Autour du Mont Rose à ski
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Autour du Mont Rose à ski

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23-30 avril 1950Par Antoine Lambrigger

Avec 2 illustrations ( 11, 12 ) Le fameux slogan national: « Va, découvre ton pays! », fit germer chez quelques-uns d' entre nous l' idée de faire visite à nos voisins du sud et d' ap à les connaître, eux et leurs montagnes qui sont aussi les nôtres.

Dimanche, 23 avril. Un groupe de camarades quitte Vallorbe pour Zermatt. Au départ de cette station, à 12 h. 40, un encourageant rayon de soleil nous donne l' espoir d' arriver au Théodule vers 8 ou 9 heures du soir, selon prévisions. Première surprise: un guide rencontré à la sortie du village me déconseille fortement le chemin d' été pour le Théodule; il faut passer par le Lac Noir. La montée est dure; la neige commence à couvrir nos pointes de skis et les heures passent. Au Lac Noir, arrêt de trois quarts d' heure pour faire du thé, puis départ direction Gandegg par le bas du glacier. A mesure qu' on monte, la neige fraîche se fait plus profonde, et la visibilité diminue à cause du brouillard. Nous avons déjà fourni un effort considérable et estimons être à la hauteur de la Gandegg lorsque la nuit nous surprend. Un croissant de 1 Fitz Gerald raconte que Zurbriggen, au retour de l' Aconcagua, était dans un état analogue: « Z. arriva une heure plus tard; il avait atteint le sommet où il avait planté son piolet; mais il était si faible et si fatigué qu' il pouvait à peine parler et gisait complètement anéanti. » Op. cit. p. 83. Nadine de Meyendorff était d' une vigueur exceptionnelle; elle avait gravi le Mont Blanc en un jour de Chamonix; mais on ne peut pas comparer les Andes aux Alpes.

lune vient à notre secours; lui aussi va au Théodule; mais, hélas! il en est plus rapproché que nous. Mais, ô surprise, voilà que nous lui tournons le dos. Halte, carte, boussole, consultation. Trompés par les efforts fournis et le temps de marche, nous pensions être beaucoup plus haut. Croyant donc le but proche, nous repartons pleins de courage, bâtons, carte, boussole et lanterne en mains. Nous consultons nos montres le moins souvent possible. Finalement nous allons buter contre un rocher. Pour les uns, c' est le Petit Cervin; les autres prétendent que c' est une des pointes du Furgggrat. Il est 2 h. 40 du matin. Comme la fatigue se fait sentir et qu' il ne cesse de neiger, nous décidons de nous abriter sous un surplomb, et préparons un bouillon chaud. Alors que nous buvons la deuxième tasse le jour paraît, suivi d' un magnifique lever de soleil; je n' ai jamais rien vu de si naturel au ciné. Nous constatons que nous sommes au pied du Furgghorn, à trente minutes environ de la cabane du Théodule. Nous n' avions pas trop souffert du froid et le moral était encore bon. Le départ fut pénible toutefois, car souliers, guêtres, pantalons et tibias s' étaient syndiqués et ne formaient qu' un bloc. Peu à peu tout s' assouplit, et nous arrivâmes au Théodule comme prévu entre 8 et 9 heures, mais le lundi matin 1 Le reste de ce jour et le mardi matin furent consacrés à récupérer nos forces. Le temps s' y prêtait et nous en avions besoin.

Mardi 25 avril. Théodule-Gressoney-la Trinité. Vers midi, départ pour Breuil. Belle descente malgré la neige irrégulière et le vent qui souffle en tempête depuis hier. Le thermomètre indique 21° sous zéro. Le car de 14 heures nous emmène par le pittoresque Valtournanche à Châtillon ( 452 m. ). Avec son château et ses trois ponts historiques, cette ville occupe une situation magnifique au débouché du Valtournanche sur la vallée d' Aoste. Bientôt le train nous emmène, descendant la vallée, à Pont St-Martin. Beaucoup de palmiers pour faire contraste avec nos skis et le reste. Nous comptions compléter ici nos approvisionnements, mais c' est fête nationale ( 5e anniversaire de la libération ), sauf les restaurants tout est fermé. A 19 heures, un beau car nous fait remonter en deux heures et demie le superbe Val de Lys jusqu' à Gressoney-La Trinité, 1625 m ., villégiature fort fréquentée en été. Nous y sommes fort bien reçus à l' hôtel Castor. Après un souper excellent et abondant les Vallorbiers se retirent de bonne heure.

Mercredi 26 avril. Trinité-refuge Gnifetti, 3647 m. A 8 heures notre colonne, augmentée d' un porteur, se met en route. Comme il faut transporter du bois à la cabane, que nous avons des vivres pour cinq jours, que la montée est longue — 2020 m. et le temps incertain, le porteur est indispensable. Montée régulière par Faïpe de Corthys ( chalet de chasse du baron Peccoz ) et l' alpe Gabiet avec le beau refuge de Lys. A droite nous apercevons le refuge Gabiet, sur le chemin qui conduit à Alagna par le Col d' Olen. De là nous prenons à gauche sous la cabane Linti en ruines, où le porteur nous annonce qu' il reste 600 m. à monter. Nous avons fort bien marché, car malgré la neige en mauvaise condition, nous sommes à la Gnifetti à 17 h. 30. C' est une vaste construction en bois, mais en hiver seul un petit local pauvrement aménagé est ouvert au rez-de-chaussée. Notre porteur pensant redescendre le même soir à la Trinité, avait laissé ses skis au-dessous de la cabane où l'on parvient à pied. Sitôt arrivé, il alluma le feu, dégageant une fumée terrifiante qu' il fallut bien supporter. Dans l' intervalle une furieuse tempête de neige s' était déchaînée, avec froid intense. Il ne fallait plus songer à repartir; le porteur dut aller chercher ses skis qu' il parvint à grand' peine à mettre à l' abri. qu' il rentra, il avait le visage recouvert de glace et faisait vraiment peine à voir. La soirée fut plutôt pénible dans cette fumée acre; nous pûmes néanmoins nous reposer et nous sustenter.

Jeudi 27 avril. Gnifetti-cabane Margherita-Bétemps. Tandis que le porteur redescend à Gressoney, nous attaquons le gros morceau: le Lysjoch, 4270 m. Montée de toute beauté malgré la température glaciale: il faut lutter des pieds et des mains contre le froid. Mais l' arrivée au col paie largement nos peines. Il est impossible, même au plus blasé, de ne pas éprouver une impression profonde devant ce panorama: au nord la masse puissante du Mont Rose, avec d' énormes cubes de glace bleu-vert accrochés là on ne sait comment. Plus loin, les géants de Zermatt composent un tableau que les mots ne sauraient décrire. Au sud, vue immense sur la plaine du Pô jusqu' aux Apennins et aux Alpes Maritimes. Nous faisons une longue halte avant de monter à la Ludwigshöhe, 4400 m. Malheureusement il n' y a pas de quoi se chauffer au refuge Margherita où nous devions passer deux nuits, et par 20° sous zéro... Force nous est de descendre à la cabane Bétemps et, par conséquent, de renoncer au Lyskamm. La descente du Grenzgletscher, très crevassé, est satisfaisante quoique assez hasardeuse. Enfin voici la cabane, où il ne manque plus rien. Belle soirée en perspective sur le sol helvétique.

Vendredi 28 avril. Cima di Jazzi. Bien reposés nous partons vers 8 heures pour la Cima di Jazzi. Neige parfaite, temps splendide. Du sommet, nous pouvons reconnaître la liaison entre la vallée de Saas et Gressoney par le Monte Moro-Alagna et le Col d' Olen. Jolie et facile descente à la cabane.

Samedi 29 avril. Tentative au Mont Rose. L' équipe était pourtant en bonne forme. Nous montions à bonne allure lorsque, vers 3800 m ., le brouillard nous enveloppe soudain et il commence à neiger. Visibilité absolument nulle. Un blanc aveuglant ne permet de distinguer ni montées ni descentes, ni aucun accident de terrain. Près de la bifurcation pour le Silbersattel nous croisons un guide avec son client qui redescendent, et à qui nous demandons ce qui en est plus haut: « Ce n' est pas un jour pour faire le Mont Rose; en cas d' accident vous auriez des difficultés avec l' assurance. » Nous saisissons fort bien le sens de ces paroles et faisons demi-tour. Bien nous en prit: les sommets ne se découvrirent pas de tout le jour.

Dimanche 30 avril. Bétemps-Vallorbe. Temps superbe. Pour ne rien perdre de cette belle journée, nous remontons direction nord-est pour effectuer la descente par le glacier de Findelen. Une halte au col qui relie le glacier du Gorner à celui de Findelen nous permet d' admirer une dernière fois le panorama incomparable. Un coup d' œil encore avec une pointe de malice au Furgghorn, notre gîte d' il y a huit jours, et nous nous laissons glisser jusqu' à Zermatt sur une neige idéale. Là nous pouvons enfin enlever les lunettes et reposer nos yeux sur le vert tendre du premier printemps.

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