Ski de pente raide, évolution des pratiques
De plus en plus d' adeptes du ski de randonnée se tournent vers des pentes dont la déclivité n' attirait qu' une infime minorité jusqu' à il y a peu. Décryptage du phénomène pente raide.
La tension ressentie par les aficionados du kilomètre lancé au départ de leur course ne doit guère différer de ce que nous vivons, les skis en porte-à-faux sur l' arête sommitale du Grand Chavalard. Sous nos pieds la face est, 1300 mètres de dénivelé dont les 300 premiers à 42 degrés ou plus. L' ambiance est grandiose: ce versant de la montagne domine la vallée du Rhône, et du pied de la pente orientale restent encore 1100 mètres avant de fouler le plancher des vaches entre Martigny et Sion. Lorsque nous poussons sur nos bâtons pour atteindre la descente, nous avons l' impression de nous lancer sur une rampe de décollage! Reste à maîtriser tous les virages qu' au terme de la face et l' examen sera passé.
Chaque seconde qui précède l' entrée dans une pente raide garde un goût d' exercice de style qu' il ne faut pas manquer. Sans appartenir au domaine du ski extrême ( passages à plus de 55° ou pente moyenne excédant 50° sur une imposante dénivellation ), le ski de pente raide ( passages à 45° ou pente excédant 40° en moyenne sur une grande descente ) requiert certaines facultés. La chute dans un versant incliné à 40° ou davantage peut avoir des conséquences dramatiques. Au mieux s' en sort-on avec quelques égratignures, au pire y laisse-t-on la vie. Par neige fraîche, le danger d' avalanches paraît évident, mais l' inclinaison seule ne peut conduire à renoncer. L' expérience permet souvent de profiter de conditions de poudreuse parfaite dans des couloirs à 45°.
Ces dernières années, on constate un engouement croissant pour ces randonnées à skis. Parmi les causes plausibles, on peut penser à l' évolution du matériel et à l' amélioration du niveau technique des pratiquants. L' attirance pour un domaine réservé à une minorité joue aussi un rôle prépondérant. Le succès grandissant que connaît le ski de randonnée a probablement poussé les amateurs de solitude vers des zones moins courues. Il demeure assez rare de trouver du monde dans les pentes raides. Comme témoin de l' évolution des pratiques, on peut citer les topoguides de François Labande publiés dès les années quatre-vingts aux Editions Olizane. On y trouvait de nombreux itinéraires exigeants. Ces topos ont connu un franc succès, en partie parce qu' ils comblaient une lacune et répondaient à une attente du public. Le virage a aussi été amorcé avec les derniers guides de ski publiés par le CAS, où la palette des courses proposées fait désormais la part belle aux descentes de difficulté accrue. Dans la presse spécialisée, la pente raide est devenue une discipline à part entière et de nombreux articles lui sont consacrés. Mais cette pratique ne date pas d' aujourd qu' en 1935 Schintlmeister et Krügler descendent la face nord du Hochtenn dans le Tyrol ( 45° sur plusieurs centaines de mètres ). Avec le matériel de l' époque, ne pourrait-on pas déjà parler de ski de pente raide?
Le ski de pente raide demande quelques préparations. La lecture des topos permet de se faire une idée du terrain à parcourir. La qualité des ouvrages actuels est telle que leur utilisation ne pose pas de problèmes. Il faut cependant être capable d' interpréter les différentes échelles de cotation, l' homogénéité de celles-ci n' étant pas garantie d' une collection à l' autre. Pour que la descente ne tourne pas au drame, il convient de se familiariser progressivement avec des pentes de plus en plus inclinées. On testera ainsi son aptitude à ne pas trembler le moment venu. Il faut aussi tenir compte de l' exposition et ne pas s' exercer au-dessus de barres rocheuses ou dans des couloirs étroits. Les conditions revêtent une importance capitale. Un couloir en neige dure à 40° est plus difficile qu' un autre en poudreuse à 45°. Aujourd'hui, de nombreux sites permettent de glaner des informations ( skirando.ch, skitour.fr, gipfelbuch.c.h ) sur les itinéraires parcourus récemment. Ces appréciations sont toutefois subjectives et un habitué de la pente raide n' évaluera pas les choses de la même façon qu' un débutant.
Pour le débutant, il est judicieux d' éviter le cœur de l' hiver et sa nivologie délicate. Le printemps offre en général les conditions les plus aisées à juger. On calculera l' horaire en fonction de l' orientation des versants et des températures du moment. Il n' est pas rare qu' il faille aborder une pente avant qu' elle ne dégèle sur le haut afin de ne pas s' exposer aux coulées sur le bas. La préparation physique ne doit pas être négligée. Il faut bénéficier de suffisamment de réserves afin de ne pas se retrouver dans un versant à 45° avec des jambes qui flageolent après le troisième virage! Contrairement au ski extrême, où il paraît nécessaire de remonter l' itinéraire que l'on envisage de skier afin de juger des conditions, en pente raide on préfère souvent suivre un autre accès à la montée, pour des questions de confort. Au chapitre du matériel, la marge d' erreur reste minime. Un piolet procure une sécurité accrue dans les traversées exposées. De plus en plus d' adep s' équipent d' un casque, ce qu' on ne peut évidemment qu' encourager.