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Les variations périodiques des glaciers des Alpes

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes par le Professeur Dr F.A. Forel de Morges.

Troisième rapport. 1882.* ) La variation périodique de longueur des glaciers est l' un des phénomènes les plus grandioses et les plus intéressants, que nous offre le monde des Alpes. Pendant cinq, dix, vingt ou trente ans nous voyons, sans cause apparente, un glacier augmenter de volume, augmenter de longueur, nous le voyons dépasser ses limites, repousser ses moraines séculaires, renverser les forêts et les habitations des hommes; puis, sans cause apparente aussi, nous le voyons s' arrêter dans cette crue étrange, puis diminuer, reculer, se raccourcir, et cela pendant dix ans, pendant vingt ans, pendant trente ans, tellement qu' il semble que le glacier va disparaître dans cette fonte progressive. Mais encore au bout d' un certain nombre d' années ou de lustres, cette diminution prend fin et le glacier recommence à s' allonger. Cette variation périodique s' observe en même temps sur les divers glaciers; mais elle n' est pas simultanée chez tous. Pour les uns le début est plus hâtif, pour les autres il est plus tardif; il en résulte qu' on peut voir parfois deux glaciers voisins être en variation opposée, l' un en période croissante, l' autre en période décroissante.

Ce phénomène périodique est encore- mal expliqué et la théorie n' en est pas faite d' une manière définitive; les lois mêmes du phénomène sont encore mal établies. Pour établir ces lois, bases de la théorie, il est nécessaire de recueillir du matériel d' observation. C' est dans ce but que, il y a quatre ans déjà, je me suis adressé à la bonne volonté de mes collègues et amis, les membres des Clubs alpins et les naturalistes, pour obtenir d' eux des observations sur l' état des glaciers, de manière à suivre d' année en année les variations dans la période actuelle.BeaucoupVoici les questions que je pose à mes correspondants dans les Alpes:

Pour le passé: indiquer pour chaque glacier à quelle époque a commencé la période actuelle de raccourcissement ou d' allongement.

Pour le présent: indiquer quels sont les glaciers qui actuellement sont en période d' allongement, lesquels sont en période de raccourcissement, lesquels sont stationnaires.

Pour l' avenir: noter chaque année, pour chaque glacier, s' il s' allonge, s' il se raccourcit ou s' il reste stationnaire.

Il serait en outre désirable, pour autant que ce sera possible:

a. D' avoir en chiffres la valeur de ces variations.

ont répondu fort obligeamment à mon appel et j' ai pu publier déjà dans l' Echo des Alpes, organe des sections romandes du C.A.S., deux rapports sur l' état des glaciers en 1880 et 1881; j' ai donné ici même le résumé de ces rapports dans l' étude que j' ai présentée l' année dernière sous le titre: „ La grande période de retraite des glaciers des Alpes de 1850 à 1880.* ) Aujourd'hui, d' accord avec les rédactions du Jahrbuch et de l' Echo, je continue ici la suite de ces rapports annuels.

Je résumerai comme les années précédentes les notes que j' ai reçues de divers correspondants, en renvoyant aux rapports précédents et aux rapports subséquents pour compléter les dates et les faits ici analysés. Je témoigne à mes correspondants une vive reconnaissance pour leurs obligeantes communications, et je sollicite, de tous et de chacun, l' envoi d' obser nombreuses et précises sur l' état des glaciers pendant l' année 1883.

b. De rapporter chaque année à des repères invariables la position du front du glacier.

c. De lever le plan du front des glaciers qui sont à la fin d' une période, qui après s' être allongés commencent à diminuer, ou qui après s' être fort raccourcis commencent à s' allonger de nouveau.

d. D' avoir des observations sur l' épaisseur relative du glacier, en divers points de sa longueur.

VI- Notes et observations sur les variations des glaciers des Alpes, pendant l' année 1882 et les années précédentes.

I. BASSIN DU RHONE.

Glacier du Rhône. D' après les chiffres fournis par M. L. Held, ingénieur du bureau topographique fédéral, chargé des mensurations en l' année 1882, le glacier du Rhône continue sa période de décroît.

Le front s' est retiré de 1881 à 1882 d' une surface de plus de 24500 m2; au point où le raccourcissement a été le plus fort, le front du glacier était en retraite de 73 m sur sa position de 1881.

Quant à l' épaisseur du glacier elle a varié de la manière suivante de 1881 à 1882:

Profil noir: variation moyenne — 5,2 m „ vert:6,34 „ jaune:0,39 „ rouge:0,06 Le glacier a donc diminué d' épaisseur sur les trois profils inférieurs; au profil rouge, il y a eu léger accroissement d' épaisseur.

Voici du reste, d' après les mensurations du Club, les variations dans l' épaisseur sur les quatre profils depuis le commencement des travaux. Nous appellerons 100 m l' épaisseur primitive de chaque profil, qui nous est inconnue:

Profil Noir.Vert, mm 1874100,0 100,0 187594,6 95,8 Jaune.

Rouge.

m m 100,0 100,0 101,9 100,6 Les variations périodiques des glaciers des Alpes. 255 Noir.Vert.Jaune.Rouge.

m m m m 1876 86,0 89,3 99,4 100,2 1877 74,0 80,6 — 98,1 1878 64,1 77,7 98,0 99,1 1879 55,7 72,9 100,4 101,4 1880 44,4 65,6 98,0 98,9 1881 38,5 59,8 98,0 98,4 1882 33,3 53,5 97,6 98,5 D' après ces chiffres le glacier aurait diminué en épaisseur sur les quatre profils: en huit ans il aurait perdu une hauteur moyenne de:

66,7 m sur le profil noir, 46,5vert, 2.4jaune, 1.5rouge.

Glacier d' Aletsch. Le lac Merjelen s' est écoulé par dessous le grand glacier d' Aletsch les 9 et 10 juin 1882. Le précédent écoulement avait eu lieu le 19 juillet 1878.

Glacier du Dard ( vallée des Ormonts ). Le 7 décembre 1882 à 3x/2 heures du matin une puissante avalanche de neiges et de glaces descendue du sommet du Sex-rouge, s' est épandue sur le col du Pillon; à la neige étaient mêlés d' énormes blocs de glace provenant du glacier du Dard. Il est probable que l' avalanche de neige partant du Sex-rouge est tombée d' abord sur le glacier du Dard, et a entraîné avec elle la partie inférieure de ce glacier ( M. P. Vautier, Ormonts-dessus ).

Glacier de Zigiorenove ( vallée d' Hérens ). Ce glacier continue à avancer très rapidement; d' après M. Anzévuy d' Arolla, il se serait allongé de 150 m dans les deux dernières années; il refoule actuellement ses moraines couvertes de gazon. Le mouvement d' allongement du glacier de Zigiorenove a déjà été constaté en 1879.

Vallée de Bagnes. Notes de M. S. Troillet, préfet à Bagnes:

„ Glacier de Giétroz. En 1882 il a augmenté surtout en épaisseur; l' élargissement est moins évident; la glace est tombée en plus grande quantité dans la rivière.

Les glaciers de Breney et d' Otemma sont restés stationnaires, ou à peu près.

Le glacier du Mont Durand a énormément diminué; on signale un raccourcissement considérable entre la situation d' août 1881 et celle de juin 1882. "

Glacier d' Orny ( val Ferret ). M. A. Barbey de Lausanne a établi le 3 juillet 1882 des repères au front de ce glacier.Du 3 juillet au 5 août 1882 le glacier a reculé de l,34 m et s' est affaissé de plus d' un mètre.

Glacier du Trient. M. J. Guex de Vevey continue à étudier attentivement ce glacier à l' aide de repères qu' il a établis devant le front. Le glacier s' est allongé depuis l' année dernière de 3 m, 4 m et 5 m, suivant les points mesurés. Le mouvement en avant, constaté depuis 1879, s' accentue. L' épaisseur augmente égale- ment; la partie inférieure du glacier forme un énorme bourrelet qui se dresse en un mur vertical.

Glacier des Grands ( vallée du Trient ). Observations de M. F. Doge de Vevey, qui étudie ce glacier d' après des repères qu' il a posés en 1881: „ Depuis l' année dernière recul de 16 m; le bas du glacier est fortement déprimé, par contre la partie moyenne et supérieure semble être sensiblement plus épaisse que les années précédentes. "

Sur l' histoire de ce glacier voici quelques faits intéressants: Il y a quelque quarante ans, soit vers 1840 le glacier des Grands descendait jusqu' au glacier du Trient et se joignait à lui. Dans la carte du C.A.S. au 1: 50,000e dressée d' après les levers du bureau topographique fédéral de 1858, la distance horizontale entre les deux glaciers était déjà de 450 m. Sur la feuille 525bùi de l' Atlas Siegfried, publiée d' après la révision de 1877, cette même distance horizontale est de 1100 m.

Vallée de l' Isère. ( Note de M. Borrel, architecte à Moûtiers ). „ Les glaciers de la Tarentaise sont dans une période de décroissance, qui remonte avant 1830. Par la comparaison de diverses cartes et plans, j' ai constaté que le glacier de Gébrulaz a diminué: de 1730 à 1830 de 320m, de 1830 à 1879 de 1102 ». C' est de 1850 à 1870 que les glaciers ont reculé avec le plus de vitesse; ce retrait a continué depuis, mais avec un ralentissement sensible. L' année dernière les glaciers sont restés stationnaires.

17 Je ne connais pas un seul glacier en Tarentaise qui soit en état de croissance.

Les glaciers de la Maurienne se comportent comme ceux de la Tarentaise. "

II. BASSIN DE LA REUSS.

Vallées d' Urseren et de Gesehenen. D' après les observations de M. le Dr F. M. Stapff, ingénieur.Alpligengletscher ( Greschenenthal ). De 1861 à, 1881 l' extrémité de ce glacier s' est reculée de 1300 m dans Je sens horizontal, et de 330 m dans le sens vertical.

Le glacier de Sie-Anne ( vallée d' Urseren ) se divise en deux bras. Le bras occidental a perdu:

DansDans l' horizontale, la verticale.

De 1866 à 1882 partie supérieure 65 m 50 mpartie inférieure 365 160 „ 1850 à 1882515 180 Au milieu de cette période générale de retraite, il y a eu un temps d' allongement momentané qui se reconnaît par l' existence d' une petite moraine.

Le bras oriental a reculé de plus de 500 m dans les trente dernières années, et s' est retiré au-dessus de la cote 2400 m, qui limite en haut le Felsenthal.

Le Gurschengletscher a perdu entre 1861 à 1875 environ 300 m et son extrémité terminale est remontée de la cote 2340 m à la cote 2535 m.

Vallée de Maderan. M. Krayer-Ramsperger de Bâle, a établi les 4 à 8 août 1882 des repères au front des glaciers de Hüfi et de Brunni. Des mesures seront faites régulièrement sur ces glaciers sous les auspices de la section de Bâle du S.A.C.

Voici quelques mesures qui serviront de termes de comparaison: Hüfigletscher.

1errepère rive droite, distance au front: 3-,5 m 4 août 1882 2e n milieu devant la voûte du torrent, distance au front: 27,0 3« „ rive gauche,0,0 La voûte du torrent a 14 m de haut. Brunnigletscher.

1er repère rive droite.

8 août 1882. 2e n rive gauche, l' un et l' autre touchant la glace. La voûte du torrent n' a que 5' n de haut. Les repères sont peints en rouge et portent les mots: S.A.C. Section Basel, et la date.

III. BASSIN DE L' INN.

Engadine. ( Note de M. Saratz de Pontresina. ) Tous les glaciers sont en diminution.

Le Roseg de 1858 à 1881 a reculé de 315 m et a diminué d' épaisseur.

Le raccourcissement du Morteratsch est moins sensible, mais il a plus perdu en épaisseur.

Les glaciers secondaires ont décru relativement encore plus.

Groupe du Dachstein. ( Observations de M. le prof. Fr. Simony à Vienne * ).

Unteres Karlseisfeld était en allongement en 1840. Le maximum fut atteint entre 1854 à 1856. En 1861, l' extrémité terminale s' était affaissée de 10™. Le front du glacier était en retraite sur la moraine en 1861 de 4 m 1870 „ 25 m 1876 „ 41 m 1882 „ 60 m La partie inférieure du glacier montre actuellement une diminution d' épaisseur de 50 à 60 m, la partie moyenne de 40 à 50 m, le névé est aussi notablement amoindri.

Gossaugletscher est en retraite de 400 à 450 m sur sa moraine frontale.

Le glacier de Pasterzen ( groupe du Hohe Tauern ) est depuis 1879 l' objet d' études systématiques conduites par M. F. Seeland, membre du conseil des mines à Klagenfurt.De 1879 à 1880, ce glacier a reculé en moyenne de 7,3 m, et il a perdu en épaisseur environ 10 m le long de l' Elisabethenfels.

Langthaler Ferner ( Oetzthal ). M. O. Rheinthaler l' étudié à l' aide de repères, posés devant le front et les bords, en octobre 1879.

Depuis cette époque au 5 août 1882, le glacier a subi un racourcissement de 38 m et sur l' un de les flancs une diminution le largeur de 14 m.* ) IV. BASSIN DU PO.

Vallée du Tessin. Observations de M. le Dr F. M.

Stapff.Le glacier du Pas de la Sella ( Val Torta ) s' est retiré dans les 20 ou 25 dernières années de 250 m dans l' horizontale et de 55 m dans la verticale.

Les petits glaciers de la Sella qui descendent du Pizzo Centrale et du Piz Prevot dans le val Torta ont décru de 1870 à 1878 de 150 à 275 m dans l' horizontale, et de 30 à 50 m dans la verticale.

Les névés ont beaucoup diminué. Un bon exemple est celui de l' arête entre les glaciers de Guspis ( Urseren ) et de Sella, par 2865 m. Cette arête était encore entièrement prise dans les neiges lors du premier lever de la carte fédérale en 1857; elle est aujourd'hui entièrement dégagée.

En résumé il ne nous est pas arrivé cette année d' observations qui nous permettent d' ajouter de nouveaux noms à la liste des glaciers qui ont terminé la période de retraite et qui ont commencé à s' agrandir; ceux-ci sont toujours au nombre de 10, à savoir:

Les glaciers des Bossons, des Bois, d' Argentière du Tour, du Trient, et de la Brenva ( groupe du Mont- blanc ), de Giétroz et de Zigiorenove ( groupe du Mont-Colon ), du Schalihorn ( Weißhorn ), et de Grindelwald supérieur ( Finsteraarhorn ). La grande généralité des glaciers des Alpes est encore en période de décroissance.

VII. La grande période de retraite étudiée dans les glaciers du Valais.

Le bureau topographique fédéral a fait procéder dans les dix dernières années ( 1871 —1880 ) à la révision des minutes de l' atlas suisse à l' occasion de la publication de l' atlas Siegfried au Vsoooo6. Les cartes originales avaient été levées de 1839 à 1860. Or d' une époque à l' autre les glaciers du Valais ont notablement changé; ils ont tous diminué et cela d' une quantité fort importante. J' ai été gracieusement autoriséà publier ici les chiffres qui montreront les variations de la surface glacée.

Ces chiffres ne sont pas directement comparables entr' eux, le lever soit de la carte originale, soit de la révision ayant été fait à des époques fort différentes pour les diverses feuilles. Ils ne sont pas non plus complets, le travail n' ayant été jusqu' à présent terminé que pour les feuilles 472, 477, 481, 485, 490, 493, 498, 525 à 536; le travail reste à faire pour les feuilles 397, 398, 488, 489, 491 à 494.* ) Il manque, par conséquent, les glaciers du Lötschenthal, du Gratschlucht, du Gerenthal, du Blindenthai, du Trappenthal, de la partie supérieure du Binnenthal, les névés des glaciers du Rhône, de Gries, de Fiesch et d' Aletsch.

Lever Différence Diminution Glaciers des bassins de original.

Révision.

de temps.

de surface.

Année.

Année.

Années.

Hectares, *le Khône

1851 1880 29 47* le Trutzibach...

15 le Münsterbaeh...

125 *le Fiescherbach..

1846 — 34 75* *la Massa

429* le Natersbach...

75 la Rière

1839 1878 39 139 la Morge182 1879 40 29 l' Avençon

— 83 la Grande-Eau...

106 *le Gornerlibach..

1851 1880 29 27* l' Eginenbach

145 *la Binne

1847 1870 23 101* la Visp de Saas..

1860 1879 19 438 la Visp de Zermatt.

1859 — 20 880 la Havizence

— 1877 18 97 la Borgne

1857 — 20 548 la Prinze

1858 — 19 101 la Dranse du Châble.

1856 — 21 662 la Dranse d' Orsière.

656 le Trient

310 la Salanfe

1857 — 20> 21 la Viège du val d' Iüier91 Moyenne et total 27 5386 En tout 5386 hectares soit près de 54 kilomètres carrés.Ces chiffres donnent une idée de l' importance de la diminution des glaciers dans la grande période de retraite qui est en train de se terminer.

= Le chiffre indiqué ci-dessus pour le glacier du Rhône ne se rapporte qu' à la partie comprise sur la feuille 490 ( Obergestelen ) de l' atlas Siegfried, par conséquent à la région terminale du glacier. Voici des chiffres plus complets que je tire du rapport de M. Ph. Gösset à l' Etat de Vaud, du 31 janvier 1881. La diminution de surface aurait été:

de 1856 à 1874 de 1874 à 1880' Glacier inférieur56,1 hectares 22,6 hectares- Cascade de glaces 5,81,4 „ supérieur 20Névé ( 1861—1874 ) 76De 1856 ( 1861 ) à 1880, la surface perdue par le glacier du Rhône s' élèverait donc à 182 hectares, soit à près de 2 kilomètres. En 1866, la surface totale du glacier était évaluée à 2330 hectares; la perte de surface serait donc de 8 pour cent environ.

TUI. Glaciers de la Norwège.

Je dois à l' obligeance de M. Ch. Rabot de Paris quelques renseignements sur les glaciers de la Norwège qu' il a explorés en 1880 à 1881.

„ Le Svartisen montre partout des traces de diminution. La valeur du recul est difficile à apprécier.

Les glaciers du Holandsfjord /FonddalJ seraient, d' après le dire des habitants, plus étendus aujourd'hui qu' autrefois; ils auraient détruit des maisons situées devant leur front, lequel arrive actuellement presque jusqu' à la mer.

Glaciers du Blackadal ( versant occidental du Svartisen ), au nombre de deux. Devant le premier, M. Rabot a compté six moraines, espacées de 19, 30, 25, 15 et 20 mètres.

Le second glacier est en retraite de 300 à 400 m, le mouvement de recul date de longtemps, comme le prouve, sur la seconde moraine de gauche, un petit saule âgé d' environ 30 ans. "

D' après un article de Naturen ( fév. 1882 e ), il y aurait aussi des variations dans le sens de l' allonge.

Le glacier de Nigaard avancerait depuis 1869 ( de Sene ).

Le Folgefon aussi serait en allongement; de 1860 à 1878, il aurait avancé de 40 m.

IX. Glaciers du Caucase et de l' Asie centrale.

Je dois à l' obligeance de M. le prof. A. Woeikoff de St-Pétersbourg l' analyse suivante d' une importante communication faite par M. le prof. J. W. Mouchketow à la société de géographie de S*-Pétersbourg. „ Dans un voyage au Caucase en 1881, M. Mouchketow visita d' abord l' Elbrous par la vallée de Baksan; il s' éleva jusqu' à 3750 m au-dessus de la mer. Voici, d' après ses mesures, l' attitude de l' extrémité terminale des principaux glaciers du groupe.

Glacier d' Asan ou de Baksan2325 m Tersko12624,, Irik2532 „ Bisingi2006 „ Ady12243 „ Tous ces glaciers se réunissaient autrefois dans le grand glacier de Baksan qui a laissé des moraines très bien caractérisées jusqu' au delà d' Urusbiew, à 1585 m.

Les glaciers de l' Elbrous occupent 60 kilomètres carrés, c'est-à-dire à peu près la moitié de la surface totale des glaciers du Caucase.

Les renseignements réunis par Mouchketow semblent montrer que tous ces glaciers sont en période de diminution. Ainsi quand Abich visita le pays, le glacier de Baksan s' étendait de plus d' un kilomètre au-delà du point où l' a vu Mouchketow, et son extrémité descendait à 82 m plus bas. Abich lui-même avait déjà constaté la retraite de plusieurs glaciers.

Mouchketow visita ensuite le groupe du Kazbek dont la surface glacée ne forme que le huitième de l' ensemble des glaciers de l' Elbrous. Le glacier de Devdoraki descend seul aussi bas que le Baksan, 2316 m, et cela grâce à des conditions topographiques particulières. Tous les autres se terminent à une alti- tude bien plus élevée. Par exemple, d' après les études de M. Khatissian:

Glacier d' Abanet 2978 m Orzveri2758 „ Tschatchni... 3026 „ Mna 2690 „ Le Devdoraki est célèbre par ses avalanches de glaces; on connaît celles des années 1776, 1785, 1808, 1817, 1832; celle-ci fut la dernière. Dans les années 1842 et 1855, le glacier s' avança d' une manière inquiétante, mais l' avalanche n' eut pas lieu. Abich a constaté une période d' avancement de 1863 à 1867, la largeur du glacier qui était de 236 m s' étant élevée à 352 m, et la vitesse d' écoulement qui en 1863 était de 0,20 m par jour s' étant élevée en 1867 à 0,94 m. Depuis cette époque le Devdoraki est en retraite, comme tous les glaciers du Caucase que l'on connaît.

M. Mouchketow cherche ensuite à comparer le Caucase avec les autres chaînes de montagnes de l' ancien monde. Il se range à l' opinion émise par Stebnitzky, à savoir que, par son climat, par la limite de ses neiges éternelles, et par l' extension de ses glaciers, le Caucase occidental se rapproche des Alpes, tandis que le Caucase oriental rappelle plutôt les montagnes de l' Asie centrale. Ainsi d' après Stebnitzki la limite des neiges persistantes est à 2925 m dans la région nord-occidentale du Caucase, à 3230 m dans la région centrale, et à 3720 m dans la région sud-orientale. Au temps de la plus grande extension des glaciers, ceux de l' Elbrous et du Kasbek descendaient jusqu' à l' altitude de 600 à 900 m dans les vallées du Baksan, de l' Ardon et du Terek, tandis que ceux du Thian-chan, dans l' Asie centrale ne descendaient pas plus bas que 1500 ou 1800 m. On n' a pas encore suffisamment étudié les vestiges de l' époque glaciaire dans le Caucase oriental; mais il est fort probable que l'on ne les rencontrerait pas aussi bas que dans le Caucase occidental ou central, et que leur altitude extrême ne serait que peu inférieure à celle des glaciers analogues du Thian-chan.

En 1880, Mouchketow étudia le glacier de Zeravchane et corrigea une erreur grave accréditée par ses prédécesseurs. Dès que les naturalistes russes commencèrent à visiter les immenses montagnes de l' Asie centrale, ils constatèrent le retrait général des glaciers. Fedchenko le premier en fit la remarque pour les glaciers à' Isfara et de Karakasyk, au sud de la vallée de Ferghana; Iwanow le constata pour les glaciers de l' Alataou et de Tschem-Kent; Mouchketow et d' autres pour les glaciers de Terskei-Alataou, au sud de l' Issyk, ainsi que pour ceux du Pamir septentrional et de l' Alaï. Kaulbars et Petrow firent la même constatation pour les grands glaciers de l' Ak. Seul le glacier de Zeravchane, si remarquable par son étendue et sa forme, semblait faire exception à la règle générale. L' ex à l' Ischander, sous le général Abramow, visita ce glacier en 1870, et l' un de ses membres, M. Myschenkow, crut avoir prouvé que ce glacier avançait; il se fondait sur l' absence d' une moraine frontale et sur le dire des indigènes; d' après cela, Les variations périodiques des glaciers des Alpes.

cet auteur et d' autres géologues ont admis que le sol était en voie d' exhaussement dans la région de ce glacier de Zeravchane.

Mouchketow a traversé ce glacier dans toute sa longueur, 26 kilomètres, ainsi que le glacier de Zardal, long de 6 kil., qui le continue de l' autre côté de la montagne; il conclut de ses observations:* ) 1° Le glacier de Zeravchane descend jusqu' à 2740 m, et celui de Zardal à 3400 m; cette différence s' explique par des conditions topographiques locales.

2° Ce glacier de Zeravchane est un glacier de col [Jochgletscher!, comme les autres glaciers de la chaîne de l' Alaï.

3° Il sort d' un névé immense, ce qui explique la grandeur du glacier; de plus il reçoit une foule de glaciers tributaires de droite et de gauche, c'est-à-dire des chaînes en Turkestan et de Hissar.

4° Tous les glaciers du groupe du Zeravchane sont en retraite, aussi bien le glacier principal comme ceux de Zardal et de Soch. Cela est prouvé par l' existence d' immenses moraines frontales et par les récits des indigènes. Dans une époque peu éloignée, le glacier était beaucoup plus grand, c'est-à-dire plus long, plus large et plus épais; il s' étendait à 52 kil. plus loin dans la vallée, jusqu' à Poldorak et à Diaminor.

5° Toutes les hypothèses de soulèvement du sol basées sur l' avancement de ce glacier tombent donc d' elles.

27* F. A. Forel. Les variations périodiques des glaciers.

%° Une extension des anciens glaciers jusqu' à un niveau analogue à ceux de l' époque glaciaire dans les Alpes n' a pas existé dans ces contrées. "

— M. Schwalbe* ) qui résumait en 1879 l' état des glaciers du Caucase arrivait aux mêmes conclusions que M. Mouchketow, c' est que dans les dernières années tous les glaciers étaient en retraite ( il faisait une exception pour le Devdoraki ). Le commencement de la période de retraite était fixé aux environs de 1860.

En 1849, les glaciers de l' Elbrous étaient en progression. Le Baksan refoulait à cette époque une forêt séculaire.

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