Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses | Club Alpin Suisse CAS
Soutiens le CAS Faire un don

Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Par

Dr F.A. Forel, professeur, à Morges. E. Muret, inspecteur en chef des forêts, à Lausanne. Dr P.L. Mercanton, professeur, à Lausanne.

Trente et unième rapport.19101 ).

CV. Le cycle de Brückner.

En 1890 Ed. Brückner, alors professeur ä Berne, pnbliait l' oeuvre magistrale2 ), qui depuis lors a tenu une première place dans les etudes des naturalistes. Son livre sur „ Los variations du climat"a fait époque. II nous interesse tout particulierement dans nos recherches théoriques et pratiques sur les variations glaciaires.

Apres avoir constaté avec nous des allures generales analogues dans les variations des glaciers et dans les variations de la thermique et de l' hygro atmospheriques 3 ), Brückner a entrepris une vaste enquete statistique sur les

1 ) Voir: Trentième rapport. Annuaire S.A.C. XLV, p. 274. Berne 1910.

2 ) Ed. Brückner. Die Klima-Schwankungen seit 1700. Wien 1890.

s ) Sonklar. Über den Zusammenhang der Gletscherschwankungen mit den meteorologischen Verhältnissen. Sitz.B.er. der Wiener Akademie, XXXII, p. 169, 1858.

F.A. Forel. Essai sur les variations périodiques des glaciers. Arch. de Geneve, VI, 5 à 448, 1881.

Ed. Richter. Monographie des Obersulzbachgletschers. Zeitschr. D. & Ö.A.V., 1883, p. 75.

C. Lang. Der säkulare Verlauf der Witterung als Ursache der Gletscherschwankungen. Zeitschr. f. Meteorol., 1885, p. 443.

observations météorologiques à sa disposition dans le monde entier: Mesures de la température de l' air, observations phénologiques ( phénomènes de végétation ), durée de la congélation des lacs et des fleuves, pression atmosphérique, observations pluviométriques et nivométriques, débit des fleuves, hauteur du niveau des lacs sans émissaires et des mers méditerranéennes, etc.; il a tout utilisé, tout étudié, tout comparé, avec une patience de bénédictin et une sagacité d' investigateur ingénieux et bien informé. Il est arrivé à la conclusion qu' il y a dans tous les phénomènes météorologiques des variations systématiques de longue périodicité, de périodicité séculaire. La période qu' il a calculée pour les faits météorologiques est d' environ 35 ans, trois périodes par siècle. C' est ce que j' ai appelé le cycle de Brückner1 ): ce nom est adopté généralement.

Les conclusions de Brückner ont été plus loin. Il a cru reconnaître dans ces variations climatologiques des relations générales de portée très étendue. Pour la plus grande facilité de ma discussion j' essaie de les formuler en quatre thèses; j' espère que je n' altère pas trop les idées originales de mon ami, le savant géographe de Vienne.

I. Il y a dans les phénomènes météorologiques et climatiques des faits de longue variation qui le traduisent par une période de 35 années environ.

I. Les variations de la température et de l' humidité de l' air sont liées ensemble de telle manière que la phase chaude est une phase sèche, la phase froide une phase humide.

I. Les variations climatiques de la période de 35 ans sont simultanées et de même signe dans l' ensemble du même hémisphère ( dans l' hémisphère nord, en Europe, en Asie et en Amérique septentrionale ).

V. Les variations climatiques sont simultanées et de même signe dans les deux hémisphères, au nord et au sud de l' équateur.

Lorsque dans mon XIe rapport, 1890, j' annonçais l' apparition de l' œuvre de Brückner, je disais l' importance capitale qu' elle a pour nos études sur les variations des glaciers et je promettais d' y revenir. Depuis lors, elle a sans cesse été présente devant mes yeux; j' en ai toujours été occupé ou préoccupé; il est temps que je revienne sur cette question et que je montre en quoi je suis d' accord avec mon confrère, et en quoi je diffère de ses vues.

Et d' abord je constate que partout et toujours je reconnais l' existence d' une variation périodique des phénomènes météorologiques et climatiques et des faits de la physique du globe qui dépendent d' eux. Que j' étudie les faits de thermique de l' air, la température soit annuelle soit saisonnière, la thermique des lacs, l' apparition et la durée de la congélation des lacs, les phénomènes phénologiques, l' avancement de l' année, les variations de la hauteur de la nappe d' eau des lacs, la pluviométrie, la nivométrie, les variations de grandeur des glaciers, l' enneigement des montagnes, etc., je ne parle ici que des chapitres étudiés personnellement par moi — je reconnais partout des indices très évidents de périodicité, de longue périodicité: une variation périodique d' allures plus allongées que la période undécimale des taches solaires et du magnétisme terrestre, une périodicité tertio-séculaire, d' un tiers du siècle environ. Cette variation est irrégulière dans ses apparitions, car

1 ) XIe rapport. Annuaire S.A.C. p. 354. Berne 1891.

les courbes qui l' expriment sont les résultantes de tant de facteurs que la régularité probable de la cause est cachée, ou masquée par cette complication.

Je n' ai pas les éléments de statistique qui me permettent de préciser cette période et d' affirmer que sa durée fondamentale est partout et toujours la même, ce que je tiens pour probable. J' y vois, suivant les cas, des phases de dix ans. de vingt ans, de trente ans, laissant supçonner une période de vingt, de quarante, de soixante ans. Mon matériel n' est pas assez homogène pour que j' ose essayer d' en tirer moi-même une moyenne et j' accepte volontiers le chiffre de Brückner. une période de 35 ans. Mais pour exprimer l' incertitude dans laquelle, personnellement, je reste hésitant, je préfère l' appeler, comme je l' ai dit, période tertio-séculaire, période d' un tiers de siècle: trois périodes environ par siècle.

Dans cette constatation générale il n' y a rien de bien nouveau. Tous ceux qui contemplent de haut les phénomènes de la nature y arrivent nécessairement; c' est de vérité presque banale pour les physiciens. Il n' y a que les économistes pratiques, les hommes d' affaires, qui l' oublient trop souvent quand ils basent leurs calculs sur les faits actuels comme s' ils devaient rester constants et immuables, qui ferment les yeux sur l' apparition, certaine dans le passé et probable dans l' avenir, d' alternance dans les séries d' années maigres succédant aux années grasses. Tous les naturalistes sont d' accord pour reconnaître des variations périodiques dans la météorologie, avec retours en avant et retours en arrière alternatifs, tandis qu' il n' y a pas, semble-t-il, d' après les possibilités actuelles d' observation, des variations continues en un sens constant, ou dans l' amélioration, ou dans l' aggravation du climat. Le grand mérite de Brückner, et il est d' une haute valeur théorique et pratique, est d' avoir précisé les constatations et d' avoir donné des valeurs probables et acceptables comme première approximation, de la durée de ces variations météorologiques et climatiques. En cela je suis parfaitement d' accord avec lui et j' admets sa première conclusion, la plus générale: il y a des variations de longue périodicité, des variations tertio-séculaires.

Je ne discuterai pas aujourd'hui la seconde thèse que j' ai tirée des conclusions de Brückner, les relations de simultanéité entre les phases thermiques et hygrométriques. Dans une forme générale je la crois juste. La charge de l' atmosphère en vapeur d' eau, la condensation des nuages, les précipitations aqueuses et neigeuses sont certainement fonctions des faits thermiques. Plus l' air est chaud plus il est capable de vapeur d' eau en dissolution; tout refroidissement de l' air amène des condensations. Mais dans la forme spéciale et précise que Brückner lui a donnée, que la phase chaude serait une phase sèche, la phase froide une phase humide, des considérations, théoriques m' en font douter. Je n' ai pas d' études spécialement documentées pour appuyer ces doutes et la discussion générale m' entraînerait trop loin; je préfère m' abstenir.

Pour la troisième et la quatrième thèse, la simultanéité de la période sur un même hémisphère et sur l' ensemble de la terre, je ne puis être d' accord avec Brückner.

Tout d' abord pour ce qui regarde les deux hémisphères, septentrional et méridional. Les observations qu' il a rassemblées sont nombreuses pour l' hémisphère nord, mais elles sont trop rares pour l' hémisphère sud; la comparaison ne me semble pas démonstrative. Il faudrait une surabondance de preuves pour amener la conviction sur ce fait d' importance énorme. La concordance, la coïncidence des variations météorologiques sur les deux moitiés de la terre impliquerait pour ces variations une cause extra terrestre, une cause cosmique. Avant d' en venir à cette extrémité, attendons une démonstration plus décisive.

Tenons-nous en à l' hémisphère nord pour lequel nous avons un plus riche matériel d' observation. Il y a une constatation générale et banale, c' est que les déviations météorologiques ne sont pas identiques dans les diverses régions de l' hémisphère. Quand nous avons un été trop chaud en Europe, on se plaint du froid en Sibérie et dans l' Amérique du Nord. Une saison pluvieuse dans les contrées extra-européennes coïncide avec une saison sèche chez nous. Il ne paraît pas, à première vue, qu' il y ait simultanéité et coïncidence des mêmes variations sur toute l' étendue de l' hémisphère.

Depuis longtemps frappé de cette objection générale aux vues de Brückner, j' étais ;à l' affût d' un moyen de contrôle de ces doutes. Je l' ai trouvé récemment en utilisant le beau matériel rassemblé par le professeur G. Hellmann, de Berlin, le savant directeur de l' Institut météorologique de Prusse. Il a publié en 1909 des " Recherches sur les variations de la pluie " ( Untersuchungcn liber die Schwankungen der Niederschlage ) dans lesquelles il a réuni les observations pluviométriques de 55 années, 1851 à 1905, dans 28 stations dispersées à peu près également sur toute l' étendue de l' Europe, depuis San-Fernando, à l' angle sud occidental, à Edimbourg à l' angle nord occidental, à St-Pétersbourg à l' angle nord oriental, à Tiflis l' angle sud oriental. A côté d' autres chiffres que nous n' utiliserons pas ici, il a, dans chacune de ces 28 stations, calculé pour chaque année la déviation et la quantité de pluie mesurée, en plus ou en moins, au-desssus ou au-dessous de la moyenne de la station. Les chiffres, établis en dehors de tout parti pris et de toute idée préconçue, sont extraordinairement précieux, et je m' en suis emparé pour vérifier mes idées sur la question qui m' intriguait et me préoccupait1 ).

Ces chiffres ont à première vue des allures très capricieuses, et offrent des variations rapides et déconcertantes d' une année à l' autre; aucune loi n' y apparaît d' emblée. Mais, en les travaillant convenablement, on arrive à les faire parler un langage très clair. Pour adoucir les courbes, j' ai employé la méthode des moyennes ternaires que j' utilise depuis longtemps à ma parfaite satisfaction ( Léman I, 299, note 4 ) et, en m' élevant aux moyennes ternaires secondes, j' ai obtenu des courbes où les allures générales du phénomène deviennent très apparentes. C' est ce que l'on constatera en étudiant avec nous le tableau graphique que j' en ai tiré; pour la commodité de l' impression je l' ai partagé en deux moitiés2 ). ( Voir pages 256 et 257. ) J' y reconnais les faits suivants:

1° Dans toutes les courbes il y a tendance manifeste à des variations périodiques de longue durée; des phases riches en pluie alternant avec des phases sèches.

1 ) Bull. Soc. Vaud. se. mit. XLV, P.v. LVIII, Lausanne, 1909.

2° Dans chaque courbe individuelle la périodicité est irrégulière; à une période longue peut succéder une période courte. Il serait bien difficile avec un si petit nombre de périodes non régulières d' essayer d' en calculer la durée moyenne. D' un maximum à l' autre la durée varie de 15 à 50 ans ou plus.

3° Les périodes sont différentes d' une station à l' autre. Cependant on constate une analogie, arrivant presque à la similitude, dans les stations d' un même pays. Les courbes des trois stations de la péninsule ibérique sont très semblables entre elles, de même celles de la Grande-Bretagne, etc. Pour ma satisfaction personnelle, je l' ai vérifié en faisant des tableaux spéciaux pour chaque pays; pour ne pas encombrer ce mémoire d' une surcharge inutile, je ne les donne pas ici. Le fait est du resto de certitude banale; la météorologie de deux stations voisines est assez semblable, presque identique.

4° Ce qui apparaît le plus évident dans le tableau résumant graphiquement la pluviométrie de l' Europe dans la seconde moitié du XIXe siècle, c' est l' absence d' allures uniformes dans l' ensemble des courbes. Aucun parallélisme général ne se reconnaît dans les courbes superposées; d' un bout à l' autre du tableau la marche des oscillations est différente et sans analogies. Si les variations pluviométriques sont assez semblables dans les stations voisines, elles sont très différentes dans les stations éloignées. Du nord au midi de l' Europe, de l' est à l' ouest, on passe à des régions totalement différentes, opposées le plus souvent. Il n' y a aucunement simultanéité en concordance dans les allures de la pluviométrie des diverses contrées du continent.

Cette conclusion qui me semble réfuter partiellement du moins, la IIP thèse de Brückner, simultanéité des variations climatiques sur l' ensemble de l' hémisphère, est pour nous d' importance capitale dans l' étude et la compréhension de nos variations de grandeur des glaciers. Celles-ci, si nos vues théoriques sont exactes, sont dues à des variations climatiques, variations dans la pluviométrie entraînant des variations dans le facteur alimentation des nevés, variations dans la thermique estivale, entraînant des variations dans le facteur dissipation du glacier. Il semble probable que la même démonstration que je viens de faire sur le facteur pluviométrie aboutira aux mêmes résultats sur le facteur chaleur estivale; que l'on y constatera des variations irrégulières de longue périodicité, mais d' apparition différente dans les diverses contrées du continent. En attendant cette constatation, en nous tenant au seul facteur pour laquelle elle est faite, la pluviométrie, nous devons admettre que les variations dans les chutes de neige qui amènent des variations dans l' épaisseur des nevés et dans l' alimentation des glaciers, ne sont pas simultanées dans les diverses contrées de l' hémisphère. Que par conséquent à ce point de vue nous ne devons pas chercher de synchronisme dans l' origine des crues des glaciers des diverses chaînes de montagnes 1 ).

Je pourrais montrer que les observations glaciologiques jusqu' à présent à notre disposition tendent à justifier cette conclusion: que les variations périodiques des glaciers ne sont pas simultanées sur l' ensemble de la terre. Je ne citerai que deux exemples: les grandes phases de crue du XIXe siècle qui ont abouti à des maximums d' allongement vers 1820 et vers 1855 dans les Alpes de l' Europe centrale ont été confinées dans cette chaîne de montagnes; nous n' en avons pas de nouvelles dans les autres parties du globe. Autre exemple: la crue des glaciers qui se manifeste depuis quelques années dans les Alpes Scandinaves n' a aucunement apparu dans nos Alpes de l' Europe centrale, suffisamment bien surveillées pour que nous puissions être parfaitement affirmatif sur ce point.

N' insistons pas.

Bornons-nous à la conclusion théorique que nous répétons ici: l' un des facteurs fondamentaux des variations glaciaires, celui de l' alimentation des glaciers, dû à des variations pluviométriques, présente des variations périodiques, mais celles-ci ne sont pas simultanées dans les diverses régions de l' Europe, à fortiori dans l' ensemble de l' hémisphère, à fortiori dans l' ensemble du globe. Par là s' explique la non-simultanéité des crues glaciaires dans les diverses chaînes de montagnes.

Pendant que nous en sommes à traiter de ces variations pluviométriques différentes dans les diverses régions de l' Europe, qu' il me soit permis d' émettre une hypothèse sur les causes générales de ces variations. C' est un besoin impérieux pour notre esprit de curiosité de chercher une origine supérieure aux phénomènes que nous croyons constater. Si je considère les faits météorologiques d' une station quelconque ( qui n' ait pas des conditions locales trop spéciales, au pied d' une chaîne de montagne, par exemple ) je constate, que sa climatologie est essentiellement sous l' influence de la situation relative des cyclones atmosphériques qui traversent le continent. Dans notre hémisphère septentrional, si le cyclone passe à son nord, elle sera ventilée par un grand courant d' air venant du sud, courant d' air chaud, à grandes précipitations pluviales; si le cyclone passe à son midi, les vents dominants étant ceux du nord-est, ils y amèneront de l' air froid et sec. C' est donc de la prévalence dans le nombre et le rapprochement des cyclones passant au nord ou au sud de la station que dépendra pour elle, dans le temps considéré, la prédominance des températures ou chaudes ou froides, des pluviosités exagérées ou réduites. Pour notre Suisse c' est très évident. Toute notre météorologie de l' année est modifiée et dominée par le passage des cyclones plus ou moins nombreux sur les grandes routes atmosphériques de la Manche et de la mer du Nord, d' une part, du golfe du Lion et de l' Italie septentrionale d' autre part. Or, la direction des cyclones sur les diverses routes principales qui leur sont offertes à travers l' Europe occidentale varie d' une année à l' autre; des causes à nous inconnues jettent ces tourbillons aériens en plus grand nombre tantôt sur une de ces routes, tantôt sur l' autre. N' est pas admissible, n' est pas probable qu' il y ait une périodicité générale dans les allures des cyclones, dans leur distribution sur les grands chemins de l' atmosphère? Suivant qu' un plus grand nombre d' entre eux se dirigeront sur l' une ou l' autre de ces voies, la climatique des régions voisines en sera altérée et modifiée.

C' est dans cet ordre d' idée que je chercherais la cause seconde de nos variations périodiques des faits météorologiques, sans que, du reste, j' aie la prétention de justifier l' hypothèse par une démonstration qui serait bien au-dessus de mes moyens. Il me suffit d' en énoncer les termes généraux pour montrer comment on peut espérer une explication satisfaisante des phénomènes soumis à notre observation dans ce chapitre des choses de la nature.

Je me résume dans deux conclusions:

1° Dans la pluviométrie de l' Europe il y a des faits de longue périodicité, périodicité tertio-séculaire correspondant suffisamment aux valeurs du cycle de Brückner. Ils satisferaient aux allures générales des variations de grandeur des glaciers qui sont elles aussi de très longue périodicité.

2° Ces variations périodiques de la pluviométrie ne sont pas simultanées dans les diverses régions de l' Europe. Il n' y a donc pas lieu de chercher dans les diverses chaînes de montagnes une simultanéité dans les phases de crue des glaciers, dues aux variations de l' alimentation en neige des névés.P.A. F.

CVI. L' enneigement en 1910.

Pour caractériser l' enneigement en 1910 je recourrai, comme précédemment, d' une part aux renseignements sur l' état des neiges que mes collègues du Club alpin m' ont donnés cette année avec une abondance dont je leur sais un gré infini, d' autre part aux résultats des mensurations nivométriques.

Etat des neiges. Voici succinctement exposées les indications qui me sont parvenues.

Alpes de la Suisse orientale. M. Hermann Pfister ( Section Randen S.A.C. ) passant de Filisur à Tinzen par le Col d' Aëla, le 22 juillet 1910, a rencontré les premières flaques de vieille neige près de la cabane d' Aëla, au val Spadlatscha, par 2300 m d' altitude. La neige abondait encore de l' autre côté du col ( 2760 m ). Les petits lacs, dits „ Lajets ", où un ami de M. Pfister s' est souvent baigné en juillet, dormaient encore sous une épaisse couche de glace et de neige. Ces lacs sont à 2600 m. Dans le val Cotschna, il y avait encore de la neige jusqu' à 2400 m. Pareil enneigement est inusité.

M. Frauenfelder, avocat à Schaffhouse, a, comme l' an dernier, passé quelques semaines, entre la mi-juin et la mi-août, dans l' Engadine et la contrée de l' Albula. Ses constatations de 1910 sont conformes à celles de 1909: désenneigement normal jusqu' à 2800 m; enneignement au-dessus et plus intense encore que l' année précédente. Ainsi le glacier d' Err, d' ordinaire très crevassé, présentait une nappe de neige unie et sans la moindre fissure apparente.

D' après MM. R. Kind à St-Gall et J. Rupp à Valens, le Wildsee au Piz Sol ( Graue Hörner, St-Gall ) n' était, le 28 août 1910, qu' aux deux tiers libre de glace.

M. B. Hofmänner, licencié ès sciences, a recueilli dans la contrée de Ragaz de précieuses indications tant sur l' état de la neige gisante que sur les avalanches insolites qui ont dévasté la région en 1910.

La chute de neige maximale a eu lieu le 18 janvier, causant de grands dégâts aux forêts. Les neiges d' hiver ont mis tant de temps à disparaître que la montée aux alpages inférieurs ( Untersässe, 1000 à 1500 m ) qui se fait généralement entre le 15 et le 18 juin a dû être retardée de quelque cinq jours; pour la montée aux alpages supérieurs ( Obersässe, 1500 à 2000 m ) le retard a été d' une dizaine de jours ( dates ordinaires: ( j à 12 juillet ). On ne put mener paître au-dessus de 2000 m, ce qui se faisait fréquemment; et le 5 septembre déjà la neige nouvelle obligeait les troupeaux à regagner l' altitude de 1600 m. Ces retards sont imputables pour une part à l' abondance des précipitations hivernales, pour une autre part au caractère froid et humide du printemps. Aussi a-t-on enregistré des avalanches dangereuses en des lieux qu' on croyait à l' abri de ce fléau, notamment près de Starkenbach, entre Hein et Alt-Johann, dans le Haut-Toggenbourg, et à l' Arinspitze, contrefort de l' Alvier.

Alpes de la Suisse centrale. Notre collègue et fidèle collaborateur, M. Kœnigsberger, de Fribourg en Brisgau, nous fait parvenir depuis longtemps sur l' enneige dans les Alpes d' Uri et le massif du St-Gothard des documents dont la valeur de comparaison s' accroît chaque année.

Voici ces renseignements pour l' an dernier:

Le Giufseeli, naguère complètement ou partiellement libre de glace, est resté enfoui sous la neige en 1910.

Le Luterseeli ( Oberalp ), naguère libre à la mi-juillet, ne l' était pas encore ;à la fin du mois.

Le „ Schattige Wichel ", le meilleur gîte à minéraux du pays d' Uri, était enneigé comme il ne l' a pas été depuis vingt ans.

Le Krüzlistock se prêtait également mal et pour les mêmes raisons à la recherche des cristaux.

Cependant la Rientallücke qui depuis trente ans est libre de neige en été, l' était cette année encore à la mi-août. Les gens de Gœschenen considéreraient son enneigement comme une preuve de forte détérioration du climat.

Il y avait, fait sans exemple depuis 20 ans, une corniche de neige au sommet du Bristenstock. Toutes ces indications se rapportent aux conditions du désenneigement maximum de l' année.

Dans le massif du Gothard, la situation était un peu plus normale.

Le lac d' Orsinora était dégagé, les sommets de la Fibbia et du Piz Orsino aussi et les pentes qui vont des baraquements militaires du Pusmeda à l' arête, pentes si souvent enneigées, étaient à nu également. En revanche, les vieux cônes d' avalanches abondaient.

Le réenneigement automnal a été plus précoce que d' habitude.

M. Kcrnigsberger conclut lui aussi à un enneigement progressif à partir de 2700 m et l' attribue également au déplacement des saisons météorologiques.

Enfin M. le Dr Täuber a observé la formation d' un névé persistant ( Firn ) dans le Haut-Gornerental ( au-dessus de Gurtnellen ): du pied des rochers du Schneehühnerstock jusqu' à Bahnen ( 1650 m ), les pentes, ordinairement gazonnées étaient, le 4 septembre 1910, recouvertes encore des neiges d' avalanche descendues de la chaîne du Bächlistock. Pour les fondre il faudrait un été 1911 anormalement chaud.

Alpes de la Suisse occidentale. D' après M. Fischer-Reydellet, à Fribourg, l' année climatique 1910 était, à fin mai et dès 1000 m d' altitude, en retard de 15 jours sur les années précédentes. Les troupeaux ne purent franchir, le 4 juin 1910, le col du Hohberg, près du Lac Noir, à cause de la neige accumulée dans un chemin creux où dès 1891 on avait toujours pu faire passer sans encombre le bétail. Le même 4 juin il y avait encore de la neige jusqu' à 1200 m aux flancs nord des Alpes fribourgeoises.

Même constatation pour le vallon de Nant sur Bex, où le retard climatique atteignait également une quinzaine de jours vers le 19 juin.

A la cabane des Diablerets ( Entre-la-Reille, 2500 m ), d' après M. Reber, la source, cachée sous la neige, est restée introuvable pendant tout l' éte.

Le 9 octobre, j' ai trouvé encore beaucoup de vieille neige autour de la cabane d' Ornex ( 2700 m ) et plus bas, jusqu' au du Plan de l' Arche. Les premières flaques, bien visibles de la gare d' Orsières, se montraient en aval de la jonction des deux chemins de la Combe d' Ornex et de la Breyaz, à quelque 2450 m d' altitude sur le flanc nord de la montagne. Un reste d' avalanche subsistait encore beaucoup plus bas, à la sortie du canion de l' Eau d' Ornex ( torrent des Près nondys, atlas Siegfried ).

Quant au petit lac d' Ornex, près de la cabane, il était encombré d' une banquise flottante, dont l' état de vétusté et de désordre attestait qu' elle n' avait pas totalement disparu de tout l' été ( 2690 m ).

MM. O. Frey, de Bâle, et E. Thomas, de Genève, nous envoient de précieux renseignements sur l' état des neiges dans les contrées d' Hérens et des Anniviers. J' en extrais ce qui suit:

Dès 2800 m. le flanc sud de la Palanche de la Crête ( Mell de la Niva 2932 m ) n' était dégagé que partiellement le 15 juillet. De la neige d' avalanche subsistait au soleil jusqu' à 2600 m.

Le 7 juillet, il ne restait que des traces de corniches entre le Col de Meina et le Pic d' Arzinol ( 3000 m ).

Le 22 juillet, on trouvait quelques flaques de neige sur le versant occidental du Sasseneire ( 3259 m ) jusqu' au Col du Torrent ( 2924 m ). En revanche, une couche presque ininterrompue s' étendait sur les versants nord et oriental jusqu' au lac de Lona, qui était encore à moitié gelé.

Le 28 juillet 1910, la couche de vieille neige était continue du Plan au Col de Bertol, à partir de 2750 m. La limite entre le terrain nu et le névé était très tranchée, fait notable et observé par M. Thomas dans toutes ses courses. Pas une crevasse n' apparaissait entre la cabane de Bertol et le pied de l' Aiguille de la Tsa.

La situation était pareille le 29 juillet dans les parages du Col d' Hérens où la rimaie au pied de la Tête Blanche, souvent infranchissable, était presque comblée.

Le 7 août, M. Thomas a rencontré des névés épais sur le flanc sud-ouest des Aiguilles de l' Allex à partir de 2400et à des endroits où. cinq ans auparavant, on n' en voyait pas.

Un couloir, ordinairement sec, qui descend du Pigne de l' Allex était rempli de vieille neige du haut en bas. La face orientale de la Pointe d' Arpitettaz était également fort enneigée.

Nous avons de bonnes observations de M. F. Montandon, à Genève, pour le massif des Ruans.

Au Vieux Emosson, le 15 août 1910, le fond du cirque ( 2180 m ) était encombré de grandes flaques de neige; celle-ci s' étendait en couche uniforme dès 2200 m.

Le Petit Ruan était, le 8 août 11)10, rendu méconnaissable aux yeux des habitués, par l' abondance de son revêtement neigeux, même sur le flanc sud. Les rochers du versant nord-est du Grand Ruan étaient aussi très enneigés et des corniches garnissaient les crêtes.

Dans le vallon de Suzanfe, au lieu dit le Gîtroz Darray ( 1925 m ), il y avait encore, le 8 août, un important névé et à la Chaux-Derrière, au midi de la Tour Sallières, les pentes de gazon et de rocailles aboutissant au petit glacier des Pointes à Boillon étaient complètement sous la neige. Elles étaient cependant parfaitement découvertes, en 1908, le 17 juillet.

De son côté, M. le Professeur Girardin, de Fribourg, signale l' enneigement progressif de la partie française du massif du Mont Blanc.

Toutes les constatations de nos complaisants collaborateurs témoignent d' un enneigement progressif de nos Alpes suisses. Les observations nivométriques vont corroborer ce résultat. Mais avant de les résumer, je tiens à remercier vivement mes correspondants de leur précieux secours.

Observations nivométriques. Nivomètre d' Ornex. Cette échelle, située immédiatement au-dessus de la cabane Julien Dupuis, avait subi en 1907 un remaniement malheureux. Elle avait souffert des intempéries et ses traits, menacés de disparition, avaient dû être repeints. MM. Joris et Crettex, qui ont bien voulu se charger de l' opération, ne pouvant atteindre juste l' emplacement des traits effacés avaient cru pouvoir déplacer l' échelle horizontalement de quelques décimètres en les reportant sur une face voisine du rocher. Malheureusement la nappe de neige affleure très obliquement cette face ce qui compromet à la fois l' exactitude des lectures et leur correspondance avec les lectures faites à l' échelle primitive. Toutefois cette erreur n' affecte guère que les fortes valeurs de l' enneigement printanier et non celles d' automne. Comme d' autre part les chiffres relevés au printemps le sont à des dates fort changeantes, correspondant à des valeurs très diverses du maximum marqué, l' incertitude sur ce maximum annuel dépasse de beaucoup celle de lecture due au transfert de l' échelle. De ce fait la qualité des observations n' en est pas sérieusement compromise.

Il convenait néanmoins de remédier à la situation dès que possible; j' ai profité des facilités d' accès au nivomètre que le grand enneigement actuel me donnait pour repeindre sur leur emplacement primitif les traits n° 7 à n° 17. Ce travail a été exécuté le 9 octobre 1910.

Le nivomètre a été surveillé, comme du passé, et de la manière la plus obligeante par M. Joris jusqu' au moment où l' odieux attentat que tous les clubistes ont déploré, a interrompu son activité là haut. Je dois en outre à l' amicale complaisance de M. Correvon, l' actuel président de la Section de Jaman, d' avoir pu faire en sa compagnie deux reconnaissances nivométriques à Ornex, la première le 28 mars, la seconde le 9 octobre 1910. L' importance de ces observations hors saison n' échappera à personne.

Le tableau ( I ) donne l' ensemble des lectures nivométriques pour les trois dernières années. Le relèvement du minimum automnal y apparaît nettement, comme aussi la lenteur de la dissipation estivale.

Nivomètre d'Ornex ( 3119 m ) ( 2 degrés valent 1 mètre. ) Dates Degrés 1908 1909 1910 28 III — 20 8 IV 16 13 IV 16 5 VI 8 23 VI 4.5 5 VII 8 — 9 VII — 18 22 VII 6 16 24 VII 7 — 25 VII 5 28 VII 15 30 VII 6 31 VII 4 1 VIII 14 6 VIII 4 3 11 VIII 2 — 12 VIII 4 13 VIII 1 14 VIII 13 16 VIII 0 12 18 VIII 11 20 VIII 3 10 22 VIII9 28 VIII 2.5 — 1 8 5 IX — 1.5 8.5 8 IX 3 — 17 IX 3.5 —1.5 20 IX — 1 9 X — 6 L' enneigement pérennel a fait en 1910 un gain inusité depuis de nombreuses années. Le tableau ( II ) qui se rapporte aux cinq dernières années en témoigne suffisamment.

Accumulation Dissipation Résidu Hiver Mètres Eté Mètres Mitres 1905—1906 6 1906 9 1906 — 3 1906—1907 7 1907 7 1907 0 1907 — 1908 8.5 1908 8.5 1908 0 1908—1909?

1909 y 1909 y 1909—1910 10 1910 7 1910 4-3 Nivomètre de l' Eiger. Cet instrument reste, grâce au dévouement scientifique de M. l' ingénieur en chef Liechti et de son personnel, notre plus précieux outil dans ces investigations malaisées.

Il a été observé avec régularité pendant l' année entière. Ses indications pour les trois dernières années sont consignées au tableau ( III ) qui donne les valeurs de l' enneigement de quinze en quinze jours.

Nivomètre de l' Eiger ( 3100 m ). ( 2 degrés valent 1 mètre. ) Dates 1908 1909 1910 4 I 32 14 18 18 I 32 35 18 3 II 34 22 37 12 II 30 31 50 3 III au-dessus de 40 31 42 14 III „ 32 32 1 IV „ 32 33 16 IV „ 30 38 28 IV „ 16 40 15 V „ 21 50 1 VI „ 18 39 15 VI 39 26 34 1 VII 20 18 28 15 VII 13 7 30 1 VIII 12 13 22 15 VIII 6 7 18 1 IX —2 —1 12 15 IX 15 2 18 1 X 8 2 21 15 X 2 7 12 5 XI 3.5 6 12 16 XI 6 9 30 1 XII 9 16 36 16 XII 14 13 39 Ce tableau montre nettement l' accroissement dans la couverture de neige dû aux relèvements successifs et du maximum printanier et du minimum automnal. Les bilans annuels sont consignés au tableau IV.

Accumulation Dissipation Résidu Hiver Mètres Eté Mètres Automme Mètres 1906 — 1907 > 19 1907

> 18

1907

1907 — 1908 > 18 1908

> 21

1908 ^ 3 1908—1909 17 1909 16.5 1909 + 0.5 1909 — 1910 25.5 1910 19 1910 + 6.5 Enfin les amplitudes des variations temporaires pendant l' année 1910 sont mises en évidence par le tableau V.

Maximums Minimums Amplitudes Dates Dates N°s en mètres ( 2 deg. = 1 m ) 10 I 12 19 12 II 50 8 28 II 34 4 3 III 42 6.5 IV 29 10.5 15 V 50 13 13 VI 24 5 14 VI 34 3 .5 29 VI 27 7.5 8 VII 12 lu 23 VII 22 4 26 VII 30 10 28 VIII 10 9 7 IX 28 6.5 12 IX 15 3.5 20 IX

22

5 11 X 12 7 28 XI 40 3.5 7 XII 33 31 XII 44 5.5 Les variations sont moins grandes et moins fréquentes qu' en 1909.

Ces précieuses observations seront continuées, et nous tenons à remercier ici chaleureusement M. Liechti et le personnel de la station Eismeer tant pour les grands services rendus que pour la promesse faite.

Nivomètre des Diablerets. Cette échelle établie dans des conditions peu favorables et dans un endroit de fréquentation restreinte, n' a pu apporter jusqu' ici à nos recherches qu' une contribution modique.

L' enneigement progressif de 1910 a mis en évidence définitive son insuffisante longueur, défaut auquel il devra être remédié, car l' utilité de ce nivomètre est indéniable.

De fait, au 25 août, il était encore complètement enfoui dans la neige. Il ne s' est dégagé un peu qu' à fin septembre et jusqu' au numéro 89.

Le tableau VI donne les résultats des trois dernières années.

Nivomètre des Diablerets ( 3030 m; ( 2 degrés valent 1 mètre. l ) Dates Degrés 1908 1909 21 1 84 — 25 V

>90

— 3 VI —

>90

! 1 VI 88 — 22 VII — 89 30 VII — 85 31 VII — 86 7 VIII — 83 11 VIII 76 — 15 VIII — 80 20 VIII — 79 25 VIII — 77 17 IX 73 — 21 IX 72 — 23 IX — 75 3 X 72 — 18 X 70.5 — 26 X 70.5 1910

>90

Val d' Entremonts. Les observations d' enneigement sur le parcours postal Orsières-Grand St-Bernard ( voir 28° rapport 1907 ) ont été poursuivies par MM. F. Balleys et P. Genoud, suivant le mode adopté. Nos collaborateurs ont veillé à ce que les changements de poteaux survenus sur la ligne n' entraînent pas d' interruptions dans les observations. Pour cela ils nous ont fait connaître les changements intervenus dans la numérotation et ont rétabli sur les poteaux de remplacement la graduation nécessaire. Nous les remercions vivement du soin et de la régularité qu' ils apportent à l' accomplissement de leur tâche délicate.

Les relevés bimensuels montrent que sur tout le parcours la couche de neige gisante a été plus épaisse que les deux hivers précédents et plus lente à disparaître, surtout aux grandes altitudes. Le maximum a pris place vers le 1er mars. Un minimum secondaire s' est dessiné vers le 1er janvier pour toutes les altitudes inférieures à 1900 m; c' est précisément l' époque des abondantes pluies chaudes qui ont dégarni de neige les altitudes moyennes dans toute l' étendue des Alpes suisses.

Le tableau VII donne le détail des mensurations de la neige gisante aux poteaux n° 212 ( ancien n° 201, Bourg-St-Pierre ) et n° 136 ( ancien 127, Combe des Morts ).

- Epaisseur de la neige gisante en centimètres.

Poteau Année Novembre Décembre Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Année Poteau Date

-16

1 15 1 15 1 15 1 15 1 15 1Date 1907

15 15 15 15 10 60 70 60 30 101908 1908

— 20 40 35 30 50 45 40 30 151909 1909

10 60 30 20 40 70 90 100 50 30 101910 Date 1 15 1 15 2 16 1 15 3 17 2 16 1 15 1 15 1Date 1907 40 20 20 50 50 50 50 50 180 ±20 260 250 230 200 160 1001908 1908 10 10 50 100 90 150 130 120 120 270 280 210 150 80 50 01909 1909 10 30 110 100 160 180 300 280 340 320 300 350 340 300 200 120 80 — 1910 Le poteau n° 201 a reçu L ei i 1909—1910 1(, n° 212, le poteai l n« 127 le n° 136.

Comme les années précédentes je donne ici le tableau, dressé par M. Forel, des précipations neigeuses dans quatre stations du Val d' Entremonts ( Valais ), d' après les mesures recueillies par l' observatoire de Genève et publiées dans les Archives des sciences physiques et naturelles.

Chutes de neige au Val d' Entremonts en centimètres. Différences avec les 8 dernières années.

Martigny Orsières Bourg St-Pierre Grand St-Bernard 480 m 890 m 1633 m 2475 m 1910 Chute Ecavt Chute Ecart Chute Ecart Chute Ecart ( le neige 8 ans de neige 8 ans de neige 8 ans de neige 8 ans Hiver 108

+ 41

88

304

+ 144

658 + 272 Printemps.

0 — 8 0 — 19 60 — 34 247 — 49 Eté...

0 0 0 0 0 0 37 _, 2 Automne 55

+ 44

42

+ 17

114

+ 50

457

+ 226

Années 1910..

163

+ 77

130

478

+ 160

1399

+ 447

1909 1 )..

87

+ 13

96 — 23 191 — 114 939

+ 51

1 ) Ecart avec les 7 dernières années.

L' accroissement des chutes de neige en 1910 en ressort nettement.

Le tableau IX, qui résume les observations du même genre faites aux forts de St-Maurice, corrobore amplement ce qui vient d' être dit.

Chutes de neige aux Forts de St-Maurice en centimètres. Différences avec les 13 dernières années.

Lavey Savatan Dailly Aiguille 1910 430 m 700 m 1250 m 1460 m Cli ute Ecart Chute Ecart Chute Ecart Chute Ecart Hiver 78

+ 22

178

+ 83

256

+ 80

319

+ 103

Printemps.

0 — 12 6 — 22 95 — 17 172

+ 17

! Eté...

0 0 0 0 0 0 0 — 1 Automne 4

34

+ 27

106 + 73 139

+ 90

Années 1910..

82 + 23

218

+ 88

457 + 136 630

+ 211

19091 )..

82 +25

141

+ 18

221 — 89 355 — 48 1 ) Ecart avec les 12 dernières années.

Conclusions. L' année 1910 a été en Suisse une année d' enneigement fortement progressif.

Ce caractère lui a été donné plus encore peut-être par l' insuffisance de la chaleur estivale que par l' augmentation des précipitations hivernales. Cette augmentation est cependant manifeste.

Le réenneigement n' a pourtant pas encore pu regagner complètement le terrain perdu depuis 1902.P.L. M.

CVII. Chronique des glaciers suisses en 1910.

54 glaciers ont pu être observés en 1910 par les agents forestiers suisses, malgré les conditions météorologiques déplorables de l' automne dernier. En suite de la couche de neige recouvrant la langue des glaciers au moment des observations, plusieurs indications sont données comme douteuses ou approximatives.

Nous n' en remercions pas moins tous ceux qui ont bien voulu collaborer à ce travail et espérons que 1911 nous sera plus propice.

I. Bassin du Rhône A. Alpes valaisannes.

Glacier.

1908 Variation en 1909 1910 Années de crue.

m m m Lötschen — 1 - 16 + 0.5 1893 à 1896, 1900, 1910 Zanfleuron

3 — 14 1902, 1907, 1908 Kaltwasser

— 7 — 6 1901 à 1903, 1908 Allalin 0 42 1892 à 1894 Gorner — 317 Turtmann

M. J. Guex, professeur à Vevey, continue à surveiller le glacier du Trient. La décrue sur l' axe a été de 8 m sur les côtés du front, à une quarantaine de mètres de l' axe de 5.5 m; en moyenne de 7 m. La langue du glacier devient de moins en moins effilée. L' amoncellement des séracs au haut de la cataracte des glaces semble annoncer une crue prochaine.

B. Alpes vaudoises.

Glacier.

1908 Variation en 1909 1910 Années de crue.

m m m Paneyrossaz - 10.5 4.5

1902, 1910 Martinets I + 0.5 1

1907, 1908, 1910 Petit Plan-Névé

3.5 + 0.5 1902, 1908, 1910 Le Dard — 7

+ 12

1904, 1906, 1909, 1910 Sex Rouge 1 )

+ 2.5

1903, 1906 à 1910 Prapios — 3.5 +19 1903, 1906, 1909, 1910 La langue II du glacier des Martinets est complètement recouverte d' une épaisse couche de neige qui rend toute observation impossible. La langue I ne paraît pas avoir subi de modifications bien importantes.

Le Grand Plan Névé est recouvert d' un énorme névé de 3 à 5 m d' épaisseur; les observations y sont en conséquence impossibles. Le Petit Plan Névé n' a pas éprouvé de changement notable.

F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercanton.

Paneyrossaz bien qu' encore mesurable est recouvert par places, à son extrémité, d' un névé de 8 à 10 m d' épaisseur.

Prapios et Sex Rouge ont été toute l' année enfouis sous la neige. Il a fallu sonder à une profondeur de m 1.50 pour fixer la limite entre le glacier et le névé. L' avancement de ces deux glaciers est très appréciable, bien que la valeur de l' avancement puisse être sujette à vérification.

II Bassin de l' Aar.

Canton de Berne.

Glacier.

1908 Variation en 1909 1910 Années de crue.

m m m Stein

-3 + 3 1907, 1908, 1910.

Unteraar - 29 — 1 — 9 Ob. Grindelwald - 34 — 16 — 11 1903 Unt

+ 25

+ 14

+ 15 1907 à 1910 Eiger

+ 35

- 25 - 10 1906, 1908 Blümlisalp - 18 — 8 3 1905, 1906, 1907 Gamchi — 4.5

2.5 1907, 1909 Le glacier de Stein diminue beaucoup de largeur.

Le glacier supérieur de Grindelwald poursuit sa décrue précipitée; le glacier inférieur en revanche, encaissé depuis 1907 dans la gorge de la Lütschine, large de 10 à 20 m seulement, a avancé de 15 m environ.

Une petite crue peut être constatée sur la ligne d' axe du glacier de VEiger: elle est probablement due à la présence d' une épaisse moraine médiane. Les deux flancs du glacier sont en décrue; le côté gauche principalement s' est retiré depuis 10 ans. jusqu' à des rochers inaccessibles.Marti. ) III. Bassin de la Reuss.

Glacier.

1908 Variation en 1909 1910 Années de crue m 111 111 A. Canton d' Uri.

Kartigel 5 — 10

1907, 1910 Wattenbühl - 15

— 7 1909 Kehlefirn13 - 10 1902 Hüfi - 102 0 Brunni - 16 — 2 - 24 B. Canton d' Obwalden.

Firnälpeli Est —

+ 11

1909, 1910 Ouest

_

+ 13

1910 La décrue considérable du glacier de Brunni doit être attribuée au fait qu' à la fin de 1909 l' épaisseur de la glace à la langue était déjà minime. Partout apparaissaient des pointes de rochers.

IV. Bassin du Rhin.

Variation en,. Glacier. 1908 1909 1910 Années, de crue.

m m m A. Canton des Grisons.

Zapport - 23 90 1903 Parodies -13131903 Tambo 341903, 1909, 1910 Lenta -1371907, 1909, 1910 Puntaiglias — 10 — 5 —11 Lavas — 16 — 6 — 19 Porchaella — 7 — 7 — 3 B. Canton de St-Gall.

Pis Sol 1 +3 +4 1905, 1909, 1910 Sardona 1 + l.5 + 4 1906, 1909, 1910 La neige fraîchement tombée a empêché les observations sur les glaciers de Segnes, Scaletta et Vorab.

V. Bassin de l' Inn.

Glacier.

1908 Variation en 1909 1910 Années de crue.

m m m Bosegg — 5 — 49 4 1895, 1897, 1898 Morteratsch - 19 - 30 9 1899 Picuogl - 17 - 10 -2 1903, 1905 Lischanna 3 — 1.5

+ 10

1898, 1910 VI. Bassin de l' Adda.

Glacier.

1908 Variation en 1909 1910 Années de crue.

m m m Palü - 16 - 37 - 25 1895 Forno — 25 — 6 — 19 VII. Bassin du Tessin.

Glacier.

1908 m Variation en 1909 m 1910 m Années de crue.

A. Canton de s Grisons.

Muccia2 — 30 — 11 1907 B. Canton du Valais.

Rossboden2 — 1 — 6 1893, 1894.

F.A. Forel, E. Muret et P.L. Mercantali.

Résumé.

Nombre

glaciers:

Bassin Canton - En crue Station- En décrue Observes certaine probable douteuse nâmes douteuse probable certaine Rhône Valais 171IG Vaud 6 1 2 3Aar Berne 7 1 — 1 — 1 1 3 Reuss Uri Obwalden 5 2 — 1 1 1 1 1 1 1 Rhin Grisons St-Gall 7 2 — 2 25 Inn Grisons 113 Adda Grisons 22 Tessin Grisons 11 Valais 11 Total 1910 54 2 7 8 1 2 2 32 1909 61 o9 2 10 5 33 D' après les observations de cette année 1910, nous constatons encore la généralité de la décrue dans l' ensemble des glaciers des Alpes suisses.

Cependant nous reconnaissons aussi une tendance à une reprise de crue qui s' affirme de mieux en mienx depuis quelques années. Quelques glaciers, au nombre de 8, sont signalés comme étant en crue douteuse, ayant montré dans les dernières mesures seulement des signes d' allongement. D' autres, au nombre de 7, peuvent être notés comme étant en crue probable, les symptômes d' allongement ayant été reconnus pendant les deux dernières années. Pour deux glaciers enfin, nous pouvons leur attribuer la crue certaine: Le glacier de Sex Rouge, dans les Alpes vaudoises, est en crue continue depuis 1906, avec un allongement total de 26 m; le glacier inférieur de Grindelwald, Alpes bernoises, est en crue depuis 1907, avec un allongement total de 74 m.

Les glaciers qui montrent ces indices de crue certaine, probable ou douteuse, sont tous dans la chaîne septentrionale, au nord de la grande vallée longitudinale du Rhône et du Rhin; pour les autres chaînes des Alpes, au sud de cette vallée nous n' avons pas encore de crue signalée.E. M. et F.A. F.

III.

Kleinere Mitteilungen.

Jahrbach des Schweizer Alpenclub. 43. Jahrg.18

Feedback