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Promenades dans les Alpes du Liechtenstein

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par Paul Schnaidt

Avec 1 illustration ( 72Genève ) Je venais de passer en fin d' été écoulé quelques jours des plus heureux de ma vie d' homme et de montagnard dans l' une des plus sauvages vallées des Grisons, le Val Bregaglia. Venant de Crest Avers et Juf par le Col Duan, 2697 m ., j' avais eu la vision fantastique, inouïe, inoubliable des Alpes du Bergell, avec leurs cimes prodigieuses aux noms si étranges et si prenants: Trubinasca, Badile, Cengalo, Gemelli, Sciora, Cacciabella, etc. J' avais passé des heures délicieuses à Soglio, à Promontogno, aux cabanes de Sciora et d' Albigna... Mais l' homme n' est jamais satisfait; il désire toujours davantage. Bien que comblé, j' avais cependant soif de paysages nouveaux, de mœurs et de langage différents; j' avais besoin de sortir de nos frontières et de voir autre chose avant de rentrer à Genève.

1 Cet itinéraire — faut-il le diren' est pas le chemin ordinaire de montée. On a beau se méfier des pistes tracées, on s' y laisse encore prendre parfois.

Et c' est ainsi que je me décidai d' aller visiter les vallées et les alpes d' un charmant petit pays, la minuscule principauté du Liechtenstein, pays ami et uni par tant de liens spirituels et matériels à la Suisse. Ce fut un nouvel enchantement, une nouvelle source de joies et de souvenirs intenses.

Là-bas, où les flots impétueux et parfois indisciplinés du Rhin déferlent à une allure juvénile et bruyante vers le lac du Bodan, se trouve, sur la rive droite du grand fleuve, adossée au Falknis, la principauté du Liechtenstein, à peine visible sur une carte du monde. Avec ses 157 km2 et ses quelque 11 000 habitants, c' est avec Saint-Marin, les Etats pontificaux, Monaco et Andorre, l' un des Etats souverains nains de l' Europe. La principauté vit indépendante depuis le 23 janvier 1719 et a son propre gouvernement, son parlement, son corps de police d' une douzaine d' hommes. Mais par une convention entrée en vigueur le 1er janvier 1924, elle est rattachée au point de vue économique et douanier à la Suisse dont elle utilise la monnaie, les chemins de fer et les PTT ( tout en ayant ses propres timbres ); sa représentation diplomatique à l' étranger est assurée par notre pays. Le prince régnant actuel, François-Joseph II, succéda le 26 juillet 1938 à François Ier comme douzième prince de la maison régnante depuis Hartmann II ( 1544—1585 ). Le pays vit d' industrie, d' agriculture, d' élevage et de l' exploitation des forêts. Le peuple foncièrement démocratique est d' origine alémane; une commune est composée de Valaisans qui sont venus s' y établir vers l' an 1300; il est en grande partie de confession catholique.

Les deux tiers du Liechtenstein sont couverts de montagnes avec de beaux pâturages et de merveilleuses forêts, suite de la chaîne du Rhätikon; le point le plus élevé est la Grauspitze, 2604 m. Le pays est divisé en onze communes, la capitale est Vaduz, résidence du prince. La plupart des bourgs et villages sont dans la partie basse du pays; Triesenberg s' étage par contre sur les flancs de la montagne; maisons proprettes, splendides églises d' un style varié, rues avenantes, nombreux jardinets, gens charmants et hospitaliers, nombreux hôtels de montagne et auberges, merveilleux châteaux, voilà le Liechtenstein. Chaque endroit mérite une visite, des routes et de bons sentiers permettent d' atteindre aisément toutes les régions du pays. La vue est de partout très belle sur la plaine du Rhin et les montagnes de Sargans, le Säntis et le Hoher Kasten, le paysage est souriant et très doux. Les Alpes du Liechtenstein sont intéressantes et offrent de belles parties de varappe, particulièrement les Drei Schwestern. En hiver, elles se prêtent admirablement au ski, les pentes sont très favorables surtout dans la vallée de Malbun et la haute Samina. Une cabane, la Pfälzerhütte au Bettlerjoch, 2111 m ., facilite l' ascension du Naafkopf. De très bons sentiers ( Höhenwege ) permettent de parcourir facilement tous les massifs; le Fürstensteig avec ses vues plongeantes est particulièrement impressionnant. Une excellente route relie les hautes vallées au bas pays.

De Sargans, ma bicyclette me permet de gagner rapidement Trübbach et le pont couvert sur le Rhin qui mène dans l' Oberland liechstensteinois. Les formalités de passage sont des plus simples, une carte frontalière spéciale m' est remise et me donnera la possibilité de revenir sans difficultés en Suisse. Pas de douane, cela paraît invraisemblable. Dès qu' on foule le sol de la principauté, quelque chose frappe, étrange: des potaux indicateurs le long des routes et à l' entrée des villages et pas un seul uniforme de soldat, on se dirait dans un autre monde, on croirait vivre dans un autre siècle. Quel calme et cependant à quelques minutes à peine se dressent des fortins, des fils de fer barbelés, et des sentinelles veillent.

Je dépasse le petit hameau de Mäis et déjà se dresse fier, sur une colline, le château de Gutenberg qu' encadre la silhouette du Gonzen et de l' Alvier. Puis, le premier village, Balzers, paresseusement étalé au pied de la Mittagspitze. A quelques kilomètres, Triesen blotti dans un verger et enfin Vaduz, la capitale, entourée de jardins, de vergers, de vignobles et couronnée du magnifique château de Hohen-Liechtenstein, résidence du prince; charmante petite ville, propre, souriante. La plaine s' élargit en direction du nord vers Schaan, deuxième ville du pays avec ses églises, ses maisons fleuries et ses alentours admirables. En continuant par la route de Feldkirch, on dépasse Planken où, en l' an 1250, vinrent s' installer quelques valaisans qui formèrent une communauté politique indépendante, et on atteint Nendeln puis Schaanwald. Une petite route permet de gagner Mauren et Eschen au pied de la colline appelée Eschenberg, puis Benden, au bord du Rhin, avec sa merveilleuse église et la vue incomparable sur la chaîne des Kreuzberge. Le dernier village au nord est Ruggell. Enthousiasmé par la visite de ces bourgades exquises, je reviens à Vaduz pour partir à la découverte des Alpes du Liechtenstein et de ses hautes vallées.

Une route raide permet de rejoindre le gros village de Triesenberg, 900 m ., éparpillé sur le flanc de la montagne. Il fut fondé au XIIe siècle par des émigrés valaisans et actuellement encore, le dialecte des habitants ressemble à celui parlé dans le Haut Valais. En 45 minutes, on atteint Masescha à 1250 m. avec sa chapelle dédiée à St-Théodule, patron des Valaisans, et son petit Kurhaus confortable. A une heure de là, se trouve Gaflei, 1500 m ., et son hôtel de montagne, au pied des parois abruptes de 1' Alpspitze, dans un site idyllique, avec une vue grandiose sur la vallée du Rhin et sa couronne de montagnes, et sur tout l' Unterland de la principauté. Une soirée à Gaflei reste inoubliable. C' est d' ici que part le Fürstensteig, chemin taillé dans les parois impressionnantes qui descendent jusque dans la vallée et qui permet de rejoindre le Kuhgrat, 2124 m ., belvédère grandiose sur la chaîne des Plankner Türme, le Garsellakopf, 2108 m ., et les Drei Schwestern, trois tours dolomitiques imposantes qui s' escaladent par diverses routes, parois et cheminées, de quoi satisfaire les plus gourmands chercheurs d' émotions, enfin le Jahn- et le Volland-turm, deux tours de fière allure. Le chemin continue au nord par le Schwester-kopf, 2055 m ., et descend par des gorges sauvages et des parois ( échelles et cordes fixes ) sur le col de Roja d' où, par Gafadura, on atteint Planken. De là, je reviens sur mes pas jusqu' au Fürstensteig d' où, contournant par l' est les Gibsberge, j' atteins Bargella et Gaflei, ravi d' avoir vu du pays nouveau, d' avoir tâté d' autres roches.a suivre )

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