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Sommets et gastronomie en terre occitane Courses à skis dans la Valle Stura

A l' instar de son voisin le Valle Maira ( p. 34 ), la Valle Stura compte aussi parmi les vallées alpines oubliées du Piémont. A tort, puisque les montagnes de la région, qui offrent toutes les expositions possibles, permettent de goûter au plaisir de la descente dans la poudreuse ou, plus tard, dans de la neige de printemps, autant sur pentes douces que sur pentes raides. De plus, un panorama à couper le souffle attend à chaque fois le randonneur au sommet.

A l' entrée de l' Osteria della Pace trône une photo de Reinhold Messner avec, à ses côtés, l' aubergiste Bartolo Bruna, bombant fièrement le torse. Bien que ce dernier n' ait pas été aussi célèbre que son hôte, son auberge s' est taillée, grâce à sa cuisine hors du commun et à la chaleur de son accueil, une réputation rayonnant loin à la ronde. Une prouesse lorsqu' on sait qu' elle est située à Sambuco, une petite localité de la Valle Stura. Depuis le début de l' ère industrielle, cette vallée « oubliée » du Piémont a été marquée par l' exode de ses habitants, attirés par les meilleures perspectives de travail offertes par les villes de la plaine. Sambuco comptait encore plus de 1000 habitants au milieu du 19e siècle, contre seulement 85 aujourd'hui. La famille Bruna fait partie des rares habitants qui n' ont pas fui cette vallée qui les a vus naître.

Le tourisme doux, associé à l' agriculture et aux produits régionaux, est un moyen de combattre ce dépeuplement. Dans la Valle Stura, quelques entrepreneurs locaux ont uni leurs efforts et ont investi dans un nouveau chemin pédestre afin de relancer le tourisme de randonnée. La redécouverte récente, par une poignée de Suisses, de la Valle Stura supérieur comme un eldorado du skieur est arrivée à point nommé.

Presque au bord de la Méditerranée Une semaine suffit à peine pour arpenter ces paysages de rêve. On est plongé dans un décor de haute montagne avec des quantités de neige inimaginables, cela à seulement 70 kilomètres à vol d' oiseau de la Méditerranée. Des montagnes offrant toutes les expositions permettent aux skieurs entraînés de se faire plaisir dans la poudreuse ou la neige de printemps, en choisissant entre pentes douces ou raides, courtes ou longues. Il est aisé d' y préparer des courses selon ses propres goûts et sa propre condition physique. A chaque fois, un panorama fantastique allant du Monviso au massif de l' Argentera, et portant parfois même jusqu' aux sommets des Ecrins recouverts de glaciers, attend les randonneurs au sommet. En effet, aucun sommet des alentours ne dépasse aisément les 3000 mètres. Lorsque le soleil y brille durant des journées entières, on oublie vite le long voyage consenti. En hiver, la région est sous l' influence de situations de haute pression. En règle générale, même la légendaire brume épaisse des plaines piémontaises n' ose pas s' aventurer jusqu' à la partie supérieure de la Valle Stura. Si c' est tout de même le cas, il suffit de se rendre au sommet du col pour profiter à nouveau de la vue des sommets brillant sous les rayons du soleil. La vallée, qui est traversée par la Stura di Demonte, s' étire sur 50 kilomètres depuis le versant sud des Alpes non loin de Cuneo jusqu' au Colle della Maddalena, respectivement col de Larche, passage menant dans la vallée française de l' Ubaye. La rivière fait en même temps office de frontière entre les Alpes cottiennes et les Alpes maritimes. La partie située à gauche au niveau orographique, à savoir celle qui appartient aux Alpes cottiennes, est exposée au soleil et impose donc un départ très tôt le matin afin d' éviter de s' enfoncer dans la neige de printemps. Dans la partie de gauche, appartenant aux Alpes maritimes, les vallées latérales sont plus nombreuses, ce qui augmente encore l' embarras du choix. C' est là que l'on peut tomber sur des joyaux totalement sauvages, voire quelquefois sur un hameau inhabité enfoui sous la neige. On distingue des traces d' animaux en forme de zigzags dans la blancheur immaculée, mais seul un observateur attentif peut espérer voir des chamois ou des chevreuils, devenus farouches depuis l' arrivée du loup, venu des Apennins au début des années 1990. Les chasseurs eux-mêmes y sont devenus rares.

Il faut compter entre trois et quatre heures de montée pour la plupart des sommets. Bersezio, l' avant village avant le col, dispose toutefois d' un modeste domaine skiable d' où l'on peut s' accorder, une fois n' est pas coutume, une ascension sans efforts. Il suffit de prendre le télésiège jusqu' à la station supérieure, puis de gagner la Punta Incianao, à un quart d' heure à peine de là, avant de jouir d' une descente de presque 1000 mètres.

Les nombreux cônes d' avalanches suffisent à mettre en garde le randonneur contre un départ trop tardif. De retour au plus tard en début d' après, on peut prendre le temps de découvrir d' autres facettes de la vallée. Par exemple, on peut y visiter l' imposante fortification de Vinadio, prendre un bain de boue aux thermes de Bagni di Vinadio ou tout simplement déguster une bière fraîchement tirée dans un bar du coin tout en savourant de délicieux antipasti sur fond de dialecte occitan, encore parlé ici. Cette ancienne langue romane, qui connut son âge d' or au Moyen Age, mais qui fut interdite ensuite, ne survivant plus qu' oralement dans le fond de quelques vallées des Alpes italiennes occidentales et dans le Sud de la France, est apparentée au français. Ceci explique la facilité des autochtones à jongler tout naturellement entre l' italien et le français.

L' Osteria della Pace, à Sambuco, est le point de départ idéal si l'on veut s' accorder une petite gâterie culinaire ou un soin corporel après l' effort. Depuis l' année dernière, l' auberge dispose d' un secteur bien-être qui vaut le détour. Sauna, hammam, sanarium avec bain de foin, le tout sur fond de musique méditative. A sept heures et demie précises, le dîner est servi. Bartolo, membre du mouvement Slow Food, apprête de manière créative les vieilles recettes occitanes qu' il tient de sa mère. Selon la saison, il utilise des herbes sauvages ou des légumes cueillis dans son jardin. Au nombre des spécialités de la maison, les cruset, une sorte de pâtes que Bartolo sculpte une à une en forme de coquillage à l' aide du pouce, avant de les faire cuire dans l' eau chaude et de les déposer dans les assiettes accompagnées d' une sauce raffinée. Naturellement, l' agneau Sambucano se doit de figurer au menu. La race de mouton autochtone, autrefois menacée de disparition, a fait son come-back grâce à sa viande particulière.

La famille Bruna dirige l' auberge depuis trois générations déjà. Le bar vis-à-vis est géré par Daniel, le fils de Bartolo, sa tante est chargée du magasin d' alimentation et le cousin Clauzio du bed and breakfast. Par chance, une poignée de courageux habitants de la Valle Stura n' ont pas cédé aux attraits de la ville. Ils enrichissent leurs hôtes de leur joie de vivre et de la culture occitane.

 

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