Autour du Makalu, Expédition néo-zélandaise de 1954
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Autour du Makalu, Expédition néo-zélandaise de 1954

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Expédition néo-zélandaise de 1954 Par Edmund Hillary

Expédition néo-zélandaise de 1954 Par Edmund Hillary A son retour de l' Everest en août 1953, Sir Edmund Hillary trouva le Comité himalayen de Nouvelle-Zélande en pleine effervescence pour la préparation d' une expédition néo-zélandaise à l' Himalaya. Le nombre des participants fut fixé à dix, dont Ed. Hillary et G. Lowe de l' Everest. En témoignage de gratitude pour l' accueil fait par les Britanniques aux Néo-Zélandais, deux Anglais furent invités à s' y joindre.

Une expédition californienne avait obtenu pour 1954 la priorité au Makalu, cime de 8475 mètres qui se dresse à une vingtaine de kilomètres au sud-est de l' Everest. Les Néo-Zélandais ne pouvaient donc y prétendre, et leur programme se bornait, officiellement, à explorer ses abords, soit les ramifications, glaciers et cols de ce massif, ainsi que les trois vallées du Barun, de l' Iswa et du Choyang qui descendent au sud-est vers l' Arun. A Khandbari, l' expédition se divisa en trois groupes. Deux équipes reçurent la tâche de remonter les vallées de l' Iswa et du Choyang jusqu' aux glaciers. Pendant ce temps le groupe principal, sous la conduite de Sir Edmund Hillary, devait assurer le transport des cent et quelques charges de vivres et d' équipement jusqu' au pied du Makalu, où les trois groupes devaient se retrouver vers le 30 avril. Le camp de base fut établi à 4800 m. sur une terrasse herbeuse de la rive gauche du Barun, non loin de la pointe terminale du glacier du même nom. Le camp installé, l' équipe Hillary-McFarlane- Wilkins rayonna dans toutes les directions en courses de reconnaissances et d' acclimatation. C' est au retour d' une de ces excursions que se produisit l' accident que raconte Hillary1:

« Le 27 avril, McFarlane, Wilkins et moi gravîmes une hauteur qui nous dominait au nord-est, principalement pour obtenir une bonne vue générale du Barun et observer les approches du Lhotsé, 8505 m. Je ne me sentais pas très en forme et allais lentement; Wilkins était encore plus lent que moi, tandis que McFarlane, qui avait choisi un meilleur itinéraire, semblait être en meilleure forme. Le sommet, 6190 m ., fût atteint sans qu' il fût besoin de mettre la corde. McFarlane désirait aller examiner un passage facile vers le Tibet, et persuada Wilkins de l' accompagner. Je les avertis de ne pas s' attarder, car nous devions descendre la vallée ce même jour, et regagnai le campement à 11 h. Aucun signe de mes deux compagnons jusqu' à 17 h. 30 où Wilkins arriva tout chancelant, et me dit que McFarlane était tombé dans une crevasse. Ils rentraient de leur excursion au col, et descendaient encordés le glacier facile, Wilkins en tête. Il venait de remarquer une petite fente à sa droite lorsqu' il sentit la croûte céder sous ses pieds et se trouva au fond de la crevasse, profondément empêtré dans la neige, et McFarlane à côté de lui. Wilkins n' avait aucune blessure sauf des taillades au front causées per ses lunettes de glacier qui s' étaient brisées dans la chute; le sang coulait et 1 Traduit avec la gracieuse autorisation du New Zealand Alpine Journal n° 42, à qui nous adressons nos vifs remerciements.

l' aveuglait. Par contre McFarlane semblait sérieusement commotionné par le choc, blessé et incapable de s' en sortir. Je n' eus aucune peine, après coup, à reconstituer l' accident d' après les traces sur le glacier. Lorsque Wilkins plongea, McFarlane essaya de le retenir à la corde en se cramponnant à la surface durcie, dans laquelle il était impossible d' ancrer le piolet. D fut finalement arraché du sol et entraîné au fond de la crevasse, son piolet restant sur place. Tandis que la chute de Wilkins avait été freinée et ralentie par les efforts de McFarlane, ce dernier avait fait une chute libre d' une vingtaine de mètres. C' est un miracle qu' il n' ait pas été tué sur le coup, et une autre chance qu' il soit tombé à côté de son camarade et non pas dessus. Wilkins se mit en devoir de sortir de cette trappe; il remonta vers la droite où la crevasse se rétrécissait. Elle était complètement recouverte par un toit de neige. Se hissant sur une vire de glace, il réussit, au prix d' un effort désespéré, à percer un tunnel à travers une couche de glace et de neige. Comme il ne pouvait rien faire pour son compagnon, il descendit au camp pour chercher du secours.

Sans perdre un instant, je mobilisai cinq sherpas et, emportant deux sacs de couchage, une torche électrique et le peu de cordes que nous avions, remontai à toute allure, craignant que l' obscurité ne nous permette pas de retrouver le trou. Nous arrivâmes à la crevasse juste à la nuit. Tenu à la corde, je rampai jusqu' au trou et appelai. La réponse de McFarlane me parvint claire et forte. J' essayai de lui lancer une corde, mais il semblait ne pas pouvoir la saisir. A la torche, j' examinai l' intérieur de la crevasse: elle avait la forme d' un énorme goulot de bouteille, et j' étais en fait couché sur le toit en porte-à-faux. Je ne pus apercevoir McFarlane et décidai alors de descendre moi-même dans la crevasse.

Il faisait maintenant tout à fait nuit, et un vent glacial balayait le glacier. Je remarquai que les sherpas étaient quelque peu démoralisés; je leur expliquai ce que je voulais faire et, après avoir d' abord hésité, ils furent d' accord. Assez étourdiment, je m' attachai les deux cordes autour de la ceinture, et ils me laissèrent couler dans le gouffre; mais quand je fus à environ quinze mètres de profondeur, ils commencèrent à s' affoler, car chaque mètre de ma descente les rapprochait dangereusement du trou. Pendant quelques minutes, je restai suspendu dans le vide jusqu' à ce que, McFarlane ayant joint sa voix à mes cris, nos ordres furent enfin compris et ils commencèrent à me remonter. Mais arrivé en haut, mon corps fut coincé sous le surplomb. Les sherpas s' affolèrent de nouveau et crurent pouvoir me tirer à travers la glace: trois de mes côtes craquèrent sous la pression de la corde. Je réussis à les persuader de relâcher un peu le filin et à passer un bras, puis l' autre, hors du trou, et fus enfin hissé en sûreté.

Lorsque je repris mes sens, je fis descendre au bout de la corde les deux sacs de couchage à McFarlane. Il réussit cette fois à s' en emparer, et je voulus essayer de le sortir. Mais lui aussi resta coincé sous le surplomb, et n' eut pas la force de faire un mouvement pour se rétablir. Je me penchai sur le trou et pus tout juste toucher sa main, mais ne parvins pas à changer sa position. Les gargouillements inquiétants qui montaient du trou nous engagèrent à le redescendre au plus vite. Je n' osai pas abattre à coups de piolet la lèvre surplombante de la crevasse, de peur que la masse ne s' écroule sur lui. Les sherpas étaient frigorifiés; aussi je criai à McFarlane que nous allions être obligés de le laisser là pendant la nuit. Il en convint et ne sembla pas s' en inquiéter. Je lui demandai encore s' il avait les sacs de couchage; il hésita un peu avant de répondre affirmativement. Je lui recommandai de se mettre dedans; il répondit que c' était fait. Nous rentrâmes au camp très fatigués.

Le lendemain matin, sous des rafales de neige, nous quittons le camp à 5 h., au premier signe de l' aube. Nous nous ressentons tous des efforts de la veille et, malgré notre désir d' aller vite, nous n' arrivons à la crevasse qu' à 6 h. 45. A mon appel, la voix de McFarlane répond claire et forte, disant qu' il est OK, mais qu' il souffre du froid. Courageusement et généreusement, Wilkins s' offre à descendre par la voie qu' il a suivie la veille pour s' échappe :. Nous le laissons filer à la corde. Il ne réapparaît qu' au bout d' une demi-heure, annonçant que McFarlane est en bien plus mauvais état que nous ne le pensions. Il n' est pas entré dans les sacs de couchage, et s' est borné à s' en draper les genoux. De même, il a négligé de mettre les gants chauds qu' il a dans son sac. Il est évident qu' il a été .choqué '. Il n' a pas été possible de le faire sortir par le chemin suivi la veille, alors il lui a enroulé la corde autour du corps et y a fixé un mousqueton. Nous lançons une corde par le trou; McFarlane parvient à la passer dans le mousqueton et nous tirons. Inévitablement, le corps se coince de nouveau sous le surplomb, et il faut le redescendre. Malgré le risque que cela comporte, nous décidons d' abattre le rebord de l' auvent; il n' en tombe que de petits fragments. Nouvel essai et, après un gros effort, nous réussissons enfin à amener le blessé à la surface. Ses pieds et ses mains sont des blocs de glace; nous l' enveloppons dans des vêtements chauds, le fourrons dans un sac, lui administrons 3 APC et un somnifère pour lui rendre moins douloureux le transport jusqu' au camp. Il fut solidement ficelé sur un brancard de fortune et commença la descente, un long calvaire aussi bien pour lui que pour les porteurs.

A cause des crevasses, il fallut bientôt quitter le glacier et prendre par la moraine. A près de 6000 m. d' altitude, dans l' état de faiblesse où nous étions, ce fut une tâche terrible. Parvenus enfin à un terrain moins accidenté au pied du glacier, je laissai un Wilkins exténué prendre soin de McFarlane et montai avec cinq sherpas au camp I éloigné d' un kilomètre. Quatre sherpas transportèrent les tentes jusqu' à nos deux compagnons, tandis que je continuai ma route avec un sherpa vers l' aval pour chercher du secours au camp de base. Au début, cela n' allait pas trop mal sur les pentes faciles en bordure du glacier; mais venaient ensuite des kilomètres d' affreuses moraines, où il fallait avancer en sautant d' un bloc à l' autre, et le frottement incessant de mes côtes brisées fut plus que je n' en pouvais supporter.

Cinq jours plus tard, McFarlane fut amené au camp de base. Il n' avait rien perdu de sa bonne humeur, toutefois il était heureux d' en avoir fini avec les abominables moraines du glacier de Barun. Le plupart de ses blessures étaient en voie de guérison, mais Bail ( le docteur ) savait que la lutte serait longue et dure pour sauver le plus possible des pieds et des mains du rescapé. McFarlane ne perdit jamais confiance et n' abandonna jamais la lutte. » Après quelques jours de repos au camp de base pour se remettre des dures fatigues, six membres de rexpédition remontèrent le 9 mai au glacier de Barun pour réoccuper les camps I et II et installer les camps III et IV en vue de l' attaque du col nord du Makalu. Hillary, se croyant rétabli, les suivit peu après, mais au camp IV il fut pris de fièvre et de vomissements et dut être rapidement évacué sur le camp de base, où son état s' améliora. Toutefois, il était hors de combat pour le reste de la campagne. Après avoir ramené McFarlane à Calcutta et l' avoir expédié par air en Nouvelle-Zélande, il remonta à Kathmandu y attendre le reste de l' équipe. Celle-ci, diminuée par ces accidents et mésaventures, avait décidé d' abandonner la tentative au Col nord du Makalu; de même les Californiens, qui avaient rencontré de gros obstacles sur l' arête sud de cette même montagne, avaient dû renoncer à en atteindre le sommet. Mais avant de rallier Namché Bazar par le glacier et la vallée de l' Imdja, de belles ascensions furent réussies. Bail, accompagné du sherpa Urkien, trouva une superbe escalade rocheuse à l' arête nord d' un pic de 6900 m ., nommé par la suite Chagô, qui se dresse sur la ligne frontière Tibet-Népal. La plus spectaculaire fut celle du Baruntsé, 7190 m ., accomplie une première fois par Todd et Harrow, puis par Beaven et Lowe. Tout le monde se retrouva à Thyangboché pour fêter l' heureux retour.

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