«Première» du Vanii de la Gobettaz, 2112 m., par la face nord | Club Alpin Suisse CAS
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«Première» du Vanii de la Gobettaz, 2112 m., par la face nord

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Avec 1 illustration et 1 croquis.Par C. Dupasquier.

Le Vanil de la Gobettaz, dans la chaîne des Gastlosen, 1e premier au nord-est du groupe des Trois Pucelles, se présente, du côté nord, sous la forme d' une paroi verticale, haute de 300 mètres. Cette paroi, infranchissable sans moyens techniques, n' avait pas encore livré son secret jusqu' ici, alors que la traversée complète des trois sommets avec descente du côté fribourgeois, ainsi que l' ascension des parois nord de la 3e et de la 2e de ces pointes ont déjà été effectuées en 1932 et 1934, respectivement. Pipoz Fernand, de Charmey, artisan principal de ces conquêtes, que le problème de cette dernière « première » dans ce groupe dont il connaît tous les passages, ne laissait pas indifférent, en décida l' exécution avec deux amis: MM. Ernest Hœny et Henri Césa de Bulle.

Cette escalade débuta par la pose de pitons sur la paroi latérale d' un couloir infranchissable qui descend du sommet. Quatre fois déjà, ils étaient allés au plus près de ce couloir, utilisant, pour y parvenir, une vire horizontale partant du chemin habituel. Vingt fois ils se livrèrent à cet exercice d' acrobatie qu' est celui, dans une position d' équilibriste, de perforer la roche pour y placer le piton suivant. Leur dernière expédition leur permit de franchir la paroi et d' en sortir par le haut, entre les 1er et 2e ressauts que comporte ce sommet du côté de la 2e Pucelle. L' ascension de la première Pucelle fut virtuellement effectuée ce jour-là, le 30 juillet 1939.

Ce résultat, si heureux qu' il fût, ne devait toutefois pas satisfaire complètement Pipoz qui désirait donner à son ascension le caractère d' une première dans toute l' acception du terme. Son intention demeurait, dans ce but, de franchir la première partie du parcours par une voie entièrement nouvelle, de terminer son ascension en ligne droite, d' imprimer si possible à son itinéraire qui avait la forme de la lettre S, celle de la lettre I. La réalisation de ce désir eut lieu le 13 août 1939. Nous assistons à cette ascension finale. Le ciel vaporeux, chargé de grands nuages blancs, imprègne l' air d' une fraîcheur propice aux efforts d' une telle ascension que le soleil rendrait pénible à cette saison, à cette altitude. La seule crainte que peuvent inspirer ces nuages est celle de gêner les témoins que nous sommes... Crainte que ne formuleront pas ceux qui, à tort, sont restés au chalet d' où le départ a lieu à 6% h. après un cacao délicieusement odorant autour du « dietzet » dans lequel chacun a puisé avec une cuillère de bois. Pipoz et ses camarades s' ap maintenant de la montagne, gaiment, ainsi que vers une promenade, sautant parfois d' une pierre à l' autre, joyeusement. Sur leurs visages que nulle émotion ne trahit, ne s' exprime qu' une chose: l' amour de l' Alpe.

La paroi verticale, au-dessous de laquelle ils arrivent, ne peut être examinée que la tête rejetée en arrière. Son sommet se dessine au ciel. Un couloir de 250 mètres en descend verticalement. Ce couloir part de la brèche séparant le sommet du premier des deux ressauts qui s' abaissent vers la .PREMIÈRE. DU VANIL DE LA GOBETTAZ PAR LA FACE NORD.

2e Pucelle. Il franchit dans la dernière partie de sa chute deux petits balcons gazonnés, très inclinés, et s' arrête sur la vire transversale ornée de quelques sapins, que nos amis ont rejoint précédemment, par la voie habituelle. Une paroi irrégulière, haute de 50 mètres, coupée de petits balcons disposés au hasard, nous en sépare. L' ascension de la paroi du Vanil de la Gobettaz nous apparaît, vue de sa base, impressionnante. Et voici ce qu' elle exige: atteindre cette vire en ligne directe: « remonter la chute de ce couloir vertical », coupé de deux balcons gazonnés, puis par ce même couloir s' élever en ligne directe au sommet Problème d' une simplicité émouvante! ne pouvant être résolu qu' en faisant abstraction totale du danger. Pipoz et ses camarades s' ap à le résoudre dans cet esprit.

La première partie du parcours présente pourtant déjà quelques difficultés. Succédant, au départ, à une petite cheminée de 10 mètres escaladée facilement, une paroi légèrement gazonnée, haute de 30 mètres contre laquelle Pipoz s' agrippe, entre terre et ciel, résiste de sa ligne verticale, dépourvue de prises. Pipoz, à 20 mètres du balcon qui le précède, est contraint déjà d' user du marteau pour faire quelques marches. Nous assistons à distance à ce stationnement ainsi qu' à ce travail délicat. Ses efforts sont heureusement récompensés. Un petit arolle qu' il atteint doit lui faire l' im d' un bien doux refuge. Nous l' entendons siffler « Sur nos monts quand le soleil annonce un brillant réveil ». Se doute-t-il qu' entre temps, l' a de la seconde des Pucelles s' est éclairée d' une clarté dont nous souhaitons que la signification soit pour lui et ses compagnons celle d' une belle victoire. La vire horizontale ornée de quelques sapins qu' ils atteignent et derrière lesquels ils disparaissent les conduit au pied du couloir. Ils rejoignent à cet endroit la voie par laquelle La première des Pucelles:Us sont déjà yenus üxer les Le Vanil de la Gobettaz, 2112 m.pitQns Qe ^ impraticable

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chute » pour atteindre les balcons qui le dominent, est infranchissable. Seule une paroi de sa rive droite ( en descendant ), paroi légèrement convexe, haute de 17 mètres, aujourd'hui jalonnée de 10 pitons, espacés, les premiers de 2 mètres, les derniers de 40 centimètres, permet de rejoindre le premier balcon.

Un petit sapin sec qu' ils ont hissé et disposé horizontalement sur cette paroi, à la hauteur des dernières fiches, a permis aux trois amis de fixer plus haut encore à un endroit particulièrement exposé, un piton auquel, suspendus par un bout de corde, ils peuvent en se fendant résolument vers la droite atteindre une petite fissure permettant à son tour d' arriver au balcon gazonné qu' ils ont pour objectif.

Nous discernons parfaitement ce petit sapin long de 3 mètres 50 dont nous ne comprenons pas l' adhérence contre cette paroi haute et lisse où il se détache curieusement. Pipoz à qui j' ai confié ce sentiment m' a déclaré qu' il était retenu à gauche par une pierre qui dépasse et à son extrémité droite par une fiche qui le soutient. Ce n' est pas un spectacle ordinaire que de voir Pipoz et ses camarades se mouvoir sur ces roches ainsi que des fourmis. Le chef atteint maintenant le commencement du sapin. Nous ne pouvons nous empêcher d' exprimer notre émotion et notre joie. De nos lèvres s' échappent irrésistiblement les mots: Fantastique! Magnifique! Une communion d' idée se serait-elle établie entre lui et nous? « Je ne donnerais pas ma place pour un boulet de canon... » lui entendons-nous dire.

C' est doublement magnifique! Un idéal de ce genre ne vaut-il pas mieux que toutes les richesses du monde. Pipoz, que le second de ses camarades a rejoint, atteint maintenant l' extrémité de ce petit sapin à 2 mètres au-dessus duquel, suspendu par une petite corde au piton dont j' ai parlé, il s' élance, et, se fendant hardiment vers la droite, atteint la petite fissure dont l' escalade lui permet de fouler le premier balcon gazonné. Il est 8 heures. Ses camarades le rejoignent. Une paroi de quelques mètres les sépare du second balcon gazonné. Trois fiches espacées de 2 mètres leur permettent de franchir ce passage assez délicat avec plus de sécurité.

Un rideau de brouillard, le rideau que je craignais, s' interpose maintenant entre les acteurs que sont Pipoz et ses camarades et les spectacteurs que nous sommes. La montagne se dissimule dans un nuage de vapeur qui l' absorbe, nous ravissant nos amis, nous privant de la captivante volupté que présente le spectacle de leur lutte. Pour nous consoler de cette séparation, nous nous apprêtons à gravir la montagne à notre tour, nos esprits allant par la paroi, nos corps par l' arête.

Le caprice de la nature veut que le brouillard dans lequel nous arrivons au sommet se dissipe par instants, mais que le flanc nord de la montagne en reste complètement masqué. Puisse ce voile les protéger de la sensation du vide et leur faire paraître l' escalade moins difficile. Un remarquable petit arc-en-ciel dans lequel se meuvent nos silhouettes sur la toile que tend le brouillard au bord du précipice, nous invite malicieusement à nous pencher sur le vide, pour nous mieux voir...

Nous aimerions savoir que tout va bien chez nos camarades qui doivent avoir fait les trois quarts de l' ascension et je jette, à cet effet, dans le vide, un joyeux ohé, auquel immédiatement ils nous répondent de la même façon.

Nous repartons, il est 10 heures. Des amis restent pour attendre Pipoz et ses camarades au sommet.

Au chalet où nous attendons leur retour — la montagne reste invisible — il est midi et demi lorsqu' ils arrivent et, voici ce que nous déclare Pipoz: Nous avons depuis le second balcon atteint trois petites cavités d' accès difficile, dans lesquelles nous nous sommes arrêtés pour déjeuner, vers 10 heures. C' est de cet endroit que nous avons entendu votre appel. La voie au-dessus de ces cavités passe par une cheminée surmontée de deux bosses, puis par un bloc surplombant que nous avons tourné en plaçant deux fiches. Le couloir se termine par une cheminée et la pente gazonnée qui rejoint le sommet à gauche. Nous avons utilisé en tout 25 pitons et fiches.

Lorsque nous lui demandons son impression, il nous répond qu' elle se résume en une multitude de coups de marteau, dont une certaine quantité sur les doigts. Cette réponse prouve aussi qu' ils n' ont rien négligé, leurs doigts dussent-ils en souffrir, pour s' assurer une victoire brillante et certaine. Leur exploit laborieux, le plus difficile réalisé dans les Alpes fribourgeoises à ce jour, met en relief le progrès réalisé en alpinisme, les possibilités que la technique moderne met à la disposition de ses adeptes et l' usage que Pipoz et ses camarades ont su en faire. De leur escalade découle mathématiquement qu' ils se sont entraînés, que le plan de leur ascension a été étudié sérieusement, qu' ils ont procédé à sa réalisation judicieusement, par étapes, et qu' ils pouvaient de la sorte espérer vaincre avec un maximum de sûreté, avec un minimum de danger.

Avec l' ascension de la première des Pucelles par la paroi nord s' ouvre une nouvelle ère: celle dans nos Alpes fribourgeoises des ascensions techniques.

Ceux que le sort de ces montagnes ne laisse pas indifférents applaudiront au succès de ces hommes exercés au danger et qualifiés pour en assurer la défense.

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