A Topali
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A Topali

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Semaine genevoise 1927. Par L. Loyrion.

Quel courage ne fallait-il pas pour oser s' inscrire à une course de huit jours en haute montagne, en cette année 1927, si peu propice aux ascensions! Et cependant, le 31 juillet, douze clubistes se trouvèrent groupés, autour de celui qui, pendant une semaine, allait être leur chef.

La préparation avait, d' ailleurs, été sérieuse, car dix jours auparavant toutes les mesures étaient minutieusement prises, les vivres choisis et pesés. Trajet sans incident, Lausanne, St-Maurice, Viège, St-Nicolas! Là, dîner, répartition des sacs, sauf deux, sur deux mulets et en route. A toute allure nous traversons Schwiedernen, puis, plus lentement, car la pente s' accentue, Unterbächi. Puis enfin, nous voici à la cabane. Nous contemplons la sauvage nature, l' aspect de la fine dentelle des Bernoises, le Dôme, la Nordend et tout à côté de nous le Brunegghorn, que nous gravirons prochainement. Le soir, organisation, déballage des sacs et des cartes, répartition. Tout est facile dans une cabane spacieuse et accueillante, comme l' est la Topali. Ce ne sont plus des cabanes que construit le C.A.S., ce sont de charmantes villas, dont le jardin est, à vrai dire, un peu couvert de cailloux et manque d' arbres, mais dont les environs sont grandioses et prometteurs de courses merveilleuses.

Avec leur cuisine avenante et pourvue de tout — ou presque tout — ce que peut désirer un « chef » de Palace, avec leurs claires salles, au luxueux revêtement de bois blanc, leur mobilier confortable, leurs lampadaires en fer forgé, leurs rideaux aux fenêtres, ces rez-de-chaussée ne peuvent que faire commettre le péché d' envie à plus d' un visiteur qui en ferait volontiers son séjour d' été. Ah! il y a bien les dortoirs, où les paillasses tiennent lieu de moelleux matelas, mais on ne peut pas tout avoir, et... patience! D' ici peu les cabanes seront dotées de cabinets de toilette avec eau courante chaude et froide, de dortoirs avec lits douillets! mais peut-être, à ce moment aura-t-on édifié, 700 ou 800 m. plus haut, des refuges à la méthode spartiate, au coucher rude, à l' ameuble primitif, qui vous inciteront beaucoup plus à vous lever de très bonne heure pour un départ matinal! Et l'on ne maudira plus le réveille-matin qui, comme ce deuxième jour de notre semaine, nous fit savoir brusquement, sans le moindre ménagement, qu' il était 5 1/2 h. et que nous devions nous hâter de nous lever.

Deuxième journée. Temps superbe, ciel magnifique, pas le moindre nuage. Aussi est-ce joyeusement que nous nous préparons à partir pour l' ascension du Wasenhorn ( 3340 m. ). Course facile et bonne pour commencer l' entraînement.

En route! Comme début, ce fut un petit exercice recommandé pour les digestions lentes; il nous faut passer sur de gros blocs, avant d' atteindre le glacier de Stelli; il y eut bien quelques chutes, suivies d' exclamations un peu pimentées, mais heureusement aucun dégât. Après la courte traversée du glacier inférieur, nous faisons halte pour nous restaurer. Puis, nous nous engageons sur le glacier supérieur; la neige est excellente; ce glacier n' offre aucune difficulté. Inutile de s' encorder; une petite varappe, pas méchante du tout, mais qui donne à l' un des nôtres, débutant montagnard, l' occasion de prendre contact avec le rocher. Sur le ventre, les jambes et les bras écartés, soufflant, suant, il arrive quand même au but, moins enchanté peut-être qu' au départ. Nous longeons le glacier de Jungen; puis c' est une agréable montée à travers de bons rochers et nous arrivons au sommet, sans fatigue. C' est bien là la course rêvée pour un premier jour.

Pendant notre court arrêt ( deux heures !), nous avons le temps d' admirer le splendide panorama; splendide! oui! nous sommes émerveillés de pouvoir enfin contempler ces cimes neigeuses sous un soleil magnifique: le Dôme paraît encore plus grandiose, le Brunegghorn, le Weisshorn, le Bieshorn, avec leurs pentes de glace étincelante paraissent d' immenses blocs d' or, et nos âmes montagnardes, jamais satisfaites, voudraient être sur tous ces sommets à la fois. Mais il est l' heure de redescendre; aussi trêve de rêveries. Nous ne discutons pas les ordres du chef, à quoi bon!... La descente s' effectue par le même chemin. Nous sommes de retour à Topali à 15 h. ( 5 1/2 heures aller et retour ).

Le reste de la journée se passe à flâner, sauf pour les préposés à la cuisine, qui sans relâche, pendant toute la semaine, prépareront des repas dignes des plus grands hôtels.

La nuit est là, une nuit calme, faite pour fêter simplement, oh! très simplement, mais d' un cœur sincère, notre 1er août.

A quelques pas de la cabane, un tas de bois flambe joyeusement. Tandis que nous croyons entendre le son des cloches s' élevant du fond de la vallée, de tous côtés, aux flancs des montagnes environnantes, s' allument les feux symboliques. Nous répondons par quelques fusées et flammes de bengale et le cantique suisse. Peu à peu, les feux diminuent d' intensité et s' évanouissent un à un dans la nuit et nous gagnons notre dortoir.

Troisième journée. Le Stellihorn ( 3415 m .), varappe. Nous prenons le même chemin que la veille, sauf que nous remontons le glacier un peu plus à gauche, pour arriver sans difficulté au Brändlijoch ( utilisé aujourd'hui pour se rendre à la cabane de Tourtemagne ). Un instant de repos et nous voici attaquant le rocher. Le guide Pollinger et un collègue biennois nous devancent; laissons-les courir. Mais, en voyant les avalanches de pierres dont ces deux braves nous gratifient, quelques sages font demi-tour; on en trouve toujours qui ont de bonnes idées. Par amour-propre et poussé par le chef, je m' engage à mon tour, non sans un regard vers ceux qui redescendent; il faut monter dans un couloir de pierres croulantes, où rien ne tient ni ne retient; cependant, j' avance toujours.

Le camarade qui nous précède se débarrasse de tout ce qui le gêne. Mon Dieu! que de choses gênantes! cela n' en finit plus! si au moins j' avais un parapluie! 1! A vingt mètres du sommet, j' abandonne... au pluriel: nous abandonnons. Pour redescendre, les mêmes petits ennuis se retrouvent. Aussi quel soulagement de retrouver nos sacs, et surtout nos gourdes !!

Mais le temps se gâte, le brouillard nous enveloppe, il pleut... oui, il pleut! et cinq minutes plus tard le soleil brillait de nouveau. Quelques rutschées et retour à notre home ( 6 heures aller et retour ).

Quatrième journée. 5 h. pas besoin de réveil. Sur le toit de zinc, quel bruit singulier! Panchaud, notre chef, va se renseigner: un beau juron et: « les copains, il pleut... vous pouvez dormir! » Mais un bon génie veille sur nous, car à 6 1/2 h. le soleil nous engage à abandonner nos couvertures. Nous n' avons plus le temps nécessaire pour faire notre ascension journalière, aussi le chef propose d' aller visiter un champ d' edelweiss! Un fou rire inextinguible accueille ses paroles. « Venez toujours », nous dit-il! Je demande, si l'on doit prendre un grand panier? « Deux, si tu veux! » Crédules, nous prenons le départ, il est 8 h. 0h! fleurs des Alpes, je me souviendrai toute ma vie du calvaire pour vous enduré. Pas de sentier pour aller au col du Sattel. Des blocs, toujours des blocs, plus gros que ceux de la veille; et cela pendant une heure et demie. Ah! si au moins, là-haut, nous trouvons cette fameuse récompense! Derrière le col, nous redescendons, puis remontons, et redescendons de nouveau pour arriver, il est vrai, sur un parterre d' edelweiss. Ami Panchaud, tu as dit vrai, et nous retirons les plaisanteries qui accueillirent ta proposition. Vite lassés de cueillir ces fleurs rassemblées ici en trop grand nombre, nous cherchons d' autres distractions. Comme des écoliers en vacances, nous réunissons nos efforts pour faire rouler des blocs de rocher sur le glacier, situé à quelques centaines de mètres au-dessous. Nos jeux terminés, nous prenons en flânant le chemin du retour, pendant que Panchaud et Zwicky font des piquetages, en vue de la création du sentier qui existe aujourd'hui. Le repas à peine terminé, chacun va prendre sa place au premier étage, en prévision des fatigues du lendemain.

Cinquième journée. Le Brunegghorn ( 3846 m. ). Réveil à 3 1/2 h.; déjà l' heure! quel dommage! il ne pleut pas. Le chef, encore mal réveillé, nous presse. « Allons! paresseux! dépêchez-vous! » Nous déjeunons en vitesse et prenons le départ. Il est 4 h., il fait à peine jour.

Avec beaucoup de regrets, nous laissons deux des nôtres à la cabane: un paresseux et un handicapé.

Nous repassons le même sentier que la veille et arrivons au Sattel juste à temps; les premiers rayons solaires dorent la pointe du Brunegghorn, annonçant une belle journée. Nous gravissons un assez grand névé, puis, après avoir longé le flanc du Baarhorn par un chemin escarpé, nous atteignons le haut du glacier Abergg. Arrêt pour nous encorder, petite comédie presque toujours semi-dramatique, chacun voulant choisir ses compagnons de cordée; sans une voix autoritaire, nous serions encore sur place à l' heure présente.

Au Bruneggjoch, second arrêt qui nous permet d' examiner depuis sa base le sommet que nous allons gravir; nous nous engageons sur le glacier de Tourtemagne et le traversons sans incident notable, les crevasses étant complètement couvertes.

Après une grimpée sur la neige dure, nous nous arrêtons sur l' arête sud du Brunegghorn, à environ une heure du sommet, nous laissons là sacs et crampons, ces derniers n' étant pas nécessaires, assure le guide. Nous attaquons l' arête. Tout va bien, on monte toujours, silence aux cordées, il faut ménager son souffle. Quelques morceaux de glace passent près de nous à une vitesse vertigineuse; devant nous le guide taille; n' aimant pas la glace et trouvant les marches un peu petites, je les agrandis aussi discrètement que possible, larges de 40 et profondes de 20 centimètres. Je me retourne de temps en temps pour jeter un regard tout là-bas du côté de mon sac, essayant d' apercevoir mes crampons. Encore vingt... puis dix mètres et nous arrivons au sommet... et y constatons que Panchaud n' a pas menti en disant que, d' ici, la vue était une des plus belles. Nous admirons les Alpes vaudoises et bernoises, le Dôme, le fameux Weisshorn avec ses parois vertigineuses, à côté le Bieshorn, dans le lointain le Cervin, et nous déclarons tous que le Brunegghorn est bien le roi de notre semaine clubistique. Après un court repos, l' ordre est donné de redescendre si nous ne voulons pas trop enfoncer au retour. Nous nous arrachons à regret à ce beau panorama. Je retrouve avec plaisir mes petites marches et j' entends le chef crier: « Prenez les escaliers! Tenez bon la rampe. » Nous nous retrouvons au Bruneggjoch où arrêt prolongé et reconstituant. Ceux qui ont eu le courage de porter les provisions ont encore la peine de les distribuer: je ne sais comment cela s' est fait, au départ je n' avais rien, maintenant j' ai de tout.

Bien restaurés, nous repartons, la moitié de l' expédition reprend le même chemin qu' à l' aller, le reste passera par le Baarhorn ( 3621 m .), ascension facile et très courte ( 40 minutes ), ce qui donne encore l' occasion d' admirer une dernière fois le sommet que nous venons de gravir. Au Sattel, jonction des deux groupes et joyeux retour à la cabane devant laquelle le drapeau à la croix blanche flotte à la brise du soir.

Sixième journée. Pas de programme pour aujourd'hui; la discipline se relâche et chacun va de son côté. Les as vont varapper au Äusser Stellihorn, d' autres au Distelberg, voire même au Wasenhorn. L' après se passe à tout remettre en ordre et les photographes profitent de leur liberté pour fixer sur les pellicules des visiteuses, d' une race différente de la nôtre et amoureuses de sel.

Malgré la séparation proche, cette dernière soirée fut des plus gaies, le repas prit les proportions d' un banquet, tant nous avions encore de provisions.

Dernière journée. Quelques collègues, désireux de prolonger leur séjour dans la contrée, se lèvent de bonne heure, au grand mécontentement de ceux qui feront la grasse matinée.

Après avoir serré des mains et des mains, nous nous séparons, le cœur ému, en pensant aux bons moments passés ensemble. Un dernier regard à notre cher refuge et nous descendons lentement vers la vallée, non sans adresser, en pensée, des remerciements à celui auquel nous devons cette belle cabane.

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