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Organisation des courses

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

PAR HUGO WANNER, COIRE

Cent ans de courses organisées au CAS représentent une activité sur laquelle on pourrait écrire des livres. Les courses sont l' expression particulière de notre association et elles reçoivent la place d' honneur qui leur est due tant dans les sections qu' au niveau central. L' art. 2 des statuts centraux mentionne l' organisation de courses de montagne à la première place. La vie d' une section se maintient ou dépérit avec son activité alpine. Un des buts principaux du CAS s' accomplit par les courses privées ou de groupe. La section qui prend sa tâche à cœur doit organiser ses courses de telle façon que tous ceux qui veulent prendre part à la vie de la section trouvent dans le programme annuel des courses qui correspondent à leurs désirs et leurs possibilités. L' organisation des courses d' une section peut se flatter d' avoir un bon esprit, quand la même attention est donnée au grimpeur doué pour les escalades difficiles de rocher et de glace et au clubiste dont la passion montagnarde se contente de courses de section plus modestes et sous conduite. Classer les membres d' après leurs exploits et leurs possibilités serait renier les bases du CAS et le mettre au rang d' une société de compétition.

Avec le « Règlement des excursions » rédigé de façon provisoire en 1863 par le premier Comité central de Berne fut posée une pierre d' angle de l' organisation des courses du CAS. Des pionniers avaient déjà gravi la plupart des sommets de trois ou quatre mille qui sont encore aujourd'hui bien en évidence dans les programmes de nos sections. Mais il manquait encore une exploration systématique des Alpes suisses - du point de vue touristique, mais encore plus scientifique - qui devait être utile au cercle de plus en plus grand des amis de la montagne. Le règlement des excursions prévoyait donc d' élargir les connaissances alpines selon les lignes suivantes:

I. connaissance la meilleure possible des lieux et du terrain; représentation graphique ou artistique d' endroits, de panoramas, de silhouettes, de formations rocheuses et glaciaires, etc.; III. dans le domaine des sciences naturelles, recherches: 1° physiques, chimiques et physiologiques; 2° géologiques et minéralogiques; 3° botaniques; 4° zoologiques.

Dans un remarquable effort de réalisation, une excursion fut immédiatement organisée pour huit jours, du 9 au 17 août 1863, à Stachelberg près de Linthal, pour compléter l' exploration du groupe du Tödi et de la chaîne Clarides—Scheerhorn. Le premier Président central, Th. Simler, en assuma l' organisation, et les dix-neuf participants furent répartis en quatre « détachements »: les deux premiers devaient escalader le Tödi, l' un par la Russeinalp, l' autre en traversant le Grünhorn; l' explo de la région Selbsanft—Bifertenstock était assignée au troisième groupe, tandis que le quatrième avait à reconnaître la région des Clarides. Mais le temps fut mauvais dès les premiers jours, et les résultats de cette première semaine d' excursions ne furent pas pleinement satisfaisants. On renonça dès lors aux « excursions en masse », et le parcours des régions d' excursions suivantes fut plutôt laissé à l' initiative des sections et de leurs membres, quoique le Comité central exerçât un contrôle permanent sur ces activités. De cette façon, et jusqu' en 1903, les Alpes suisses tout entières -à l' exception des massifs de l' Alpstein, du Sottoceneri, du Jura occidental et des Dents du Midi -furent systématiquement explorées durant les quarante premières années d' existence du CAS. qu' en 1875 un compte rendu détaillé de ces explorations dans les « régions clubistiques » fut publié dans l' annuaire. Une liste complète des régions ainsi explorées se trouve dans le mémoire rédigé par Heinrich Dübi sur les cinquante premières années du CAS. Les connaissances alpines accumul-lées durant ces nombreuses années permirent à l' assemblée générale réunie à Pontresina en 1903 de décider l' abandon de régions d' excursions officielles. A la place des « Itinéraires » qui étaient établis spécialement pour ces excursions, furent introduits avec le nouveau siècle les « Guides du CAS » qui allaient donner au tourisme un élan remarquable.

Activités Si nous pouvons aujourd'hui évaluer l' activité alpine des sections, il nous faut tout particulièrement rendre hommage aux fondateurs du CAS. Voilà cent ans qu' ils ont semé ce que nous récoltons aujourd'hui. Les premiers pas décisifs pour l' avenir de l' activité alpine ont déjà été faits dans les premières années du CAS grâce à la publication des résultats des explorations faites dans les régions clubistiques de 1863 à 1903, par la construction systématique de points d' appui alpins, l' en donne à l' édition de nouveau matériel topographique et l' impression d' itinéraires et de guides. Les fondateurs du CAS déjà eurent la sagesse de confier aux sections l' initiative de l' orga des courses. Encore maintenant les sections ne veulent pas être dirigées, mais conseillées et patronnées par le CC dans leurs efforts alpins. Il faut remarquer que, dans le domaine des courses, les rapports entre les sections et le CC sont faits de souplesse et d' indépendance. Quand on en est venu à discuter, dans les sections ou au niveau central, de questions telles que l' emploi de moyens artificiels par exemple, les plus réserves et les extrémistes se sont toujours tendu la main en camarades même après des échanges violents.

Pour mieux évaluer l' état actuel de l' organisation des courses dans les sections, comparons-le au calendrier alpin des premières années du CAS, et jetons un coup d' œil à la chronique de 1863 à 1903 d' une section fondatrice établie dans un canton de montagne. Une esquisse des principaux événements alpins du siècle passé peut montrer de quelle activité se réjouissait le tourisme d' alors. Ainsi la section Tödi a ceci à raconter dans son histoire 1863-1903:

« La désignation en 1863 au groupe du Tödi comme première région officielle d' excursions du CAS fut une circonstance bien propre à aiguillonner nos clubistes à l' action. C' est pourquoi, dès la première année, trois à cinq courses de groupe de difficulté variable furent placées sur le « programme d' excursions » et désignées aux chefs de courses ( pour la plupart des membres du comité ). L' activité alpine de la section s' ouvrit avec une course obligatoire pour tous les membres sur la splendide couronne Guppen—Oberblegi—Braunwald. Dès 1867 et pour intéresser les membres aux excursions en groupe, on imprima des programmes détaillés de courses où furent aussi incorporées des communications sur les escalades réussies jusqu' alors. Pour y mettre de l' ordre on décida en 1871 que les chefs de courses devraient chaque printemps s' assurer de l' ordre exact des ascensions et le publier (... ). Pour fournir aux membres piolets, cordes, lunettes, sacs et autres pièces d' équipement adéquates et à des prix raisonnables, le comité fut pendant des années l' intermédiaire d' achat en commun du matériel. » Pendant les premiers lustres, les excursions ne débordèrent pas du canton de Glaris et de ses environs immédiats. Mais en 1880 une course se risqua pour la première fois dans le massif du Gotthard.

Très tôt l' armée reconnut avec justesse la valeur de l' activité alpine du CAS. Ainsi en 1886 le bureau de l' état général désira faire des « relevés des cols en rapport avec leur valeur militaire ». Pour cela il voulut utiliser les connaissances des clubistes et approcha le CAS avec une liste de questions désirant des renseignements sur les possibilités de franchir les cols avec des voitures, des animaux et des hommes, sur les obstacles, les villages permanents, les alpages, les dangers d' ava, la longueur des cols, les abris, le ravitaillement, les chemins détournés, etc. La section Tödi participa à l' enquête, et organisa en 1887 les reconnaissances correspondantes. Mais nous lisons dans la chronique que « Les résultats ne répondirent pas à l' attente, car les participants ne passèrent que trop facilement du travail de reconnaissance aux joies de la nature. L' entreprise ne fut donc pas continuée l' année suivante ».

Les dimensions du programme des courses s' accrurent, et les excursions de plusieurs jours dans les hautes montagnes d' autres cantons devinrent la règle. On se risquait déjà à l' étranger, et une semaine d' ascensions au Tyrol fut mise au programme. En conclusion le chroniqueur affirmait déjà: « Les grandes courses clubistiques se sont presque toutes bien effectuées et elles sont parmi les plus beaux souvenirs de la vie des clubistes. » Il vaut la peine de remarquer que, durant les 51 premières années, 209 des 286 courses de section projetées ont eu lieu, soit 73% environ. De plus, des premières respectables réussies par des courses de section officielles dans les Alpes glaronnaises démontrent les capacités de la section Tödi.

Tödi, section de montagnards, n' est prise que comme exemple des premières années du CAS. Ailleurs aussi, dès la fondation, les ascensions furent mises au premier plan. Si les sections manifestement citadines se sont signalées dans les Alpes par des escalades individuelles plutôt que par des excursions en société, les autres sections ont dans la règle repris les courses de groupe; surtout dans les Préalpes et le Jura. Parmi les buts favoris on note le Säntis, l' Alpstein, le Belchen, le Weissenstein, le Beatenberg, le Napf, le Speer, le Falknis, le Kaiserstock, le Niesen, l' Augstmatthorn, les Mythen, le Pilate, le Rigi et l' Albis. Parmi les sommets dépassant les 3000 m, le Titlis était sûrement la « montagne de section » à la mode. Mais le Sustenhorn reçut déjà en 1892 une visite de section comprenant 24 membres de Pilatus et 4 guides et porteurs. Les récits parlent aussi d' ascensions au Rheinwaldhorn, au Pizzo Centrale, aux Clarides, au Tödi, au Gross Ruchen, au Lucendro, à l' Uri rotstock, au Vorab et ailleurs. Le choix de ces buts de courses donne une idée des capacités des sections vers 1900.

Si l' organisation des courses de section est encore embryonnaire durant le premier demi-siècle du CAS, elle commença à prendre des formes plus précises au tournant du siècle. L' augmentation constante du nombre des membres força les sections à organiser les courses de façon plus rigide. L' augmentation de la demande pour des courses de section fit désigner des organisateurs d' excur ou de courses, mais ils n' eurent une place assurée dans les comités de la plupart des sections que dans les années 20 et 30. L' établissement systématique du programme des courses et le développement des transports permirent aux sections de viser plus haut d' année en année.

Sitôt introduit en Suisse, le ski ouvrit de nouveaux chemins aux amis de la montagne. Le CAS peut se flatter d' avoir dès le début compris et exploité la possibilité de faire grâce au ski des ascensions même en hiver. La chronique nous apprend que, le 8 janvier 1893 déjà, deux membres de la section Tödi réussirent l' ascension du Schild avec des « planches à neige ». En 1903 une course de section à ski figurait au programme de la section Pilatus, et la section Rsetia organisa à la Lenzerheide, du 21 au 25 janvier de la même année le premier cours de ski en Suisse. Sur l' initiative de la section Tödi, et encore en 1903, malgré des difficultés initiales, la section Piz Sol construisit à Spitzmeilen la première cabane de skieurs de nos Alpes. Quoique l' organisation de courses à ski fût laissée aux jeunes ski-clubs, qui d' ailleurs travaillaient en étroite collaboration avec les sections du CAS, le ski de tourisme se développa dans le Club alpin au point d' en devenir une partie intégrante. Si la technique du ski et l' équipement primitif n' ont guère permis que des excursions modestes jusqu' aux années vingt, il n' existe aujourd'hui presque plus de limites aux courses à ski. Grâce au perfectionnement de l' équipement et en particulier à la construction de ski courts et skis d' été maniables, des courses à ski sont portées à nos programmes jusqu' au début de l' été. Le ski n' a pas seulement ouvert de nouvelles possibilités à l' alpinisme, il est devenu un moyen de recrutement important à la croissance du CAS. Sans vouloir accorder une préséance au tourisme d' hiver sur celui d' été - tous deux ont besoin de prospérer -, le CAS s' efforce pourtant de lutter contre la banalité qui s' est emparée du sport blanc, et d' encourager les courses à ski en haute montagne, loin du tumulte de la foule, dans la nature encore tranquille.

De même que le ski, grâce à l' amélioration de sa technique et aux matières nouvelles, le tourisme d' été lui aussi se développe constamment et peut marquer de constants progrès, dont le touriste convaincu n' est pas le dernier à profiter. Il est aussi influence de façon décisive par une technique particulière et par l' usage des moyens artificiels. Par suite de l' augmentation des membres, les courses de section jouissent d' une fréquentation accrue, mais on ne peut en revanche presque plus contenir le désir d' entreprendre des escalades plus grandes et plus difficiles. On ne peut pas nier que ce phénomène pose aussi de sérieux problèmes pour l' organisation des courses de section. Les courses dans les Préalpes, qui jadis étaient tant aimées, ont été presque entièrement remplacées par les grandes courses et la varappe. On lit sur les programmes de courses des sections tout ce qui possède un nom et un rang entre les Alpes grisonnes et le Valais. Les semaines clubistiques à l' étranger ont suivi automatiquement et avec succès. Des semaines au Mont Blanc ou dans les Dolomites sont devenues chose entendue. De nombreux adversaires des « processions clubistiques » ont appris, grâce aux organisations collectives, à connaître le monde alpin depuis les Alpes juliennes jusqu' aux Pyrénées. Même des voyages à l' Olympe, en Corse et en Sardaigne ne sont pas des raretés. Le fait que même le Kilimandjaro soit considéré comme course de section du CAS correspond éloquemment à notre temps où les frontières et les distances ne jouent plus qu' un rôle secondaire.

Un coup d' oeil aux programmes des courses les plus récents des sections permettra le mieux de se faire une idée complète des capacités actuelles du CAS comparées à celles des années de fondation. Quand on parcourt les programmes annuels des sections entre 1958 et 1961, on voit par exemple que, par nécessité, durant les mois de janvier et février ne s' effectuent que des courses à ski dans les Préalpes. Puis les courses à ski en haute montagne suivent dès le début de mars. On trouve dans les programmes tous les massifs qui se prêtent au ski, depuis la solitaire Basse Engadine jusqu' au Mont Blanc et au Dauphiné, et pas moins au Tyrol, entre autres le Gross Venediger, le Zillertal, le Stubai, l' Ötztal, le massif Adamello—Presonella, ou l' Ortler. De nombreuses sections se contentent des courses mentionnées dans les Alpes orientales et occidentales, mais dans d' autres grandit d' année en année l' attrait des courses combinées ski et varappe, avec les descentes raides rendues possibles par la technique raffinée du ski: Doldenhorn, Mont Dolent, Aiguille du Midi, Nadelhorn, Aiguille d' Argentière, Aiguille Verte, pour ne nommer que quelques-unes de ces ascensions exceptionnelles. Les courses extrêmes de varappe et de ski commencent à s' équi. Il faut attribuer la pratique du ski de tourisme jusqu' au début de l' été au fait que les cols alpins sont ouverts assez tôt, et la motorisation croissante. Les courses à ski se chevauchent de plus en plus avec les courses à pied. Les dernières randonnées à ski s' organisent parallèlement aux premières varappes dans les Gastlosen, les Engelhörner et à l' Alpstein.

Si, dans le choix des courses hivernales, il faut tenir compte des possibilités accrues de la technique, il en va de même en été, et en général les ascensions d' un niveau élevé jouissent d' une plus grande participation que les courses faciles. Des escalades telles que l' arête sud du Salbitschijen, la tour sud des Krönten, le pilier de la paroi sud-ouest du Piz Aela, les Ecandies, le Requin ou les Grands Charmoz, varappes célèbres et difficiles qui, il n' y a que peu d' années, étaient accessibles seulement aux cordées les plus entreprenantes, apparaissent aujourd'hui régulièrement dans nos programmes de sections.

Pourtant, maintenant comme avant, la majorité des membres préfère les courses qui combinent le rocher et la glace. Ici aussi référons-nous au programme d' été d' une section: Balmhorn par l' arête de Wildelsigen, les Aiguilles Rouges d' Arolla et le Grand Combin; FEiger, le Mönch et la Jungfrau par leurs voies classiques de la Mittellegi, du Nollen, du Guggi ou du Rottal; le Schreckhorn, le Lauteraarhorn, le Finsteraarhorn et FAletschhorn; le Dom, le Teeschhorn et le Nadelhorn; les sommets du Weisshorn à la Dent Blanche, en couronnement de quoi on choisit encore surtout le Cervin pour conclure la semaine. Le touriste des Préalpes et le camarade plus âge et en moins bonnes conditions physiques ont le droit d' espérer que leur désir de courses plus faciles et moins pénibles soit aussi pris en considération dans les programmes, ce que la plupart des sections veillent à faire.

Même si, souvent, les courses se déroulent au plus haut degré de difficulté admissible dans le cadre d' une section, il serait faux - par exemple de la part d' un CC - de vouloir diriger le tourisme dans les sections. Quand une section se prête à la formation comme chefs de course de ses membres les meilleurs et les plus qualifiés, et qu' elle peut ainsi assumer l' organisation et la responsabilité d' escalades qui sortent de l' ordinaire, on ne peut que l' en féliciter. D' autre part, il serait certainement mal venu de méjuger une section qui souffre de circonstances moins favorables et se voit obligée de renoncer aux courses de section particulièrement grandes et difficiles. L' organisation des courses du club peut heureusement, dans l' ensemble de la Suisse, se féliciter d' une activité remarquable. Le fait que des accidents graves soient très exceptionnels dans les entreprises du CAS même avec de nombreux participants, montre bien que les courses de sections sont menées avec précaution et avec le sens des responsabilités nécessaire. C' est le meilleur témoignage qu' on puisse offrir nos chefs de courses.

L' activité touristique des sections ne peut pas se mesurer seulement à I' escalade de sommets plus ou moins difficiles. L' alpinisme en groupe trouve aussi son sens et son but en ce qu' il stimule la camaraderie entre membres d' origines et d' activités professionnelles diverses. On ne peut, certes, pas contester que cela ait remarquablement réussi au CAS; car des amitiés nombreuses et durables sont nées pendant des courses de section entre des camarades qui auparavant se côtoyaient sans se voir.

L' organisation de cours En rapport avec l' activité touristique, l' organisation soigneuse de cours dans les sections mérite aussi d' être mentionnée. Par une formation systématique, on a réussi à familiariser les membres des sections avec les connaissances alpines indispensables. C' est grâce aux cours de technique alpine, dont s' occupent surtout les sections de villes, que le niveau des courses de club s' est constamment élevé. Le CC a aussi attribué une grande valeur à la formation de chefs de courses. Les cours pour chefs de courses furent critiqués injustement à leurs débuts dans les cercles de guides par crainte de concurrence, mais on ne peut plus concevoir le développement du CAS sans eux. Ce sont les chefs de cours qui sont le mieux placés pour familiariser les futurs chefs de courses avec les tâches qui les attendent dans le domaine technique et sur le plan humain. Comme il se doit, les chefs de courses apprennent durant ces cours à reconnaître quand il est nécessaire d' engager un guide diplômé. Il est heureux que les courses de sections soient devenues une source de revenu additionnelle pour bon nombre de guides. D' autre part, nous ne pouvons que nous réjouir quand, lors de courses du CAS, des clubistes se développent et deviennent des grimpeurs actifs et indépendants. Ce qui importe pour le club n' est pas que plus tard ils utilisent leurs talents à l' intérieur de l' organisation ou avec des amis de la même trempe, mais que le bon renom du CAS ne soit pas associé à des actions qui sortent des limites d' un alpinisme sain.

Semaines clubistiques organisées par le Comité central Qu' à côté des innombrables ascensions organisées par les sections il y ait encore besoin de participer à des semaines clubistiques englobant toute la Suisse n' apparaît pas comme évident, si on pense à la structure fédéraliste du CAS. Pourtant ce désir s' est fortement développé en particulier ces dernières années, sans pour autant handicaper la vie des sections. Ce sont surtout les semaines du CC à l' étranger qui rencontrent de plus en plus d' intérêt. Cela est dû en partie aux conditions financières relativement favorables d' une entreprise collective, qui permettent une participation plus large, mais aussi à la confiance en l' organisation qui délivre le touriste de bien des soucis dans un pays encore inconnu. Preuve en soit que, par manque d' intérêt, les semaines du CC à l' intérieur de la Suisse ont souvent la plus grande peine à avoir lieu.

La première semaine centrale d' excursion à Glaris du 9 au 17 août 1863 doit-elle être décrite comme une semaine clubistique du CC dans le sens ordinaire? C' est affaire d' interprétation. Mais il est certain que le 29 juillet 1917 à Kandersteg le président de la section Altels salua, venus de toute la Suisse, les 150 participants de la première semaine clubistique ouverte aussi au sexe faible. Le programme prévoyait des « courses de masse » dans les environs immédiats de Kandersteg, et des courses séparées au massif de la Blümlisalp, au Doldenhorn, au Balmhorn et au Rinderhorn. La semaine s' ouvrit par un temps splendide, mais qui se gâta au point qu' il ne put plus P. KaufmannCh. Inäbnit P. Egger R. Kaufmann R. Kaufmann P. Müller F. TeutschmannP. Rubi Ch. Jossi Ul. RubiCh. Almer F. RothO. MeierP. BaumannCh. GertschUI. Kaufmann Guggen J. KaufmannP. SchlegelP. BohrenCh. Almer jun. P. BaumannCh. Brawand Ch. BohrenP. Inäbnit Tuftbach Ul. AlmerJ. Jossi 22 Les guides de Grindelwald A la fin du XIXe siècle Photo C. Gölz ( Archives du musée alpin suisse ) être question de grandes ascensions. La semaine fut égayée de soirées avec projections et causeries, et la fête du ter août au bord du lac d' Oeschinen réussit par sa beauté à créer l' enthousiasme.

La « semaine clubistique de Ragaz » déjà préparée par la section Piz Sol, avec des courses dans le massif Piz Sol—Falknis et dans les Kreuzberge fut victime de l' épidémie de grippe qui faisait rage dans tout le pays.

En 1923, à l' occasion du 25e anniversaire de sa fondation, la section Piz Terri organisa une « semaine clubistique de Flims » d' une quarantaine de participants, clubistes et membres de leurs familles Les principales ascensions furent le Flimserstein, le Tristelhorn, la Ringelspitze, le Sar-dona-Segnes, le Mundaun, le Bargis et le Piz Fess.

Si ces premières semaines clubistiques, animées de façon sporadique par le CC, n' offraient aux participants que des buts restreints, cela devait bientôt changer. A côté de l' intérêt touristique, elles avaient sans doute aussi pour intention d' établir la camaraderie et l' amitié sur une base plus large.

En 1926 sortit des rangs des clubistes la suggestion que le CC devait essayer d' organiser des expéditions à l' étranger. Les premières sections à en profiter devaient être les plus petites, qui n' étaient pas elles-mêmes en mesure d' en mettre sur pied. Mais l' idée fut longue à mûrir, car encore en 1950 le CC de Glaris devait repousser des objections venues du quartier commerçant. On peut lire par exemple dans le rapport de gestion de ce CC, à propos de battue: « Si tous les deux ans 150 ou 200 membres du CAS s' en vont quelque part en dehors de nos frontières, c' est en somme sans importance pour notre commerce, mais le CAS s' en trouve mieux; nous aussi en Suisse nous sommes heureux de recevoir nos hôtes du monde entier. » Entre temps la section Oberhasli prépara en 1930 une semaine touristique de grand format dans les Alpes bernoises. Il était question d' escalader avec les grimpeurs les plus beaux sommets des Engelhörner. On crut même les participants capables de chevaucher la longue arête sud-est du Finsteraarhorn. Le succès de la semaine n' apparaît pas très clairement du rapport de course, mais on ne peut guère rendre l' organisation responsable de la pluie, de la neige et du brouillard qui empêchèrent d' accomplir une bonne partie du programme.

Le silence retombe sur les semaines clubistiques du CAS jusqu' en 1933 où la section Bernina en organisa une dans les massifs de la Bernina et du Bergell. Il ne fait aucun doute que la région choisie se prête spécialement bien à des semaines touristiques. Le peu d' intérêt suscité fut d' autant plus décevant qu' on avait essayé de satisfaire à toutes les exigences. A lire des articles contradictoires sur les « Leçons de la semaine du CAS à Pontresina », il faut supposer que les participants n' atteignaient pas tous le niveau demandé. Un des auteurs en arrive à cette conclusion: « L' expérience montre que - si on veut parer des risques qui ne sont que normaux et constamment présents - de grandes ascensions à l' échelon de la section ou du club ne peuvent être entreprises qu' avec des gens strictement choisis. » La variété des capacités de ceux qui participent à des courses difficiles restera toujours un des fardeaux du chef de course. Certes la camaraderie entre participants et quelques sacrifices à l' égard du plus faible peuvent combler une grande partie du fossé. Mais d' autre part le plus faible doit se rendre compte du danger qu' il fait courir à ses camarades autant qu' à lui-même en surestimant ses forces et ses possibilités. Au CAS on ne mesure pas un membre d' après sa force, mais d' après le bon sens avec lequel il approche la montagne. Par là nous entendons, entre autres, savoir renoncer quand les forces ne suffisent plus.

Ces objections étaient partiellement justifiées, mais les entreprises collectives englobant un grand nombre de participants de toute la Suisse réussirent clairement à s' imposer malgré leurs 5Us Alpes —1963 -Die Alpen65 désavantages. Dès que nos frontières se rouvrirent sur le monde libre, se montra le besoin de faire connaissance avec les montagnes depuis les Alpes juliennes jusqu' en Espagne. Suivant l' exemple donne en 1943 par le CC de Pontresina, les CC suivants s' efforcèrent d' organiser chaque année une semaine touristique en été et une en hiver. Ces semaines furent aussi à plusieurs reprises confiées avec succès à des sections. Une semaine à Zermatt, organisée par la section Monte Rosa, réussit à attirer 150 participants. Mais d' autre part les montagnes moins attrayantes de la Suisse primitive n' éveillèrent qu' un intérêt très mince. Il faut regretter que les massifs moins célèbres n' arrivent plus à nous charmer, mais c' est un signe de notre temps auquel les organisateurs de semaines touristiques doivent se faire.

Il fallut aussi s' adapter au grand développement du ski alpin. C' est ainsi que sur proposition du CC de Bienne FAD de 1949 décida de transformer la Commission hivernale déjà existante en une Commission de courses pour le motif suivant: « En ce qui concerne le succès du ski dans les courses et les excursions, une commission spéciale existe déjà pour ce domaine nouveau. Le ski s' est maintenant généralisé. On va à ski et on grimpe en toute saison. L' un ne se comprend plus sans l' autre. C' est pourquoi il est juste qu' une seule commission s' occupe des deux domaines. » Quoique les CC précédents aient tous porté de l' intérêt à l' organisation des courses et aient d' année en année offert beaucoup de nouveauté aux membres qui s' y intéressaient, cette commission des courses, qui a subsisté jusqu' à aujourd'hui et sert le CC actuel comme conseillère, a introduit une constance de valeur dans l' activité touristique du CC.

A partir de ce moment furent entre autres portées au programme les courses à ski suivantes: la Haute Route du « Mont Blanc à Zermatt », une traversée à ski du « Säntis au Kärpf », « six quatre mille dans FOberland bernois », une semaine touristique « Ortler—Cevedale ». Pas moins de 184 participants s' étaient inscrits pour la semaine de courses à ski dans l' ötztal.

Le CC de Neuchâtel sortit des chemins battus quand, en 1954, il organisa avec grand succès une semaine de varappe en Corse. L' idée d' une « expédition » dans file méditerranéenne eut un tel écho que par la suite les sommets importants du Val Viro et du massif de Bavella devinrent des buts de choix pour des courses de sections.

On a plusieurs fois essayé de mettre sur pied des semaines touristiques pour vétérans, mais ces semaines spéciales n' ont pas eu l' écho attendu. Ceux dont l' insigne du CAS est cerclé d' or veulent aussi garder leur liberté dans le choix de leurs courses, et ne tiennent pas à se séparer des autres membres plus jeunes. Mais le besoin se révéla de prévoir pour les alpinistes modestes de tout âge un plus grand nombre d' entreprises qui exigent relativement peu d' adresse technique et de force physique. La pratique a d' ailleurs montré qu' il s' est forme un noyau fidèle et reconnaissant pour de telles semaines touristiques faciles à l' étranger.

Même quand elles offrent des massifs et des ascensions de choix, les semaines touristiques en Suisse ont de plus en plus perdu leur attrait. Les commissions de courses se sont par conséquent vues obligées de recommander au CC des « expéditions à l' étranger » encore peu connues. Grâce aux conditions économiques favorables qui ont suivi la seconde guerre mondiale le prix ne joua plus le rôle principal. Après les courses en Suisse faites en cordées privées ou en section il fallut donner suite à l' appel de nouveaux horizons. Les efforts ne furent pas vains, et les semaines clubistiques, qui se sont parfois étendues jusqu' à dix jours, aux Alpes juliennes, au Dauphiné, au Grand Paradis, au Wilder Kaiser, au Mont Blanc, etc. ont toujours eu un succès complet. L' intérêt suscité par ces entreprises fut si grand qu' il fallut souvent les organiser deux et même trois fois. A côté de ces semaines d' été, les semaines de ski de printemps dans la Vanoise, au Stubai, à l' Ortler et au Zillertal ont joui aussi d' une affluence exceptionnelle.

En organisant le tourisme d' hiver et les courses à l' étranger, le CAS a sans aucun doute réussi à gagner un cercle vaste et reconnaissant d' adeptes des entreprises du CC. Ces entreprises servent tout d' abord à élargir le programme des sections qui n' ont pas elles-mêmes la possibilité d' organiser de grandes semaines touristiques. Mais à côté de leur rôle proprement alpin elles atteignent aussi, grâce à la variété de leurs membres, un but: créer entre tous les recoins de notre pays des amitiés qui certainement enrichissent le club entier. « Il nous semble aussi indispensable, écrit Max Oechslin, que les semaines touristiques ne développent pas seulement la technique alpine, mais aussi l' esprit alpin. Chaque fois que la possibilité en est offerte, que ce soit pendant la course ou le soir à la cabane, des camarades qualifiés devraient renseigner les autres sur les pays et les gens, les roches et la végétation, les sommets et les glaciers. Car l' alpiniste ne doit pas seulement faire des courses pour atteindre des sommets, mais aussi pour pénétrer dans la vie du montagnard. Les semaines touristiques doivent ainsi devenir les agents du paysage, du pays natal: elles doivent nous montrer notre pays pièce après pièce, vallée après vallée. Avec elles les membres du CAS ont la possibilité de se former en technique alpine et en esprit alpin aussi en dehors des cours et des conférences. Les semaines touristiques sont la pratique de la théorie. » Ce coup d' œil que nous avons jeté en arrière sur l' organisation des courses durant le premier siècle du CAS ne doit qu' évoquer le développement de cette activité de 1863 à 1963. C' est au lecteur à juger si le chemin que nous parcourons est le bon et s' il peut être amélioré. Appelé à garder une saine tradition, le CAS, sans rester en marge du temps, a sans aucun doute réussi à maintenir l' idéal fixé par les fondateurs de notre association alpine. Les cent prochaines années nous engagent à faire de même! Si nous suivons l' appel de l' ancien Président central Pierre Soguel, le CAS continuera à se bien porter: « Eveiller l' amour pour les montagnes, voilà la tâche, le fondement même de toute association alpine. Pour faire fleurir cet amour nous devons grimper et parcourir la montagne toujours à nouveau. Plus notre effort et notre enthousiasme seront grands, plus elle nous récompensera richement. Les jours que nous passons à la montagne ne sont-ils pas parmi les plus beaux de notre vie? C' est pourquoi, mes chers camarades, ne renoncez jamais à la montagne!»Trad. P. Vittoz )

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