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Du Dalatal au Lötschental en passant par deux sommets Majinghorn et Loicherspitza

La traversée de ces deux superbes sommets est exigeante, mais elle permet de découvrir des endroits peu courus et des perspectives nouvelles sur des vallées et montagnes bien connues.

Le nom de Dalatal ne vous dit rien? Vous êtes en bonne compagnie. Qui donc le connaît, à part ses habitants? La rivière Dala, qui lui donne son nom, prend sa source dans la région de la Gitzifurggu, entre le Balmhorn et le Ferdenhorn. On connaît bien, par contre, Loèche-les-bains ( Leukerbad ), station thermale et touristique située haut dans la vallée. L' eau chaude – d' une température dépassant 50° C – y jaillit à raison de presque 4 millions de litres par jour de la plus généreuse source thermale d' Eu. Les touristes ne sont pourtant pas attirés dans le Dalatal seulement par les bains, mais aussi par les montagnes. On les voit s' engager en processions vers le célèbre Torrenthorn, connu comme sommet splendide et facilement accessible aux randonneurs. Si l'on recherche la soli tude, on se dirigera vers des sommets moins fréquentés à l' exemple du Majing horn, situé juste derrière le Torrenthorn. On s' y trouvera souvent seul. Les randonneurs endurants peuvent même envisager une double traversée en enchaînant sur la Loicherspitza.

On avalera confortablement les premiers mille mètres de dénivelé au moyen de la télécabine de la Rinderhütte. Ce nom évoque le romantisme d' une cabane rustique, mais il s' agit d' un hôtel-restaurant tout à fait ordinaire pour la station terminale d' une remontée mécanique. De là jusqu' à la Rinderhalte, on se mêlera souvent, durant la belle saison, à une impressionnante caravane de promeneurs suant dans la montée vers le Torrenthorn. On quittera la cohue au plus tard au P. 2562, car personne ou presque ne quitte alors le chemin balisé pour gagner le flanc nord du Torrenthorn au long d' un vague sentier caillouteux, souvenir du tracé d' une conduite d' eau. Le chemin dégradé devient de plus en plus étroit et se termine devant une ravine que l'on identifie bien sur la carte au nord du P. 2889. La traversée de cette ravine pentue peut s' avérer délicate, surtout si elle est tapissée de neige durcie ou de glace comme cela peut se trouver jusque vers mi-juillet. Il faut alors se munir d' un piolet, et même de crampons. Les pierriers deviennent moins raides après cette ravine, et l'on découvre par moments une trace de sentier ou un cairn. On se dirige ensuite vers le nord-ouest entre le P. 2719 et le P. 2810, à travers une large dépression tapissée de blocs de pierre et d' éboulis. On ne saurait pourtant parler de désolation: le chemin court à travers les roches les plus diverses par la forme et la couleur. Des blocs anguleux alternent avec des schistes en fines lamelles; le gris, le brun, le rouge et l' ocre font une palette variée qui divertit le regard. Parfois étincellent au soleil les surfaces miroitantes de quelques cristaux de calcite. Artistes de la survie, la saxifrage, la drave faux-aizoon et la céraiste des glaciers apportent des teintes vivantes dans ce monde minéral. Au P. 2850, on atteint une arête portant des traces de sentier. On la suit en direction du flanc sud du Majinghorn, au bord oriental duquel les traces remontent vers le sommet haut de 3054 m sur lequel se dresse depuis 2005 une croix de bois. Le Lötschental se découvre alors dans une perspective inhabituelle: au premier rang l' Oberferden, le Gletschersee et le Schwarzhorn effilé, et derrière eux les crêtes bien connues des sommets bordant le Lötschental à l' est et à l' ouest, le Bietschhorn et le Hockenhorn.

Du Majinghorn, on redescend par le même chemin dans la combe située au sud du sommet. Le Torrenthorn s' y mire dans un lac de fonte des neiges. On accède alors, par des rochers et des plaques de neige ancienne, au col sans nom entre le P. 2899 et le P. 2965. Le pierrier y est recouvert de coussinets d' œillets et de myosotis. On découvre alors la Loicherspitza, deuxième but de la journée. Il faut d' abord descendre jusqu' au lac noirâtre qui brille obscurément bien au-dessous. Le pierrier semble au premier abord terriblement rébarbatif avec une pente de 35°, mais sa granulométrie assez fine le rend plus praticable que prévu. Depuis le col, on recherche le passage le moins raide pour s' y lancer, puis l'on constate que la descente est agréable, moitié marche et moitié glissade. Cette pente caillouteuse est parsemée de plantes comme la linaire des Alpes aux fleurs violettes. Elles contribuent à stabiliser les éboulis, et l'on tâchera de les ménager en dévalant ce toboggan. Longeant le « lac noir », on traverse encore un éboulis de grosses pierres, avant d' at des pâturages par lesquels on descend vers le Stieralpji puis vers le P. 2500 et le chemin qui conduit au  Restipass. Nous y rencontrons quelques autres randonneurs, avant de nous retrouver seuls à nouveau. Après quelque distance sur le chemin, nous le quittons en direction du flanc ouest de la Loicherspitza, dont la pente herbeuse est interrompue au nord par une barre rocheuse. La traversée vers cette pente raide est facilitée par une trace, peut-être un parcours de moutons, que l'on peut suivre à l' altitude d' environ 2420 m. Nous avons de nouveau le sentiment d' être les premiers hommes à mettre le pied ici. Cette impression de naissance du monde est gâchée par la présence des vestiges d' un canon. Pour atteindre le sommet, il faut se tenir sur l' arête se terminant par un plateau sur lequel est plantée une croix. De là, on atteint en quelques pas le point le plus élevé à 2843 m. Il est étonnant qu' aucun chemin ne conduise à ce sommet, d' où se découvre le magnifique panorama des hautes Alpes valaisannes.

Nous descendons alors l' arête vers le sud jusqu' à une altitude d' environ 2700 m où une barrière rocheuse nous ferme le chemin, qui par contre est libre dans le flanc est où l'on repère des traces de sentier venant du Faldumpass. Ces traces se perdent dans une prairie après 300 mètres environ. Un couloir s' ouvre alors entre deux rochers. Dans sa partie supérieure, il ressemble à un entonnoir d' éboulis puis se rétrécit plus bas pour se transformer en pente herbeuse raide parcourue par un sentier. Les traces se perdent de nouveau au-dessous du couloir. Il faut alors descendre vers le Faldumbach, sur la rive nord duquel on trouve une nouvelle fois des traces bien nettes de sentier. Le chemin d' alpage commence peu avant la Faldumalp. Il est ensuite bien marqué pour la descente, que l'on entreprend soit par de raides lacets vers Goppenstein, soit par un tracé plus plat vers Ferden. Après toutes ces heures de solitude, nous quittons cette traversée passionnante dans une nature presque intacte pour retrouver, avec quelque soulagement pour nos jambes fatiguées, le confort du car postal.

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