticale, acérée.

« Attendez encore pour dire notre arête », rectifie Mooser.

Déjà un nuage s' étend sur la Cime.

Au lieu de suivre la vire Kussler, ne serait-il pas plus sage de gagner le sommet par la voie la plus facile? D' y attendre une éclaircie? De risquer la descente des surplombs de Furggen, selon les propres termes de mon guide? Quelques « rappels » aidant, cette façon de résoudre le problème sera plus courte, beaucoup plus courte... Ce plan est adopté.

Le glacier à nu, et à peine crevasse, est vite traversé.

Nous grimpons maintenant dans les rochers, vers le col. Soudain, je pense à la promesse faite au père de notre porteur. Coquoz junior s' est garde de la rappeler. Il nous coûte de le renvoyer. Avant de nous séparer du jeune garçon très déçu, nous déjeunons sur une large vire. Certes, son retour solitaire ne nous cause pas d' inquiétude. Les assises de calcaire — de vrais escaliers — sont solides, peu élevées. Des milliers de grimpeurs les ont nettoyées au passage. Coquoz a le coeur gros. Cette arête, comme il l' a regardée...

Léger comme un chamois, il saute, se coule ou galope. A chacun de ses bonds son sac vide et plat se secoue sur son dos.

Sur les sommets, le voyageur, son sac jeté bas, se hâte à l' ordi de s' asseoir. Mais la spacieuse plateforme qui décapite la Cime de l' Est l' invite à s' allonger. Il est rare de trouver terrasse plus horizontale, plus unie.

Ainsi faisons-nous après un coup d' œil peu instructif et très bref à l' arête naissante. Quelques pas et elle s' abîme dans une mer grise aux remous incessants.

Comme des naufragés hissés sur un écueil, nous sommes assiégés par la houle, une houle silencieuse.

Nous attendrons deux heures, trois heures s' il le faut.

Que faire sur un sommet quand, de toutes parts, la vue est bouchée... Les guides ont la faculté presque animale de pouvoir dormir n' importe où, n' importe quand. Par anticipation ou pour récupérer. Les yeux mi-clos, Mooser ne me répond plus. Discerne-t-il encore les vagues de brumes déferlant par-dessus l' îlot?

Les filins déposés auprès de nous, le marteau d' escalade, les pitons me parlent, en leur langage muet et familier, d' heures précieuses à mon souvenir. Il y a un an, c' était l' aventureuse descente à coups de rappels dans l' inconnu de la face chamoniarde du Pic Albert. Deux jours plus tard, celle de la dernière arête vierge des Alpes Vaudoises 1 ).

Puis, je revois le sommet du Cervin, sous le soleil éclatant du 2 septembre 1929. Les roches, libres de neige, sont chaudes. Nous nous reposons d' une longue montée — nous avions couché au Lac Noir — avant d' attaquer les surplombs de Furggen.

Ce sont les mêmes cordes 2un peu plus longues —, c' est la même angoisse, plus joyeuse cependant, à coup sûr moins patiente.

Souvent, après une incursion dans le passé, je me plais au jeu cruel de rabattre le temps à l' opposé, vers le futur. Ainsi tourne un volet sur ses gonds. Rapide, le temps pivote sur la charnière de la minute présente. En un demi-cercle vertigineux, il vient de m' arracher à 1929, me jette en 1939.

Que restera-t-il de nous dans cinq ans? Un peu de poussière? Deux vétérans aux membres raides, réduits à ressasser des exploits oubliés? Ou bien, grimpeurs impénitents, chercherons-nous encore quelque problème alpin échappé à la fureur croissante de découvrir?

La brume s' est déchirée. Je secoue Mooser. Nous courons à l' arête. Sa structure — un court tronçon incliné, un plongeon profond — empêche tout examen utile. On peut toutefois s' attendre à des ressauts infranchissables. Ils nous rejetteront sur les bords de l' une ou l' autre des faces. Nos regards fouillent le précipice de St-Maurice, à gauche. Puis, à l' opposé, la muraille sud, verticale. Les roches semblent noircies par quelque incendie immense, d' où s' élève encore une fumée épaisse, tantôt courbée sous la brise, tantôt droite. La nuance sinistre passe soudain au gris presque clair: le soleil a failli percer le voile de nuages.

Quel artiste que le brouillard! Sa fantaisie se renouvelle sans cesse. Quand il ne le cache pas, il montre un sujet sous cent aspects inattendus. Il efface un ou plusieurs plans. Il isole un détail, le découpe en ombre chinoise sur l' écran gris. En une seconde surgissent des silhouettes hallucinantes. Puis elles s' effacent. Souvent le brouillard crée un paysage dans le paysage.

Un jour, du pont de St-Antoine en aval de Saas-Grund, nous découvrons à l' ouest, Pierre-Marie Zurbriggen et moi, très haut contre un fond de grisaille, un élégant campanile là où tout à l' heure s' étalait le flanc informe du Balfrin. Ce campanile mystérieux, ignoré des guides de Saas, nous l' avons repéré, photographié et gravi. Mais nous avons failli ne pas le retrouver. Du sud, par où nous l' avons approché, il se présente sous l' aspect d' un poisson aplati et ovale, telle une seiche, dressée en un équilibre risqué * ).

Dans l' éclaircie, nous partons. Je marche en tête. La qualité du roc, détestable dès le début, empire à chaque pas. Je n' ai jamais trouvé crescendo de pourriture plus soutenu. La crête n' est pas en lame de rasoir — ce serait impossible — et sa déclivité peu considérable.

De notre arête, ou de son pied, se sont précipités des écroulements nombreux. Dans ses « Souvenirs d' un Alpiniste » Javelle rapporte le récit des catastrophes de 1635 et 1835. Quant à celle de 1929, on travaille encore à en atténuer les effets, à en empêcher le retour.

Un petit surplomb — on s' en jouerait dans une roche solide — nous oppose, avec son bord fragile, un obstacle infranchissable. A main droite, le dièdre d' une courte cheminée et, au-dessous, une vire, nous permettent de le contourner. C' est par cette cheminée que M. André Martin a achevé sa traversée oblique de la face sud. D' un côté, des prises solides; de l' autre, tout cède, casse ou s' arrache.

La vire est fort étroite, mais sûre. Mooser me suit avec une aisance dont je ne devrais plus m' étonner. Un bombement nous a cache la longue suite de dalles très inclinées traversées par André Martin lors de son exploration solitaire de la face sud. Sur une étendue de 150 mètres il n' a pas trouvé un seul point où l'on puisse assurer un compagnon. « Je refuserais absolument d' y passer encordé », m' a dit ensuite.

L' incertitude du temps, l' heure tardive nous ont empêchés d' aller jeter un coup d' œil sur ces plaques qui méritent à peine le nom de vires. M. Martin serait un virtuose dans l' art de cambrioler les mansardes: quelles espadrilles adhéreraient comme les siennes aux toits les plus glissants? Quel rat d' hôtel saurait mieux se coller à un mur, se confondre avec une paroi?

Nous reprenons le fil de la crête plus raide, plus délitée, au fil grossier.

Plus d' arête. Je suis à l' extrême bord d' un évidement béant. Pour en estimer la profondeur embrumée, il faut attendre le bon plaisir du vent. Il joue avec les nuées, tour à tour les amasse ou les disperse.

Entre deux remous, un instant, nous voyons... Jamais, reliées et doublées nos cordes ne suffiront... Et fussent-elles assez longues, le moyen de se fier à un piton enfoncé dans cette « marchandise du diable », ce « Teufelsdreck »...

On ne prend pas Mooser sans vert. Une nervure pourrie s' enfonce à gauche dans la profondeur de la face est. Seul un fou peut envisager de s' y frayer une voie.

Je ne connais pas d' animateur pareil à Mooser. Sans grand renfort de paroles il persuade par l' exemple. Son calme, son assurance sont contagieux.

Avec lui, l' impossible paraît possible. Ses lourds brodequins valent le sabot du chamois. Et ils détachent moins de pierres. Sous leur pression, la rocaille se tasse et se consolide. Nous sommes deux fous. Va pour la nervure.

Elle diverge peu, cette nervure, de l' axe idéal de la grande arête interrompue. Mais dans ce « peu » tient tout notre espoir.

Les rochers de l' Herrn dans la Vendée, peut-être uniques en leur genre, sont presque inconnus. L' origine de ces rochers en coquilles d' huitres est discutée. La mer autrefois recouvrait cette contrée. L' Illus du 23 février 1935, où l'on trouvera de plus amples détails, contient la photographie de l' un de ces rochers... en exploitation. Rien n' approche de plus près le caractère de notre nervure — que je n' ai pu photographier.

Interminable, cette descente sur des coquilles empilées et mal soudées. Sous l' étreinte, la nervure ondule une fois comme ondulerait une échine animale. Nous suivons tantôt sa crête, tantôt son flanc, dégoûtés tour à tour de l' une comme de l' autre: « Da, wo du nicht bist, ist das Glück. » Caspi s' arrête quand je descends. Je l' attends ensuite. Notre cordée s' allonge ou se rétrécit comme une chenille en marche. Mais l' immobilité est plus dangereuse que la progression: les appuis ne supportent pas une longue pression. Au mépris de traditions prudentes, nous décidons d' avancer simultanément. Le danger ne sera pas plus grand, et sa durée sera réduite. L' aide morale du filin, habile à arracher des saillies ou à s' accrocher, n' est pas contestable: je ne voudrais pas y renoncer, et Mooser lui-même y puise un réconfort.

Avons-nous franchi ainsi un espace de 50, de 60, de 70 mètres? Nous approchons d' une vire engageante: le terme peut-être de cette couche du plus abominable des calcaires.

Le début de la vire — tout à l' heure un trottoir horizontal — plonge, en réalité, comme un pan de toit. Il y a là une descente vers la droite de 7 ou 8 mètres où l' aide de la corde est mieux que morale. Caspi s' offre même le luxe d' un petit rappel. Il faut bien se servir, estime-t-il, de la première saillie inébranlable depuis le sommet pour doubler une corde. Il exagère. Sur le flanc de la cheminée Martin, il y en avait bien deux ou trois.

Nous prenons pied sur une roche saine et rugueuse. La vire, un vrai boulevard 1 ), va nous ramener dans l' axe voulu: un retour vers l' ouest compen-sera la déviation par la nervure. Des moulures cachent parfois un bout de cette corniche en bordure du vide. Tout à coup, elle s' interrompt pour se reformer quelques mètres plus bas, comme une route brisée dans un affaissement de terrain.

Nous voici au point où eût abouti — s' il avait été réalisable — l' immense rappel que la nervure nous a épargné. Les roches évidées qui nous dominent valent, pour leur beauté horrible, celles de Furggen. Mais, en dépit des chutes de pierres célèbres, à Furggen c' est la sécurité en comparaison de ces auvents voués à un écroulement partiel ou total.

A nos pieds, un mur cyclopéen tombe droit sur l' épaule, dont le haut est caché par des bombements. Cette modification de l' arête en large paroi, convexe dans le sens de la largeur, échappe à l' observateur situé à Plan Névé ou à Salanfe: il n' en voit que le profil.

A 80, à 100 mètres de différence de niveau pointe, au delà de l' Epaule, le grand gendarme gravi il y a quelques années par la caravane Kussler-Gafenko. Quant à leur vire, elle demeure masquée.

Une cheminée verticale s' ouvre sur I' abîme: c' est notre voie. Nous descendons, aidés d' un « rappel » nullement nécessaire. Mais cela, nous ne pouvons le savoir par avance et Mooser ne retrouvera pas meilleure occasion d' enfoncer un piton. Et puis, ainsi, il pourra s' assurer, s' il doit se livrer à un nettoyage périlleux. Il prend la tête, disparaît. Si je ne le vois plus, je l' en... Fracas d' un bloc énorme, jeté par le ramoneur. Un nuage de poussière monte lentement et s' éploie. A gauche, à droite, dans la roche d' un gris bleuté ou ocre, des droites verticales ou horizontales marquent des intervalles entre des cubes et des parallélépipèdes colossaux, empilés au fil à plomb en un tout sans défaut.

A cette cheminée de 20 mètres succède une cheminée de même longueur, tout aussi raide. Nous la descendons avec les mêmes artifices.

Après, la paroi bombe au point de rendre indispensable un troisième rappel. Impossible de voir où nous atterrirons. Si le bas de l' épaule se montre fort grossi par le rapprochement, son sommet est invisible. L' épaule, nous le savons, est très inclinée. Le trajet qui nous en sépare ne peut donc être long.

Mooser sous-estime volontiers les différences de niveau. Son « voyageur » les exagère. Le Dr Tant Mieux et le Dr Tant Pis. Comme toujours dans notre caravane, le Dr Tant Mieux l' emporte.

A Dieu vat. Nous ramenons le filin. Pas de piton cette fois. Un anneau de chanvre ceindra ce bloc dressé au bas de la cheminée comme un saint dans sa niche. Le bloc est fendu en largeur, de part en part... Faute d' espace, impossible de glisser l' anneau entre sa partie inférieure et le roc essentiel. Le poids du demi-bloc supérieur l' empêchera de basculer sur son socle quand les 90 kilos de Mooser y seront suspendus?

L' un après l' autre nous appliquons l' art de se rendre léger. Je me rappelle avoir vu un guide placer dans son sac, à cette seule fin, les objets qui alour-dissaient les poches de sa veste.

Tout en dévalant, je me plais à suivre du regard les traits clairs qu' ont traces, comme la craie sur l' ardoise, les clous très neufs de Caspi. Je m' efforce à en tracer de pareils, parallèles. La roche surplombe pourtant, les pieds ne la quittent pas.

A l' aide du filin rappelé, nous estimons cette dernière voltige à 20 mètres, elle aussi.

« Plus à l' est, fait Caspi, nous aurions sûrement trouvé un passage meilleur. Ici, des singes eux-mêmes ne pourraient se hisser. » J' ai hâte, non de m' en assurer, mais d' en finir, de retrouver Salanfe dont la tache verte tantôt nous est apparue ensoleillée.

Le long, et à gauche, d' un promontoire escarpé nous dévalons, bien agrippés. Quinze mètres de varappe et, par une tranchée étroite et horizon- taie, nous traversons à droite ( ouest ). Nous sommes au sommet d' une grande dalle raide et lisse à la croire savonnée. Elle domine la vire Kussler.

A demi coincés dans l' angle formé par la rencontre de la dalle et du flanc du promontoire, nous frottons avec ardeur du dos, des fesses et des cuisses.

La vire nous prit une heure, tantôt large, tantôt étroite, entamée ici par une ravine, là, barrée par une nervure, inclinée partout, difficile nulle part.

A 19 heures, nous retrouvons les Coquoz père et fils. Notre hôte est ému. Il nous a tenus au bout de sa lunette. Chose étonnante, il a vu le bloc bondir, le nuage de poussière s' épaissir et s' étendre.

Le garçon, lui, ne dit rien. Dans ses yeux se lit le regret, un regret intense, de n' avoir pas été des nôtres. Patience, jeune Coquoz. Dans quelques années, promu guide, vous volerez peut-être vers le pied de l' Himalaya. Supprimant la distance, l' avion aura ressuscité sous la forme la plus belle l' alpinisme des premiers jours.

Mieux vaut être fêtés aujourd'hui après la traversée de la Cime de l' Est par l' enthousiaste M. Coquoz — ah! le délicieux Asti — qu' autrefois par l' hôtelier champérolienpour quelque ascension à la Haute Cime. Au moment de l' arrivée au sommet un coup de mortier saluait l' exploit du Tartarin d' avant la lettre. Le coût de la poudre était porté sur la note, présentée au retour du vainqueur.

Au début d' octobre, nous avons attaqué l' arête en sens inverse.

Nous parvînmes très tard à pied d' oeuvre. L' escalade des premiers mètres — le passage dont Mooser affirmait l' existence — fut laborieuse. Pitons, mousquetons, tractions effectuées d' en bas pour assurer l' équilibre du « leader », libérer ses mains, tout fut employé. Impatienté, Mooser redescendit pour porter les recherches ailleurs, quand il eût fallu persévérer. Des efforts acharnés eurent pour seul résultat de nous mettre en très mauvaise posture. Nos ressources d' équilibristes les plus variées, notre bonne fortune nous ramenèrent harassés au point de départ.

Plus de deux heures avaient passé. Notre « mordant » s' était usé sur les durs rochers.

Un an plus tard, deux Salvanins accomplissaient la première ascension: René Coquoz, Georges Décaillet. L' aubergiste de Salanfe m' écrit: « Ils ont emporté huit pitons à boucles, huit fiches; les deux ensemble ont été employés 40 à 50 fois — ils ont employé les deux sortes de pitons, la moitié pour assurer, le reste pour la montée directe. Ils y ont laissé cinq fiches et un piton marqué: Mce Coquoz, fabricant de piolets à Salvan. » — Voilà les vrais vainqueurs de l' arête est.

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