Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses
RAPPORTS ANNUELS
créés en 1880 par f F.A. F OREL.
Quarante-quatrième Rapport — 1923.
rédigé par le Dr Paul-Louis Mercanton, professeur à l' Université de Lausanne.
CXLV. Coulées de blocs et mouvement du pierrier.
Les glaciers, qui font l' objet de ces Rapports annuels, sont sans doute la manifestation la plus grandiose et la plus frappante que la nature alpine nous offre d' une masse solide, homogène, se déformant, s' écoulant, « fluant », en un mot, sous l' effort continu de son propre poids. On a beaucoup discuté et l'on discutera encore des modalités intimes de ce « mouvement », où l'on est tenté de voir trop un apanage du seul glacier. C' est pourquoi il ne faut pas manquer de mettre aussi en lumière les faits qui, en dehors de lui, apparaissent comme une généralisation du « mouvement ». De ce nombre sont, en première ligne, la marche des coulées de blocs du Parc national suisse, observée par MM. E. et A. Chaix, puis la descente lente du pierrier de Saleinaz, étudiéeparle chroniqueur. Je vais donc exposer ici brièvement cet ensemble de faits:
A. André Chaix: Les coulées de blocs du Parc national suisse.
Les géographes ont observé en divers lieux et décrit à plusieurs reprises de singuliers accidents de terrain constitués, dans leur essence, par des amas de détritus pierreux animés d' un mouvement lent de descente, assez vif toutefois pour conditionner en dernier ressort la forme de l' amas. Cette forme rappelle à un tel degré celle d' un glacier de montagne que les morphologues américains ont appelé ces masses mouvantes des « Rock-glaciers », dénomination impropre au fond mais parlante. Nous lui préférons, avec MM. Chaix, l' appellation: coulée de blocs. MM. Emile et André Chaix, de Genève, ont en effet retrouvé, dans le Parc national de l' Engadine, quatre de ces singuliers appareils, admirablement développés. Avec un zèle et une tenacité — que seul celui qui a parcouru les solitudes, dénuées de sentiers et d' abris, du Parc, appréciera équitablement —, en passant des semaines sous la tente, MM. Chaix ont réussi à obtenir, par la cartographie et la chambre noire, une image complète de deux de ces coulées, celles des Val Sassa et de l' Acqua et à en reconnaître deux autres, dont la superbe coulée du Val Tantermozza que nos planches hors texte représentent. Il est bien difficile de résumer la description de M. Chaix; je vais l' essayer cependant:
De loin les coulées se présentent comme le ferait la langue d' un glacier alpin dont un revêtement morainique masquerait complètement la glace. On y retrouve, en effet, front, flancs et racine d' une telle langue. Dans tous les cas observés, cette racine paraissait s' enfoncer sous la nappe blanche de névés, véritables collecteurs glaciaires souvent, qui garnissent à demeure les cirques rocheux en amont des coulées, au fond des vallées qu' elles occupent. A vol d' oiseau, on dirait d' un glacier dont le collecteur serait de neige et le dissipateur de biocaille. La coulée serpente avec le talweg comme le vrai glacier et ses flancs, surtout dans les parties basses, sont de véritables talus, raides et dominant le terrain extérieur de 10, voire 20 m. Près de la racine, cette proéminence s' atténue, la coulée s' appuyant là, semble-t-il, à d' anciennes moraines latérales laissées par le glacier d' amont en retrait. C' est le cas notamment dans le Val Sassa.
Le front est la partie la plus typique de la coulée. C' est un talus très raide raccordé par une arête nette avec le dessus de la nappe, arête dominant le talweg de 20 à 25 m. La surface du talus est régulière; elle présente de petites plages comme d' arrachement, et sa teinte est plus sombre que celle du reste de la coulée. Elle aboutit aussi par un angle net au terrain extérieur et un liseré de gros blocs épars souligne le raccordement. Ce sont des blocs que leur grande masse a fait rouler plus loin que la menue pierraille. Cette disposition générale et ces particularités révèlent que la face de la coulée est en perpétuel remaniement, comme si elle avançait. Cela fait penser invinciblement à une coulée de lave peu fluide poussant devant elle sa carapace écailleuse de scories. MM. Chaix n' ont pas jugé expédient de tenter la mesure de cette avance présumée, mais ils ont placé des chaînes de repères à travers les deux coulées des Val Sassa et de l' Acqua, à leur surface supérieure. Ces chaînes, contrôlées depuis 1918, ont marqué un mouvement très notable et distribué comme chez un vrai glacier ou un cours d' eau. La vitesse a été maximum dans la région médiane, avec très peu de différence d' un repère à l' autre; sur les bords, la diminution a été rapide, comme chez le glacier. Les repères centraux de la coulée du Val Sassa ont marché vers l' aval à la vitesse moyenne de 1,3B mètre par an; les chiffres extrêmes ont été 1 et 1,4 m/an. Quant aux repères marginaux, leur vitesse moyenne n' a été que de 0,7 m/an.
Les mesures du Val de l' Acqua ont donné des valeurs du même ordre. L' examen de la surface supérieure de la coulée trahit d' ailleurs l' existence du mouvement: c' est un système de bourrelets en arcs, centrés sur l' axe longitudinal de la coulée, et convexes vers l' aval, de rides parallèles aux bords de la coulée, de simulacres de crevasses transversales. En outre, quelques apparences karstiques font supposer des effondrements lents et la présence en profondeur de restes de glacier mort.
Les matériaux constitutifs des coulées sont, en surface, des blocs gros comme le poing, et à peu de distance au-dessous du terreau graveleux avec des cailloux griffés rappelant les cailloux striés du glacier. C' est du moins ce qu' une fouille, pratiquée sur 1,2 m par MM. Chaix au Val Sassa, a montré.
Notons encore que la coulée du Val Sassa est longue de quelque 900 m et large de 75 m environ; celle du Val de l' Acqua a 750 m de longueur à peu près, et sa largeur varie de 50 à 150 m.
Ce n' est pas ici le lieu de discuter des explications proposées de ces étranges phénomènes géophysiques d' autant que la nature intime, profonde des coulées nous échappe encore. Sont-elles faites uniquement de matériaux pierreux ou ceux-ci ne forment-ils qu' un revêtement, peut-être assez mince, d' un culot de glacier mort, en fusion lente? Sont-elles le produit résiduel d' anciennes crues des glaciers occupant les cirques supérieurs, qui auraient jadis accumulé à leur front des matériaux trop abondants et trop meubles pour y stationner, masses que leur poids, favorisé par l' effet lubrifiant des infiltrations d' eau, aurait peu à peu entraînées et entraînerait de nos jours encore vers I' aval? Il faudrait pratiquer un sondage pour le savoir et ce serait extrêmement coûteux, bien que possible, d' ailleurs. Quoiqu' il en soit, il y aurait un grand intérêt à refaire, dans quelques années, les mensurations de MM. Chaix et aussi à repérer soigneusement dès aujourd'hui la position des fronts des coulées sur le terrain.
B. Le « mouvement » du pierrier de Saleinaz.
La découverte dans le Parc national suisse de coulées de blocs en mouvement lent par MM. Chaix et la discussion à laquelle elles ont donné lieu I ) ont ramené, dès 1920, mon attention sur l' opportunité de connaître quantitativement le mouvement d' ensemble qui doit entraîner peu à peu tous les pierriers ordinaires de nos montagnes vers l' aval. La difficulté était de trouver, pour une première étude, un pierrier qui fût à la fois assez homogène, assez épais et assez incliné pour avoir une mobilité mesurable dans le délai de quelques années, et donner l' espoir de résultats suffisamment nets. En outre, un tel pierrier devait être à l' abri de bouleversements intempestifs par l' homme et le bétail. J' ai cru pouvoir m' adresser, pour débuter, à une formation bien connue des touristes qui grimpent de Praz de Fort ( Val Ferret ) à la cabane d' Orny: la grande nappe de cailloux qui revêt le flanc sud du vallon de Saleinaz, sous le Châtelet. Cette nappe procède, vers 2000 m d' altitude, de quelques ravines entaillant le dit Châtelet; elle va, s' élargissant et s' épaissant, s' appuyer, en bas, vers 1400 m, aux anciennes moraines latérales gauches du glacier de Saleinaz. La nappe atteint là près d' un kilomètre de largeur, mais est due en réalité à la juxtaposition de coulées multiples, individualisées par en haut. Ces bandes sont en effet séparées, suivant la ligne de plus grande pente, par des files de vieux arbres, sapins et mélèzes, lambeaux étroits de la vieille forêt épargnés encore par l' avalanche et l' éboulement et d' ailleurs enracinés, eux-mêmes, sur d' antiques pierriers enfin fixés. Cet envahissement par le pierrier frais doit être assez récent du reste, car des vestiges de couverture forestière persistent parfois transversalement; ils sont alors faits uniquement de sapins rabougris, à demi écrasés, en voie de destruction inéluctable et que la dent avide du menu bétail accélère encore ( voir p. 272 ).
Le matériel constituant ce pierrier est remarquablement homogène: ce sont les débris d' un filon d' aplite très dure et très résistante au gel. La roche se divise suivant des diaclases à peu près à angle droit et demeure à l' état de blocs Voir section A.
anguleux à arêtes très vives, de forme cubique ou prismatique. De tels débris, dont les dimensions varient de la grosseur du poing à plusieurs décimètres cube, mais où les menus graviers sont rares, n' ont aucune assiette et roulent sous le pied avec une facilité déplorable. L' ascension directe de certaines plages du pierrier en est rendue quelquefois impraticable et leur traversée est, à elle seule, une véritable acrobatie. C' est vrai surtout des parties hautes de la nappe où le mouvement est le plus rapide et aussi le plus désordonné. C' est là aussi que la pente du terrain est la plus forte, 65 % environ, tandis qu' elle n' atteint guère que 50 % dans les régions basses.
Le secteur choisi aboutit inférieurement au sentier qui monte à Orny; ailleurs il n' est traversé que par d' étroites pistes de bergers, à peine dessinées. J' ai veillé à m' en tenir éloigné, pour le choix des emplacements de mesure.
En 1920, M. Kersting, M11* Morel et moi, nous avons établi là, en travers de la pente, deux chaînes de cailloux-repères, peints en rouge, et nous en avons déterminé les positions exactes, au théodolite et à la mire, le 22 novembre, par rapport à quelques vieux arbres bien enracinés, seuls points fixes rapprochés de ce domaine trop mouvant, ainsi que par rapport au Clocher du Portalet, plus lointain.
La chaîne supérieure, à quelque 1650 m d' altitude, comprenait 7 pierres numérotées entre lesquelles s' alignaient le mieux possible des cailloux plus petits, également bariolés de rouge, à titre auxiliaire. L' expérience a d' ailleurs démontré l' opportunité de ce surcroît de précaution, car, en 1923, deux seulement des pierres numérotées ont pu être retrouvées. La chaîne, quasi horizontale, s' étendait sur une trentaine de mètres, de l' est à l' ouest.
Chaque numéro a été repéré tant en azimut qu' en hauteur. L' instabilité du pierrier était grande et il a fallu prendre soin de ne pas bousculer involontairement les éléments de la chaîne durant les mensurations. En pareille occurence, l' adresse et la sveltesse de collaboratrices sont vraiment précieuses.
La chaîne inférieure ( ait. 1550 m environ ), mieux assise, est longue de quelque 50 m. Elle traverse le pierrier en aval de la première, dans une région déjà mieux équilibrée et moins exposée à l' avalanche, moins inclinée aussi. Déjà les cailloux portent trace de revêtement organique et leur surface est patinée. Cette chaîne-ci est de 8 numéros, également reliés par des cailloux coloriés en rouge, alignés entre les repères.
Les chaînes ont été abandonnées à leur destin jusqu' au 4 XI 1923 où, avec l' aide de M"68 Morel, Bettex et Danuser, j' en ai refait les mensurations.
La chaîne inférieure a été retrouvée intacte, mais il n' en a malheureusement pas été ainsi de la supérieure, en majeure partie détruite et bouleversée par des matériaux, neige ou blocs, descendus des hauteurs. Le tronc de l' arbre porteur du repère d' alignement avait une blessure béante. Seuls les numéros 2 et 3, avec leurs témoins, sont restés en vue et ne semblent pas avoir remué sensiblement. Les autres repères numérotés ont disparu et les témoins intercalaires ont dérapé irrégulièrement vers l' aval. Comme ces derniers n' avaient pas été mensurés en 1920, il n' a pas été possible de connaître exactement leurs déplacements.
La chaîne inférieure est descendue en bloc d' un mouvement très faible, si faible que les moyens topométriques employés pour cette étude préliminaire ne paraissent pas suffisamment précis pour une recherche plus prolongée et devront être perfectionnés.
Quoiqu' il en soit, voici les résultats:
... Distance au repère _,, N fixe d' alignementDeplacement en centimetres en mètreshorizontalvertical 854,4141,5 746,9614,6 639,48,50 532,898,5 426,i8,53,5 319,,414 213;16,58,5 18,i0)53 Le signe — veut dire: abaissement; le +: exhaussement. On ne peut attacher une grande importance à la colonne: déplacement verticaux, car, par le fait même de son mouvement ou de la pression des blocs contigus, le bloc-repère peut avoir basculé, ce qui a pour conséquence de changer le niveau de la marque de couleur. Les déplacements horizontaux ont tous été vers l' aval. On a donc, en moyenne, 7 cm de déplacement horizontal et 4 d' abaissement en trois ans, soit exactement 1077 jours. C' est très peu et cependant suffisant, à la longue, pour nuire sérieusement à la couverture forestière.
Il conviendrait d' étendre cette recherche à d' autres pierriers, différents de nature, de situation, de climat. Quel jeune clubiste s' en soucierera? P.L.M.
CXLVI. L' enneigement des Alpes suisses en 1923.
Les renseignements d' ordre général sur l' enneigement alpin en 1923 nous ont été parcimonieusement mesurés et pourtant des appréciations qualitatives judicieuses, de la part de touristes consciencieux, élargiraient avantageusement le champ de nos investigations, que les seules installations nivométriques laisseraient trop restreint. On lira en leur place les noms de nos trop rares correspondants, mais je leur adresse dores et déjà un merci chaleureux; je continue à mettre mon espoir en eux et en leurs toujours plus désirables recrues.
L' année nivométrique 1922/1923 a eu le caractère suivant, en haute montagne:
Octobre 1922 a été sombre, pluvieux et trop froid de 1 à 2°.
Novembre aussi; il a eu grand excès de précipitation et déficit de chaleur ( Säntis — 2,7° ).
Mêmes remarques pour décembre; dans beaucoup de stations, la chute d' eau a atteint le double de sa normale. La fin du mois a été marquée par des neiges abondantes et qui ont causé de grands dégâts dans tout le Tessin, où arbres et lignes électriques ont beaucoup souffert. Pendant deux jours, les communications téléphoniques régionales et avec la Suisse centrale ont été interrompues. En outre, deux avalanches, tombées à Ambri et à Faido, ont obstrué la voie ferrée du Gothard. Le 29 décembre, une avalanche a enseveli les deux frères Charles et David deRham dans l' Iffigental, comme ils se rendaient à skis au Wildhorn; leurs corps n' ont été retrouvés qu' à la fonte des neiges. Il est intéressant à ce propos de noter que notre collaborateur M. Correvon, de Vevey, qui a parcouru ladite région immé- diatement après les fortes chutes de fin décembre 1923 n' y a observé aucun mouvement de neige. Preuve est donc acquise une fois de plus que si les avalanches de fond printanières se cantonnent le plus souvent dans des couloirs, toujours les mêmes, les areins et avalanches de placage n' obéissent à aucune règle de lieu et de temps.
Janvier 1923 a été trop froid aussi et trop sombre. Il y a eu déficit de précipitations en Suisse occidentale et pléthore en Suisse orientale.
Février, très sombre et trop mouillé, a été en revanche trop chaud ( 2° ). Sur le versant nord des Alpes, pendant les trois dernières semaines du mois, il est tombé de l' eau presque chaque jour. L' avalanche classique de la Chaumény, au flanc nord du Grammont, est descendue le 26 février jusqu' à la route Bouveret-St-Gin-golph, sans d' ailleurs l' obstruer.
Mars s' est montré, au contraire, trop chaud ( Säntis 2° ) et, dans son dernier tiers, beaucoup trop sec. L' insolation a été excessive. Avril est resté normal sauf en Tessin où il fut trop froid, trop mouillé et trop sombre.
Le premier tiers de mai, très clair, très sec et très chaud, a été suivi de jours froids et pluvieux qui ont doublé, en Suisse occidentale, la somme régulière des précipitations. Quant à juin, il a dépassé tous ses devanciers, depuis 1864, comme déficit de chaleur: sa température est restée trop basse de 2 à 4°, et le soleil a fait trop souvent défaut. Toutefois il n' est tombé que peu d' eau.
Juillet et août se sont distingués par leurs températures excessives et leur sécheresse. L' insolation d' août a dépassé de 20 % la normale.
Septembre, enfin, n' a présenté rien que d' usuel, avec pourtant un léger excès de soleil.
A. Etat des neiges.
Suisse orientale. M. Jacob Hess a fait campagne dans les Grisons à fin août et y a noté les limites d' enneigement ci-dessous ( 26 au 31 août ):
nT...,., Limite des flaques RegionExposition Limite du neve dß e' ReJge Glacier de Chalderas ( Carte:mm Jenatschgletscher)E3000Glacier de Jenatsch ( Carte: La- vinergletscher)E3000Flix, Glacier deN2900Val d' AgnelliS2800 Piz ScalottaE2850 Glacier d' UertschN27002400 Glacier de Porchabella N2800Piz AelaN29002600 Val Mulix, montagnes N29002800 Piz ForunS2950 KuhalphornS2850 Dans la région du Chalderas, tous les flancs abrupts portaient de la glace de névé. Au glacier de Jenatsch, toute la surface jusqu' au col d' Err était en glace. Nulle part, M. Hess n' a retrouvé des restes d' avalanche, à l' exception d' un vieux cône à 2000 m dans le Val Plazbi et d' autres dans le Val Ducan.
Suisse centrale. Notre zélé collaborateur M. Max Oechslin, inspecteur forestier à Altdorf, entre autres contributions, nous envoie ses relevés de l' enneigement au flanc nord du Bristenstock. Je ne peux — à regret — en transcrire que le principal:
EpoqueLimite inférieure des neiges m 28 II 1923620 4 V1410 11 V830 12 matin1200 föhn 12 soir870 16 midi1540 föhn 18—18 nuit800 1 VIenv. 2400 pluie 18970 15 VIII2440 8 IX2250 22820 4 X1200 91520 pluie Ce petit tableau illustre bien l' effet ablatif du föhn et de la pluie, bien plus énergique que celui du soleil la plupart du temps. M. Streiff-Beckerobserve qu' une flaque de vieille neige, visible de Weesen sur le Neuer Kamm ( 1906 m ), et qui, en 1922, était dissipée entièrement le 31 juin, a persisté, en 1923, jusqu' au 18 juillet.
En août, l' enneigement de la région Bliimlisalp-Breithorn était sensiblement identique à celui de 1922.F. de Quervain. ) Du Col de la Jungfrau j' ai constaté, le 9 juillet, que les rimaies d' alentour étaient déjà passablement ouvertes et très surplombantes. Il y avait des flaques de neige hivernale jusqu' à 2000 m, sur la Petite Scheidegg, et le glacier de l' Eiger était tout blanc encore. Un cône d' avalanche persistait à 1700 m, au-dessus de Wengen.
De ce jour jusqu' au 13 août, date de ma seconde visite, le désenneigement a fait des progrès considérables. Les crevasses du Grindelwald-Viescherfirn, sous le Bergli, béaient, tandis que la plaine glacée en aval était rayée de sillons de fonte ( Firnfurchen ). Les rimaies étaient énormes.M er canton. ) Le 27 août, il ne restait plus de neige dans la plaine de Gletsch; seul un débris minime de l' avalanche ordinaire de la Maienwang pontait encore, mais très mal, le Rhône en amont d' In den Lammen. Sur le glacier du Rhône, les dernières flaques s' étalaient Im Sumpf, mais la couverture de neige continue ne commençant guère que sur le Profil Inférieur du Grand-Névé, entre Scheidfluh et Ruhstein. Les rapides étaient là très crevassés. Le Thiertäli montrait une double rimaie. Quant à la nappe glaciaire étendue de là au Nägelisgrätli, sa frange terminale était à nu partout. Le glacier du Galenstock, comme celui de Gratschlucht, était très découvert. Sur le Col de la Grimsel, on n' apercevait plus que quelques flaques de neige ancienne.Mercanton.Et non Stauffer-Becker, comme imprimé par erreur dans le précédent Rapport.
Suisse occidentale. Le 22 juillet, le Gornergrat était presque libre de neige.
( Maffert. ) Suisse occidentale. Quelques membres du Groupe nivométrique vaudois, Mlle Morel, M. et Mlle Correvon, MM. Villars et Gaschen, avec le guide Emile Crettex, ont visité, le 9 avril, les installations du Col d' Orny. Ils ont trouvé le couloir de la Fenêtre du Chamois très enneigé et facilement praticable. La soufflure au nord de la cabane Dupuis avait 14,5 m de largeur et 11 m de profondeur au droit de la Tour rocheuse.
Le 28 octobre, lors de la campagne nivométrique régulière, il y avait un reste d' avalanche au débouché de l' Eau d' Orny sous les Echelets. Immédiatement au-dessous du Châtelet se voyait un petit névé. Un autre, très petit aussi, persistait entre les Echelets et la Jonction. Quant au névé habituel de la Jonction, il était réduit à un reliquat infime, que le sentier de la Combe ne traversait même pas. Sous les Chevrettes, immédiatement en aval de la cabane d' Orny, on trouvait encore un peu de vieille neige, mais il n' y avait plus rien dans la « tine » non plus qu' aux alentours du refuge.
Pour monter à la cabane Dupuis, on évitait le glacier jusqu' au grand replat sous l' Aiguille d' Orny.
Au col même, on ne voyait plus aucune crevasse. Seule une dépression médiane marquait l' endroit où, en 1922, le vent avait maintenu au jour la surface glacée de 1921, année de désenneigement extraordinaire. Cette influence des vents se traduisait aussi, en 1923, par la persistance, voire l' accentuation de la gouttière séparant du plateau de Trient, le promontoire rocheux de la cabane. Ce singulier chenal partait de l' angle NW de la terrasse de « Dupuis » pour aboutir au replat du nivomètre. Dans l' alignement balise-repère de la terrasse, le rebord de cette soufflure était à 25 m du dit repère et à quelque 5 m en contrebas; le niveau du dit bord était là sensiblement à la hauteur du « bloc à l' épingle » ' ), lui-même tout à fait dégagé et situé à mi-hauteur entre la terrasse et le fond du chenal.
Pareil désenneigement est vraiment surprenant quand on songe qu' en automne 1914 on arrivait par là de plain pied à la cabane.
La grande soufflure nord avait, le 28 octobre, 15,5 m de largeur et 11 m de profondeur. C' est un rétrécissement de 1,8 m et un comblement de 1 m par rapport à 1922. Nous avons répandu de l' ocre rouge sur son bord, au droit du repère.
On ne voyait aucune crevasse entre la cabane et le mougin.
La surface du Plateau de Trient portait deux systèmes de « sastrugis ».
Les uns, plus serrés, s' allongeaient du sud au nord, les autres, plus distants, de l' E à W. Mercanton. ) Le 16 juillet, le Col de Collon était dégagé très haut. ( F. de Quervain. ) Le 11 août, le névé du Duran de Seillon, comme celui du Giétroz, montrait de grandes plages couvertes de pénitents, hauts de 20 à 30 cm.
( Gaschen et Kersting. ) Le 20 octobre, il ne restait plus de vieille neige dans le Vallon d' Entre la Reille, et la source de la cabane des Diablerets coulait entièrement à jour.
( Mercanton ).
. ' ) Voir Rapports 1921 et 1922.
DT Paul-Louis Mercanton.
B. Relevés nivométriques.
Ensemble nivométrique d' Orny. Il a reçu, les 8 et 9 avril, la visite spéciale de M. Gaschen et de ses compagnons du Groupe vaudois, énumérés plus haut. Quant à la campagne annuelle ordinaire, elle n' a pu avoir lieu que les 28 et 29 octobre, date tardive. Ce retard n' a pas eu d' inconvénients graves, toutefois il est préférable de ne pas différer de tels contrôles au delà de fin septembre. A ladite campagne ont pris part avec le chroniqueur: MM. Ed. Correvon, Roud, Mlles A. Morel et M. Danuser, nos fidèles collaborateurs veveysans. Nous avons également reçus d' utiles observations de MM. Mignot, Grivel, Wellauer et du gardien de la cabane Dupuis, M. Joseph Joris, qui a bien voulu recommencer à lire régulièrement le Nivomètre. Les tableaux I et II en donnent lectures et bilans:
Balises et sondages. Le 9 avril, la surface glaciaire était, au Col d' Orny, à 110 cm du haut de la balise; le 23 juillet, M. Wellauer ne l' a trouvée qu' à 60 cm seulement. Ceci doit correspondre sensiblement au maximum de l' enneigement bien qu' à cette même époque le nivomètre ait déjà baissé du n° 22 au n° 13 de la sur- face neigeuse. Le 11 août 1922, l' émergence atteignait 402 cm, chiffre qui n' est d' ailleurs pas rigoureusement Fétiage de cette année-là, car du 11 août au 11 septembre 1922 le nivomètre a encore baissé de 1 m. Quoiqu' il en ait été, on peut compter qu' entre l' étiage de 1922 et le maximum de 1923 l' augmentation a atteint 3,5 m à la balise. Au nivomètre, elle a été de 9 m, ce qui fait bien ressortir l' utilité, voire la nécessité de doubler les nivomètres, partout où faire se peut, de balises mobiles. La différence des données peut tenir à l' emplacement comme aussi aux déformations du collecteur glaciaire. Le 22 octobre, la balise saillait de 290 cm ( 310 cm, si l'on décompte la couche de neige fraîche ) ( Grivel ). Le 29, nous n' avons plus trouvé que 237 cm ( ou 266 par le même décompte ). Si nous adoptons, à la rigueur, le chiffre du 22 octobre, 310 cm, comme étiage, nous obtenons un désenneigement de 2,5 m. Le bilan de la balise serait ainsi de + l,0 m alors que celui du nivomètre solde par O. Effet du vent ou tassement du collecteur glaciaire?
Le 29 octobre, la balise se dressait à 181,0 m du repère rocheux de la terrasse dans la direction ( magnétique ) 283° ( N 77° W ). La dépression de la surface glaciaire, mesurée au clisimètre, pour le pied de la balise, était de 10, x m sous le bloc repère, le 29 octobre, à l' étiage, elle a dû être de 10,8 m. La même mesure en automne 1921 avait donné 12,7 m. La surface s' est donc relevée de 1,9 m environ depuis le fameux automne de 1921.
La balise, suffisamment longue, a été laissée en l' état; on a seulement répandu y2 kg d' ocre rouge à son pied. Il n' a pas été fait de sondages.
Totalisateur. L' an dernier, je souhaitais à cet engin, enfin réparé et rechargé à grand' peine, un fonctionnement moins décevant. Hélas! le 9 avril, M. Gaschen ne parvenait pas à prélever un échantillon de son liquide couvert d' une couche de glace et le 29 octobre, quand nous l' avons vidé, nous avons relevé à son orifice les marques non équivoques d' une fuite: La quantité de liquide emmagasinée était d' une modicité inquiétante. En fait, elle ne correspond qu' à une précipitation totale de 264 cm, hauteur paraissant d' emblée trop faible pour le Col d' Orny. Pour en avoir le cœur net, j' ai cherché une vérification dans la mesure de la densité de la liqueur. Comme cette méthode peut rendre des services à d' autres, je m' y attarde un peu ici:
La densité du liquide d' un mougin dépend à la fois de la charge initiale en sel et eau, des précipitations surajoutées et de la température. ( Ce dernier terme peut pratiquement être négligé. ) A un niveau donné du contenu dans le réservoir correspond donc une certaine hauteur de précipitation et une certaine densité. Si donc on trouve que la densité du liquide n' a pas la valeur correspondant à son niveau lors du prélèvement, c' est que la teneur initiale en sel ne s' est pas maintenue, Pratiquement cela se produira quand une fuite laissera se perdre une partie du chlorure de calcium dissous. La densité de la liqueur deviendra trop faible et cet affaiblissement dénoncera l' accident.
Dans le présent cas, le décompte final de l' eau météorique emmagasinée donnerait 52,660 kg dont la densité devrait être 1,087. Or, la densité réelle n' était que 1>O72> valeur correspondant à 64 kg. Preuve en est donc qu' une partie du chlorure de calcium s' est perdue avec son eau de dissolution! La hauteur de précipitation calculée, 264 cm, du 23 septembre 1922 au 29 octobre 1923, n' est donc qu' un minimum.
Ce même 29 octobre, le mougin, dûment fermé, a reçu une charge nouvelle de 8155 g de CaCl2, 6260 g de neige et 430 g de vaseline liquide. Souhaitons que cela serve à quelque chose en 1924.
Glacier d' Orny. La position de son front n' avait pu être contrôlée en 1922. Le 28 octobre 1923, nous avons mesuré ses distances aux repères de son lobe septentrional. Du 30 septembre 1921 au 28 octobre 1923, le recul a été: Repères: 1,13 m, II, 20 m, III, l,5 m, IV, 0,5 m, soit en moyenne 4,5 m par an. Le lobe méridional a aussi reculé. L' aspect général du glacier n' a d' ailleurs pas beaucoup changé et l'on a pu se borner en prendre le panorama, du repère au-dessus de la cabane.
Ensemble nivométrique des Diablerets.
Le nivomètre a été lu par notre fidèle collaborateur M. Ernest Reber, guide à Ormont-Dessus ( Diablerets-Village ), à chacune de ses nombreuses courses au sommet; il y est monté exprès quelques fois. Le même assure également, avec sa famille, le service du pluviomètre de la vallée, ce dont je remercie encore.
La campagne d' automne a eu un but très différent de l' ordinaire: il s' agissait avant tout de replacer au pied de la Becca d' Audon le mougin du Diableret. Les huit années que cet engin a passé sur le dit sommet ont prouvé suffisamment que sa situation était défavorable; il n' emmagasinait vraisemblablement que trop peu d' eau, soit que la violence du ventl' empêchât d' y pénétrer, soit que l' eau météorique fît elle-même défaut en ce lieu particulier. En outre l' intervention abusive des touristes était toujours à craindre et paraît d' ailleurs s' être produite parfois.
Lorsque j' ai installé ce mougin, en automne 1915, j' ai recueilli pas mal d' appréciations désobligeantes ou attristées de la part de mes collègues clubistes. M' enverront des lettres de félicitations pour en avoir libéré le sommet de leur montagne? Jusqu' à ce jour je n' ai rien reçu. Serait-ce qu' ils regrettent déjà l' engin tant honni?
La nécessité de diminuer le coût et les difficultés du service de ce totalisateur m' ont engagé en outre, même au prix d' une perte d' altitude notable, à le rapprocher de la cabane. Le déménagement a été fait à grand' peine par MM. Ernest et Albert Reber et Robert Genillard. Nous l' avons réinstallé, M. Custer et moi, avec eux, le 21 octobre 1923, à l' altitude d' environ 2870 m sur le promontoire méridional de la Becca d' Audon, en un endroit bien dégagé, à l' écart du chemin, et cependant facile à retrouver même dans le brouillard. Le bâti a dû être scellé au soufre dans des trous du roc spécialement forés. Cette opération, contrariée par un föhn violent, a pris six bonnes heures. Le réservoir a reçu: CaCl2 6135 g, eau 7675 g, vaseline liquide 780 g, ce même jour.
Nivomètre. Les tableaux III et IV en donnent lectures et bilans.
Balise. Enfouie encore le 11 juin, elle a émergé le 15 août environ. Le 27, elle ressortait déjà de 116 cm; le 20 août de 270; puis le réenneigement a commencé, avec 240 cm le 29 septembre et enfin 223 seulement le 21 octobre.
Le 28 septembre 1922, elle saillait de 325 cm. Si l'on considère le chiffre du 20août dernier comme l' étiage de 1923, c' est pour le collecteur un gain de 55 cm, disons 0,8 m.
La balise a été laissée en l' état. Elle se dresse à 171 m du bas du promontoire du mougin, dans l' azimut 122°.
Il n' a pas été fait de sondages. On a semé de l' ocre rouge sur un rectangle de 5 m de long à partir de la perche du côté du Dôme.
Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.
Totalisateur. Sa dernière année de fonctionnement au sommet a été encore gâtée par un accident: le 27 juillet, M. Custer a trouvé le robinet suintant. A la vidange, le mougin contenait l' équivalent de 168 cm d' eau ( 28 septembre 1922 au 29 septembre 1923 ), hauteur vraiment trop faible et à bon droit suspecte!
Il convient, au moment où se clôt la série d' observations en ce lieu, d' en faire la récapitulation. Voici les hauteurs d' eau mesurées, réduites à 365 jours, la date des relevés annuels ayant quelque peu oscillé autour du 24 septembre:
Année nivométrique 1915—1916 1916—1917 1917—1918 1919—1920 1920—1921 1921—1922 1922—1923 Hauteur d' eau 261cm236 » 207 » 242 » 105 » 248 »168 » Moyenne annuelle:
210 cm au minimum Cette hauteur de 210 cm paraît anormalement faible; elle est en discordance avec ce que nous savons par ailleurs de la précipitation à cette altitude.
DT Paul-Louis Mercanton.
Ensemble nivométrique du massif de la Jungfrau.
Nivomètre de PEiger. Cette précieuse échelle a été surveillée, avec le soin et la ponctualité habituelle, par le personnel du Chemin de fer de la Jungfrau, que j' en remercie, comme son directeur, M. l' ingénieur Liechti, qui donne chaque jour des preuves nouvelles de sa bienveillante compréhension de nos efforts.
Les tableaux V et VI résument les contrôles:
Tableau V.
Dates 10 I 18 25 7 II 14 28 23 III 3 IV 17 3 V 11 30 9 VI 22 8 VII Nioomètre de VEiger ( 3100 m ). ( 2 degrés valent 1 mètre. ) Degrés Degrés 1921 1922 17 25 24 34 37 41 58 60 59 - 60 60 58 54 55 44 1923 54 60 56 54 52 50 56 50 58 48 50 47 44 40 36 Dates 1921 1922 1923 20 VII 10 42 30 30 6 34 26 10 VIII 1 31 20 21 4 27 16 31 4 24 12 9 IX 2 22 10 22 1 22 10 30 0 22 12 15 X 0 28 16 30 1 30 — 9 XI 6 34 16 23 2 44 20 1 XII 4 48 36 15 4 50 12 38 39 39 36 31 28 35 35 30 28 24 18 16 Minimum absolu de 1922: 22 ( IX ). Maximum absolu de 1923: 60 ( 18 I ). Minimum absolu de 1923: 10 ( IX ).
Tableau VI. Accumulation Dissipation Résidu annuel Hioer 1919—1920 1920—1921 1921—1922 1922—1923 Mètres 16
9
>30 19
Eté 1020 1921 1922 1923 Mètres 12
21
> 19 25
Automne 1920 1921 1922 1923 Mètres
— 12
6 II y a de nouveau désenneigement, en fin de compte. Ce déchaussement de la paroi rocheuse semble dû à l' affaissement du névé, corrélatif du crevassement intense de celui-ci, plus qu' à l' ablation.
Balise de l' Eismeer. Précisément pour pouvoir départir entre ablation et affaissement, je désirais avoir, le plus près possible du nivomètre, une balise solidaire du glacier. Après mûr examen, M. Liechti et moi en avons tenté l' essai, en plaçant une perche divisée sous les fenêtres de la station Eismeer. Sa graduation était disposée de manière qu' on pût en faire la lecture à la lunette, de la station même. Nous n' avions guère d' illusions sur les dangers courus par cette balise du fait des avalanches poudreuses incessantes sur ce versant de l' Eiger, mais le choix nous manquait; une perche érigée sur le grand plateau aval n' aurait pas, en raison de sa distance au nivomètre, donné les informations cherchées. C' est pourquoi l' essai fut décidé quand même et la balise dressée le 18 octobre 1923. Le 22 décembre, elle marquait déjà 250 cm d' enneigement, mais depuis lors, l' avalanche l' a engloutie! Tout est à recommencer et sera recommencé d' ailleurs, car il en vaut la peine!
Balises du Jungfraufirn. J' extrais quelques chiffres du Rapport de la Commission zurichoise de glaciologie ( ZGK ) rédigé par M. le Dr Billwiller * ). Les deux balises, distantes d' environ 200 m, sont observées par les agents du chemin de fer. Je donnerai seulement la moyenne de leurs lectures et l' écart correspondant entre les deux échelles, le signe moins indiquant que la balise inférieure est plus enneigée que l' autre.
Ecart Tableau I. Epoques Hauteur moyenne ( balise supérieure — balise inférieurebalise inférieure ) en cm en cm 1 XI 1922 0 0 18 78 35 28 105 40 12 XII 170 — 70 25 238 — 175 10 I 1923 225 — 100 10 II 160 — 110 12 III 192 — 135 9 IV 198 - 115 19 298 — 155 7 V 227 - 95 31 352 — 105 19 VI 368 — 135 30 352 — 125 La série est arrêtée là par une perte fâcheuse de documents. Elle montre néanmoins qu' à fin juin, à 3350 m d' altitude, le maximum annuel de l' enneigement était à peine atteint, s' il l' était. La différence entre les deux balises est également matière à réflexions!
Nivomètres de l' Aletsch. Le Service fédéral des Eaux les ayant sacrifiés, on n' a pu en faire la lecture que le 13 décembre seulement, ce qui rend illusoire tout rapprochement avec les relevés précédents. Voici néanmoins les chiffres notés par M. Anker:
Grüneck nord ( 2810 m ).. U,5 m Grüneck sud ( 2800 m ).. 17,0 m Strahlhorn ( 2350 m )... ll,0 m La précipitation au glacier du Rhône. Ici encore nous assistons à l' agonie d' une installation sur laquelle on pouvait fonder de grands espoirs, mais qu' une économie, à mon avis mal comprise, rejette à l' abandon. Le Service fédéral des Eaux, qui l' avait établie, estime n' en plus pouvoir assumer le fonctionnementR. Billwiller: Der Firnzuwachs pro 1922/23 in einigen schweizerischen Firngebieten. Vierteljahrschrift der Naturforschenden Gesellschaft Zürich.
assez dispendieux, à vrai dire. Les dernières lectures ont été faites par le chroniqueur et ses compagnons le 27 août et par le Service fédéral des Eaux, les 20 et 21 septembre. Je réduis les données à 365 jours:
LocalitéAltitude Hauteur d' eau Excès sur 1922 mcm cm Gletsch 177012931 Scheidfluh 280019319 Nägelisgrätli... 239014916 Ruhstein 278013513 Hühnerboden... 270035749 Ensembles nivométriques de la Z G K. J' extrais les données suivantes du rapport précité de M. Billwiller:
Clarides. L' enneigement, très grand et de longue durée, a eu son maximum à fin juin seulement. Le désenneigement a été très rapide et très grand. A la cabane, on a noté le maximum, 300 cm, le 10 février. A la balise inférieure ( 2700 m ), qui marquait 75 cm le 25 septembre 1922, l' enneigement a dépassé 580 cm au printemps 1923; les 20 mai et 3 juin, l' engin était invisible. Le 12 septembre 1923, quand MM. Tank et Streiff-Becker l' ont recherché, l' enneigement n' était plus que de 155 cm. En un an, la balise a cheminé de quelque 8 m vers le sud-est. Elle a été replantée au même endroit et à une trentaine de mètres de là, ces Messieurs ont érigé une autre perche fixe. Celle-ci est faite d' une moitié de sapin tranché longitudinalement. On en escompte une plus grande rigidité que celle des balises de frêne, décidément trop flexibles. Il sera intéressant de le vérifier.
Néanmoins, une balise en frêne a été installée derechef près du point 2900 m, où l' ancienne a disparu.
Le mougin du Geissbützistock a totalisé 355 cm d' eau du 24 septembre 1922 au 12 septembre 1923, tandis qu' Auen n' en a noté que 150.
Silvretta. A la balise inférieure ( 2700 m ), le maximum d' enneigement a été constaté le 30 juin, avec un gain de 255 cm sur le niveau du 18 octobre 1922. A la perche supérieure ( Col, 3010 m ), il a été, à la même date, 280 cm. Le 12 septembre 1923, le désenneigement avait dissipé entièrement ce gain à la balise inférieure, remettant au jour l' ocre de 1922 et rendant vain tout sondage. A la perche supérieure, le résidu n' était que 15 cm environ. MM. Billwiller et Johann Guler, montés le 29 septembre, durent se contenter de replanter les deux perches, donnant une émergence de 380 cm à l' inférieure et 425 à la supérieure. Ils constatèrent à cette occasion, par des mesures précises, que cette dernière a cheminé depuis 1916 à raison de 6,5 m/an en moyenne vers le NW.
Du 18 octobre 1922 au 29 septembre 1923, le mougin de l' Eckhorn ( 3150 m ) a totalisé 118 cm de précipitation; celui de la cabane ( 2345 m ) 130 cm et l'on a observé 102 cm à Klosters.
Balise du Piz d' Err. M. Jacob Hess a pu dévouer à son installation les soins qu' elle mérite par son altitude et sa situation géographique. La perche, érigée en 1920 et revue en 1922 encore, n' a pu être retrouvée et doit avoir été victime de la malveillance ou de quelque accident. MM. Hess et son aide, le guide G. Cotti, se sont évertués à retrouver tout au moins l' ocre répandue en 1921 sur la surface glaciaire et ils croient y être parvenus dans un cas. Les sondages ont été rendus extrêmement pénibles par des couches de glace dure intercalaires, qui ont fini par endommager sérieusement l' outil. Voici la coupe du névé, approximative: I neige fraîche, 28 cm; II croûte de glace, 6—10 cm; III névé, 116 cm; IV croûte glacée, souillée à sa surface supérieure, 5 cm et davantage; V névé, 73 cm; VI niveau infranchissable, où la couleur rouge a été rencontrée.
M. Hess considère les couches II et III comme le résidu de 1923 et IV et V comme celui de 1922. V serait la surface d' étiage, très dure, de 1921. D' ailleurs, on aurait le tableau d' enneigement suivant:
11 VIII 19210 m 5 X 19211,0 m 29 VII 19221,9 m étiage 19220,75 m 27 VIII 19231,45 m Les rares déterminations possibles ont donné:
Névé de 1922—1923. Valeur en eau: 82 cm; densité 0,69. Névé de 1921—1923. Valeur en eau: 116 cm; densité 0,60. Ce même 27 août, une nouvelle balise, en frêne, longue de 6 m et saillant de 5 m a été érigée là et de l' ocre rouge répandu à son pied sur 10 m carré. Le mougin du Piz Scalotta ( 2970 m ) a mesuré 291 cm d' eau du 27 septembre 1922 au 29 août 1923; celui du Julier ( 2300 m ) 72 cm seulement dans le même temps.
Säntis et St-Gothard. Les relevés nivométriques faits en ces deux endroits pour l' Institut central de météorologie, à Zurich, se résument comme suit:
Le Col du St-Gothard, réenneigé en 1922, le 7 octobre, l' a été au maximum le 5 janvier 1923, avec 340 cm de neige. Le 6 juillet, il était de nouveau à sec. Au Säntis, il y avait déjà 25 cm de neige le 11 octobre 1922; il y en a eu 500 le 3 mars 1923 et plus du tout le 8 juillet.
Conclusion. En résumé, l' enneigement a été légèrement régressif en 1923, parce que les chaleurs de l' été ont eu raison des masses de neige accumulées par un hiver, exceptionnellement prolongé dans la montagne.P.L. M.
CXLVII. Chronique des glaciers suisses en 1923.
1923 aura vu le terme d' une collaboration vingtenaire de l' Inspectorat fédéral des Forêts à la surveillance des glaciers suisses, déférant aux vœux des Chambres, à la recherche d' économies, une décision du Conseil fédéral met fin à un régime fructueux, instauré en 1893 par J. Coaz, à la demande de F.A. Forel. En même temps, le Service fédéral des Eaux raie de son programme les recherches d' hydro glaciaire qu' il a poursuivies longtemps sous l' impulsion de MM. Collet, ancien directeur du Service, et de son ingénieur en chef, M. Lûtschg. Ces renonciations, de toutes façons regrettables, seraient désastreuses si le Conseil fédéral, faisant à la Commission des glaciers de la Société helvétique des Sciences naturelles une confiance honorable, n' avait prié celle-ci de poursuivre la tâche commencée voici tantôt un demi-siècle, en lui allouant les crédits indispensables. Ces conjonctures imposeront une revision systématique du réseau des contrôles en 1924 et une réorganisation de leurs modalités. Plus que jamais, maintenant que la tâche repose entièrement sur le dévouement et le zèle scientifique des particuliers, il nous importe que nous puissions compter sur nos collaborateurs de la première heure et sur des aides nouvelles. Nous maintiendrons!
DT Paul-Louis Mercanton.
Le nombre des glaciers contrôlés en 1923 s' élève au chiffre réjouissant de 118; la moitié ont été l' objet de mensurations précises, quelques-unes détaillées. Pour l' autre moitié, il ne s' agit que de constatations simples, par des observateurs dignes de foi.
La Commission des glaciers de la Société helvétique des sciences naturelles s' est occupée plus particulièrement des appareils du Grindelwald, du Rhône, de l' Unteraar, des vallées de Saas et de Bagnes. M. de Quervain a poursuivi ses observations au Grindelwald Supérieur et ses travaux pour la confection d' un film de la crue. M. l' ingénieur Blumer a effectué la campagne annuelle d' opérations topométriques que comporte le plan actuel des études de la Commission au Glacier Inférieur du Grindelwald. MM. Mercanton, Custer et Delgado se sont occupés des glaciers du Rhône et d' Unteraar tandis que M. Lütschg contrôlait, à son ordinaire, les glaciers de la région de Mattmark. MM. Gaschen et Kersting ont visité les appareils des Val de Bagnes et des Dix tandis que M. Jacob Hess revoyait la série de repères placés par lui en 1921 aux fronts de divers glaciers grisons. M. Campiche ( Meiringen ) a continue ses observations dans la haute vallée de l' Aar et M. J. Guex ( Vevey ) a voué ses soins traditionnels au glacier de Trient. Le Corbassière a trouvé un observateur bienvenu en la personne de M. le chanoine Mariétan, de l' Abbaye de St-Maurice. M. Francis de Quervain a contrôlé certains glaciers du Lötschental. La commission des Glaciers a visité celui de Gorner. Enfin, « last not least », la Compagnie des Forces motrices bernoises ( BKW ), sous l' impulsion de M. l' ingénieur en chef Käsch, a poursuivi ses mensurations à l' Unter et a bien voulu rechercher un accord avec le chroniqueur pour l' élargissement de son programme; celui-ci comportera essentiellement la révision des profils établis par Agassiz il y a 80 ans.
Le cryocinémètre ( voir Rapport pour 1922 ) a fourni cette année aussi des renseignements bienvenus pour juger de l' allure de glaciers. Voici maintenant, dans leur forme habituelle, les résultats détaillés des contrôles. J' ai restreint la comparaison tabulaire aux seuls appareils mensurés, me bornant à classer les autres:
I. Bassin da Rhone.
Tableau VII.
Variations, en mètres, en Variations, en mètres, en Glaciers 1921 1922 1923 Glaciers 1921 1922 1923 Rhône 22 -28 — 9 Mont-Fort — 8 0 0 Fiesch — 7 — 4 — 2 Valsorey — 2 -1,53,5 Aletsch -30 -20 -78 Saleinaz -10,5 2011,5 Kaltwasser - 5,5 0 — 9 Orny — 6 — 9 Allalin 17 15 40(max. ) Trient 20 6 0 Gorner — 17 — 12 - 9,5 Paneyrossaz — 20 2 2 Turtmann 10 - 2,5 Martinets — 10 25 Duran ( Tsinal ) —15,5 — 4 - 1,5 Scex-Rouge — 15 0 Ferpècle — 10 — 6 - 8,5 Prapioz — 19 — 8 Arolla 0 - 3,5 0 Gd. Plan Névé -15,5 9 Tsigiorenove 6,5 - 9,5 13 Petit Plan Névé — 10 Grand-Désert -24,5 — 19 - 1,5 Jägi — 9 En périodiques des glaciers suivants étaient: en crue certaine: Schwarzenberg, Nest; en crue probable: Tseudet; en décrue probable: Mühlebach, Hohsand, Mittlenberg, Turben, Baltschieder, Hautemma, Duran de Seillon, Corbassière, Breney, Pierredar; stationnaires: Giétroz, Thäliboden, Blinden, Kappen, Gratschlucht, Bachi, Steinen, Ofen, Fee, Audon.
1922 a vu la dernière campagne des mensurations au glacier du Rhône: la rentrée en décrue de cet appareil, en 1921, faisant perdre à la Commission des glaciers de la Société helvétique des sciences naturelles tout espoir d' enrichir encore la science de résultats proportionnés au coût des opérations, elle en a décidé l' abandon et limité le programme au seul contrôle des fluctuations frontales. Il a été fait, les 28 et 29 août 1923, par le chroniqueur assisté de MM. Custer et Delgado-Padilla. Une chaîne de 6 repères a été établie le long de la moraine frontale récente. Un levé sommaire à la planchette et à la chambre photogrammétrique, à 1: 5000, permettra le raccordement avec les documents cartographiques antérieurs.
De 1922 à 1923, le front a reculé de quelque 9 m en moyenne. A fin août 1923, il était échancré en son milieu par un portail très haut et très large, dont la voûte surplombant majestueusement l' entrée ne s' approfondissait cependant pas beaucoup; à quelques dizaines de mètres en arrière, les glaces se refermaient et le torrent glaciaire, formé de mille filets, sourdait par de multiples divorces entre la glace et les ultimes gradins rocheux du lit de la cataracte glaciaire.
Le cryocinémètre placé devant le front, en deux points de son côté gauche, assez loin du portail, a mesuré une vitesse d' écoulement de 9,4 cm/j .; au côté droit, où, le 25 juillet 1922, nous avions trouvé 21,6 cm/j ., nous n' en avons mesuré que 17,3, mais c' était un bon mois plus tard et — les mesures du Grindelwald l' ont prouvé — la vitesse d' écoulement de la glace peut décroître du printemps à l' automneI 17,3 cm/j. semble pourtant être encore une valeur de crue. Cependant le front a certainement reculé! Notons encore que, le 27 août, le bord gauche du glacier était à 10 m du repère latéral du Belvédère; c' est à peu près sa situation de 1907.
J' ai profité de mes passages au Belvédère pour faire, à deux jours d' intervalle et aux mêmes heures, exactement des mêmes points et dans les mêmes azimuts, avec la même chambre photographique, des vues de la cataracte. Examinées au stéréoscope, les images correspondantes ont manifesté par des reliefs diversement accentués les déplacements variés des masses glaciaires pendant ces deux jours, déplacements que seuls des instruments précis, longuement observés, eussent autrement mis en évidence. Ce procédé de détection stéréoscopique du mouvement glaciaire s' avère donc efficace ( voir 41rae Rapport, 1920, pp. 165 et 167, fig. 1 et 2 ).
Notons en outre que, lors de notre visite, des blocs de glace se détachaient d' un point situé à mi-hauteur entre le Belvédère et le vallon de Gletsch, sur la rive gauche de la cataracte et s' en venaient rouler jusqu' à la marge du glacier.
Le fort retrait du Grand Aletsch est dû à la dissipation de son extrémité étranglée dans un défilé étroit. A noter, dans le Lötschental, les avances du Nest, du Jägi et du Langgletscher; cette dernière est considérable encore, M. F. de Quervain y a mesuré une vitesse frontale de 12 cm/j. Le Baltschieder, en décrue depuis des années, abandonne des lambeaux de glacier mort et, au point contrôle, la vitesse était nulle.F. de Q. ) Des glaciers de Schwarzenberg et d' Allalin, le premier a gagné en épaisseur près de l' alpe de Schwarzenberg; son front présente deux lobes tournés l' un vers le « Blauer Stein », l' autre directement vers le sud. Vitesse frontale 4,3 cm/j. ( Liìtschg. ) L' Allalin a eu une avance maximum de 40 m, mais les chaleurs estivales ont fait reculer son pourtour de 10 à 12 m en dedans de ses moraines frontales récentes, bien développées. Le glacier se divise encore en deux langues sur la « Redoute » ( Schanze ); celle du nord est la plus importante.Vitesse frontale 4,3 cm/j. au bord NE et 4,0 au bord E.
Le Thäliboden, d' apparence stationnaire, a indiqué 2,4 cm/j. seulement; 1' Of entai, stationnaire aussi, à peine 1 cm/j.
Le glacier de Fee est donné comme en crue par M. Lütschg qui y a mesuré une vitesse de 6,2 cm/j, le 6 septembre 1923; les forestiers le cataloguent parmi les stationnaires; je le mettrai dans la catégorie des glaciers en crue probable. Le Gorner continue son retrait sur son lit de serpentine, admirablement poli et strié. Quand, le 2 septembre, la Commission des glaciers s' y est rendue, l' emplacement de la grotte frontale de 1920 ( voir 41 me Rapport 1920 ) était à nu et séparé du glacier par le ruisseau qu' on entendait jadis gronder sous la glace. Le front ménageait d' ailleurs une nouvelle grotte spacieuse dans les mêmes parages et là aussi la glace reposait directement sur le roc lisse, à peine souillé de quelques dixièmes de millimètres de boue impalpable et gluante.
Tout à côté, le glacier surplombait la roche. Deux cryocinémètres installés en ce point ont donné des chiffres concordant autour d' une moyenne de 2,5 cm/j. ( A. et J. Piccard, Mercanton. ) En août 1920, j' avais trouvé 1,6 cm/j. à peine, mais en juillet 1922, M. Gaschen avait mesuré 9,6 cm/j. Ces différences chez un glacier en décrue lente mais certaine dénoncent vraisemblablement l' effet irrégulier du lit.
Le Tsigiorenove s' est remis à grandir.
Dans le Val des Dix, le Duran de Seillon décroît. Vitesse frontale 4,5 cm/j. le 14 août. ( Gaschen et Kersting. ) Le front de l' Hautemma s' est considérablement modifié par retrait depuis 1921. Le 11 août 1923, le Breney était en recul; vitesse 6,2 cm/j. Le cône du Giétroz était très petit. La langue du Corbassière s' est un peu affaisée et sa vitesse n' était, le 10 août, que de4,5cm/j. ( G.etK.; Mariétan. ) Le Tseudet avance continuellement, côte à côte avec le Valsorey qui recule. Le Saleinaz est entré en décrue; le glacier d' Orny y persiste. Quant au Trient, il est devenu stationnaire.Guex. ) A l' exception du Prapioz dont la décrue s' est d' ailleurs atténuée et du Scex Rouge, stationnaire, tous les glaciers des Alpes vaudoises ont fait une crue nette.
D' une manière générale, la tendance à la décrue si marquée dès 1921 dans le bassin du Rhône s' est atténuée en 1923 pour faire place chez les petits appareils et même chez certains grands glaciers sensibles à une reprise de l' avance.
15 mai 1!)2115 mai 1921 vu de la gare de l' ascenseurvu du chemin du Milchbach 12Jaoût 1923Photos: P. L. Mercanton12 août 1923 Chaîne supérieureChaîne inférieure 4 nov. 1923Photos: P. L. Mercanton22 nov. 1920
Bassin de l' Aar.
Tableau IX.
Variations, en mètres, en Glaciers 1921 1922 1923 Unter aar - 14>5 — 14 — 10 Gamchi 0 - 3 15 Grindelwald Supérieur 13 5 1,5 Grindelwald Inférieur 50
+
12 Stein 3 0 0 Tsanfleuron — 20 — 13 0 En outre, sont donnés comme:
en crue: les glaciers de Thierberg, Renfen, Gspalten et Rosenlaui; stationnaires: Eiger, Stein, Tsanfleuron; en décrue: Trift, Gauli, Tschingel.
Le front de l' Unteraar continue son retrait lent et irrégulier. Quand nous l' avons visité, MM. Custer, Delgado-Padilla et moi-même, les 30 et 31 août 1923, avec l' ingénieur des Forces motrices bernoises, M. Beyeler, la vitesse d' écoulement n' atteignait que 0,9 cm/j. à l' endroit même où, le 28 juillet 1922, nous avions mesuré le double.
M. Beyeler avait reçu de son chef, M. Käsch, la mission de relever non seulement le profil établi dès 1921 par le travers du Pavillon Dollfus, mais de rechercher et de restituer si possible les autres profils d' Agassiz. Le mauvais temps a malheureusement entravé cette œuvre que le manque d' indications assez précises de la part des pionniers de 1840 rend très délicate. Toutefois, M. Beyeler a pu remettre à contribution le profil transversal de l' Abschwung et contrôler aussi le profil du Pavillon. Le niveau de celui-ci n' a guère changé de 1922 à 1923. La vitesse superficielle maximum a un peu grandi, en revanche; elle a passé de 43,0 m à 45,„ m/an; c' est une augmentation de 6 % sur un profil distant de 4 km du front et à partir duquel, d' autre part, la couverture quasi continue de débris morainiques restreint beaucoup l' ablation. Il sera intéressant de voir si cette augmentation de vitesse se répercutera, une fois ou l' autre, sur le mouvement de l' extrémité. Il m' a semblé qu' en aval du dit profil, soit dans les parages où gisent les restes de l' Hôtel des Neuchâtelois, le crevassement du glacier s' était accentué. La plupart des débris du grand bloc avaient changé de posture, la dispersion de l' ensemble s' était encore accrue. Un petit bloc portant les noms d' Agassiz et C. Vogt, retrouvé en 1922 d' un seul tenant, gisait cassé en trois morceaux disséminés. Nous avons sauvé ce témoin respectable qui a été transporté au Musée alpin de Berne par les soins généreux de la Compagnie des Forces motrices bernoises.
En 1922, ignorant tout du travail entrepris par cette compagnie et contraints d' autre part par les intempéries de modifier nos propres projets, nous avions, M. Custer et moi, cru utile d' établir, au théodolite, les positions exactes de quelques gros blocs surmontant la moraine médiane principale, au droit du Pavillon. Ce travail exécuté par la méthode des recoupements à partir de trois stations établies sur la terrasse même de la cabane, de part et d' autre de celle-ci, devait donner une idée quantitative du changement éprouvé par la région depuis les temps d' Agassiz et être la base de mesures ultérieures du mouvement des blocs. La première opération date des 12 et 13 septembre 1922. Nous l' avons répétée les 30 et 31 août 1923, dans des conjonctures météorologiques de nouveau assez peu favorables. En outre, la disparition de la neige qui coiffait en 1922 les blocs repérés, en en modifiant quelque peu l' aspect, a nui à la sûreté des pointés nouveaux. Voici néanmoins les résultats acquis, tels que les calculs de M. Custer les donnent. Le doute plane cependant encore sur l' altitude vraie du Pavillon, pour laquelle les chiffres des auteurs varient de quelques mètres tandis que le Bureau topographique fédéral n' est pas encore à même de nous fixer définitivement. Nous adopterons provisoirement la cote moyenne: 2392,0 m. Les repères d' Agassiz étaient, dans cette région, les numéros 8 et 10, dont la carte Wild-Stengel donne les positions initiales et les déplacements horizontaux 1 ). La comparaison des données anciennes avec les actuelles se présente comme suit:
La vitesse sur la grande moraine, de 1842 à 1846, a été de 69 m/an en moyenne; en 1922/1923, elle n' était plus que de 40 m/an. Le bloc muni d' une balise par les Forces motrices bernoises s' est en effet déplacé de 45,s m en 365 jours tandis que nos deux repères occidentaux faisaient 33 et 35,6 m et l' oriental 43,6 m.
D' autre part, les côtes d' altitude aux points repérés par les blocs étaient environ:
18k219221923 Bloc orienta1233922842279,5 Bloc central ( Balise BKW23752303,62300 Bloc occidental E240823272325 Bloc occidental W241023292327 C' est un abaissement de quelque 60 m à 250 m en aval du Pavillon, 75 m en face de lui et 83 m à 300 m en amont. La différence de côte 1922 et 1923 est due au cheminement des repères, car le profil transversal des BKW n' a pas sensiblement changé d' altitude pendant ce même temps.
Le lac bordier du glacier de Gruben s' est réformé et vidé, sans débâcle notable, un certain nombre de fois dans le cours de la belle saison; en septembre, il avait retrouvé sa contenance du jour de son évacuation catastrophale en 1921.
( Campiche. ) La langue du Rosenlaui est restée stationnaire contre un éperon rocheux, mais elle s' est élargie et exhaussée encore un peu. Les éboulements de glace de 1922 ont recommencé au même endroit, mais peu copieux. Le glacier continue à pousser vers le Wellhorn, sur son flanc gauche. Son côté droit a reculé un peu et l'on peut prévoir la libération prochaine de l' ancien tracé du sentier conduisant à la cabane Dossen.Campiche. ) Le glacier Supérieur du Grindelwald semble à la veille de terminer sa remarquable crue. Les mensurations de M. Blumer, ingénieur à Berne, en août 1923, pour la Commission des glaciers ont donné les résultats suivants: L' avance moyenne du front depuis 1922 n' a été que 1,8 m, avec un maximum de 9,5 m. Le profil transversal, en amont des rapides du Milchbach, s' est abaissé de 2,8 m; de 1921 à 1922, il avait déjà fléchi de 3,2 m. Le profil longitudinal qui le recoupe, bien que présentant une légère intumescence locale, est en baisse générale. La vitesse superficielle sur le profil transversal atteint 207 m/an. Le travail ablatifCf. Agassiz, Nouvelles études sur les Glaciers.
de la Lütschine est certainement pour quelque chose dans la modicité de l' avance du glacier, mais le 12 août 1923, j' ai été vraiment frappé du changement deforme de celui-ci. Vue de sa rive gauche, l' extrémité n' avait plus le contour apparent bombé, si marqué en 1921; elle s' était allongée en coin à pente réduite, rappelant bien les figures théoriques données par Finsterwalder, des formes de la crue glaciaire complète la veille du changement de régime ( voir p. 272 1 ', 1 " 2 ', 2 " ).
Le cryocinégraphe du Service fédéral des Eaux a fourni les valeurs suivantes, que M. Lùtschg veut bien me communiquer; je les rapproche de celles de 1921 dont on trouvera le détail dans le Rapport de cette année-là, mais en arrondissant les chiffres:
MoisVitesses, en cm, par jour 1923 1921 Différend Janvier 8Février 8., 15 - 6,6 Mars 9,5 22 - 12,5 Avril 16,6 30 - 13,5 Mai 15 37,5 - 22,5 Juin 29 - 19,5 Juillet 8 23
- 15
Août 5,6 16 -10,5 Septembre 3 13 - 10 Octobre 3 13 — 10 Le parallélisme d' allure de l' écoulement en 1921 et 1923 est remarquable autant que l' affaiblissement proportionnel de la vitesse depuis deux ans. On voit l' étroite dépendance du mouvement et de la saison et combien il importe, si l'on veut tirer d' une mesure isolée au cryocinémètre une indication valable sur le régime d' un glacier, de bien spécifier l' époque de l' observation. Le printemps serait évidemment le moment propice, mais d' autres raisons s' y opposent dans la pratique et l' automne paraît alors le mieux approprié. La question de l' emploi du cryocinémètre est encore loin de sa solution et il convient de multiplier les essais.
La première tentative faite, aux prix de quelles peines, par M. de Quervain pour figurer cinématographiquement la crue actuelle a réussi à un point si encourageant, malgré le nombre forcément trop restreint des images disponibles ( une par jour ) que l'on peut espérer avoir bientôt un film représentant d' une façon frappante l' avance du front sur le terrain et le bouleversement de celui-ci. Ce délicat travail se poursuit aux frais de la Commission des glaciers.
Le glacier Inférieur du Grindelwald est depuis quelques années l' objet des soins spéciaux de la dite Commission; certains indices permettaient en effet d' escompter une crue que l' étranglement du cours glaciaire entre le Mettenberg et l' Eiger peut rendre particulièrement instructive. Le réseau de profils transversaux établi entre le Zäzenberg et le front, ainsi que le profil longitudinal, ont été con trôlés par M. Blumer en août. Il a été complété en septembre par des perches d' ablation.
Quant au front, il est divisé en trois parties distinctes par le profond canon de la Lûtschine dans lequel les glaces médianes s' engouffrent en s' y engageant comme un coin, dont l' extrémité, croulant sans cesse, entasse ses débris dans le fond même de la gorge; force a été d' en évacuer la passerelle d' accès. M. Wyss estime à 56 m l' envahissement du chenal depuis l' été 1922.
Dr Paul-Louis Mercanton.
Des deux côtés du front, l' un a avancé sur les terrasses rocheuses de la rive droite, sous le Mettenberg, de 13 m en moyenne et 23 m au maximum; l' autre, sous le Hörnli, a gagné 10,5 m de terrain « Im Schopf » et 30 m au maximum. On peut prévoir que bientôt les repères d' érosion de Baltzer seront recouverts de glace et entreront en jeu.
Les mensurations du dissipateur ont décelé, comme en 1922, une tendance à l' affaissement de la région Zäzenberg-Bäregg et un exhaussement de l' extrémité de la langue. Le profil longitudinal apparaît onduleux et ses ondulations semblent se déplacer d' une année à l' autre vers l' aval. Voici d' ailleurs quelques chiffres, communiqués par la Commission des glaciers:
Profil transversal:
Variation de niveau moyenne 1922/231921/22 + 0,a m1,5 m3,0 m3,7 m1,2 ml)g m + 2,0 m + 2;1 m / en aval du Zäzenberg II Slieregg III sous Bäregg IV près du front Quant aux vitesses superficielles au croisement des profils longitudinal et transversaux, elles ont été:
I 72 m/an; II 82,5 m/an; III 91 m/an; IV 97 m/an.
Le côté gauche du profil III est occupé par l' avalanche glaciaire du Kalli qui en presse les masses vers la Bäregg, rejetant le flux glaciaire vers la droite, comme en témoigne la dérive du point III de ce côté.
( Commission SHSN des glaciers. ) Le 13 août, on voyait les restes d' éboulement copieux et récents au front du glacier de la Jungfrau.
Le glacier de Gamchi a rouvert un portail, après bien des années. Dans le bassin de la Linth, les observations dénoncent une crue très sensible.
III. Bassin de la Reuss.
Tableau X.
Variations, en mètres, en Glaciers 1921 1922 1923 Firnälpli E — 15 2 3 Firnälpli W
Griessen - 30,5 5 Kartigel — 15 4 - 6,5 Wallenbühl 17,5 5,5 - 31 Kehlefirn 2,5 4,5 -29,5 Schlossberg — 18 — 12 - 2
Hüfi
- 29,5 14,5 - 8 Brunni -21,5 3,5 - 6 Schiessbach — 35 28 - 12 Damma — 10 0 IV. Bassin de la Linth.
Clarides — 86 34,5 Biferten -32,5 40 Sulz - 10,5 3 Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.
M. Streiff-Becker ( Weesen ) a visité le glacier de Sulz postérieur ( Hinter-sulzer ) accompagné de M. le Dr P. Tschudi ( Schwanden ). Ils l' ont trouvé en crue accentuée, son extrémité recouvrant sur quelques mètres le sentier d' un chalet voisin. Latéralement, les glaces débordaient en un point la moraine occidentale et rejetaient de nouveaux matériaux sur son talus extérieur.
L' avance du Biferten a été très notable aussi.
M. Streiff-Becker a pris de très instructifs panoramas photographiques et des plans de ces fronts ainsi que du Glärnischfirn et je le remercie chaleureusement de cette collaboration plus précieuse aujourd'hui que jamais.
En outre, les glaciers suivants sont donnés comme:
stationnaires: Gafallen, Alpligen, Mutten, Wyttenwasser, Tiefen; en décrue: Guspiz, Lucendro, Sidelen.
V. Bassin du Rhin.
Tableau XL Variations, en mètres, en Glaciers 1921 1922 1923 Sardona - 14 0 3,5 Piz Sol1O»5 0 4 Vorab — 21 4 Segnes
+
- 14'5 Puntaiglas -22,5 - 41,5 - 6,5 Lavai - 18,5 — 7 - 8 Tambog4 — Porchabella — — — 7 Piz Piatta15 Uertsch — 4 VI. Bassin de l'Inn.
Morteratch — 6 — 9 — 10,5 Roseg - 4,5 — 18 — 31,5 Lischanna - 16,5 — 7 Jenatsch - 20,5 — 24 Chalderas - 13 — 14 VU. Bassin de l' Adda.
Forno - 21,5 — 11 VIII. Bassin du Tessili.
Rossboden > 20 37 78 Muccia — 60 — 63 Bresciana34 Basodino4 Dr Paul-Louis Mercanton.
Les glaciers suivants sont en outre donnés comme en décrue:
Bassin du Rhin: Maigels, Spiellaui, Fellali, Juf, Zapport, Paradies, Suretta.
Bassin de l' Inn: Corvatsch a, Fex, Fedoz.
Bassin de l' Adda: Forno, Albigna.
Bassin du Tessin: Bondasca.
La crue du Rossboden est impressionnante.
Le tableau XIV récapitule les contrôles de 1923:
Tableau XII.
Recapitulation pour 1923.
Bassins Nombre dea glaciers Observés En ers« Stationnait1« » En décrue 48 11 14 23 15 8 3 4 i 19 2 6 11 3 317 4 — 13 99 22 5 1 — 4 118 29 23 66 25 19 56 35 14 51 — 10
Móne... Aar Reuss... Linth... Rhin... Inn Adda... Tessin...
Totaux..
1923 %.. 1922 %..
Différence % En résumé, de 100 glaciers suisses observés en 1923, 25 étaient en crue, 19 stationnaires et 56 en décrue.P.L. M.