Le Mont Ruan, un belvédère ignoré. A la découverte des Hautes Alpes calcaires | Club Alpin Suisse CAS
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Le Mont Ruan, un belvédère ignoré. A la découverte des Hautes Alpes calcaires

A la découverte des Hautes Alpes calcaires

Le Mont Ruan, un belvédère ignoré

Des Dents du Midi, à l' ouest, au Balmhorn, à l' est, les Hautes Alpes calcaires, massifs aux allures désertiques, reçoivent peu de visites, malgré les nombreuses possibilités de courses qu' elles recèlent. Première étape d' une présentation plus vaste de ces sommets à tort délaissés, le Mont Ruan ( 3054 m ) se dresse tout à l' ouest – une course d' alpinisme facile.

Commençons notre voyage au Mont Ruan, sur l' arête frontière avec la France, à l' ouest du Valais. Ce belvédère, autrefois réputé, se tient en sentinelle à l' ex nord du lac d' Emosson, dont le barrage voit affluer chaque belle journée d' été une foule de visiteurs. Mais il suffit de s' éloigner un peu du mur de béton pour retrouver quiétude et silence. Car le flux des randonneurs est dirigé en grande majorité vers le lac du Vieux Emosson et les célèbres traces de dinosaures.

Une approche originale pour une cime insolite Octobre s' est posé sur la montagne, habillant ses hauteurs d' un drap de velours d' une blancheur immaculée. Nous partons de bon matin, avec le projet de rejoindre le Mont Ruan, puis de parcourir la crête frontière jusqu' au Pic de Tenneverge, avant de revenir au lac d' Emos. Une route carrossable permet de gagner l' extrémité du plan d' eau, d' où nous débuterons notre course, à vélo! Plusieurs kilomètres ainsi avalés nous mènent à pied d' œuvre. Par mesure de précaution, nous avons emporté une corde et nos crampons. La course se fait pieds au sec à la belle saison, mais les conditions du jour pourraient nous jouer de mauvais tours. En empruntant le sentier qui fait suite à la route, nous constatons très vite que nous entrons dans un monde à part. Sur ses bords, le marquage en partie effacé par le temps témoigne de ce passé reculé où la montagne était encore courue. A travers une muraille de dalles En remontant en direction du col de la Tour Sallière, les lueurs annonciatrices de l' aube peignent derrière nous avec douceur les décors dominant le lac. Les ravines de la Pointe de la Finive s' ani, tandis que les eaux du lac servent de décor au ballet de quelques cirrus. Comme nous atteignons les moraines du glacier des Fonds, la longue muraille du Mont Ruan se dessine devant nous. Nous devons y trouver une faiblesse, afin de rejoindre l' arête sommitale. Par conditions « normales », il ne doit y avoir là guère de difficultés, mais avec la neige qui recouvre les dalles, l' affaire paraît moins aisée.

Au pied des premières dalles, nous pensons pouvoir suivre une ligne neigeuse jusqu' à l' arête. Toutefois, certains ressauts semblent devoir nous contrarier un peu. Gravissant les premières pentes, peu inclinées, nous prenons confiance. La neige est en partie transformée et nous ne devons pas fournir d' efforts surhumains. L' itinéraire se trace assez naturellement et nous atteignons le premier étranglement sans difficulté. Un étroit goulet, en partie enneigé, nous force à ralentir. Rien d' insurmontable, mais la corde va s' avérer utile... Un peu plus haut, nous nous trouvons au niveau de la vire aux Loups, une longue bande prenant en écharpe presque tout le versant sud et conduisant au pied d' une arête juste à l' aplomb du point culminant. Malgré le caractère apparemment direct de cette alternative, nous préférons continuer sur notre chemin, ne sachant quelle confiance accorder à la stabilité de la neige sur les dalles de cette vire.

« Panorama de tout premier ordre » Après quelques mètres relativement peu agréables – dalles recouvertes de gravier et légèrement poudrées – nous débouchons sur le faîte. Au spectacle déjà merveilleux des décors cernant le lac

Pho to s: St éph ane Ma ire LES ALPES 12/2001

d' Emosson au sud, s' ajoutent les paysages de la Savoie et du Chablais suisse. Les derniers mètres nous offrent un vrai régal, malgré leur exposition: un faux pas ici s' avérerait probablement fatal. Superbe ligne que ce fil neigeux tendu contre le ciel! A l' ouest, les Dents Blanches prolongent la frontière. Face à nous, la Tour Sallière et à l' arrière les Dents du Midi. Au loin, quelques géants valaisans et un peu plus près de nous, le massif du Mont-Blanc. « Panorama de tout premier ordre », lit-on au sujet du Mont Ruan dans le guide du CAS couvrant la région. Difficile de prétendre le contraire! Comme nos projets doivent encore nous mener au Pic de Tenneverge, nous ne tardons pas à revenir sur nos pas.

Savoir renoncer La descente jusqu' au col du Ruan est belle à souhait. Les difficultés peu nombreuses nous permettent en effet de profiter des décors grandioses. Le tableau que peint le lac d' Emosson nous transporte dans les cordillères andines: lagune turquoise, versants vertigineux, colorés par endroits de gazons roussis, puis neiges aveuglantes des hautes altitudes. Tout en nous émerveillant, nous gardons un œil sur la suite de l' itinéraire. Les pentes inclinées du Mur des Rosses que nous devrions emprunter dans l' im ne nous rassurent pas. Mais surtout, la méconnaissance des difficultés semées le long de l' arête qui lui fait suite nous pousse à renoncer. Nous reviendrons... D' ailleurs, le retour jusqu' à nos vélos ne va pas sans mal: il nous faut ruser pour trouver un chemin ramenant à l' extrémité du lac, sans nous exposer inconsciemment. Des dalles en escaliers couvertes de neige nous donnent du fil à retordre.

Sur la trace de nos ancêtres Approchant ces cimes presque oubliées ce matin, nous venions chercher paix et solitude. Nous avons trouvé tout cela et bien plus encore. Marcher sur les traces de nos ancêtres est un plaisir que nous ressentons tous. Ouvrir une voie, tracer son itinéraire reste réservé aujourd'hui à

Le sommet du Mont Ruan offre un coup d' œil magnifique sur le lac d' Emosson En montant au Mont Ruan, les premiers rayons du soleil éclairent le Mur des Rosses LES ALPES 12/2001

une minorité de grimpeurs de haut niveau. Autant revenir alors sur ces chemins délaissés, qui disparaissent parfois des cartes entre deux éditions. Pour simplement ressentir l' impression d' être le premier homme à passer en ces lieux.

Informations générales Cartes et guides

CN 1: 25 000, Barberine 1324 Préalpes franco-suisses, Pierre Bossus, éditions du CAS, 1979. La course décrite correspond aux itinéraires n os 670 et 703.

Dénivellation/difficulté/matériel

La dénivellation de l' ascension est d' environ 1100 m et sa cotation de difficulté F. On s' attendra néanmoins à des difficultés supplémentaires en cas d' enneigement. Dans ce cas, une corde et des crampons peuvent s' avérer utiles. L' absence de refuges dans la région n' est pas gênante, l' ascension se faisant dans la journée. La route carrossable de la rive gauche du lac, conduisant à son extrémité, permet de gagner un temps pré-cieux. a

Stéphane Maire, Champex De la crête sommitale du Mont Ruan, vue sur les Dents du Midi Après avoir gagné l' arête sud du sommet, nous contemplons les paysages de Haute Savoie Le panorama qui s' ouvre du sommet du Mont Ruan vers le Chablais français et le Jura est exceptionnel Pho to s: St éph ane Ma ire Du glacier des Fonds, vue vers Emosson et le massif du Mont-Blanc LES ALPES 12/2001

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