Haut de Cry | Club Alpin Suisse CAS
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Haut de Cry Un trésor au milieu du désert

Si de nombreux alpinistes s' engagent dans une paroi ou sur un sentier c' est aussi souvent, mis à part le plaisir de relever un défi lancé par la nature ou la recherche de l' exploit, pour pouvoir admirer des paysages époustouflants, vues imprenables qui récompensent l' effort et qui ne se dévoilent qu' au regard de ceux qui ont su vaincre la fatigue et les difficultés du parcours. Pourtant, il arrive parfois que la beauté d' un parcours réside ailleurs. Ainsi en est-il de la course qui mène au Haut de Cry, sur la rive droite de la vallée du Rhône, près de Sion.

Après avoir brièvement étudié la carte de la région, je choisis, parmi les quelques itinéraires qui conduisent à ce sommet, celui de la combe d' Einzon qui est assez large et orientée vers le nord-est. Assez rapidement, je remarque que j' aurai à suivre un long pierrier, passablement incliné dans sa partie supérieure. D' emblée la période favorable à cette course s' im. Il faudra éviter le mois d' août. C' est donc par une belle journée de juin que je me mets en route. Je compte sur la neige pour rendre la progression agréable, surtout à la descente...

Silence des fleurs chatoyantes Par l' ancienne route de Derborence, sur la rive droite de la Lizerne, je gagne l' Airette. De là, j' emprunte un chemin forestier qui me conduit à l' alpage d' Einzon. Ce ne sont pas moins d' une trentaine de lacets que je vais devoir parcourir avant de ressortir des bois, quatre cents mètres plus haut. Une trouée ici et là à travers le feuillage me permet d' ad le fond de la vallée où repose le lac de Derborence, dominé par le Mont Gond et la silhouette caractéristique de la Quille du Diable. Le sentier, assez large et d' une inclinaison modérée, est agréable à parcourir.

Après cette mise en train, je parviens à l' Alpage d' Einzon. Le bétail n' est pas encore monté et aucun son de cloches ne vient briser le silence. Derrière le chalet d' Einzon, une sente me mène en direction de l' Itre du Bouis, un abri de berger en ruine. Les rigueurs de l' hiver et les avalanches ont, par endroits, pratiquement fait disparaître le chemin. Le printemps, lui, sème ses couleurs dans les prés et quelques fleurs s' épanouissent déjà. De très belles pulsatilles se laissent bercer par une légère brise. Sur la rive gauche du Rhône, la vue est de plus en plus dégagée et les hauts sommets valaisans apparaissent chacun à leur tour.

Le manteau blanc de la princesse Passé l' Itre du Bouis, je m' engage lentement dans la combe d' Einzon. Le Haut de Cry se dévoile alors mais semble encore bien éloigné. La neige fait, elle aussi, son apparition et donne au décor une touche hivernale! La surface du manteau blanc est déjà percée, dans sa partie inférieure, de quelques îlots pierreux et j' y découvre de pures merveilles. Quelques pensées d' abord, puis de gracieux petits tabourets à feuilles en cœur. Je ne peux m' empêcher de faire halte, malgré le fort ensoleillement qui fait rapidement fondre la neige. La vie, une fois de plus, fait preuve d' une vaillance admirable et égaie ce pierrier désolé de teintes délicates. Comment ne pas céder à l' émer devant pareil spectacle?

La suite du parcours s' offre à ma vue, me rappelant que je ne suis pas encore au bout de mes peines: huit cents mètres de dénivellation me séparent du sommet. La neige fondant à vue d' œil, je dois hâter le pas pour pouvoir terminer l' as dans de bonnes conditions. Je me lance donc à l' assaut des dernières pentes, qui s' inclinent toujours plus, et gagne rapidement de l' altitude. Peu avant la crête sommitale, les conditions deviennent un peu plus ennuyeuses: la neige recouvre à peine la caillasse et, par endroits, je dois même prendre garde à la glace qu' elle dissimule.. " " .Vu la déclivité de la pente et les risques de glissade, je redouble de prudence. Profitant des zones déneigées, je finis par atteindre le sommet central du Haut de Cry sans encombre.

La caverne d' Ali Baba Quelle n' est pas ma surprise en découvrant le trésor qui sommeille ici! Imaginez un jardin. Un de ces merveilleux petits sanctuaires japonais, né de l' amour que lui porte son « maître ». Une rocaille, parsemée de fleurs chatoyantes. Prenez tout cela et transportez-le dans un décor alpin, au milieu de cimes enneigées. Vous obtiendrez alors un tableau ressemblant à celui que j' ai pu contempler. Toute la crête sommitale du Haut de Cry, une zone pierreuse plus ou moins désagrégée, a été colonisée par des saxifrages. Ces touffes roses illuminent un désert minéral qui, sans leur présence, serait bien triste. Le simple fait d' imaginer l' ex odyssée de ces aventurières m' emplit de perplexité. En fouillant un peu les environs, je découvre aussi de délicates androsaces, accrochées aux parois vertigineuses du versant sud du Haut de Cry. J' ignore si les renoncules des glaciers que l'on peut apercevoir au sommet du Finsteraarhorn sont aussi belles qu' on le dit, mais je sais que j' ai rarement été ébloui par une aussi grande abondance de vie et de tels chatoiements de couleurs qu' au Haut de Cry.

Une belle glissade Finalement, un ou deux mètres d' escala facile me mènent au côté de la croix sommitale. J' admire l' étendue du panorama, qui va du Mont-Blanc aux confins du Valais. Les montagnes de la crête Valais – Vaud – Berne se joignent au spectacle et apportent un dernier éclat à cette journée lumineuse.

Pour le retour, bien décidé à profiter de la neige, je me suis muni d' un sac en plastique et pense m' asseoir dessus pour me laisser glisser. Méthode peu orthodoxe – beaucoup lui préfèrent probablement la « ramasse » – mais qui me permet de perdre cinq cents mètres de dénivelé en un clin d' œil. Lorsque l' inclinaison de la pente diminue un peu, je peux tout de même poursuivre sur les fesses et ne regrette point les quelques grammes de ma luge improvisée! L' enfance n' est plus très loin...

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