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Le Mont Sneffels - A ski dans les Montagnes Rocheuses

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

A ski dans les Montagnes Rocheuses

Peter Zvengrowski, Calgary ( Alberta )

A ski dans les Montagnes Rocheuses Un certain nombre de terrains de ski ont donné à l' Etat américain du Colorado une renommée mondiale. On sait moins que le Colorado possède aussi plus de soixante sommets de quatre mille mètres. La chaleur et la sécheresse du climat permettent à la forêt de croître jusqu' à une altitude de 3600 mètres, et on ne peut guère parler de glaciers. La plupart des montagnes sont sans intérêt pour l' alpiniste en été, mais elles offrent en hiver de nombreuses occasions pour des courses à ski dans une splendide neige poudreuse.

Le Mont Sneffels dans le sud-ouest du Colorado, est, avec ses 4240 mètres d' altitude, parmi les sommets les plus imposants du pays. Son nom a été tiré du roman de Jules Verne: Voyage au centre de la Terre.

Au début de février 1970, une première tentative pour atteindre ce sommet ne nous réussit pas.

Environ quatre semaines plus tard, Chuck Cooper, Laura Jasch et moi prenons un week-end prolongé pour un second essai. Comme nous habitons l' Illinois, il nous faut d' abord parcourir 2250 kilomètres de route. Le jeudi 12 mars est le jour du départ: nous quittons Chicago à 18 heures, à l' heure de pointe, et après 24 heures d' auto nous arrivons au petit village d' Ouray, dans le sud-ouest du Colorado. Le village se trouve à 2200 mètres, dans une vallée très romantique, bien loin du tourisme de masse et de son bruit. Les habitants ont appelé l' endroit « la Suisse américaine ».

En hiver, on ne rencontre pas un seul touriste. Nous trouvons à nous loger dans un motel où, pour une cuisine, une chambre à manger, deux chambres à coucher et des toilettes, nous ne déboursons que 8 francs par personne à cette saison. Mais il aut s' annoncer au shérif.

Pendant que Laura nous cuit un souper délicieux, Chuck et moi équipons l' auto de chaînes à neige, car les 1 o kilomètres qui conduisent à la mine de Camp Byrd passent par une route raide, étroite et glacée. Après le repas et avant de nous endormir, nous bouclons les peaux de phoque sur les lattes, préparons les sacs et entassons tout le nécessaire dans l' auto.

Il ne nous reste que quatre heures de sommeil jusqu' au réveil, fixé à 1 h 30, et, après un déjeuner rapide, l' aventure peut commencer. La situation météorologique est très instable, mais, pour l' ins, le ciel est encore clair. Ma vieille Rambler parcourt la route de la mine en première vitesse et sans incident. Dans la nuit, on ne voit heureusement pas la raideur de la paroi du canyon qui borde la route. A un endroit, on traverse les restes d' une avalanche vieille de deux semaines, on il a fallu creuser un tunnel, et les murs de neige hauts, de 15 mètres prennent une allure fantomatique dans la lumière des phares.

Le Camp Byrd est une mine située à 2800 mètres, d' où on extrait, toute l' année, du cuivre, de l' or, de l' argent et du plomb. Comme l' endroit est aussi riche en chiens de garde, nous sortons de l' auto dans un silence presque parfait.

1Arête est du Sneffels aux premières lueurs du jour, vue de Yankee Boy Basin 2 Montée de Yankee Boy Basin. Derrière, à droite, le Stony Mountain 3Vue de l' arête est du Sneffels 4Stalactites de glace au-dessus de Camp Bird Mine 5Descente du Plateau. A l' arrière plan: le Potosi Peak Photos P. Zvengrowski, Calgary 1 7, 0 Gilpi Peak 4160 Bientôt les peaux crissent sur la neige durcie par 15 degrés sous zéro. La lune est déjà couchée, mais les étoiles éclairent si bien le chemin que nous n' avons que rarement à allumer nos lampes frontales.

Au bout de deux heures, on aperçoit les premières lueurs du jour. L' imposante Stony Mountain nous domine de haut. J' essaie d' oublier que son sommet, qui d' ici semble extraordinairement élevé, est encore sept cents mètres plus bas que notre but. Nous marchons sans arrêt, mais le froid s' infiltre dans nos membres. Bientôt pourtant, le Mont Sneffels et son voisin, le Mont Gilpin, brillent sous les premiers rayons du soleil. Nous pénétrons dans le bassin du Yankee Boy, vallon ouvert où nous faisons une courte halte avant de reprendre la montée dans une poudre merveilleuse. Dès que les rayons solaires nous touchent, il faut enlever les pullovers. Assez raide, l' itinéraire dépasse les derniers arbres, et nous atteignons, à 3600 mètres, un plateau entre le Mont Gilpin et le Mont Sneffels. Le vent devient si virulent qu' il faut remettre les habits chauds. Je fais la trace jusque près d' une bosse, à l' abri de laquelle nous pouvons déguster une pause en même temps qu' un second déjeuner.

A 11 heures, nous sommes de nouveau sur les planches. Le chemin conduit dans un grand couloir exposé au soleil, où le thermomètre marque 18 degrés, et où la neige devient lourde et pénible.

Parvenus près de l' arête est, nous abandonnons les skis et nous encordons. Comme il est difficile de faire la trace, nous nous relayons souvent en tête. Laura est la première à mettre le pied sur l' arête. Nous nous traînons comme des escargots dans un étroit couloir incliné à 40 degrés, où la neige nous monte souvent jusqu' aux cuisses et où chaque pas demande une incroyable dépense de force.

Mais même les escargots avancent, et ce perfide couloir a une fin. Nous ne sommes pourtant pas encore au but: à 40 mètres sous le sommet, nous ne trouvons simplement plus moyen de continuer. Je dois essayer de tourner les rochers par la gauche. Chuck m' assure, pendant que je täte les prises enneigées et que je déblaie quelques cailloux branlants. Les vingt mètres suivants ne se laissent franchir qu' avec prudence. Chuck et Laura me rejoignent, et la fin se présente comme une belle escalade sur une arête cornichée.

Nous l' avons atteint, notre sommet, et nous pouvons jouir de la vue par une température agréable; pourtant le ciel s' est déjà voile - un mauvais signe.

Il est z 6 heures, le temps de rentrer. Heureusement, tout est maintenant plus facile, et nous rejoignons rapidement nos skis. Descente! Les pentes sont parfaites - mais plus nos jambes. Nos genoux fourbus tirent péniblement quelques stemms. Laura souffre de plus d' un coup de soleil carabiné, et bientôt il fait si sombre que nous préférons porter les skis sur l' épaule pour la plus grande partie du trajet.

Plus bas, dans les forêts de Yankee Boy, nous faisons halte, endossons nos vestes-duvet, et nous endormons immédiatement. Au bout de deux heures, le vent nous remet sur nos jambes. Le ciel est maintenant couvert. Les minutes sont comptées: au moment où nous arrivons à l' auto, les premiers flocons dansent dans l' air. Mais ils peuvent danser tant qu' ils veulent. Nous ne pensons plus qu' aux lits chauds et moelleux qui nous attendent au motel.

Dimanche matin, il neige à Ouray. La propriétaire du motel se réjouit presque autant que nous de notre succès. Mais il ne nous reste guère de temps pour le fêter; nous devons entreprendre aussitôt le retour en Illinois, et, durant ce parcours, la tempête nous poursuit jusqu' au Kansas, au point que ce trajet devient très pénible et nous vole notre temps.

Nous ne nous retrouvons à la maison que le mardi - et encore une heure en retard pour le travail. Mais nos pensées retournent sans cesse à notre aventure et nos difficultés dans l' hiver ensorcelant des Rocheuses du Colorado.

Traduit de l' allemand par Pierre Vittoz

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