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Marcadau, paradis pyrénéen du ski

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

PAR ANDRÉ FILLOL, CAF AGEN

Avec 1 esquisse et 3 illustrations ( 33-35 ) Dans la revue Ski d' octobre 1938, j' écrivais: « Il est dans nos montagnes des coins rêvés où tout semble fait pour l' enchantement des skieurs. J' en connais peu d' aussi complets que la vallée du Marcadau et son chalet-refuge E. Wallon2. Le comparer à d' autres régions de ski célèbres, à quoi bon? N' est pas unique en son genre, un coin délicieux de notre montagne méridionale avec la beauté spéciale que lui donnent ses bosquets de splendides pins arolles aux troncs tordus et fauves, ses rochers de granit polis par les glaciers quaternaires, ses gaves bondissants, ses crêtes aiguës, ses croupes dont la neige adoucit les profils, l' intimité de son refuge où règne la bonhomie souriante de la famille Pantet? » Bien des années ont passé. J' ai connu bien des montagnes, bien des stations de ski en France et à l' étranger, mais je continue à penser que le Marcadau est un vrai paradis du ski.

Ce qu' il y a d' incomparable, c' est l' ensoleillement idéal, la largeur des horizons et surtout cette position au carrefour de vastes vallées convergentes, orientées dans tous les azimuts, ce qui permet de choisir ses descentes suivant les conditions de neige et d' heure. Peu de bancs rocheux, des reliefs assez doux dans les vallées. Des cols, presque tous franchissables, permettent des circuits très variés. Les couleurs des roches, celles des pins accrochés aux pentes, les innombrables lacs endormis dans les vallons charmeront ceux pour qui la promenade à ski n' est pas seulement un exercice physique, mais aussi une joie esthétique.

Si vous le voulez bien, nous allons, pour vous le faire connaître, passer ensemble un séjour d' une semaine au Marcadau où vous me permettrez de vous servir de guide, vous renvoyant, pour plus de détails, au Guide des itinéraires skieurs dans les Hautes Pyrénées^.

Nous avons choisi de préférence le mois d' avril pour être plus sûrs de trouver cette belle neige de printemps que le chaud soleil pyrénéen a déjà depuis longtemps transformée. L' enneigement se maintient suffisant jusqu' à 1800 m et cela souvent encore au début de mai.

Donc, en route!

Dimanche. Nous avons rendez-vous au Pont d' Espagne, ce dimanche matin. Vous êtes en avance et avez le temps d' admirer les splendides cascades et le décor très romantique. Nous avançons les voitures jusqu' au plateau du Clot, à 1 km, traversons le gave sur le pont de bois au pied du tremplin, et les laissons là, à l' abri de grands pins.

8 heures. Nous prenons la piste de jeeps sur la rive droite, à pied, car les plaques de neige sont interrompues. Nous cheminons à travers une belle forêt de sapins et de hêtres, longeons un romantique petit lac dans son écrin très sombre, puis débouchons sur le vaste plateau de Cayan où le gave serpente au milieu des bosquets de pins.

Devant nous, après un pont, un ressaut raide. Pourquoi ne pas chausser nos skis? Dans ce bois épais, exposé au nord, la neige est abondante et nos peluches nous permettent de gravir facile- 1 Accès: Lourdes—Cauterets, route toujours ouverte. On peut, à partir de Cauterets, monter en voiture jusqu' au Pont d' Espagne - sauf si la route est coupée par une grosse avalanche de printemps ( se renseigner ).

2 Le chalet-hôtel E. Wallon est la propriété du TCF. Son gérant est M. A. Pantet ( 3, rue Tournante, Plante - Pau, Basses-Pyrénées ). Présent tout l' été et en hiver au moment des fêtes, il monte ouvrir le refuge en hiver sur demande pour des groupes importante. Le vieux refuge n' est pas « gardienne » ( clef à Cauterets chez Poutz, menuisier ): bas-flanc avec paillasse, 15 places, cheminée, bois, batterie de cuisine sommaire.

8 Edité par le Comité pyrénéen de la FFM, 43, rue Gambetta, Toulouse.

ment l' escalier de la Pourtère. Nous cheminons de clairière en clairière, puis débouchons sur un nouveau replat. Le pont de l' Estalounquet traverse le gave. Nous marchons depuis 1 h. 30 et nous voici sur la rive gauche. Nous franchissons plusieurs ressauts où le chemin serpente entre les rochers et les grands pins tordus. La neige tient mal sur ces pentes ensoleillées et il faut déchausser. Nous arrivons au carrefour de deux vallées, mais restons sur la rive gauche. Brusquement, derrière une bosse, le refuge apparaît, à deux pas. Il est 11 h. ou 11 h. 30 pour les traînards. Que pensez-vous de cette montée, ne vous a-t-elle pas paru pleine de charme et si différente de ces routes d' approche souvent fastidieuses?

Sur la terrasse au soleil, nous dégustons la boisson fraîche de notre choix, en faisant ensemble le tour d' horizon: face à nous, au SE, par-delà l' échancrure du col d' Aratille, cette double pointe, c' est le Vignemale, puis tout le cirque de sommets dont le plus prestigieux, à l' O, la pyramide de la Fache. Et vous vous étonnez de l' étendue du panorama, de toutes ces pentes, de tous ces cols, de tous ces vallons qui attendent vos descentes.

Mais après nous être bien restaurés et installés, le soleil décline un peu; pourquoi n' irions pas, en cette fin d' après, jusque sur les pentes de l' Affron, face à nous, nous dégourdir les jambes? En une heure, nous atteignons un plateau sur la croupe, d' où je peux vous montrer à peu près tout le théâtre de nos courses de la semaine. Et la descente est courte mais bien jolie entre les pins jusqu' au gave.

Lundi. Il fait grand beau au réveil. Nous partons vers Aratille. Je veux vous faire voir de plus près le seigneur Vignemale.

6 h. 30, en route! Nous traversons le gave devant le refuge, nous dirigeant vers le SE, franchissons un petit ressaut, puis gagnons par une marche à flanc le fond de la vallée que nous remontons au gré de notre fantaisie. Elle est large et sans difficulté. Derrière un ressaut raide dort le grand lac d' Aratille que nous traversons pour attaquer les pentes plus raides par lesquelles nous atteignons la cuvette du petit lac supérieur. Encore une légère montée et nous débouchons au col, le souffle coupé: l' énorme masse du Vignemale se dresse devant nous, par-delà la profonde dépression du Rio Ara qui descend vers l' Espagne. Il fait bon se chauffer sur les rochers exposés au soleil du versant espagnol. Un bruit de pierres qui roulent, tiens! une harde d' isards s' enfuit sur les pentes de droite. Quel magnifique et gracieux spectacle!

Je ne vais pas vous laisser redescendre par le même itinéraire. Laissant à mi-pente, après le petit lac, les traces de montée, nous obliquons à gauche pour rejoindre le petit lac de la Badette et remontons, après l' avoir traverse, jusqu' à une selle entre le pic de la Badette et le Chapeau d' Espagne. Nouvelle halte au soleil et puis, skis bien fartés, nous nous lançons dans la descente, dont le début est jalonné par un énorme rocher cubique et solitaire. Et là commence un enchantement: cinq cents mètres de dénivellation dans une combe en large entonnoir où la neige, plein nord, est toujours bonne. Quel régal! mais déjà nous voilà dans la vallée où nous reprenons nos traces de montée pour rejoindre le refuge. 11 h. 30, seulement, comme le temps a passé vite!

Il fait si bon, cet après midi, que nous allons nous égailler sous les arolles au milieu des rhododendrons, et cueillir les premières jonquilles entre les énormes blocs de granit qui dominent le refuge.

N' êtes pas contents de votre première journée? Ce soir, peut-être, devant la grande cheminée où brillent des troncs entiers, quelques Palois ou Lourdais vous chanteront de vieux airs en patois béarnais ou bigourdan et vous reprendrez en chœur avec eux:

« Montagnes Pyrénées, vous êtes mes amours. » Mardi. Grand beau encore ce matin. Nous partons vers Cambalès, mais plus tôt, car je voudrais vous faire faire une course plus longue.

Nous nous dirigeons vers le NO et remontons la large vallée, rive droite ou gauche, peu importe pourvu que nous atteignions le ressaut des lacs où nous obliquons plus à l' ouest, ressaut raide entre les lacs où il faudra peut-être déchausser pour franchir une courte pente raide. Le grand L Hovrade la Haougad/ PLA DB/LA GO, * Refuge Wallon du lac de Campo.Pwno \ Région du Marcadau vallon supérieur nous amène facilement au col dont la courbe harmonieuse s' étend de la pointe du Pène d' Aragon au Cambalès. Halte sur le large plateau du col, face à l' énorme massif du Balaïtous, hérissé de crêtes. Plus au sud, se dressent les sierras typiquement espagnoles du massif à' Aspe.

Laissons les sacs et, par des pentes assez raides, mais sans difficultés, nous nous élevons qu' à l' ultime crête du pic de Cambalès. Nous déchaussons nos skis et, en quelques pas, nous sommes au sommet. Dommage, pas tout à fait 3000 m! mais quel panorama circulaire! et au loin, les plaines bleutées de Gascogne.

Ne nous attardons pas, car j' ai encore d' autres projets. En quelques minutes, sur la neige à peine ramollie, nous retrouvons nos sacs. Evidemment, il est tentant de redescendre en plongeant vers le refuge par le parcours de montée. Mais suivez-moi, cela vaut la peine.

D' abord à ski, puis en crampons, nous remontons la crête vers le SE. Après le col, en quinze minutes nous sommes au sommet du Pène d' Aragon, à peine plus bas que le Cambalès. Je vous avais réserve une surprise: que dites-vous de ces merveilleuses et faciles pentes sud où la neige ramollie par le soleil nous offre un régal de virages jusqu' au vallon du col de la Fache?

S' il y a parmi vous des amateurs de sommets, pourquoi, laissant skis et sacs, chaussant crampons et s' encordant de préférence, ne monteraient-ils pas, le long de l' arête NS, mi-neigeuse, mi-rocheuse, jusqu' au sommet de la Grande Fache, un vrai 3000 celui-là?

Quant à nous, nous continuons la descente, en direction E, d' abord dans le grand vallon, puis nous le quittons, mais là il faut chercher son chemin pour ne pas se laisser entraîner vers des pentes dangereuses. La neige ramollit - gare aux glissements! Il est un peu tard, et la bonne soupe de Pantet va être refroidie. Mais n' avons pas fait un beau circuit?

Mercredi. Le temps s' est gâté hier après-midi pendant que nous lézardions au soleil devant le refuge. Des barres de cirrus venant du SO ont cache Phébus. Il fait chaud et le vent d' Espagne a soufflé, puis a cessé et de gros nuages sont apparus, venant de l' O. Les premières gouttes de pluie sont tombées. Aurions-nous déjà fini avec le beau temps? Nous nous couchons pessimistes, pendant que la pluie tombe.

A 5 heures du matin, je risque un regard dehors: grand brouillard, temps très pris, mais la neige a remplacé la pluie. 8 heures, toujours temps bouché! Tant pis, on se prépare à une petite balade sous la neige. On farte bien, on place les Trima, et en route vers la région de Pourtet-Cardinquère, en direction N. Nous nous élevons à travers les grands pins enneigés dans un silence feutré que trouble brusquement l' envol bruyant d' un grand tétras. De ressaut en ressaut, les arbres s' espacent, des coins de ciel bleu apparaissent, brusquement tout s' éclaire. Quelle splendeur! Le « matin du magicien », un monde tout neuf! Tout scintille sur la large croupe qui permet d' accéder au premier sommet très facile de la Cardinquère sud. Nous dominons le cirque du Pia de la Gole, les vallées convergentes et toute la vallée de Cayan.

Nous pourrions... mais non, je préfère vous faire descendre, sur cette magnifique neige poudreuse, vers le petit lac de Nere, à nos pieds, sur des pentes assez raides. Là, nous refixons nos peluches et remontons au N un ressaut escarpé jusqu' au grand vallon où s' étend le lac de Pourtet. Dans le fond, au N, la crête superbe et rouge des aiguilles de Piarrouy ferme l' horizon. Traversant le lac vers le NO puis l' O, nous nous élevons sur de vastes pentes vers un large col d' où, laissant les skis, nous montons en quelques minutes au pic de Bassia.

La descente est très belle dans ces vallons faciles jusqu' au refuge. Profitons-en sans nous presser.

Jeudi. Le temps s' est rétabli. Il fait beau et frais, et nous partons de bonne heure, car nous allons faire un grand circuit avec un passage en Espagne. Et puis, il vaut mieux passer de bonne heure en montant au col du Marcadau, sur les pentes raides et avalancheuses au pied de la Muga. C' est un des seuls coins du secteur qui mérite attention.

Au col, pendant que nous soufflons un peu en admirant la belle crête bicolore des Pics d' Enfer, au SO, les amateurs de sommets gagnent à pied ou à ski au SE le sommet de la Muga, en vingt minutes. Puis nous attaquons une brève descente à flanc, en direction O, jusqu' au fond du vallon qui remonte, coupé de deux petits lacs, vers le NO entre le massif de la Fache et celui de la Punta de Zarre, jusqu' au col dont je ne puis vous dire le nom exact, peut-être col de Bachimana. Face à nous, au NO, l' imposant massif des Frondellas et du Balaïtous dont nous sommes séparés par le vallon de Campo Piano qui descend vers Salient, et où se trouve, à côté du grand lac, le refuge espagnol.

Mais nous ne descendrons pas jusque-là, car la remontée, en plein midi, serait rude. Obliquant au nord, nous descendons d' abord de grandes pentes, puis un petit vallon et, contournant les contreforts de la Fache, nous remontons à l' est, franchissons la profonde cuvette du minuscule petit lac et atteignons enfin le col de la Fache après une bonne heure de remontée qui fait tirer la langue.

Tout ce parcours, il vaut mieux le faire sans brouillard, car l'on s' y égare facilement, et les cartes sont bien discrètes! Du col, il ne reste plus qu' à plonger dans le vallon où nous retrouvons, en partie effacées, nos traces de l' avant. Nous l' avons bien gagné, aujourd'hui, ce pastis bien frais!

Vendredi. Aujourd'hui, demi-repos. Je vous propose un sommet peu fréquenté, mais d' où je vous garantis un beau panorama et une belle descente. La chute de neige fraîche a abîmé un peu les pentes sud où elle ne s' est pas encore transformée. Il vaut mieux rester sur les pentes que le soleil atteindra un peu tard. Nous allons au Pouey-Lau ( prononcez Poueille-laou ).

Nous partons par l' itinéraire d' Aratille. Arrivés au grand plateau précédant le ressaut du lac, à trois quarts d' heure du refuge, nous obliquons nettement à l' E, montons sur des mamelons boisés et passons au pied d' une falaise très visible pour atteindre un premier plateau d' où l' itiné jusqu' au col est évident. La dernière pente est raide et il vaut mieux déchausser. Laissons nos skis au col et, par le versant est, gagnons des pentes assez redressées où la neige coule, mais sans danger, de la crête terminale surmontée d' un cairn. Attardons-nous un peu sur ce sommet, magnifique belvédère, d' où nous reconnaissons les cimes maintenant familières.

Nous descendons en direction NE dans un large vallon où ont coulé pas mal d' avalanches et nous rejoignons les premiers arbres: nous sommes dans Poueytremous, ravissante et solitaire vallée orientée nord—sud, celle qui a sans doute le plus de charme. La descente est un enchantement et se termine sous de grands arbres dans une clairière sans neige, où chante le torrent. J' ai passé là, à rêvasser au soleil, des moments délicieux.

Mais la suite est moins drôle: il faut chercher son passage, d' abord sur la rive droite puis, une centaine de mètres plus bas, dans un terrain difficile et boisé, traverser le torrent et descendre à flanc sur la rive gauche en direction O, à travers bois, jusqu' à ce que l'on retrouve, au-dessus de la Pourtère, le chemin muletier par lequel nous sommes montés au refuge.

Evidemment, il faut remonter, mais ne croyez-vous pas que cette rapide visite à Poueytremous vaut la peine de cet effort supplémentaire?

Samedi. Voici notre dernier jour! Il fait encore très beau et je voudrais bien l' employer - en vous faisant regagner Cauterets par un itinéraire qui vous fasse connaître encore de nouvelles régions.

Evidemment, pour les fatigués, la solution simple est de revenir par la vallée, après avoir fait le matin un bref circuit. Mais pour les plus courageux, j' ai deux projets à proposer:

Pour le premier, un peu pénible, de surcroît pas très facile à trouver, je préférerais ne pas vous servir de guide, car je m' y suis égaré une fois et j' ai garde un mauvais souvenir d' un couloir au-dessus du lac à' Ilheou, d' une raideur... Si, par chance, François Boy rie, qui connaît admirablement ce secteur, se trouvait au Marcadau, il se ferait un plaisir de vous accompagner: lac

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