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Trois fois les Ecandies

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par Hans Schmid

Avec 1 illustration ( 142Section Moléson ) Fera-t-il beau, fera-t-il mauvais temps? C' est la question que je me pose un vendredi soir de ce lamentable mois de juillet 1948. Je ne suis pas le seul à hésiter, cette année le soleil semble se cacher avec une insistance désespérante. C' est déjà la quatrième fois dans l' espace de trois ans que je projette une course aux Ecandies, et trois fois la pluie ou la neige m' ont fait rebrousser chemin. Je trouve vite des camarades, et samedi après-midi nous filons vers le beau Valais.

En arrivant à Champex nous apercevons, émergeant des nuages, la calotte du Grand Combin qui nous laisse l' espoir du beau temps. Au Val d' Arpette nous passons la nuit dans une grange, et malgré les couverturesle froid nous transperce.

A 5 heures du matin, après un bon déjeuner, départ vers le Col des Ecandies. Sous la grande brèche, nous déposons les piolets et tout le matériel superflu. Le temps est au beau, mais un peu de brume s' accroche tenacement au flanc des montagnes abruptes. Je décide d' attaquer directement la deuxième partie, qui est d' ailleurs la plus belle et la plus intéressante. Déjà la montée au premier sommet nous donne un aperçu de la varappe, et nous admirons la pureté du granit rougeâtre. Avant de descendre le grand rappel, nous croisons d' autres équipes, et nos saluts joyeux résonnent dans l' imposante solitude.

Nous repartons en direction du sud, et bientôt nous sommes au « Grand Pas » ou « Saut de l' Ange ». L' arête, très effilée et vertigineuse, est coupée d' une brèche en forme de tenaille, c'est-à-dire que les deux pointes des mâchoires, comme celles d' un emporte-pièce, s' avancent sur le vide en porte-à-faux. Le pas ne dépasse guère un mètre, mais lorsqu' on vient du nord, l' atterrissage doit se faire presque sur le ventre, et il faut assurer l' équilibre en embrassant le rocher. Après l' exclamation: « Jacques, assure bien! » je franchis le passage, et les copains me suivent. Le « Rasoir » se fait aisément, ainsi que son rappel de 20 mètres. Nous attaquons avec une nouvelle ardeur les « Trois Sœurs » dont nous franchissons seulement deux sommets. Le troisième, nous le gardons pour la prochaine fois, car nous avons l' intention de faire cette traversée en sens contraire. Nous tirons quelques photos, perchés sur un clocheton qui se penche audacieusement vers le glacier du Trient. Nous nous extasions devant les Aiguilles du Tour et le Chardonnet, encore tout enneigés.

Déjà nous dévalons les pentes neigeuses du Val d' Arpette. En passant, nous reprenons notre matériel et, une heure plus tard, nous apaisons notre soif avec un bon fendant au restaurant d' Arpette.

Une année plus tard, attirés par le souvenir de cette belle varappe, nous repartons pour Champex. Le temps est beau. Nous passons la nuit de nouveau au Val d' Arpette. La nuit est tiède et le matin nous sommes salués par la pluie; mais nous tentons néanmoins la chance. Sous la bruine nous montons au Col des Ecandies. En route nous croisons quelques touristes qui abandonnent la partie à cause du mauvais temps. Mais nous ne désespérons pas, car quelques taches de ciel bleu se montrent entre les nuages. Bientôt le soleil fait son apparition et nous attaquons les Trois Sœurs qui se défendent avec une mince couche de glace dont elles sont vêtues. Peu à peu le soleil vient à notre aide, et à midi nous avons gravi les trois sommets. Particulièrement difficile fut la pointe centrale qui s' escalade par une belle cheminée, obstruée Die Alpen - 1951 - Les Alpes27 par un gros bloc dans sa partie supérieure. La montée de mes camarades est facilitée par la corde fixe que j' ai posée et qui nous sert en même temps comme corde de rappel pour la descente. Le brouillard enveloppe de nouveau toutes les pointes; nous décidons d' abandonner la traversée et quittons ces lieux par un rappel de 40 mètres, en disant au revoir à nos chères Ecandies.

Ainsi dit, ainsi fait. Après une magnifique semaine de varappe dans le Bergell, je repars pour les Ecandies, mais cette fois accompagné de deux clubistes du CSFA et de deux camarades de la section Moléson. Les pronostics de la radio promettent un temps sûr, mais en arrivant à Arpette il pleut à torrent, et cela dure toute la nuit. Au matin la pluie cesse, et à 6 heures nous prenons le chemin du col, car nous voulons faire la traversée en sens inverse. En route, la pluie reprend, nous sommes obligés de nous abriter sous un gros bloc de rocher. Cependant je garde l' espoir et j' en suis récompensé. Bientôt les nuages se dissipent, et à 10 heures nous sommes au sommet de la troisième Sœur. Nous attaquons la seconde par la même cheminée que lors de la dernière ascension, elle est humide mais exempte de glace cette fois.

Suivant l' arête, nous voici au fameux Rasoir, joli morceau, et nous savons que le « Grand Pas » nous attend. Depuis le Rasoir les Ecandies ont un aspect majestueux; leur teinte fauve, les gendarmes s' élançant vers le ciel donnent aux camarades un frisson et cependant y a-t-il rien de plus attirant: gravir ces dalles lisses, suivre ces sommets et gendarmes. Le « Grand Pas » en question passé, pour les dames avec quelques hésitations, la partie la plus scabreuse est certes la montée du « Grand Rappel ». Un mur vertical de 30 mètres avec quelques fissures et petites prises. Une fois franchi cet obstacle sérieux, je pose une corde fixe qui permet aux camarades de gravir ce mur plus facilement, mais malgré cela c' est un véritable exploit pour nos deux alpinistes féminines. Sans grande peine nous arrivons au sommet, et un rappel de 20 mètres nous dépose dans la grande brèche, et peu après nous sommes de retour au restaurant d' Arpette.

Un singulier oiseau:

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