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Plantes forestières

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Avec 3 dessins dans le texte.Par Sam. Aubert.

Plantes forestières, direz-vous? Est-ce un sujet à exposer aux lecteurs d' un journal qui s' adresse aux fidèles de l' Alpe? Permettez! Le C.A.S. groupe des gens amis non seulement de la haute montagne, mais de la montagne tout court, et la forêt fait partie de celle-ci; elle en est, si l'on veut, la porte d' entrée, car pour atteindre l' Alpe, ne faut-il pas passer à travers la forêt! Donc, le touriste qui s' intéresse aux fleurs de l' Alpe ne saurait dédaigner celles de la forêt, car certainement existe en lui le sentiment qui attache l' homme, non seulement à la montagne des rocs, des glaces, des neiges, mais encore à tous les êtres vivants que dans sa puissance infinie elle produit.

Si la prairie alpine fascine les regards par la variété des espèces qui l' habillent; si, année après année, elle se pare de la blancheur ou de la teinte soufrée des anémones, de l' azur des gentianes, de l' or de l' arnica, du pourpre foncé de Torchis vanillé, etc., la forêt en ce qui la concerne, offre elle aussi des richesses, d' une toute autre nature cependant. Sur la prairie, c' est la variété du coloris qui l' emporte; dans la forêt, c' est au contraire l' uniformité; le vert y domine et généralement, dans quelque direction que le regard se porte, c' est du vert qu' il rencontre.

La prairie alpine a pour elle la pleine, l' entière lumière versée par le soleil. A cause du couvert des arbres, le parterre de la forêt ne dispose que d' une lumière diffuse, partiellement distribuée.

Pour vivre, les plantes exigent une certaine quantité de lumière qui, par l' intermédiaire des feuilles, assure leur alimentation en carbone, tiré de l' acide carbonique de l' air. Afin de compenser le déficit de lumière auquel les plantes de la forêt sont soumises, elles augmentent dans une forte proportion leur surface foliaire et voilà un des caractères qui les distinguent, en général, des plantes de la prairie. D' autre part, beaucoup sont de taille élevée.

Plusieurs plantes forestières se présentent souvent riombreusement associées et couvrent de vastes espaces. Ainsi YAdenostyle ( vulg. droudze ), aisément reconnaissable à ses grandes feuilles rondes en forme de parasol. Une plante très commune. Puis, le Mulgedium ou laiteron des Alpes, à la tige haute d' un mètre, terminée par une longue grappe de fleurs d' un beau violet. Si d' aventure, vos pas vous conduisent à travers une forêt où PLANTES FORESTIÈRES.

ces laiterons fleuris abondent, vous serez conquis par le charme qui émane de cette multitude, car de tous côtés, vos regards s' arrêteront sur un ruissellement de violet. Tableau qui s' inscrit au fond des yeux et que l'on n' oublie pas. La forêt est la terre d' élection des fougères, et les admire-t-on comme il se doit, ces végétaux aux feuilles si finement incisées, gracieusement étalées en une coupe d' un style majestueux. La forêt en héberge de nombreuses espèces qui toutes réalisent des motifs décoratifs d' un charme exquis. Au printemps, avez-vous observé le développement des feuilles ou frondes? Un gros bourgeon écailleux sorti de terre et contenant la fronde en espérance roulée en spirale, se déroule lentement; peu à peu, cette fronde grandit, s' étale... et les divers bourgeons deviennent cette chose glorieuse qu' on appelle un pied de fougère.

Mulgedium Adenostyle.alpinum.

PLANTES FORESTIÈRES.

Si la prairie alpine, les rochers, les graviers ont leurs raretés botaniques, la forêt a aussi les siennes, en général plus dispersées, plus humbles de couleur et plus malaisées à repérer. Ce n' est pas dans les forêts touchées par l' homme qu' il faut aller les chercher, mais au contraire dans celles qui sont restées à l' abri de ses attaques et que l'on peut encore qualifier de vierges.

En effet, dans ces forêts demeurées indemnes ou presque, on observe des endroits très ombragés, frais, moussus, où croît volontiers une freie petite orchidée, de son nom la listère cordée, facilement reconnaissable à ses feuilles en forme de cœur, à ses fleurs peu voyantes, mais d' une gracilité extrême, le tout réalisant un être d' un charme délicieux. Mais la pauvre, elle Linneae borealis.

est si fragile, qu' elle périt dès que l'on éclaircit le milieu. Cette plante, si fine, si jolie, devient hélas! de plus en plus rare, à cause de l' intervention toujours plus intense de l' homme dans le domaine forestier.

Une autre orchidée absolument liée à la forêt et très rare, c' est l' Epipogon, qui apparaît sur les souches en état de décomposition avancée à l' exclusion de tout autre substratum. Une orchidée aux fleurs menues, mais dont le style rappelle celui de ces orchidées exotiques aux grandes fleurs compliquées, bizarres, de physionomie mystérieuse, que les horticulteurs cultivent avec un art digne d' éloges.

Connaissez-vous la Linneœ borealis, cette fine plante aux tiges traçantes, aux jolies fleurs blanches en forme de clochettes délicatement suspendues à l' extrémité d' une hampe dressée? On la trouve uniquement dans les forêts supérieures de certaines régions des Alpes où mélèzes et aroles vivent de compagnie; ainsi sur la rive droite du lac de Saint-Moritz en Engadine. Cette Linneœ, elle est d' une extrême modestie et ne s' élève que de quelques centimètres au-dessus du sol; aussi échappe-t-elle d' ordinaire aux regards du promeneur non averti. Tout comme la listère, elle pratique le « pour vivre heureux, vivons cachés »; car, les fleurs belles entre toutes, dès qu' elles se font voyantes, ne deviennent-elles pas la proie des touristes. Si l' edelweiss pouvait raconter l' histoire de son espèce, quelles plaintes ne ferait-il pas entendre? Et voilà esquissés bien sommairement, quelques-uns des hôtes de la forêt de montagne. Dans leur abondance ou leur rareté, leur exubérance ou leur humilité, ce sont des êtres que la nature a adaptés à vivre dans des conditions déterminées de lumière et de fraîcheur. S' ils n' ont pas la parure brillante de leurs confrères de la prairie alpine, ils bénéficient néanmoins de caractères qui méritent l' admiration. A quiconque a des yeux, la forêt dans tous ses éléments, quelle que soit leur taille, offre des tableaux dont la beauté éclate à chaque pas.

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