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Le marteau du professeur James Forbes

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Durant les mêmes années 1840-1845 où Agassiz et ses compagnons poursuivaient leurs observations sur le glacier de l' A ar, le professeur James Forbes étudiait les phénomènes glaciaires sur la Mer de Glace. Dans son livre In the Rain and the Sun, le grand voyageur et alpiniste Right Honourable L. S. Amery cite une lettre amusante d' Alfred Wills, dont l' ascension du Wetterhorn en 1854 passe pour marquer le début de l' alpinisme anglais et des grandes conquêtes alpines. Cette lettre date de 1910.

«... En 1857 je passai sept semaines à et autour de Chamonix. J' avais engagé comme guide Auguste Balmat, qui avait été au service du professeur J. Forbes pour l' assister dans ses longues recherches et observations scientifiques sur le mouvement et la nature des glaciers. Esprit vif et intelligent, Balmat avait acquis au cours de cette campagne de sérieuses connaissances sur la théorie des glaciers, et comme le sujet m' intéressait aussi, nous en discutions longuement. Un jour que nous remontions la Mer de Glace je dis à Balmat: ,Je me demande si quelqu'un a jamais essayé de mesurer l' épais de la couche de glace sur laquelle nous marchons.,Oui ', dit-il ,en 1843 le professeur Forbes a attaché son marteau de géologue à l' extrémité d' un peloton de ficelle et l' a laissé descendre dans le Grand Moulin un grand puits que l'on trouve toujours à certain endroit du glacier et qui reçoit toute l' eau de surface du glacier dans un vaste rayon. En été, par temps chaud, c' est une vraie cataracte qui s' y précipite avec un bruit assourdissant. On pense que ce „ moulin " va jusqu' au fond, et il y a toutes raisons de croire que c' est le cas. Il avait déroulé plus de 120 mètres de ficelle lo:pque celle-ci se rompit et... Monsieur, nous ne reverrons jamais ce marteau-là. ' Je n' avais pas fait vingt pas plus loin sur le glacier, lorsque j' avisai un marteau gisant sur la glace. ,Eh! Balmat, qu' est que ceci? ' Balmat le prit dans sa main et le considéra longuement. .Monsieur, ça, c' est le marteau de Mr. Forbes. ' Bref, j' écrivis au professeur Forbes pour lui raconter la chose et il m' invita à aller le voir à Edimbourg, ce que je fis pendant les vacances de Pâques de 18... Il va sans dire que je pris le marteau avec moi. Après le dîner, comme nous bavardions dans son bureau, je lui dis: ,Une des raisons de ma visite, professeur, est de vous rendre un objet qui vous appartient, si c' est bien celui-ci. ' Il l' examina longuement et dit: ,Oui, il n' y a pas de doute, c' est le marteau que j' ai perdu dans le Grand Moulin de la Mer de Glace, et je vais vous faire voir son frère. ' Il ouvrit un placard d' où il rapporta la réplique exacte de l' outil.

L' incident I' intéressa vivement, car cette trouvaille apportait une confirmation éclatante à sa théorie des mouvements internes du glacier et du chevauchement des nappes de glace, ainsi que de la vitesse et la direction de ces mouvements. Lorsque je trouvai le marteau, il devait avoir réapparu à la surface depuis fort peu de temps, quelques jours au plus, car il gisait à plat sur la glace, le manche de frêne décoloré et blanchi, la tête de métal sans une tache de rouille. Il faisait très chaud et si l' outil avait été exposé plusieurs jours au soleil, la chaleur aurait fondu la glace autour du métal en forme d' écrin, comme cela arrive avec les cailloux; mais il n' y avait rien de semblable. » ( L. S. Amery, In the Rain and the Sun, London 1946, pp. 53-54. )

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