Les variations périodiques des glaciers des Alpes
Les variations périodiques des glaciers des Alpes Par le Professeur Dr F.A. Forel de Morges ( Section des Diablerets ). Cinquième rapport. 1884.XVII. De l' avancement en hiver de l' extrémité terminale du glacier.
Il est une question qui a longtemps été en discussion entre les naturalistes: Les glaciers continuent-ils à marcher pendant l' hiver V — Charpentier le niait. Hugi, se basant sur ses observations personnelles faites pendant l' hiver à l' extrémité terminale des glaciers de Grindelwald, Agassiz se fondant sur les expériences du pasteur Ziegler de Grindelwald, affirmaient que le glacier s' écoule aussi bien en hiver qu' en été. Les expériences plus complètes d' Agassiz au glacier de l' Aar, de Forbes et plus tard de Tyndall âtf-2F.A. Forel.
à la Mer de glace de Chamonix, ont démontré le fait de la continuité, en toutes saisons, de l' écoulement du fleuve glacé, mais avec des variations saisonnières dans la vitesse de l' écoulement.
L' erreur de Charpentier venait de ce qu' il se basait sur le dire des montagnards, lesquels se bornaient à reconnaître l' avancement ou l' état stationnaire de l' ex terminale des glaciers. Mais d' un autre part, c' est en suivant la même méthode que Hugi arrivait à des conclusions opposées. Comment excuser ces divergences V Elles s' expliquent fort bien si l'on tient compte de la diiférence d' allures de la région terminale des glaciers, suivant que ceux-ci sont en période d' allonge ou en période de raccourcissement. Ainsi que je l' ai montré dans mon premier rapport, il y a des différences considérables dans la vitesse d' écoulement de l' extrémité terminale, et ces différences correspondent, en les engendrant, aux variations périodiques de la longueur des glaciers. En période d' allongement le glacier s' écoule plus vite, même dans sa région inférieure, et, en été comme en hiver, son front repousse en avant la moraine terminale; comme l' ablation due à la fonte superficielle est nulle en hiver, alors même que la vitesse d' écoulement est notablement ralentie pendant la saison froide, il peut arriver que l' avance du front terminal soit plus grand en hiver qu' en été. Au contraire, en période de raccourcissement, la vitesse du glacier diminue considérablement; les mensurations du glacier du Rhône prouvent que dans sa région terminale ( chaîne ties pierres noires ) le glacier ne s' écoule plus; sa vitesse est réduite à zéro. Dans ces conditions le front du glacier n' avance plus; en été il recule beaucoup par l' ablation; en hiver il ne recule plus, ou recule moins, la fonte superficielle étant arrêtée.
Charpentier se basait probablement sur l' obser de glaciers en période de raccourcissement, Hugi sur des glaciers en période d' allongement. De là la divergence d' opinion sur ce point d' excellents naturalistes, nos maîtres dans l' étude des glaciers.
Il est un fait très extraordinaire que nous apprend le professeur A. Heim de Zurich, dans son beau „ Manuel des glaciers ": En période de raccourcissement les glaciers peuvent continuer à diminuer pendant l' hiver, et cela dans des proportions notables. Voici les chiffres que tire Heim de ses mensurations faites sur le glacier de Hüfi au commencement et à la fin de l' hiver r ) Date, des mensurations.D\ZgüueuDu 3 nov. 1871 au 28 mai 18729 m Du 24 oct. 1872 au 25 mai 187333 m Les mesures ont été prises lors de la première chute de neige de l' automne, et à la première apparition de la glace hors de la neige, au printemps; elles se rapportent donc à une période où le glacier était entièrement enseveli sous la neige, et où l' ablation et la fusion superficielle étaient nécessairement nulles. Malgré cette suppression de la cause essentielle de l ) A. Heim. Handbuch der Gletscherkunde, pag. 250. Stuttgart 1885.
destruction de la glace, il y a eu diminution de longueur du glacier, et cela dans des proportions tellement fortes, qu' elles excluent toute possibilité d' erreur. Heim attribue cette diminution à la fusion du glacier par sa surface inférieure, en contact avec le sol, à la chaleur de la terre par conséquent.
L' importance considérable de ces observations doit engager les Alpinistes à les vérifier et à les renouveler autant que possible. Je me permets d' en recommander la répétition à ceux qui se trouvent assez près d' un glacier, en période de raccourcissement, pour aller faire deux mesures, l' une dans l' arrière, l' autre au premier printemps. Toute bonne expérience dans cette direction sera de très grande valeur.
XVIII. Variations périodiques dans la Titesse d' écoulement.
Dans mon premier rapport ( 1880 ) j' ai montré comment la vitesse d' écoulement du glacier, dans la région terminale, était soumise à des variations périodiques considérables; je me suis fondé sur les observations du glacier du Rhône pour prouver qu' en période d' allongement cette vitesse doit dépasser 30 ou 40 m par an, tandis qu' en période de raccourcissement, elle est nulle.
Dans le présent rapport on trouvera, au chapitre du glacier de l' Aar, une observation importante, qui montre que ces variations périodiques de la vitesse ont aussi lieu dans le corps même du glacier, et non pas seulement dans l' extrémité terminale. Au glacier de l' Aar, entre l' Abschwung et le Pavillon Dollfuss, je puis prouver que de 1840 à 1884 la vitesse d' écoulement a varié, et cela dans les proportions suivantes: De 1842 à 1846 la moraine médiane s' écoulait avec une vitesse moyenne de 73 m par an ( Agassizdans une autre partie de la période, probablement dans les dernières années, la vitesse a dû descendre à moins de 40 m par an, car la vitesse moyenne de l' ensemble de la période de 1840 à 1884 est de 55 m par an.
Jusqu' à présent dans la région moyenne des glaciers on ne connaissait que de petites variations de vitesse, d' une année à l' autre, variations accidentelles qui se montent à 10 ou 20 pour cent ( Agassiz, Forbesici nous avons affaire à des variations périodiques, qui atteignent presque le 50 pour cent de la vitesse annuelle.
Je n' ai pas besoin d' insister sur le grand intérêt que présente cette variation périodique des vitesses dans le corps même du glacier, soit pour la théorie générale de l' écoulement, soit pour la théorie des variations périodiques de longueur des glaciers.
XIX. De la période d' accroissement des glaciers de II* ordre.
Jusqu' à présent la grande variation, qui se dessine actuellement dans les Alpes et qui fait commencer à croître les glaciers si long temps en diminution, ne s' était guère montrée que sur les glaciers de Ier ordre, c'est-à-dire les glaciers à vastes névés, s' écoulant dans des vallons encaissés, en un courant de glaces plus ou moins allongé. On commence à voir cette même variation apparaître aussi sur les glaciers de IIe ordre, c'est-à-dire sur les petites masses de neiges et de glaces, appliquées sur le flanc de montagnes, qui ne descendent pas dans le fond des vallons.
Déjà l' année dernière je citais les observations de M. Wagnon qui indiquaient un état d' accroisse du glacier des Fonds, dans les hautes pâturages de Barberine, et des neiges des Tours Sallières et du Mont Ruan, dans la vallée du Trient. Cette année, d' après les indications des guides, les glaciers de IIe ordre du Val Tournanche, au sud du Cervin, et du Val de Fex, dans la haute Engadine, d' après les observations de M. Baumgartner, le petit glacier de la Dossenhütte, et les neiges du Dossenjoch seraient en état d' accroissement. Cette augmentation est en tous cas bien constatée sur deux glaciers qui, par leurs dimensions et leur type, sont intermédiaires entre les glaciers de Jar ordre et ceux de IIe ordre: le glacier des Grands, vallée du Trient, étudié attentivement par M. Doge, et le glacier de Hochbalm, vallée de Saas, dont l' extrémité inférieure a été repérée en 1883 par M. Morax et en 1884 par moi-même, sont en état manifeste d' allongement.
Ce ne sont donc pas seulement les grands glaciers de ter ordre qui se sont mis en période d' accroisse, ce sont aussi les glaciers de IIe ordre. L' aug des glaces des hautes régions des Alpes semble donc être générale, et apparaître sur toutes les masses neigeuses et glacées; si ces observations sont exactes, nous sommes en présence du début d' une période, non seulement d' allongement des glaciers, mais encore d' envahissement général par les neiges des hautes vallons et des sommets des montagnes.
Les variations périodiques des glaciers des Alpes. 2ST Nous attirons l' attention des Alpinistes sur l' im théorique et pratique de ces faits, et nous, sollicitons d' eux l' envoi de toutes les observations. qui pourraient en vérifier ou en corriger l' exactitude..
XX. Variations des glaciers des Alpes pendant l' année 1884, et les années précédentes.
I. BASSIN DU RHONE.
Vallée de Conches. D' après les chiffres donnés dans le rapport pour 1883 des travaux du Glacier du Rhône I ), ce glacier continue à diminuer de longueur. Devant le front du glacier, dans l' année 1882-1883 une superficie de 11,40012 a été mise à découvert; l' année précédente cette diminution de longueur avait été de 24,500 m 2.
L' épaisseur du glacier tend à augmenter. Pour la première fois depuis le commencement des études, on constate un accroissement sur le profil vert. Voici les chiffres donnés par M. Held de la surélévation moyenne de la surface.
Altitude.Variations. Profil.m.m.
noir1800 — 2,7 vert1900 + 0,7 jaune2400 -j- 1,8 rouge2600 + 2,4 inférieur, névé du Thäli 2800 -j- 1,9 „ grand névé. 2900 + 3,0 supérieur, névé du Thäli 3100 -f 2grand névé. 3100 -j- 3>° De ces chiffres nous pouvons conclure à une augmentation d' épaisseur de plus de 2 m sur la surface générale du glacier ( le névé y compris ). Le glacier mesurait en I86 23.3 kil. carrés; on peut admettre qu' il ait perdu dans la dernière période de retraite près de 11!s kil.; il reste environ 22 kil. de surface actuelle. Si nous comptons un accroissement d' épaisseur de 2 m, cela représente, pour cette année 1882-83, un accroissement de volume de plus de 40 millions de mètres cubes, dont il faut retrancher quelques cent-mille mètres cubes perdus par le raccourcissement en longueur que nous venons d' indiquer.
Nous devrions donc compter le glacier du Rhône comme étant, dès 1882, en état d' accroissement de volume, quoiqu' étant encore en diminution de longueur. Nous reviendrons sur ce sujet dans un autre rapport, quand nous aurons constaté que cet énorme accroissement n' est pas un fait passager, dit aux grandes chutes de neige de l' hiver de 1882—83.
Dans l' été de 1884 nous avons constaté que le raccourcissement du glacier avait continué; le front s' était retiré d' une vingtaine de mètres sur la position de l' été précédent.
Le glacier du Gries était en 1880, d' après M. Fr. Beckerdans la position suivante: Distance du front à la moraine frontale 600 m Altitude du front du glacier 2045 m „ de l' ancienne moraine frontale.. 1961 m Ce glacier est encore en diminution. M. W. Cart de Lausanne qui l' a visité en 1883 et 1884 a constaté, cette dernière année, une réduction notable.
Vallée de Saas. Le glacier du Schwarzberg a eu son maximum d' allongement en 1818; il s' étendait alors jusqu' à Mattmark et déposa à sa place actuelle le Blauestein, à côté de la route du Monte-Moro 1 ), à l' altitude de 2100 nl. Le glacier se retira ensuite, jusqu' en 1849, où il commença à s' allonger; en 1860, lors du lever de la carte du Club par l' ingénieur Bétemps, l' extrémité terminale était à la cote 2190 m; en 1869 il était en croissance. 2 ) Depuis lors il s' est considérablement retiré. En 1879 lors de la révision faite par l' ingénieur Imfeld pour l' établissement de la feuille 534 de l' atlas Siegfried, le front du glacier était à l' altitude de 2340' n. En 1884, le glacier apparaissait seulement en haut de la paroi de rochers qui domine la plaine de Mattmark.
Le glacier d' Allalin a eu des périodes historiques de grande croissance. En s' avançant à travers la vallée, il peut barrer l' écoulement de la Viège et causer une surélévation du lac Mattmark; la rupture de la digue, probablement au commencement de la période de diminution, détermine une inondation de la vallée inférieure. Les désastres connus ont eu lieu d' après la Chronique de Saas: le 21 août 1633, en 1680, le 17 septembre 1772.
. ' ) Chronik des Thales Saas von P. J. Ruppen. Sitten. 1851.
3 ) Fritz. Die period. Längenänderungen der Gletscher.
19 La même Chronique nous dit, à propos du glacier d' ÀUalin, que la généralité des glaciers de la vallée atteignirent leur maximum vers 1820, puis se mirent à diminuer; une période d' accroissement commença vers 1835.
En 1842, d' après Forbes, le glacier d' Aüalin traversait la Viège. v ) En 1847 M. Ulrich a dû marcher sur le bas du glacier pour arriver à Mattmark. 2 ) En 1849 M. Wirth de Francfort a vu le glacier, qui recouvrait entièrement la Viège, battre contre le rocher sur la rive droite.8 ) C' est là l' époque d' un maximum d' allongement.
Depuis lors le glacier s' est retiré; en 1865 M. Dübi de Berne passa le long du glacier, mais celui-ci recouvrait encore la Viège.4 ) En 1881 MM. Dübi et de Fellenberg virent le glacier à 50 m au-delà de la Viège, qui était ainsi complètement libre de glaces. Tandis qu' en 1883 M. V. Morax, et en 1884 moi-même, nous avons vu le front du glacier avancer jusqu' au torrent, et être rongé par celui-ci. D' après cela il y aurait croissance manifeste du glacier depuis 1881, et une nouvelle période d' allongement aurait ainsi commencé.
Nous pouvons donc écrire comme suit l' histoire du glacier d' Allalin pendant ce siècle: Maximum, environ 1820. Minimum, environ 1835. „ 1849.., 1881.
La dernière période d' allongement à duré environ 32 ans.
Glacier de Fee supérieur ( à droite ou à l' est de la Gletscher-Alp ). En 1884 j' ai retrouvé un des blocs marqués par M. Morax en 1883,. au front même du glacier; il avait été roulé par l' avancement de la glace. Le glacier est donc bien certainement en allongement; j' y ai placé des marques le 26 juillet 1884, désignant une ligne tangente au front du glacier.
Glacier de Fee inférieur ( à gauche ou à l' ouest de la Gletscher-Alp ). D' après la comparaison des marques de M. Morax, 1883, avec celles que j' ai établies en 1884, le glacier aurait avancé d' une cinquantaine de mètres dans la dernière année; il est en allongement rapide.
D' après Forbes, les glaciers de Fee étaient en 1841 en diminution depuis 1834.
D' après le dire du guide Basile Andenmatten, d' Eisten, les glaciers de Fee auraient eu une période de maximum vers 1860.
Les glaciers de Fee sont-ils ce que j' ai appelé dans mon dernier rapport des glaciers jumeaux? Sortent-ils d' un même névé qui s' écoulerait plus ou moins indifféremment par le canal de l' un ou de l' autre glacier? Après une étude attentive des lieux, j' estime que non; ce sont deux glaciers voisins, juxtaposés; leurs névés sont séparés par une arête de rochers qui aboutit à la Lange Fluh, et chacun d' eux se déverse dans un chenal spécial pour aboutir aux glaciers supérieur ou inférieur, à droite ou à gauche de la Gletscher-Alp.
292F.A. Ford.
Glacier de Hochbahn. J' ai retrouvé en 1884 la marque, placée par M. Morax en 1883, à l' extrémité inférieure du glacier; la glace a avancé d' une 15e de mètres. J' ai placé une nouvelle marque à la hauteur du front en 1884, sur la paroi latérale, à droite du glacier. Le glacier de Hochbalm est de petites dimensions, d' un type intermédiaire entre les glaciers de Ier et de IIe ordre.
Glacier de Balfrin. D' après les rapports conformes du guide Basile Andenmatten et du propriétaire de l' auberge du Hutegg, ce glacier serait en allongement depuis 1883.
Vallée de St-Nicolas. Le glacier du Gorner commencerait en 1884 à montrer des lignes d' allonge, d' après le guide Peter Knubel de S*-Nicolas.
Le glacier du Trift a notablement augmenté d' é depuis l' année 1883; la traversée d' un couloir entre les deux branches du glacier était très dangereuse en 1884. ( Communication du Dr II. Wolterstorff de Magdebourg. ) Le Biesgletseher au-dessus de Randa est célèbre par ses effondrements, qui ont causé d' énormes désastres dans la vallée et ont ruiné Randa en 1636, 1736, 1786 et 1819 ( Venetz ). La coïncidence de l' éboulement du 27 décembre 1819 avec une époque de maximum des glaciers, doit nous faire attribuer aux autres désastres une coïncidence analogue, et nous donne ainsi des dates probables pour d' anciennes époques de maximum.
Ce glacier du Bies était en 1884 en période d' al récent, d' après les guides Peter Knubel de S*-Nicolas, Franz Burgener de Fee et Johannes Perren de Zermatt.
Vallée d' Hérens. Le glacier de Zigiorenove aurait avancé de 400 mdans l' année 1883-1884; le glacier de Pièce, à côté de Zigiorenove, au sud du val d' Arolla, aurait avancé de 50 m dans la même année. ( D' après M. Anzevuy d' Arolla, communiqué par M. W. Cart de Lausanne. ) Tous les autres glaciers du val d' Hérens seraient encore en diminution. ( D' après le guide P. Maître d' Evolena. ) Vallée de Bagnes. Si nous comparons aux cartes actuelles les notes anciennes, en particulier celles recueillies par Forbes en 1842, nous trouvons plusieurs faits intéressants:
En 1820 le glacier A' Otemma n' était que de 4ln en arrière de sa moraine frontale ( Venetz ). En 1842 le glacier de Chermonlane réunissait trois affluents: le glacier d' Otemmu, celui de Crète-sèche et celui du Col de Fenêtre ( Forbes ). Lors du lever de la carte du C.A.S. en 1856, le glacier du Col de Fenêtre était déjà séparé du glacier principal par une distance horizontale de 500 m; en 1877, lors de la révision faite pour les feuilles 530 à 532 ( bis ) de l' atlas Siegfried, cette distance était de 700 m; le glacier de Crète-sèclie était encore soudé à celui d' Otemma.
Le glacier de Breney, en août 1820, touchait encore la moraine frontale qu' il avait poussée devant lui, mais il diminuait en largeur ( Venetz ); il traversait encore la Dranse en 1822; en 1842 son front atteignait encore le lit du torrent ( Forbes ); en 1856 ce front était à 300 m du torrent, en 1877 à 1400 ni de distance horizontale, et à 450 m plus élevé en altitude que le lit du torrent ( Cartes au 1: 50000e ).
En 1822 les glaciers de Breneij et du Mont-Durand se touchaient presque par leurs extrémités inférieures; on voit cette date marquée sur un rocher à côté du lit de la Dranse avec cette inscription: „ Point on arrive la glace du glacier du Mont-Durand " ( M. S. Troillet à Bagnes ).
D' après le rapport du guide Feilay, le glacier de Zessetta, sur la rive gauche était descendu en 1821 jusqu' au bord de la Dranse ( Forbes ). En 1856 le front du glacier était à 700™ et en 1877 à 1100 m de distance horizontale du torrent; l' extrémité inférieure était en 1877 de 600 m plus élevée que le lit du torrent ( Cartes au 1: 50000e ).
Val Ferret. Le glacier de la Neuvaz était en allongement sensible en 1884 ( M. A. Barbey de Lausanne ).
Glacier à' Orny. Les mesures exactes de M. A. Barbey de Lausanne montrent que l' augmentation de ce glacier continue. Le 22 juin 1884 il a constaté un allongement depuis le 5 août 1882 de 25,1 m depuis le 9 août 1883 de 15,1 m soit un allongement de 10 m dans l' année 1882 — 83.
15»1883-84.
Vallée du Trient. M. J. Guex de Vevey a continué ses mesures exactes des dimensions du glacier du Trient. Son front s' est avancé de 1883 à 1884 de 10 m; la moraine frontale est rejetée en avant. Le glacier augmente en épaisseur et en longueur; l' ac croissement d' épaisseur de la partie inférieure est considérable; les séracs de la partie supérieure paraissent également en voie d' augmentation.
Glacier des Grands. Jusqu' en 1883 M. F. Doge, de la Tour de Peilz, avait constaté un recul du front; l' année dernière il signalait un épaississement considérable du glacier; cette année, 1884, il a reconnu un allongement de 3 m dans l' axe du glacier. L' épais augmente; la glace presse, en les encastrant dans sa masse, les blocs de la moraine qu' elle refoule devant elle à la façon d' une charrue; la pente de la calotte s' est accentuée. Dans la partie supérieure du glacier, les gros séracs se sont augmentés. C' est encore un glacier intermédiaire par son type entre les glaciers de Ier et de Be ordre.
Vallée de l' Arve. ( Notes de M. Venance Payot de Chamonix ).
Le glacier du Tour est resté en 1884 dans ses limites de 1883, à environ 1000 m des moraines de 1820. Le glacier dy Argentière s' exhausse considérablement dans sa partie moyenne, au moins de 4 ou 5 m; les séracs deviennent superbes; l' augmentation d' épais est moins sensible à la partie inférieure. L' ex terminale s' est avancée du 9 novembre 1883 au 31 mars 1884 3 m du 31 mars 1884 au 14 octobre 1884 7~ " » Ce glacier est donc positivement en allongement, et son histoire dans ce siècle se résume comme suit: Maximum1819 Minimum?
environ 1854,, 1883.
Sa dernière période de croissance a duré environ 29 ans.
Le glacier des Bois continue à s' amoindrir et à s' affaisser dans sa région inférieure. Les mesures prises par M. Payot le 2 octobre 1883 et le 31 mars 1884, par des très basses eaux qui permettaient d' approcher du front, n' ont point montré de changement dans la position de l' extrémité terminale.
Le glacier des Bossons continue à être en accroissement rapide.Voici les mesures de M. Payot: du 8 oct. 1883 au 24 mars 1884, allongement 5' u „ 24 mars 1884 au 22 avril 1884,.,7,0 m „ 22 avril 1884 an 13. oct. 1884,16,8 ' » Ce qui fait pour ces trois mensurations un allongement moyen en 24 heures de 15, 28 et !cm. L' allonge total d' octobre 1883 à octobre 1884 a été de près de 50 — Il y a exhaussement et élargissement considérables dans les parties supérieures de ce glacier.
II. BASSIN DE L' AAR.
Vallée de l' Aar. Le glacier de Vünteraar est en retraite lente. Le 18 septembre 1880 j' avais évalué de 60 à 80 m la distance du mur de glace à la moraine frontale: le 23 août 1884 j' ai mesuré 83 m entre ce mur et une pierre marquée sur la moraine à gauche du torrent de l' Aar.
J' ai fait sur ce glacier une observation qui aura une grande importance pour la théorie des variations périodiques des glaciers; en voici l' histoire. Le 23 août 1884 le directeur de l' Hospice du Grimsel, M. Alex.
Les variations périodiques des glaciers des Alpes. 291 Naîgeli, me communiquait une note de M. H. Ritter de Leipzig qui avait trouvé quelques jours auparavant sur le glacier de l' Unteraar, vis-à-vis du pavillon Dollfuss, une grosse pierre portant les noms de Stengel, Otz et Martins avec les dates 1844 et 1845. Je reconnus les noms des compagnons d' Agassiz dans ses campagnes du glacier de l' Aar, et je me mis immédiatement à la recherche de ce bloc. Je fus assez heureux pour retrouver, outre la pierre de M. Ritter, deux autres blocs, portant des noms peints à la couleur de minium, et de prouver que ces pierres étaient des débris du bloc énorme qui formait le toit de l' hôtel des Neuchâtelois. Je me fonde sur la nature de la roche, un schiste micacé noirâtre, qui répond parfaitement à la description de Desor; sur les noms que j' ai pu lire: VOGT, le compagnon et l' élève d' Agassiz, STENGEL, ingénieur, élève d' Osterwald, OTZ, ingénieur à Neuchâtel ( ces deux ingénieurs ont travaillé soit avec Wild, soit après celui-ci, à l' établisse de la carte du glacier et aux mesures géodésiques ), CH. MARTINS, le professeur de Montpellier, l' un des amis d' Agassiz; l' identité de trois autres noms SOLIOZ AUGUSTE, 1842, LIEUTENANT GUNTREN, et DE BIVISn' a pas pu être reconnue. Les dates inscrites qui s' étendent de 1841 à 1845 sont celles des campagnes d' Agassiz et des campements à l' hôtel des Neuchâtelois. Enfin ce qui achève la démonstration, un n° 2 est inscrit en lettres rouges sur l' une des trois pierres; or c' est précisément le numéro d' ordre donné par Agassiz au bloc de l' hôtel des Neuchâtelois, dans le réseau des blocs numérotés qui servaient à la détermination de la vitesse d' écoule du glacier.
Ces trois pierres sont donc des débris du bloc 4e l' hôtel des Neuchâtelois; elles sont aujourd'hui séparées les unes des autres par des distances de 25 et de 55 m. Elles ne sont plus sur le sommet de la moraine médiane, comme au temps d' Agassiz, mais elles ont glissé sur son flanc gauche; elle sont au fond du ravin qui borde cette moraine du côté du Lauteraar.
L' hôtel des Neuchâtelois était en 1840 à 797 m du promontoire rocheux de l' Abschwung, entre les glaciers du Lauteraar et du Finsteraar.
J' ai déterminé par quelques alignements la position de la pierre du milieu, des trois pierres que j' ai retrouvées en 1884, et en la rapportant sur la carte de Wild au 10000e du glacier de l' Aar, j' ai évalué à 2400™ le chemin parcouru par le bloc de l' hôtel des Neuchâtelois de 1840 à 1884. L' erreur probable de ma détermination est de 50 m on plus ou en moins. Cela donne pour la valeur moyenne de l' écoulement de cette partie du glacier, pendant les 44 dernières années, de 54 à 56 m par an.
Or nous connaissons, d' après les mesures d' Agassiz, la vitesse de la moraine médiane entre FAbschwung et le pavillon Dollfuss, pendant les années 1842 à 1846; les blocs nos 2, 5 et 8, dont la position était relevée chaque année, étaient situés au commencement, au milieu et à la fin du chemin parcouru depuis lors par l' hôtel des Neuchâtelois. La vitesse moyenne annuelle de ces blocs était de 1842 à 1846:
Bloc n° 274,36 m „ n° 577,01 m „ n° 867,53 m en moyenne, 72,97 m Pour une comparaison exacte il y a quelque chose à retrancher de cette vitesse moyenne. Le bloc a glissé sur le flanc de la moraine médiane et est tombé, à une époque à nous inconnue, au pied de cette moraine, côté du Lauteraar. Or ce pied de la moraine marchait, vers 1842, moins vite que le sommet de la moraine où étaient placés les blocs nos 2, 5 et 8; de 1843 à 1845 la différence de vitesse annuelle entre ces deux points sur le profil du Pavillon était:
piquet n° I sommet de la moraine... 67,4 mII pied de la moraine ( Lauteraar ) 64,4 m soit une différence de 45 pour mille. Prenons la moitié de cette différence, en supposant que le bloc aurait quitté le sommet de la moraine à la moitié de la période de 44 ans qui nous occupe. Nous aurons à faire une correction de 22 pour mille à la vitesse moyenne, calculée par le déplacement des blocs nos 2, 5 et 8 de 1842 à 1846. Cela change le chiffre de 72,97 en 71,37 pour la vitesse moyenne annuelle. Ainsi donc de 1842 à 1846, au début de la période qui nous occupe, la vitesse moyenne du glacier, sur le trajet parcouru plus tard par le bloc de l' hôtel des Neuchâtelois, était de 71 m par an; la moyenne générale de la période nous donne une vitesse moyenne de 55 m: il faut donc que, vers la tin de la période, la vitesse ait été très inférieure à 55pour compenser la plus grande vitesse dans les premières années; cette vitesse a dû descendre au-dessous de 40 ™ par an.
De 40 à71 m, soit presque du simple au double, telle est l' étendue de la variation dans la vitesse d' écoulement dans cette partie du glacier, que ces faits nous révèlent. Une variation périodique de cette importance est une constation nouvelle et très précieuse, que la théorie devra utiliser et expliquer. Elle devra en tenir compte en la mettant en harmonie avec les faits suivants:
1° Les variations de longueur du glacier de l' Aar, pour autant que nous le savons, ont été les suivantes: Période d' allongement continue, de 1840 à 1871, Période de raccourcissement lent, de 1872 à 1884.
2° Les variations d' épaisseur du glacier. D' après les nivellements fait en 1879 et 1880 par l' ingénieur Fr. Becker, l' épaisseur du glacier avait diminué dans le voisinage du Pavillon Dollfuss, depuis les d' Agassiz, de 47 m en moyenne.1 ) Jusqu' à présent nous ne connaissions des variations périodiques aussi importantes que dans la région terminale du glacier du Rhône wow le 1 de mon premier rapport2 ). Ici nous avons affaire au corps même du glacier, à 6 kilomètres de l' extrémité terminale, ( " est donc un fait nouveau, et qui mérite d' attirer l' attention des théoriciens.
Vallée de l' Urbach. La cabane, du Dosxcn, situéeJahrbuch 1881, 532.
2 ) Kcho des Alpes XVII 31, 1881.
sur l' arête nord du Dossenhorn, au point coté 2822 de la feuille 397 de l' atlas Siegfried, a été bâtie en 1879; jusqu' en 1882 elle a fort bien rendu les services qu' on attendait d' elle; depuis 1883 elle a été tellement envahie par la neige et la glace, qu' on a dû la démolir en 1884 et la transporter ailleurs. Quelle est la cause de ce désagréable et onéreux événement? M. le pasteur Baumgartner de Brienz, qui s' était chargé de la surveillance et de la direction de cette cabane, et qui depuis 1876 a fréquemment visité la localité, l' attribue à un épaississement du petit glacier anonyme situé au nord du Renfenglestcher, sur le flanc NE du Dossenhorn. D' après lui les neiges et les glaces augmentent notablement dans cette région; tandis qu' en octobre 1879, la plateforme de la cabane était entièrement libre, à la fin de l' été très chaud et très sec de 1884, la hutte était complètement ensevelie sous la neige.
Vallon du Reichenbach. Glacier de Rosenlaui. D' après les renseignements que m' ont fournis MM. N. Kohler de Meiringen et Stähli, propriétaire des bains de Rosenlaui, et quelques notes récoltées d' autre part, l' histoire de ce glacier serait à peu près la suivante:
Le maximum d' allongement a été atteint vers 1824; le glacier est resté stationaire ou en légère diminution jusqu' en 1830 ou 1840 ( Kohler ). En 1840, 1841 et 1842 Agassiz et Desor le signalent comme étant en allongement manifeste. Il a diminué lentement de 1840 à 1860, très fortement de 1860 à 1880 ( Kohler ). Le minimum a été atteint vers 1880. De- puis lors le glacier est en période d' allongement; en 1884 cet accroissement on longueur peut s' évaluer à 100 ou 13OStälili ).
Des mesures précises ont été prises par M. le prof. C. M(bsc1i de Zurich; elles indiquent un allongement de 1882 à 1888 24 m „ 1883 à 1884 30 m.
Vallée de la Lütschine. Les deux glaciers de Grindelwald sont en allongement manifeste, constaté par la comparaison avec des photographies de quelques années de date pour le glacier supérieur, par le témoignage des voisins pour le glacier inférieur.
Vallées de la Kander et de la Sitnmen. Dans la description que M. Fr. Becker donne de la feuille 473 ( Gemmi ) de l' atlas Siegfried l ), voici ce qu' il dit des glaciers de la région: „ Ces glaciers sont actuellement en diminution ( 1882 ). Quelques petits glaciers ont disparu, d' autres vont disparaître. L' Altels et le Rinderhorn se dépouillent chaque année davantage de leurs neiges. Les glaciers du Lämmern ( Kanderthal). et du Rätzli ( Simmenthal ) sont fort en diminution; ce dernier était, de mémoire d' homme, beaucoup plus considérable, et l'on voit encore ses énormes moraines au pied du Fluhhorn. ".
Le glacier de Gam chi, derrière la Blümlisalp ( Kienthal, Kanderthal ) était en 1884 de 15 m en allongement sur sa position en 1883 ( Prof. Mœsch de-Zurich ' ).
Les variations périodiques des glaciers des Alpes. 80S Vallée de Gessenay. Le glacier de Zanfleuron est en raccourcissement en 1884 sur l' état de 1882 ( M. H. Pittier de Château d' Oex ).
ITI. BASSIN DE LA REUSS.
Vallée de Maderan. M. Krayer-Ramsperger, de Bâle, continue ses mensurations régulières commencées en 1882.
Glacier de Brunni.1 Rive gauche, raccourcissement Rive droite ( 1882-84 ) id. Voûte du torrent, hauteur Glacier de Hü fi. Rive droite, raccourcissement Rive gauelie,id.
Voûte du torrent, hauteur 32— 83.
1883- -84.
9,5 m 23 m — m 33 m 2,5 ni 3 m 32 Hl 40 m 21,5 m 58 m 6 m 4 m D' après M. A. Heim, de Zurich, le névé du glacier-de Hüri a sensiblement accru son épaisseur de 1880 à 1884.
IV. BASSIN DE LA LINTH.
Vallée de la Linth. D' après M. A. Heim, en 1884, le glacier de la Sandalp est encore en raccourcissement, et le glacier de Biferten ne montre pas de traces d' allongement.
V. BASSIN DE L' INN.
Engadine. D' après le guide Klucker de Fex, les petits glaciers du IIe ordre du val de Fex, Vadret da Fex, sont en augmentation constante depuis plusieurs années. ( Communiqué par M. A. Heim, 1884. ):
VI. BASSIN DE LA TRAUN.
Le Karlseiisfvld ou glacier de Hullstadt, d' après les mesures de Simonycontinue en diminution. En 1882 il estimait à 40—50 m la réduction d' épaisseur du glacier et sa réduction de longueur à 60 m depuis la moraine de 1856. En 1883 il évalue la diminution d' épaisseur à 61 m, et la diminution de longueur à 96™.
En 1884 le glacier semblait augmenter d' épaisseur dans la région du névé.2 > Le glacier de Gosuu ( Confine le précédent dans le massif du Dachstein ) était en grand allongement « n 1884; il a atteint son maximum vers 1850; en 1877, il s' était raccourci de 500 ' ". De 1877 à 1884 le raccourcissement a diminué d' intensité; il n' a plus en qu' une valeur de 50 m. Le raccourcissement total est évalué en 1884 à 60()m; la hauteur de la moraine latérale de droite au-dessus du lit du glacier ^st de 30 à 35 m. ( Simony. s ) Les variations périodiques des glaciers des Alpes. 805 VII. BASSIN DE LA DRAVE.
Möflthal. Leiterkees. ( Massif du Glockner. ) En 1799 on bâtit la Salmshütte sur la moraine frontale, très près de la glace. Le glacier était en diminution tellement qu' en 1820 il était à 50 pas de la cabane. Mais bientôt après il se mit en allongement et en 1829 la cabane était écrasée par la moraine; puis le glacier se retira, et en 1847 et 1848 les frères Schlagintweit retrouvèrent dans la moraine les débris de la construction.Depuis lors le glacier est en retraite. ( Simony. 2 ) Glacier de Pasterze étudié par M. Seeland de Klagenfurt 3 ); il a subi de 1882 à 1883 un gonflement sur l' un des points repérés; il s' affaisse encore dans les autres. Voici les chiffres:
repère a.2,45 m b.2,8 m c.5,65 m d.2,6 m La diminution de longueur de ce glacier a été en moyenne 1879—808,05 » 1880—816,37 m 1881—827,59 m 1882-832,15 mSchlagintweit. Unters, phys. Geogr. d. Alpen, p. 133 » Leipzig, 1850.
ä ) Vortrag, loc. cit.
3 ) Zeitschrift des d. u. œ. A.V. 1884, " p. 51.
20 VIII. BASSIN DE L' ADIGE.
Vallée de Trafoï. ( Massif de l' Ortler. ) Les glaciers de Madatsch et les Trafoterferner montraient déjà en 1855 des signes évidents de raccourcissement datant de plusieurs années. ( Fr. Simony.* ) Vallée de Mortel !. En 1855 le corps principal du glacier de Zufall était en diminution, mais l' un de ses affluents le Hoheferner qui descend de la Venezia-spitze avait tous les caractères d' un glacier en allongement; il atteignait alors le sol de la vallée. Une photographie récente montre que le Hoheferner s' est complètement retiré de la vallée. ( Simony, 1884 ' ).
IX. BASSIN DU PO.
Vallée de la Doire.Val Veni. Glacier de l' Allée blanche. D' après un vieux guide, vers 1760, ce glacier devait descendre jusqu' à la Doire; du temps de H. B. de Saussure il était joint au glacier de Y Estellette et envahissait une partie de la plaine de Combal.2 ) Le glacier de Miage n' a pas subi de grands variations dans les temps historiques. Ses moraines sont couvertes de végétation et prouvent une antiquité d' au Les variations périodiques des glaciers des Alpes. :>07 moins 300 ans; elles sont à 300-400™ du glacier actuel. Le peu de variabilité dans la longueur est dû sans doute à ce que, sur 3,5 kil., le glacier est complètement recouvert de débris morainiques, ce qui doit annuler l' ablation.
Quand de Saussure a vu ce glacier, il était plus grand qu' actuellement, et se déversait vers le lac Combal par une rupture de la moraine latérale.
La partie médiane est actuellement concave; mais elle a dû être autrefois convexe, et plus élevée de près de 50'° pour arriver à former les moraines latérales ( Virgilio ).
Les glaciers du Brouillard et de Fresnay ont été dessinés par de Saussure qui, en remontant le val Veni, passa près de l' extrémité terminale de ces glaciers. Ces glaciers descendaient alors jusqu' au bas de leurs vallons respectifs. Aujourd'hui ils sont retirés à une grande hauteur dans ces vallons ( Fr. Virgilio ).
Glacier de la Brenva. Des documents du XIVe et XVe siècle attestent l' existence d' un village du nom de S* Jean de Pertuis dans la localité occupée par la moraine de gauche du glacier de la Brenva. Ils disent aussi que sur le versant du Mont-Noir du Péteret qui regarde le glacier il y avait autrefois des chalets, dits de Pertuis, que le glacier a détruits; l'on a retrouvé à diverses époques à la partie inférieure du glacier des poutres et des planches, débris de ces chalets.
A l' époque de Saussure, le glacier était beaucoup plus étendu qu' aujourd. Son niveau supérieur dépassait la crête de la moraine latérale; son front at- teignait les champs d' Entrèves. Cette période d' allon a duré jusqu' à la destruction de la chapelle de N. D. de Guérison, bâtie sur le versant droit du val Veni; cette chapelle, construite en 1781, fut détruite eu 1819.
En 1821 on reconstruisit une nouvelle chapelle plus à l' Est, avec l' espoir d' éviter l' envahissement du glacier; mais elle dut être encore démolie et reconstruite en 1867. D' après le dire de l' ermite qui habite là depuis 1842, en 1850 le glacier arrivait jusqu' à peu de mètres au-dessous de la chapelle. Aujourd'hui le glacier est à plus de 100 m au-dessous et à environ 1000 m de distance du rocher sur lequel est construit la chapelle.
Les observations récentes signalent une nouvelle période d' allongement qui, de 1878 à 1881, a avancé le front du glacier d' une 50e de mètres ( Fr. Virgilio ).
Val Ferret de Cormayeur. Glacier de Triolet. En 1777 de Saussure l' a vu en retraite, tandis que le glacier du Mont-Dolent avançait.
Le glacier du Triolet a causé le 12 décembre 1717 un éboulement qui a enseveli 2 chalets, 7 hommes et 120 vaches ( Virgilio ).
D' après les guides de Cormayeur, vers 1863 tous les glaciers au N. E. de la Brenva, ceux de Rochefort, d' Entrèves, de Toula, de Plan Pansière et de Tronchey étaient développés au point de former, sur les escaliers de roches aujourd'hui découverts, des cascades de glaces qui faisaient choir, leur débris qu' aux pâturages sousjacents ( Virgilio ).
Vallée de la Balme. Le glacier du Ruitor était en retraite en 1864, en 1868 et en 1879. D' après l' état du glacier en 1879 on peut évaluer la perte de glace depuis la dernière époque de maximum ( avant 1864 ) à 800 m en longueur, 350m en largeur, 300,000 mètres carrés en surface, et plus de 6 millions de mètres cubes en volume.
II y a eu des inondations du lac, dues à l' arrêt de ses eaux par le glacier, dans les années 1594—1598, 1599—1606,1620ou 1630—46, 1678-1680, 1738— 1752 ( Pr. Virgilio ).
Vallée de Cogne. Glacier du Grand-Paradis. En 1865 les glaciers de Tzasset, de la Tribulation, de Grancrou et du Money se soudaient par leurs extrémités terminales en une seule masse recouverte de débris morainiques; en 1874 ces glaciers étaient tous isolés, et montraient une diminution de longueur de 750 ' " en 9 années.
Cette retraite a pris fin eu 1881, d' après les observations faites par Virgilio en 1883. La surface découverte mesure environ 1500™ de longueur, et la distance qui sépare les extrémités des glaciers de Grancrou et de Money est d' environ 800 m.
Val Tournanche. D' après le guide Salomon Meynet du Val Tournanche, les glaciers du Val seraient en allongement depuis 1882.
Val d' Anzasca. D' après le guide Alexandre Corsi de Macugnaga, le glacier de Macugnaga est en allongement depuis 1880; il s' allonge d' une manière très sensible surtout par son bras glacierdePedn' ok. Schulz, Jahrbuch des S.A.C. XVIII, p. 106, 1888.
Vallée de l' Adda. D' après une communication de M. C. Gobbi de Stelvio, les glaciers du versant nord du massif de l' Ortler ont été stationnaires de 1883 à 1884; ils ne se sont ni avancés ni retirés.
Vallée de la Mera. Le glacier de Forno semble en allongement, il est fort exhaussé à sa partie inférieure, et s' avance sur une masse de glace morte, en glissant sur la vieille moraine ( Prof. A. Heim, 1884 ).
XXI. Coup d' œil général sur l' état de variation des glaciers des Alpes, à la fin de l' année 1884.
Dans le rapport actuel, nous annonçons le commencement récent de la période d' accroissement pour les glaciers suivants, groupés d' après les massifs de montagne:
Grand Paradis. Grancrou.
Mont-Blanc. Argentière, les Grands, la Neuvaz.
Mont-Colon. Pièce, petits glaciers du Val Tournanche.
Weisshorn. Bies, Trift.
Mont-Rose. Gorner, Macugnaga.
Mischabel. Allalin, Hochbalm, Balfrin.
Blümlisalp. Gamchi.
Wetterhorn. Rosenlaui, glacier de la Dossenhütte.
Monte della Disgrazia. Forno.
Bernina. Vadret da Fex. Soit 18 glaciers, dont 2 ou 3 sont un peu incertains.
Parmi ces glaciers quelques-uns sont des glaciers de IIe ordre, ceux du Val Tournanche, du Val de Fex, le glacier de la Dossenhütte. D' autres sont d' un type intermédiaire entre les glaciers de Ier et de IIe ordre: glacier des Grands, du Trift, du Hochbalm.
En y ajoutant ceux que nous avons signalés dans les précédents rapports, nous comptons actuellement dans les Alpes 34 glaciers en état d' accroissement. Je les réunirai comme suit en indiquant l' époque la plus probable du minimum qui a terminé la période de déclin, et précédé la période de croissance:
Groupe du Pelvoux:
Glacier.
Minimum.
Observateurs.
Girose environ 1881 P. Guillemin.
Lombard 1881 La Meije „ 1881
„
Groupe du Grand-Paradis:
Grancrou environ 1881 Fr. Virgilio.
Groupe du Mont-Blanc Bossons environ 1875 V. Payot.
La Brenva,, 1878 Marengo.
Le Trient 1879 J. Guex.
Orny avant 1881 A. Barbey.
Argentière 1883 V. Payot.
Les Grands 1883 F. Doge.
La Neuvaz avant 1883 A. Barbey.
Groupe de la Dent du Midi:
Les Fonds avant 1882 A. Wagnon.
Groupe du Mont-Colon Zigiorenove environ 1879 Anzevuy.
Giétroz „ 1880 Troillet.
Pièce avant 1883 Anzevuy.
Val Tournanche environ 1882 guides.
Groupe du Weisshorn:
Schalihorn environ 1878 R. de Riedmatten.
Bies avant 1883 guides.
Trift., 1883 Wolterstorff.
F.A. Forel.
Groupe du Mont-Bosc:
Glacier.
Minimum.
Observateurs..
Macugnaga environ 1880 guides.
Gorner „ 1883 Groupe des Mischabel:
Allalin environ 1881 Dübi-ForeL Fee supérieur „ 1880 Morax.
Fee inférieur „ 1880 Hochbalni avant 1883 Forel.
Balfrin environ 1883 guides.
Groupe de la Blümlisalp: Gamchiavant 1883 Mœsch.
Groupe du Finsteraarhorn:
Grindelwald supérieur1880 G. Strasser.
Grindelwald inférieur1882Groupe du Wetterhorn:
Glacier de la Dossenhütte environ 1882 Baumgartner. Eosenlau1880 Stähli.
Groupe du Monte della Disgrazia: Fornoenviron 1883 A. Heim.
Groupe du Bernina: Vadret da Fexenviron 1882 guides.
Groupe de VOrtler: Glacier du Monte Cristallo environ 1882 C. Gobbi.
Nous avons donc assisté, dans les 10 dernières années, au début d' une période d' accroissement des glaciers; les uns après les autres, les glaciers, qui dans les 20 et 30 dernières années étaient tous en diminution, commencent à augmenter de volume. C' est dans la partie occidentale de la chaîne des Alpes que le début de cette nouvelle période a d' abord apparu. Il a d' abord été observé dans le massif du Mont-Blanc. Actuellement il est sensible dans quelques glaciers du Dauphiné, dans la généralité des glaciers du Mont- Les variations périodiques des glaciers des Alpes. âlS Blanc, dans bon nombre de glaciers du Valais, dans quelques glaciers du versant sud des Alpes centrales, dans quelques glaciers de l' Oberland bernois, dans un ou deux glaciers de l' Engadine. Jusqu' ici nous n' avons pas appris qu' un seul glacier des Alpes autrichiennes, à l' Est de l' Ortler, ait commencé à s' accroître. On peut donc poser en fait que dans le commencement de la période actuelle il y a développement successif du phénomène dans la chaîne des Alpes, de la région occidentale vers la région orientale.
Essayons de justifier ce dire par l' indication des positions géographiques plus précises.
Et d' abord donnons la position en longitude des principaux massifs des Alpes:
Pelvoux...
2O' longitude E de Greenwich.
Mont-Blanc..
5O' 77 71 71 Mont-Rose.
5O' 77 Jungfrau..
55' 71 77 77 77 Galenstock.
25' 77 71 Tödi
5O' 77 )7 Bernina.
5O' 71 77 77 77 Ortler-Adamello 1O30' 71 77 77 77 Oetzthal..
5O' 77 „ 71 Venediger..
12°271 77 77 n Glockner..
45' r 71 77 V Dachstein..
25' n 77 77 Le centre des Alpes possédant des glaciers est environ vers le 9e de longitude E de Greenwich.
Or, si nous comptons le nombre des glaciers en état d' accroissement dans chaque groupe, nous trouvons:
Massif du [ Pelvoux..
long.
. 20' 3 glaciers 71 77 Mont-Blanc..
50' 7 77., de la Dent du Midi.
77 50' 1 77 77 du Grand-Paradis 71 00' 1 77 77 il Mont-Colon 71 703O' 4 71 71 71 Weisshorn.
,, 40' 3 71 77 77 Mont-Rose.
77 5O' 2 71 77 des î Mischabel.
50' 5 71 71 de la Blümlisalp.
71 50' 1 77 71 du Finsteraarhorn 71 10' 2 77 „ 77 Wetterhorn...
77 8° 10'2 71 71 71 Mte ( jelia Disgrazia 77 9°40'1 71 71 de la Bernina.
71 50' 1 71 n de l' Ortler
71 10°3
de 6° à 7° de longitude 11 glaciers.
TO A Qo 715 71 77 ] L6 71 71 *3° a' 71 4,, 9° à 1071 2 „ 10° à 11 » „ 1 17 au-delà de 11°..
0 La longitude moyenne des 34 glaciers en état actuel d' accroissement est 7°35 '.
Il y a évidemment un beaucoup plus grand nombre de glaciers ayant terminé leur période de retraite dans la région occidentale des Alpes que dans la région orientale.
Une telle succession dans le commencement de la période est-il un fait exceptionnel? A-t-il eu lieu, et dans le même sens, pour le commencement des périodes précédentes? C' est un fait trop mal déterminé et soumis à de trop nombreuses exceptions locales; il est tellement peu précis, même dans la période actuelle pour laquelle nous avons le plus d' observations, que nous ne pouvons en rechercher des indices pour les périodes précédentes sur lesquelles nous n' avons que des dates très confuses. Une telle succession se re-produira-t-elle dans le début des périodes prochaines? Ce sera un fait intéressant laissé à l' observation de l' avenir. Quelle est la cause de ce développement successif dans un sens déterminé? Quels sont les faits climatériques qui l' expliqueraient?
Telles sont les questions importantes que ce nouveau point de vue ouvre devant nous. Elles montrent bien l' intérêt majeur des observations sur les variations périodiques des glaciers, observations auxquelles nous invitons tous les Alpinistes à collaborer.
Erratum. A la page 289, ligne 4, pour 1818 lisez 1822.
Note de l' auteur.