Arête du Jorat (Cime de l'Est)
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Arête du Jorat (Cime de l'Est)

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( 2e ascension ) Avec 2 illustrations ( 64, 65 ) Lorsque, des environs de St-Maurice, on regarde la Cime de l' Est, sa silhouette élancée rappelle la vision classique du Cervin; et l' arête du Jorat, à gauche, plonge aussi audacieusement que celle de Furggen, toutes proportions gardées évidemment. ( Voir Les Alpes 1944, photo 110, page 324. ) Le grand alpiniste Blanchet l' avait déjà remarqué; et ce chasseur de voies nouvelles fut tenté dès 1930 par le profil aérien de cette arête. Dans son livre « Au bout d' un fil », il raconte comment, après plusieurs tentatives infructueuses en compagnie du guide Caspar Mooser, il renonça à en faire l' escalade, se contentant de la parcourir à la descente, en quelques longs rappels de corde.

Mais en 1935, deux jeunes gens de Salvan: R. Coquoz et G. Décaillet, réussirent à vaincre cette fière arête. Ils montèrent droit devant eux, semble-t-il, sans chercher les faiblesses de la roche. S' aidant de longues fiches en fer et s' assurant au moyen de nombreux pitons, ils mirent plus de 7 heures pour atteindre le sommet.

Il n' existe, à notre connaissance, aucun récit de leur ascension. Et lorsque 10 ans plus tard nous nous proposons, André Bernard et moi, de gagner la Cime de l' Est par la même voie, nous n' en savons pas plus que ce qui précède. Nous sommes bien allés inspecter les lieux par un dimanche de pluie; mais ce n' était guère pour nous encourager I Parvenus malgré le rocher glissant jusqu' au pied du grand ressaut, nous nous tordons la nuque à chercher un passage possible dans sa verticalité. Et pourtant c' est là que sont montés les deux Salva-nains: une fiche rouillée pointant à 4 ou 5 mètres au-dessus de nous, en pleine paroi, nous le prouve. Jugeant tout essai inutile et risqué par ce mauvais temps, nous nous contentons donc, après un regard respectueux à cette fiche-témoin, de traverser dans la face est pour gagner le sommet par une voie relativement plus facile: la partie supérieure de l' arête Roch. ( Voir Les Alpes 1944, page 325. )

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ARÊTE DU JORAT À LA CIME DE L' EST ( DENTS DU MIDILe 18 septembre 1945, nous y revenons. Il fait beau cette fois. Et tandis que nous montons de Suzanfe à Plan Névé, le soleil se lève derrière la Dent d' Hérens, chassant l' ombre au creux des vallées. Sous ses premiers rayons, nous traversons le glacier dans toute sa longueur et atteignons la langue crevassée qu' il plonge dans le gouffre du St-Barthélemy. La face sud de la Cime de l' Est nous domine à gauche. Nous devons en longer la base pour atteindre l' épaule de l' arête du Jorat entre un « pouce » caractéristique et le grand ressaut terminal qui nous tente. Il nous faut d' abord descendre un peu; puis, par une courte cheminée verticale, passer sur un pierrier qu' on gravit jusqu' au pied d' un grand ressaut de rocher gris. Une cheminée s' évasant en couloir dallé permet de l' escalader. On est alors sur cette large vire inclinée, formée de pierriers et de dalles, que domine d' un seul jet la paroi sud. La longer ne prend pas beaucoup de temps; à 8 h. 30 nous sommes à pied d' œuvre. Sans même nous encorder, nous attaquons tout de suite les premières défenses de l' arête, quelques hauts gradins formés de blocs entassés. Cela nous mène à une petite vire que domine immédiatement le grand ressaut.

Nous nous installons au bon soleil du matin pour faire un substantiel repas avant l' effort. Le regard plonge à notre gauche dans le grand vide de la face est; tout au fond on voit la plaine, St-Maurice. A droite, l' œil se perd dans les blancheurs étincelantes du Mont Blanc, par delà Salanfe et la Tour Sallière.

Enfin, le sac fermé, la « ferraille » à la ceinture et le marteau dans la poche, nous sommes prêts. Notre intention est d' emprunter d' abord la voie des deux Salvanains, à 5 mètres environ à gauche du fil de l' arête, pour revenir ensuite sur l' autre versant à l' itinéraire de descente de Blanchet qui semble praticable dans sa partie supérieure. André attaque; le morceau est dur, mais ce n' est pas pour l' impressionner. A mesure qu' il s' élève, je tire une corde puis l' autre, au rythme des pitons qu' il enfonce. Après une dizaine de mètres d' escalade, rejeté par un léger surplomb, il amorce une traversée à droite pour tourner l' obstacle. Mais cela ne va pas; le rocher n' est guère solide de ce côté-là. Je monte et cherchant bien, je réussis à forcer le passage en droite ligne et à continuer jusqu' à une étroite plateforme inclinée que domine un nouveau surplomb. Assuré d' en haut, André peut revenir et monter vers moi pour reprendre sa place de leader.

Il nous faut maintenant retourner à gauche, car au-dessus de nous cela devient par trop rébarbatif. Passant sous le surplomb d' un gros bloc, mon camarade rejoint le fil même de l' arête et monte jusqu' à de petites terrasses inclinées qu' elle forme un peu plus haut. Je le rejoins et nous faisons halte. Mais lui, impatient de savoir ce qui nous reste à faire, a déjà tourné la nervure de roc qui masque notre vue à gauche. Il revient triomphant: l' anneau de corde du dernier rappel de Blanchet est là derrière, comme neuf encore malgré ses onze ans de séjour. Quelques mètres de descente dans une large fissure, et nous y sommes. De là, c' est d' abord un passage très ouvert, une grande paroi dallée limitée à droite par la nervure que nous venons de franchir et qui n' est autre que l' arête elle-même. Après une quinzaine de mètres une faille inclinée nous y ramène. Un nouvel anneau de corde nous prouve que nous sommes bien sur les traces de Blanchet.

Comparée aux premiers vingt-cinq mètres, l' escalade est ici beaucoup plus aisée; quelques pitons d' assurage suffisent. Mais c' est encore du beau travail! Retournant sur le versant est, nous gravissons une cheminée encaissée, longue d' une quinzaine de mètres, pour aboutir à une large vire inclinée. C' est là que Mooser et Blanchet avaient commencé leurs rappels. Les grosses diffi-cultées sont finies pour nous. Il ne nous reste plus qu' à tirer à droite dans du mauvais rocher jusqu' au point où l' arête Roch vient se souder à la nôtre. De là, un long dos d' âne rapide, étroit et branlant, nous mène sous le sommet; une petite cheminée encore, quelques blocs, et nous y sommes à 15 heures.

Historique de l' Arête du Jorat à la Cime de l' Est:

lre descente: septembre 1934, G. Mooser et E.R. Blanchet.

2e descente: 10 août 1936, A. Bernard et Ch. Bauer.

lre tentative de montée: octobre 1934, G. Mooser et E.R. Blanchet.

2e tentative de montée: 17 septembre 1944, A. Bernard et P. Rossy.

1 " montée: 1935, R. Coquoz et G. Décaillet.

2e »: 18 septembre 1945, A. Bernard et P. Rossy.

3e »: 3 août 1946, une cordée conduite par A. Bernard.

4e »: 29 septembre 1946, une cordée conduite par A. Bernard.

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