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Du feu et de la neige, du vent et des vagues A skis sur l’Etna et sur d’autres montagnes de Sicile

C' est l' une des montagnes les plus connues ( et dangereuses ) du monde: l' Etna ( 3321 m ), qui domine le paysage sicilien, se prête à de belles descentes à skis avec vue sur la Méditerranée et sur une ville dont les dieux ont fait une capitale de la bonne chère et des vins.

Le plus haut volcan actif d' Europe, aux abords de la ville de Catane, est une montagne qui se prête admirablement bien au ski, pour autant que le vent ne soit pas trop violent et que le nuage sommital ne gêne ni la vue ni l' orientation. Par chance, il y a sur la plus grande île de la Méditerranée d' autres montagnes propices au ski.

 

« Signora, per favore, ancora una bottiglia di questo vino! Grazie! » Il est temps de trinquer, car nous avons soif, et faim aussi. L' Inzolia Sahrade 2008 nous arrive accompagné d' une nouvelle ration d' amuse. Il y en a tellement que l'on peine à placer toutes les coupelles sur la table, à la terrasse du Grand Cafè Tabbacco proche de la Piazza del Duomo. Nous sommes au début des 3 kilomètres de la Via Etnea, la grande artère marchande de Catane. Nous l' avons parcourue à pied, chargés de nos sacs, skis et chaussures à coque après nous être extraits du bus qui nous avait ramenés des pistes de ski de l' Etna.

Nous sommes à la mi-février, il est 6 h du soir. Quatre heures plus tôt, nous étions assis au bord du cratère, à 3000 mètres au-dessus du port de Catane, abrités du vent tempétueux dans une dépression où le sol était si chaud que nous avions dû nous asseoir sur nos gants pour ne pas nous brûler les fesses.

Pourtant, malgré la chaleur et le panorama grandiose, nous n' étions pas moins pressés de redescendre que l' un de nos prédécesseurs: « En 18 minutes à peine, nous fûmes à la limite de la neige, où nous déchaussâmes. Nous arrivâmes ensuite rapidement devant la Casa del Bosco où nos mulets nous attendaient. Nous chargeâmes en toute hâte nos sacs et nos skis pour dévaler le chaos des torrents de lave durcie, quittant le royaume de la mort pour retrouver celui des hommes vivants ». Ainsi s' exprimait le Dr Raimund Günther dans son récit Mit Skiern auf den Aetna und andere Ski- Erlebnisse ( L' Etna et autres aventures à skis ), paru en 1924.

 

Le jour précédent était un dimanche. La tempête de neige était si violente que la route vers le domaine skiable Etna Sud avait dû être fermée. Le paysage de lave noire était blanc de neige lorsque le bus nous amena au Rifugio Sapienza, à 1900 mètres. Plus haut, des pentes de rêve scintillaient sous le ciel d' un bleu intense. Une télécabine, un télésiège et trois téléskis desservent une partie de ces champs. « Mamma mia, ch' è bello! », s' écria Dario Teri, le guide dont nous avions loué les services par courriel et SMS. Il nous mena au ( coûteux ) Funivia dell' Etna. La course à skis vers le plus grand volcan européen a commencé au terminus du Piccolo Rifugio ( 2498 m ).

Une telle course est souvent rendue impossible par des vents incroyablement violents et des nuages denses. Les éruptions du volcan ne sont pas rares non plus. Nous passons devant la Torre del Filosofo, détruite en 2001. Nous n' avons par contre pas vu trace de la plus récente éruption, dont les coulées de lave durcie étaient recouvertes de neige. Pourtant, la trace des skis découvrait parfois des trous noirs semblables aux crevasses d' un glacier.

 

Après deux heures et demie de montée, nous avons atteint le bord sud-ouest du cratère de la Bocca Nuova, puis escaladé encore une chandelle de roche rouge s' élevant à 3250 mètres. Le point culminant de l' Etna ( 3321 m selon la carte la plus récente ) se situe plus loin au nord-est. Son ascension est plus difficile, voire impossible, et il ne sera peut-être plus le plus haut après la prochaine éruption. Les fumerolles du volcan nous auraient aussi embrumés, alors qu' ici nous jouissons d' une vue imprenable sur la Méditerranée et la moitié de la Sicile, sur la côte nord de laquelle se détachent neuf montagnes enneigées.

Au Grand Cafè Tabbacco de Catane, nous trinquons à cette « découverte ». Et bien sûr aussi à la descente, dans la neige poudreuse soufflée par le vent sur les pentes raides du sommet, dans les congères de la traversée vers la Torre del Filosofo, puis dans un mélange de neige croûtée et mouillée, et enfin sur la piste. 1400 mètres de descente, tout au sud de l' Italie. Salute!

 

Les cimes blanches du massif des Madonie que nous avons aperçues depuis le volcan nous attirent davantage que le domaine skiable ou la randonnée au flanc nord-est de l' Etna, bien que l'on puisse y faire de très belles descentes. Les montagnes côtières enneigées, hautes d' à peine 2000 mètres, nous sont inconnues, mais elles ne doivent pas être difficiles. Le ciel est d' un bleu prometteur lorsque nous chaussons nos skis au Piano Battaglia ( 1570 m environ ), où sommeille un téléski, alors que fonctionne encore une « ficelle » pour débutants. L' embellie est brève, nous sommes bientôt plongés dans le brouillard et entourés d' aulnes. Quelques trouées permettent parfois de voir au loin, et nous voici finalement sur un sommet battu par les vents. Il ne s' agit vraisemblablement pas du Pizzo Carbonara ( 1979 m ), auquel nous voulions accéder, mais du Pizzo della Principessa, dont l' altitude est inférieure de 2 mètres. En redescendant, je vois aux jumelles ( depuis notre voiture de location ) nos traces de ski: le vent a déjà dispersé les nuages.

 

Randonner à skis en Sicile, voilà un loisir prometteur de bonheur et de caffè, de vent et de grands espaces. Lorsque le temps ou la neige n' y sont pas favorables, on randonne à pied. S' il est un sommet qui mérite un détour, c' est bien la Rocca di Novara ( 1340 m ), à 30 kilomètres au nord-est de la cime de l' Etna. Un chemin, d' abord plutôt exposé dans le flanc oriental caillouteux, conduit jusqu' au plateau sommital engazonné. Bellissimo!

Nous retrouvons l' Etna et le ski vendredi après-midi, pour être contraints, à l' antécime, d' abandonner la course du Rifugio Sapienza à La Montagnola ( 2638 m ): le vent menace de nous arracher au sol.

Ici, on peut envisager le ski, la randonnée pédestre et même l' escalade. Et la baignade? Nous l' avions presque oubliée! Quelques heures plus tard, nous nous retrouvons au Lido Azzuro de Catane pour plonger dans les vagues tièdes de la Mer Ionienne. De retour à la voiture de location, nous mettons de l' ordre dans nos équipements, lorsqu' une voiture bleue et blanche s' arrête soudain à proximité. Nous nous attendons à voir les carabinieri nous chercher noise pour faute de parcage. Mais non, ils ont vu les skis et nous demandent si nous sommes montés à l' Etna et comment nous l' avons apprécié. A quoi nous avons répondu « molto buono, ma oggi è un po' ventoso », ce qui leur a fait dire que skier le matin et se baigner l' après était simplement splendido.

Poisson frais aux pieds du volcan

L’Etna penche toujours sa couronne de lave pour surveiller à ses pieds le trafic des hommes dans la ville, lorsque bourdonne la pescheria, le plus vieux marché de Catane et le plus grand marché aux poissons de Sicile. Au-dessous de la Fontana dell’Amenano, non loin de la Piazza del Duomo, les mareyeurs proposent à grands cris leurs prises du jour, et les femmes (il n’y a presque pas d’hommes) évaluentla marchandise d’un oeil critique. C’est incroyable, ce que la mer peut fournir, alors qu’on ne la voit même pas à Catane ! Ce sont ici des seiches qui clignent, là un espadon qui vous regarde d’un oeil tragique, plus loin des sardines qui frétillent dans un sac de plastique. Quelques pas plus loin, des demi-veaux pendent au-dessus d’un étal, des montagnes de fruits et légumes attendent les chalands. Un ouragan d’impressions visuelles, acoustiques et olfactives. La pescheria ferme vers midi, donnant le signal du pranzo, par exemple au Ristorante Sicilia in Bocca.

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