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Retour aux Alpes

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Je m' étais dit: bien sûr qu' il y aura des changements; mieux vaut s' y préparer. Dans les affaires de cœur, être prévenu c' est être armé par avance. Et pour le vrai fervent alpiniste que j' étais, chaque vision et chaque réminiscence de cette chaîne incomparable touche le cœur. Que le cœur est jaloux de ses possessions! Combien il déteste les changements! Une maison neuve dans un site familier lui semble une trahison. Mieux vaut s' attendre à ce que tout soit gâté. On racontait d' effroyables histoires d' un Zermatt méconnaissable, de cohortes de nouveaux grimpeurs n' ayant que mépris pour les anciennes méthodes, d' une nouvelle race de guides « dernier cri », de glaciers racornis et de névés évanouis. Peut-être que le seul changement bienvenu serait dans le temps.

Les neuf dixièmes de ces « toiles d' araignée » furent balayés par le premier souffle des hauteurs. A chaque nouveau séjour dans les Alpes il y a un moment, au début — on ne peut jamais prévoir quand ni où le miracle se produira — où l'on se sent de nouveau dans les Alpes. On y est, et cela suffit. Ce sera peut-être sur un sentier moussu de la forêt, dans une rue de village, sur un pont qui enjambe l' eau laiteuse, sur l' échiné d' une moraine ou simplement dans le train. Cette année ce fut au-dessus de Sion, sur la route poussiéreuse de Savièze, au moment où, avec des sacs rebondis, la perspective de quatre heures de grimpée au moins et de mille mètres à gravir ( jusqu' au Sanetsch ) semblait déjà insupportable. La route était bordée de pommiers, au-dessous dévalaient les vignes; le chant lointain des cars postaux qui sonnaient dans les lacets de la route du Val d' Hérens, sur le versant opposé de la vallée, arrivait jusqu' à nous à travers les nuées, et comme d' un fouillis de formes confuses. Dominant les brumes, quelque chose de blanc passait entre les branches des pommiers à mesure que nous avancions, quelque chose que nous n' osions à peine regarder — la Dent Blanche, enveloppée de lumière céleste, et revêtue de trop de souvenirs pour que l' œil physique puisse la voir.Dorothy Pilley Richards Mrs. G. I. Richards ( Dorothy Pilley ) nous a gracieusement autorisé à reproduire ce passage d' un article de la revue Life and Letters ( janvier 1947 ), dans lequel elle raconte sa première reprise de contact avec les Alpes après la guerre. Alpiniste de première force, Mrs. Richards fit avec son mari, en 1928, sous la conduite de Joseph George, le skieur, la première ascension de l' arête nord de la Dent Blanche. Elle a raconté celte belle escalade dans un chapitre magistral de son livre Climbing Days.L. S.

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