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Le Simien Mountains National Park Trek dans les hauteurs éthiopiennes

Le Simien Mountains National Park est l’une des fierté de l’Ethiopie car il est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Composé de falaises plongeant à pic, les Simien Mountains abritent également une végétation originale et des animaux surprenants.

Après un bref passage à Adis Abeba, la capitale éthiopienne, j' atterris à Gonder, la ville la plus proche des Simien Mountains. Un séjour de quelques jours s' impose, tant l' endroit est agréable. Située à plus de 2000 m, Gonder fut la capitale de l' empire abyssin au XVII e siècle. De très belles constructions témoignent de cette époque. De plus, on est en janvier et j' assiste à de spectaculaires cérémonies religieuses. En effet, la majorité des Ethiopiens étant chrétiens orthodoxes, l' Epiphanie est pour eux encore plus importante que Noël. La célébration du Timkat ( « Epiphanie » en amharique ) dure trois jours, au cours desquels les prêtres en costume d' apparat parcourent les rues, accompagnés de tambours et d' autres instruments. Parmi les touristes, je rencontre Ben et Kevin, avec qui je ferai équipe pour le trek.

 

De Gonder, trois heures de route sinueuse nous mènent au seuil des montagnes, à Debark, point de départ du trek. Au bureau du parc national, nous obtenons de bons conseils et le permis de trekking. Bego, un guide qui parle anglais et connaît très bien la faune, la fl ore et les points de vue du parc nous accompagnera. Deux muletiers et deux mules seront également de la partie. On nous impose un « scout » portant une kalachnikov, « pour la sécurité ». Quelle sorte de danger nous guette? Nous n' obtiendrons pas de réponse claire. Notre accompagnateur, un soldat à la retraite, semble bien inoffensif: plusieurs fois, fatigué, il fera porter son arme par un adolescent qui parcourt un bout de chemin avec nous. Son fusil est tout de même chargé.

 

Nous quittons Debark, son trafic et sa poussière, pour cheminer dans les pâturages puis remonter le long d' une petite rivière. Partis à 14 heures, nous atteignons Buyit Ras, 3230 m, le site de notre premier campement, juste avant le coucher du soleil. Nous sommes au bord de l' es nord, une falaise vertigineuse qui interrompt brutalement le plateau. Des centaines de mètres plus bas se trouvent les basses terres: la vue est spectaculaire! La randonnée dans les Simien Mountains a de quoi dérouter l' alpiniste habitué aux Alpes. La structure même des montagnes est radicalement différente: on ne marche pas dans des vallées entourées de sommets, mais sur un plateau bordé de falaises plongeant à pic. Contents d' avoir quitté la ville, nous montons les tentes. La cuisine se fait au feu de bois. Il nous est interdit de ramasser du bois mort, mais on peut acheter de l' eucalyptus. Cette espèce importée supplante les essences locales et on peut donc la couper. C' est pour nous l' occasion de rencontrer les habitants du parc et pour eux, celle de gagner un petit revenu. De plus, la température ayant chuté, tout le monde apprécie la chaleur du feu.

 

Le lendemain, nous longeons le bord du plateau et jouissons d' une vue extraordinaire sur le sommet des falaises. Des aiguilles effilées se détachent des parois au-dessous de nous. Le paysage est dominé par la couleur fauve de la végétation assoiffée et le bleu du ciel sans nuages. Une curiosité locale nous attend sur des terrains herbeux: une troupe de babouins gelada ( Theropithecus gelada ) en train de brouter. Il y en a des dizaines et ils ne semblent pas dérangés par notre présence, ce serait même plutôt le contraire! Les mâles sont énormes, musclés, hirsutes et... un peu effrayants. Ils ont sur la poitrine une zone de peau écarlate, sans poils, caractéristique de cette espèce. Fascinés, nous les observons longtemps avant de continuer jusqu' au Geech Abyss, un magnifique cirque de falaises où tournoient de nombreux rapaces. Nous sommes en pleine saison sèche et la rivière qui chute dans le précipice n' est qu' un mince filet d' eau. A la saison des pluies ( de mai à octobre ), la cascade doit être spectaculaire. Malgré tout, l' endroit nous impressionne et nous nous imprégnons de cette ambiance de bout du monde. L' après, nous traversons une zone où le sol dépourvu de végétation est richement coloré par des minéraux d' origine volcanique et arrivons enfin à Geech Village, 3600 m, où nous campons. Après une douche glaciale, nous montons sur le sommet voisin, du nom de Kededit, 3875 m, pour admirer le coucher de soleil, avec le passage d' une troupe d' ibis en prime.

 

Après avoir déjeuné dans le froid glacial du petit matin, nous cheminons parmi les lobélies géantes, typiques de la végétation afro-alpine, et atteignons rapidement Imet Gogo, 3926 m, un point de vue qui justifie le trek à lui seul. Nous sommes sur un promontoire dressé au-dessus des basses terres et la vue à 360° est imprenable. Pendant que nous identifions au loin le Ras Dejen – le plus haut sommet d' Ethiopie avec ses 4533 m –, un gypaète barbu, le même que ceux de nos Alpes, nous survole majestueusement. Plus loin, nous avons la chance d' apercevoir un groupe de bouquetins ( Capra walie ), une espèce menacée par la disparition de son habitat et qu' on ne trouve que dans le Simien Mountains National Park. Ils broutent sur une pente abrupte au pied de la falaise au-dessus de laquelle nous marchons. Nous atteignons le point culminant de notre parcours, le sommet Inatye, 4070 m. Nous nous y reposons, sous l' œil d' un volatile au bec imposant, avant de descendre à Chenek, 3620 m, un campement plutôt fréquenté, car accessible en véhicule tout-terrain.

 

Pour le retour, nous quittons l' escarpement et descendons à travers une zone cultivée. C' est la période des moissons, tout le monde travaille aux champs. Il n' y a pas de machines, seulement des chevaux qui tournent en rond sur du tef pour l' égrener. Cette céréale, qui ne pousse qu' en Ethiopie, sera moulue en farine puis mélangée à de l' eau. Une fois fermentée, cette pâte sera cuite en crêpe. C' est le plat national: l' injera. Nous faisons halte à Ambaras, le village de notre guide Bego, pour la cérémonie du café. Nous pé nétrons dans une grande hutte ronde avec un toit de chaume, un foyer au sol, pas de cheminée ni de chambre. Huit personnes dorment sur une mezzanine, alors qu' un âne, un chien et des poules occupent le rez-de-chaussée. Nous nous observons mutuellement, intrigués que nous sommes les uns et les autres. Les voisins, enfants et adultes, accourent pour voir les « faranjis » ( étrangers ) de passage. Après trois tasses de café éthiopien ( fort ) savoureux, nous mar -chons à bon rythme et parvenons rapidement à Sankaber, 3250 m. En allant chercher de l' eau, nous tombons nez à nez avec une superbe antilope rayée ( Tragelaphus scriptus meneliki ), deux petits dik-dik ( Mon-doqua kirkii ) et un oréotrague ( Oreotragus oreotragus ). Quel spectacle inattendu que les cabrioles de ces antilopes à quelques mètres de nous! Le lendemain, nous retournons sur nos pas et rejoignons Debark. Bien que nous nous trouvions dans une zone habitée, la chance nous sourit encore une fois. Sous nos yeux ébahis, un couple de chacals traverse tranquillement une clairière! Ce sera la dernière image que nous emporterons de ce trek riche en rencontres aussi diverses que surprenantes.

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