Bloqués au refuge Vallot, 25-31 juillet 1926
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Bloqués au refuge Vallot, 25-31 juillet 1926

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Par Marcel Jaton

En souvenir de Samuel Clot, mort dans une crevasse à la Bernina Avec 2 dessins de l' auteur ( 124, 125 ) Nous sommes trois à attendre au refuge Vallot que le vent forcené veuille bien se calmer un peu pour nous permettre un dernier assaut vers la cime, car hélas, notre première tentative ne nous a pas menés bien loin. Tout à l' heure, le refuge était encombré de guides avec leurs voyageurs, ils sont repartis et nous sommes restés avec une caravane de sept Allemands, derniers venus et très fatigués.

A 11 heures, le vent se calma quelque peu, les rafales diminuèrent, se firent plus espacées, l' espoir revint. A midi, cela s' améliora encore. L' instant était décisif.

« Allons, en route, vite la corde et les crampons, c' est une chance unique, grouillons-nous. » Et je m' élance dehors en tête de la cordée; ah! le moral est haut maintenant et nous nous sentons heureux.

Nous atteignons bientôt la Grande Bosse, puis la Mauvaise Arête avec ses belles corniches azurées, la grande pente toute jalonnée de pas. Nous montons rapidement, l' air est froid, le vent souffle encore, mais il est très supportable; nous nous hâtons de peur de voir se rompre le charme. La cime apparaît maintenant comme un toit de neige pure, le ciel est d' un bleu intense. Nous marchons haletants, le souffle court et touchons enfin le sommet du Mont Blanc; nous sommes montés en une heure et demie du refuge au sommet.

« Une belle victoire, hein, les gars; on en a mis; et toi Pittet de Bière, le vois-tu, ton patelin? » On ne le voyait pas, on ne voyait rien, sinon quelques sommets tout proches: le Maudit, le Tacul, l' Aiguille Verte, les Jorasses, plus loin quelques formes imprécises trouant la plus formidable mer de nuages que j' aie jamais contemplée. A nos pieds, vers le sud, la pente de neige descend mollement jusqu' à un cap moucheté de rochers noirs où elle se redresse pour former le Mont Blanc de Courmayeur. De ce pic une arête sauvage, hérissée, descend vers des profondeurs où elle s' estompe et se noie. Quelques trouées dans le voile de brume laissent entrevoir une vallée aride, le lit pierreux d' un torrent, un glacier sale, un peu de vert frais, des bois noirs; c' est tout ce qu' on voit de la plaine, ce lambeau de verdure qui s' efface bientôt.

Du côté nord, une pente rapide, hachée de crevasses, barrée de murs de glace croulants, en bas le Grand Plateau, vaste cuvette glaciaire, le refuge Vallot tout petit sur son rocher, à la limite du brouillard qui submerge le Dôme du Goûter et tous les sommets au-dessous de 4200 mètres.

Nous restons une demi-heure au sommet dans une sorte d' extase, à savourer ces minutes uniques au monde; le soleil est pâle, l' air froid, mais le vent presque nul. Au ciel quelques gros nuages blancs se culbutent en désordre, mais en bas, la marée monte, on ne voit plus le refuge, plus la Grande Bosse, bientôt le ciel va être envahi. Brusquement le soleil est noyé à son tour, tout devient imprécis et flou; nous quittons la cime après un dernier regard.

Sur la Bosse, nous croisons deux des Allemands qui montent avec des précautions infinies, c' est amusant de les observer; plus bas, trois autres, même allure.

« Ils vont comme des escargots au galop nous dit plaisamment Pittet, de ce train-là, ils y seront demain pour le lever du soleil. » Nous arrivons au refuge dans un brouillard opaque et une neige serrée qui s' est mise à tomber. Il y a là un jeune homme et une jeune fille de l' équipe de là-haut; ils nous interrogent, inquiets. C' est vrai que le temps est bien vilain sur l' arête pour ces novices.

« Oh, dit Aloys, ils ont sûrement déjà fait demi-tour; faut pas vous en faire; appelez un peu; nous, on ira voir par là. » Nous fûmes longtemps dehors à les chercher; la voix ne portait pas loin, amortie par cette ouate qui tombait; puis nous croisâmes des traces, un murmure de voix assourdies se révéla tout proche; des silhouettes enneigées émergèrent au milieu des flocons.

C' était nos hommes; ils étaient montés jusqu' à la 2e Bosse, puis le brouillard et la neige étaient venus, ils avaient fait demi-tour; mais voilà qu' à la descente, on n' y voyait plus, les anciennes traces étaient recouvertes et, au bas de la Grande Bosse, sur ce terrain vague, ils avaient erré, descendant trop bas dans la direction du col du Dôme. Constatant qu' ils se fourvoyaient, ils étaient remontés sur leurs pas, avaient tourné en rond, entendu enfin nos appels et nous avions la chance de les ramener au refuge dont ils n' étaient pourtant pas loin.

Le temps est devenu tout à fait mauvais; le vent s' est levé, chassant la neige; les quelques rochers autour de la cabane ont disparu sous la couche blanche qui atteint déjà 20 cm ., quelques bosses seulement apparaissent, plus que du blanc partout.

Nous nous sommes enfermés dans le triste refuge 1, avec quelle appréhension, en attendant la nuit. Nous serons dix cette fois, nouveau problème pour nous caser tous sur les couchettes, car il n' y a guère place que pour six. En attendant, nous battons la semelle sur le sol glacé, faisons un peu de soupe pour nous réchauffer. Pour cela, il faut fondre la neige, ce qui est très long, le réchaud marchant mal; la soupe prête, je n' arrive pas à l' avaler; pour le reste, pain, viande, je n' y songe même pas, impossible de rien manger, et mes camarades n' ont pas plus d' appétit que moi; du thé, car nous avons soif, quelques pruneaux secs, une goutte de « gnôle », voilà un souper qui ne nous restera pas sur l' estomac.

1 En 1926, le refuge Vallot était délabré, simple abri de planches, la tôle qui en revêtait les parois était en partie arrachée, sur le plancher il y avait un pied de glace. Il était divisé en deux compartiments dont le premier avait, pour mobilier, deux plans superposés où l'on pouvait à la rigueur s' allonger pour dormir. Dans la deuxième partie, moins exposée, à l' usage de dortoir, un plan incliné avec des matelas et quelques couvertures crasseuses et déchirées.

Les Allemands sont mornes, déjà enfouis sous les couvertures; ils occupent tout le dortoir dont nous étions les premiers occupants; il faudra donc nous contenter du compartiment à l' entrée. Nous nous y casons tant bien que mal, les trois sur le même plan, à 18 heures déjà, car le froid nous saisit à arpenter le plancher de glace de notre pauvre asile; des frissons nous secouent, et ce n' est qu' à force de mouvements de nos membres roidis qu' on conserve un peu de chaleur.

Le vent a dégénéré en tempête maintenant: c' est un vacarme infernal; on croit entendre des cris, des voix furieuses, puis des roulements de tonnerre, des crépitements de grêle, des coups sourds sur le toit. Nous nous serrons transis sous nos maigres couvertures; tout tremble dans le refuge et les terribles maux de tête nous ont repris.

Mercredi 28 juillet Nous avons passé une mauvaise nuit, insomnie complète; je n' avais pas trop froid, étant couché entre mes deux camarades, serré à ne pouvoir bouger un membre, mais eux frissonnaient; j' avais la tête en feu, martelée, si douloureuse; comme nous étions mal. Au matin, aucun changement dans l' état du temps, sinon pire que la veille; la violence du vent est à son comble, et il neige toujours; triste perspective qui nous laisse sans espoir pour la journée. Nous nous levons tout courbaturés et remettons nos souliers gelés, opération laborieuse qui nous fait regretter nos pantoufles. Elles nous eussent été combien plus utiles que tous ces vivres que nous n' avons aucun goût à manger.

Nous faisons un peu de chocolat pour nous sustenter après avoir fondu de la neige. C' est Sami qui est allé la prendre dehors; le vent s' acharnait sur lui, il fallait beaucoup de courage. Il revient au bout d' un moment, très ému et nous raconte qu' une rafale l' a précipité dans le couloir près de l' entrée, que par bonheur il a pu se cramponner à une saillie de roc sinon c' en était fait de lui. Pauvre Sami, nous n' avons rien soupçonné de ce drame; nous décidons alors de fixer une corde de l' intérieur pour assurer nos futures corvées de neige.

Nos voisins, les Allemands, eux, ne se donnent pas tant peine; ils ramassent la neige à même le plancher; pourtant elle n' est guère appétissante.

Après le chocolat, nous nous remettons à battre la semelle, à nous traîner d' un local à l' autre ou à coller le nez à la fenêtre où l'on ne voit rien. Nous avons froid, nous sommes mal installés, les Allemands occupent les paillasses et sont très encombrants; si l'on était moins nombreux, à cinq ou six, on se caserait tous sur les grabats, sous les couvertures où l'on peut se réchauffer. Nous soupirons après nos bonnes cabanes du CAS, si confortables et que d' au trouvent encore bien rustiques; que ceux-là aillent faire un séjour à Vallot.

Vers 11 heures, le vent semble diminuer, la neige ne tombe plus, le brouillard s' éclaircit, devient diaphane; nous voilà tous à la porte à épier les changements qui vont se produire. A midi, le vent faiblit encore, on voit des morceaux de ciel bleu; en bas, sur le Dôme, des coups de soleil furtifs, filtrant par les déchirures des nuages, éclairent les neiges d' une blancheur aveuglante. La lueur fuyante se déplace, elle court sur les bosses, les arêtes et vient caresser Vallot, notre refuge, soleil magique qui ranime l' espoir.

Sur le Mont Blanc, les nuages fuient en détresse, le vent gronde sur les arêtes où fume la neige. La Grande Bosse est échevelée et sauvage, sombre ou claire suivant les jeux de lumière, changeante et formidable comme tout ce qui nous entoure, paysage glacé d' un monde polaire. C' est une féerie de blanc et de bleu. Les rochers ont disparu; la neige a tout recouvert et notre refuge semble un palais de sucre, tout crépi de neige et d' aiguillettes de givre; il a vraiment grand air.

Maintenant, il y a grande animation à l' intérieur, chacun fait ses préparatifs et boucle son sac, la fuite est décidée. On fait vite un peu de thé tout en discutant des chances de nos projets de descente. Les Allemands iront par le Dôme parce que c' est clair et que la neige sera balayée sur les crêtes, ce qui est sage; et puis, ils espèrent atteindre la cabane de l' Aiguille du Goûter si ça se gâte en route. Après il y a les rochers de l' Aiguille à descendre, ce ne sera pas facile à ces novices. Quant à nous, nous nous obstinons dans notre projet de descendre sur les Grands Mulets parce qu' il nous déplaît de revenir par le chemin de montée. Nous pensons bien au brouillard épais, à la neige profonde là en bas, aux risques d' avalanche, aux crevasses masquées, mais on s' est entêté et voilà.

A 13 h. 30, les Allemands encordés nous quittent, il fait beau, très froid — 28 degrésle vent souffle mais est supportable. Leurs deux caravanes dévalent la pente dans la neige qui fume sous leurs pas; un moment plus tard nous les voyons disparaître derrière la crête du Dôme.

A notre tour maintenant; il est 14 heures, il faut se hâter; je prends la tête. Pittet au milieu et Clot en queue, nous piquons sur le col du Dôme à grandes enjambées; pas de neige fraîche, ça a terriblement soufflé par ici, nous retrouvons même d' anciennes traces.

Nous descendons rapidement, sans détours inutiles, maintenant dans une neige de plus en plus profonde, et nous atteignons bientôt le Grand Plateau. Un regard en arrière pour mesurer le chemin parcouru et nous voyons très haut, sur une arête rocheuse, comme un point, le refuge qui nous abrita pendant deux nuits. Au-dessous de nous, ce n' est guère engageant; sans doute, il n' y a qu' à descendre, mais la neige est très profonde, on enfonce jusqu' aux genoux, laissant derrière nous un énorme sillon. Il fait chaud dans cette combe encaissée, le ciel est orageux avec d' immenses nuages blancs qui fuient rapides. Nous admirons les formidables rochers rouges du Mont Blanc du Tacul et du Maudit, tout chamarrés de neige et de glace. Le ciel reste clair sur les hauteurs, mais en bas tout est noyé dans un épais brouillard.

Nous descendons toujours pour nous engager bientôt dans le défilé que dominent les séracs du Dôme; la pente s' accentue, on voit des crevasses à demi comblées; sous nos pieds, la neige glisse par petits paquets perfides, et brusquement, le rideau se ferme, nous entrons dans la nuit de brume.

« On est dans le jus, hein, quel coton! » « Ah oui, il fallait s' y attendre. » Pourtant, nous descendons toujours la pente raide, je tâtonne du piolet comme un aveugle avec sa canne, la neige glisse; voilà un grand trou, attention. On ne voit plus rien que cette pente grise qui semble plonger dans le néant; la brume s' épaissit encore, horrible nuit. Anxieux, nous descendons toujours, les nerfs tendus. Je pense que nous faisons une bêtise, l' avalanche nous guette dans cette neige inconsistante, il faut retourner; je m' arrête pour interroger mes amis:

Eux, ils ont fait les mêmes réflexions que moi, ils ont suivi muets et stoïques, ne voulant pas avouer leurs craintes; mais inutile de s' obstiner par un sot orgueil.

Nous avons fait demi-tour et repris la trace sans rien dire; ouf, quel soulagement; hâtons-nous de sortir de cette impasse; ces pentes sont mortelles.

Sur le replat du Grand Plateau, nous nous arrêtons pour échanger des impressions dénuées de gaîté.

« Quelle crevée on a fait, descendre tout ça pour avoir la peine de remonter; heureusement qu' il n' y a personne au refuge, on se moquerait bien de nous. » Le refuge, on n' y est pas encore, quels idiots nous sommes de ne pas être descendus avec les Allemands.

Evidemment, mais on aurait pu faire pire en continuant à descendre; rien n' est perdu, allons, courage, on atteindra bien le refuge avant la nuit. » Au sortir du brouillard, nous nous sommes assis un moment après avoir tassé la neige et avons grignoté quelques raisins secs. Le moral est en baisse. Puis nous avons repris notre marche, lentement, avec cette idée fixe: la cabane. Mais la pensée court plus vite que nos membres fatigués; que d' efforts encore pour l' atteindre. Ah! maudite descente qui nous a menés dans ce traquenard.

« Allons, courage, les gars, le temps n' est pas trop mauvais et nous avons encore de la chance. » Mais le brouillard monte et bientôt nous environne, qu' importe, la piste est bien visible, il n' y a qu' à suivre.

En attaquant la pente qui monte au col du Dôme, nous apercevons, dans une échappée, le refuge perché très haut comme un nid d' aigle. Sami étouffe un juron et Aloys récrimine contre cette sotte descente alors que si«Oui bien, la barbe! lui rétorque Sami, tu n' avais qu' à descendre avec eux. » Pauvre Sami, il est visiblement très fatigué, devient nerveux, fait des efforts pour suivre mais les haltes sont fréquentes et nous progressons bien lentement. Près du col, les traces sont effacées, nous marchons à l' aveuglette et le vent commence à se faire sentir.

Ah! maudit brouillard, nous ne sommes plus dans la bonne direction; il y a des traces là à gauche, puis à droite; nous y allons pour constater avec dépit que ce ne sont que des vagues de neige formées par le vent. Ainsi nous marchons, exténués, perdus, sans notion de la direction, mais montant toujours. Et brusquement une éclaircie nous permet d' apercevoir le refuge au-dessus de nous; nous avons dévié à gauche et allions aborder l' arête rocheuse au faîte de laquelle il est placé.

Enfin le col du Dôme, nous y sommes accueillis par un terrible vent glacé du SW. Sami est à bout de forces et s' arrête tous les dix pas; le pauvre n' en peut plus et nous prie de le laisser, il rejoindra plus tard après un bon repos. « Ça mon vieux, jamais de la vie, on te traînera plutôt, mais tu viendras avec nous à Vallot.

Et de fait, nous nous sommes mis à deux à tirer sur la corde et à l' en. Cette montée du col à la cabane nous prit une heure, une heure pour monter 100 mètres; nous allions en rampant, aveuglés par les rafales, épuisés et les membres gourds, mais enfin, nous y arrivâmes, dans quel état, à moitié gelés et fourbus. C' était le moment, le vent soufflait avec une violence inouïe, et la neige, chassée en tourbillons épais, s' était remise à tomber.

Abattus, anéantis, nous avons juste assez de force pour dénouer la corde gelée et enlever nos souliers. Nous nous sommes jetés sur les grabats et enroulés dans les couvertures, sans même avoir le courage de faire du thé ou de manger quoi que ce soit. Serrés les uns contre les autres, les dix couvertures entassées sur nous, nous avons bien de la peine à recouvrer un peu de chaleur; on grelotte sans fin, la tête nous fait mal et nous sommes démoralisés par notre échec. Pourtant, après les angoisses éprouvées en bas dans le brouillard, la pénible retraite jusqu' au refuge, nous nous sentons heureux d' être là, dans ce petit réduit glacé mais sûr.

La nuit descend lentement, remplissant d' ombre le petit carré où se détache la fenêtre claire. Elle vient, avec le concert infernal de la tempête qui s' acharne sur notre pauvre asile; on la croirait peuplée d' une meute hurlante de loups et de démons déchaînés; leurs pieds martèlent le toit, on entend comme des frôlements contre les parois, des craquements funèbres et des ricanements étranges.

Ah! l' horreur de ces nuits de tempête à Vallot, nuits sans sommeil, nuits douloureuses, avec la tête en feu et l' esprit en détresse, quel supplice! Quatre nuits sans sommeil avec celle passée à Tête Rousse et trois jours que je ne prends, en ce qui me concerne, aucune nourriture; mon cerveau est dans un état de surexcitation extrême et je sens bien que cette nuit là encore le sommeil ne viendra pas.

Mes camarades non plus ne dorment pas, personne ne dort et j' éprouve quelque jouissance à n' être pas seul à souffrir; ce serait trop cruel de les entendre ronfler peut-être. J' ai honte de mon égoïsme, mais je souffre tellement, la tête douloureuse et puis d' un autre mal encore: j' ai les lèvres gercées, les gencives enflées et la bouche brûlée; cela m' a pris au retour de notre fugue au sommet; de ça, je suis seul à souffrir.

Ainsi, la nuit passe lentement à se retourner sur sa couche et à écouter la terrible ronde du vent. Nous sommes bloqués dans ce réduit par la plus effroyable tempête que j' aie jamais subie au cours de mes courses dans les Alpes. Cette situation a pour moi malgré tout un caractère de grandeur tragique; j' ai désiré souvent vivre une telle aventure pour en savourer toute l' âpre beauté; mais hélas, pour en jouir, il ne faut pas être affaibli, malade, torturé par l' insomnie, sans appétit, sans goût à rien que le désir de fuir.

« Quel boucan, hasarde une voix, ça devient vraiment angoissant; nous pourrions bien nous trouver tout à l' heure sur le Grand Plateau; entendez-vous ces coups, ces grattements contre la porte? ils sont en train de démolir notre asile. » « Ils, qui ça? » « Va savoir, mais c' est vrai, on dirait des voix; il semble qu' on cherche à enfoncer la cabane. Tiens, ils sont sur le toit. » « Taisez-vous, dit Sami, vous nous faites peur; il n' y a ni loups ni fous pour venir ici, on est bien tranquilles de ce côté-là. » Cette longue nuit a passé pourtant et le jour blafard est venu éclaircir la fenêtre, mais sans changement; toujours la tempête dans toute sa violence.

Jeudi 29 juillet Elle atteignit ce jour-là une intensité extraordinaire, nous eûmes vraiment peur pour la solidité du refuge qui craquait terriblement, le froid devint excessif,32 degrés; tout était gelé dans les sacs et le cuisinier de corvée pour faire le thé ou le chocolat, seuls aliments que nous prenions avec plaisir, en avait bien pour une heure à se réchauffer quand il se remettait sous les couvertures. Notre haleine et la vapeur de l' eau qui cuisait dans la casserole, se transformaient aussitôt en neige impalpable qui retombait sur nous, et le résidu du thé, à peine sorti de la boule, était un bloc de glace. La note comique, dans ce triste désarroi, fut apportée par Sami qui voulut se préparer une omelette, non par appétit, disait-il, mais par gourmandise. Les œufs étant gelés, il fallut les couper en quatre pour les cuire dans le beurre et il se trouva que l' extérieur était rôti alors qu' à l' intérieur persistait un morceau de glace qui craquait sous la dent.

« Ton omelette est immangeable, fais-nous plutôt du thé. » « Et passe nous la gourde de ,gnôle ', ça réchauffe au moins. » Par malheur l' alcool à brûler baisse, quand il sera épuisé, adieu le thé; et si ce mauvais temps continue...

« Mince alors! » La perspective de ne plus avoir de boisson chaude fait l' effet d' une douche, car il faut le dire, c' est le thé qui nous a soutenus, redonné quelques forces et a entretenu un peu de chaleur dans le corps; le thé nous a permis de grignoter quelque chose, de faire descendre ce qui restait à la gorge. Pour le reste, nous n' avons toujours pas d' appétit, les aliments ne nous inspirent qu' un profond dégoût; ce qui excite notre envie ce sont des fruits, de la confiture. Ce désir devint pour moi une véritable obsession et, dans le délire de mon cerveau enfiévré, je voyais des fruits, des cerises, des abricots, dont j' au voulu me gaver. Hélas, dans nos sacs si lourds, il n' y a rien de cela; nous nous sommes chargés de victuailles solides, pain, fromage et viande, et nous n' avons aucune envie d' y toucher.

Dans la journée, Sami est pris de violents saignements de nez; nous avons tous la tête douloureuse, martelée atrocement, et moi avec en plus mes lèvres gercées, mes gencives sanguignolentes, je me sens faible comme un enfant, incapable de réagir. Nous restons enfouis et serrés les uns contre les autres sous nos couvertures d' où l'on n' ose sortir un membre sans ressentir aussitôt des frissons, le froid est atroce. Notre seule distraction est de lire au plafond et sur les parois les noms inscrits par des touristes, des remarques, des dates, les unes au crayon, d' autres gravées dans le bois. Il y a surtout des noms de guides, tous gens qui ont voulu laisser un souvenir de leur passage, car ne vient pas là qui veut, et 4360 mètres, c' est déjà une altitude; nous en ressentons durement les effets aujourd'hui. Etre bloqués là n' eut été qu' un ennui, mais les douleurs, la fièvre, l' insomnie qui nous tenaillent font de ce séjour forcé un véritable martyre.

Sans que nous nous en doutions, nous l' avons appris plus tard, nous avons subi à Vallot un lent effet d' asphyxie. Le vent du SW, véritable typhon d' une violence inouïe, procède par coups de bélier suivis d' accalmies, après les à-coups, il se produit un trou, un vide d' air qui aspire celui de notre refuge. Nous l' avons vu à la vapeur, à la neige qui gagne les interstices, aspirée au dehors, au réchaud qui s' éteint, à nous-mêmes qui ouvrons la bouche cherchant l' air qui vient à manquer.

La journée passe lentement à réfléchir, à se morfondre, les yeux errant des parois au plafond, de la porte à la fenêtre. Nous sommes prisonniers du Mont Blanc, après l' avoir tant désiré. Le géant nous tient, pauvres poucets, et nous force à subir sa rude hospitalité; nous juge-t-il dignes de figurer dans sa cour?

« Heureusement qu' on l' a eu, ça me console, dit Aloys à mi-voix; s' il fallait rester là avec le dépit de l' avoir raté, ce ne serait pas tenable. » Pauvre Aloys, il a des moments de cafard et voudrait bien être ailleurs, comme nous du reste; mais il a fait le Mont Blanc et ça, c' est quelque chose. Quand il rentrera à Bière, bien que les habitants de ce village soient peu versés en alpinisme, ça leur fera quand même impression, le Mont Blanc est si beau de là.

« Ah oui, Pittet de Bière, s' exclame Sami, et tu t' imagines que tu vas revoir ton patelin! Il y a bien des chances pour que nous laissions nos os dans ce frigorifique, au moins on se conservera. Regarde cet agenda: Pompes funèbres générales, Lausanne, tout est prévu. » Et Sami d' exhiber le dit agenda, et Aloys d' ouvrir des yeux ronds en disant « Crois-tu? » puis se replonger dans ses réflexions.

Ainsi pour nous passe la journée, serrés sous nos couvertures, vaguement inquiets pour la nuit qui va venir. Cette neige qui tombe sans arrêt, ces bruits sinistres, cette atmosphère funèbre, le froid, la glace, les douleurs, tout cela nous étreint.

Pourtant, de temps à autre, l' un de nous essaie de rompre le silence, de lancer quelque bobard pour faire rire, mais sans conviction.

« Ah mais, tonnerre! vocifère Sami en se levant, on ne va pas crever comme ça; debout vieille carcasse, je m' en vais faire du thé. » Puis jetant un coup d' œil au dehors:

« Quel temps! la fenêtre est bloquée par la neige, et il en tombe toujours; on est encore bons pour rester ici demain.

L' ombre est de nouveau venue assombrir le petit carré de la fenêtre. Nous n' avons pas refait de thé par économie d' alcool, il en reste tout juste pour demain matin; après, nous resterons couchés; on aura un souci de moins. Notre résistance diminue et notre cerveau s' engourdit; nous sommes résignés à notre sort, qu' y pouvons-nous et à quoi sert de s' émouvoir. Seul, Aloys s' énerve, pose des tas de questions sur l' éventualité du beau temps, de secours possibles, et quand il recommence avec des « si on avait su... on aurait dû... » il est remballé de belle façon.

« Oui, si on avait su, évidemment, on serait parti par le Dôme, mais on ne l' a pas fait et rien ne sert de récriminer; quant à tenter une sortie, on ne ferait pas 100 mètres. Des secours! qui serait assez fou pour exposer sa vie par un temps pareil? C' est là les hasards de l' alpinisme et il faut en accepter tous les risques.

Nous essayons de dormir, mais en vain; la tempête effroyable secoue notre abri. Nous sommes transis sous nos couvertures et grelottons sans fin. Dans le tumulte des éléments déchaînés, on perçoit comme les accords d' une musique lointaine, des voix qui semblent se rapprocher. Est-ce une hallucination de mon cerveau enfiévré? Une voix me souffle:

« Tu entends? on dirait des gens qui viennent. » Ah, cette nuit fut atroce; je m' étais assoupi par hasard quelques minutes et j' eus une affreuse vision: Une grande salle tendue de draperies sombres; tout au fond une petite lumière apparut, puis des formes noires, des femmes très belles et voilées, les yeux fixes et le visage de la pâleur de la mort. Elles ne marchaient pas, mais planaient dans la salle avec un rythme régulier, elles m' enveloppaient de leur ronde funèbre en me regardant de leurs yeux fixes, et sans bruit elles glissaient, transparentes et lointaines, dans leurs grands voiles de deuil, se rapprochant ou s' éloignant avec des ondulations de serpent. L' affreux cauchemar! Je me mis sur mon séant pour échapper à l' angoissante vision, j' étais moite de sueur, et rivant mes yeux sur le carré bleuâtre de la fenêtre, je vis collé contre les carreaux un masque grimaçant qui me regardait de ses yeux vides, des yeux de mort.

« Sami, Aloys, dormez-vous? Quel atroce cauchemar! » « Dormir? il vaut mieux causer; je m' étais assoupi, j' ai vu la porte du dortoir s' ouvrir et des hommes blancs de neige entrer sans bruit, marchant comme des ombres. » « On va finir par devenir fous, dit Aloys, vous me faites peur avec vos histoires. » Cette quatrième nuit fut longue, la plus mauvaise que nous devions passer à Vallot; quand le jour blafard parut, je me sentais plus malade que jamais et incapable de faire un mouvement.

Vendredi 31 juillet Ce matin, personne n' a le courage de se lever pour voir le temps qu' il fait, du reste à quoi bon, l' infernal concert du vent nous renseigne assez et rien ne paraît changé dans l' état de l' atmosphère.

Pourtant, vers 6 heures, un vague espoir me fit secouer l' engourdissement morbide de mon crâne douloureux; je me levai péniblement pour donner un coup d' œil à la fenêtre, cependant que mes compagnons me demandaient si je voulais déjà les quitter.

Tout d' abord, je ne vis rien, les vitres étant recouvertes d' une épaisse couche de glace. Il n' y avait que du gris, des tourbillons de neige. Puis, j' eus un cri de surprise: là, dans la brume terne, les pentes du Mont Blanc sont apparues, vaguement éclairées de lueurs fugitives qui glissent rapides, et plus haut, il y a un lambeau de ciel bleu avec un cône blanc, le sommet du mont.

Je me frotte les yeux; non, ce n' est pas une illusion, le Mont Blanc, est-ce possible?

« Debout, les amis, on voit le Mont Blanc! » « Sans blague, tu charries parce que tu as dû te lever. » « Je vous dis qu' on voit le Mont Blanc. » Là-haut, la petite trouée bleue s' est refermée pour s' ouvrir plus loin; le brouillard se disloque, on sent le soleil tout près; le froid est très vif. La pente de neige qui descend vers le Grand Plateau est impressionnante avec les effets mouvants d' ombre et de lumière; le vent emporte la neige qui glisse à la surface et se soulève en vagues blanches. Oh! la beauté de ce paysage hivernal! la douceur de ces teintes! on se croirait transporté dans un monde féerique. Quelle différence entre ce Mont Blanc échevelé, fuyant et insaisissable et celui du premier jour, rigide et glacé, figé dans sa pose de sphynx millénaire.

Une ardeur insolite m' a pris maintenant; enfin, on voit quelque chose et mes yeux ont percé les voiles du brouillard jusqu' ici impénétrable; je m' en d' allumer le réchaud et retourne vite m' enfouir sous les couvertures car je grelotte. Mes camarades se sont décidés à jeter un regard au dehors et se sont rendus à l' évidence; les commentaires vont leur train et notre projet de fuite s' élabore.

A 8 heures, après avoir absorbé du chocolat, nous commençons les préparatifs; les sacs sont bouclés. Sami voudrait partir tout de suite, mais je m' y oppose; le vent est encore trop violent, le brouillard dense par places, et puis nous sommes si faibles, ce n' est pas le moment de faire des bêtises.

Le temps s' améliore d' heure en heure et mieux vaut attendre que le Dôme soit bien dégagé. Nous sommes sortis devant le refuge pour consulter notre route et éprouver la température. Le vent a bien diminué et le ciel s' éclaircit, des bleus apparaissent dans l' océan des nues. En bas, de gros paquets de brume dansent une folle sarabande sur la vaste esplanade du Dôme, mais le soleil, par instants, caresse les champs de neige et leur blancheur nous aveugle. Au delà du Dôme, l' horizon, très loin, surgit des profondeurs dans une brume violette qui se fond avec le ciel verdâtre; des cimes lointaines apparaissent. Au-dessus de nous, la Grande Bosse fume comme un volcan, sauvage et magnifique avec sa crête mouvante de neige chassée; le Mont Maudit et le Tacul apparaissent par instants, farouches, menaçants; le brouillard qui se déchire et submerge leurs masses semble les animer. Quel monde fantastique de neige et de blancheur, quel décor prestigieux.

Maintenant, il faut partir, ce monde est inhospitalier malgré sa beauté et nous avons payé bien cher notre tribut pour l' admirer; du moins, s' est paré de toute ses séductions pour notre adieu.

Il est tombé plus d' un mètre de neige, amassée par endroits en congères énormes. Sur notre abri, les jeux du vent ont formé de curieux dessins, fleurs délicates, fougères, glaçons frangés de barbes, paillettes et gemmes qui scintillent au soleil comme des diamants; le petit refuge semble le palais enchanté du génie de ces lieux, et Sami, malgré le froid qui mord les doigts, se hâte de prendre des photos.

Vers 10 heures nous jugeons le moment propice pour partir: le vent souffle avec moins de force et notre route est dégagée. Nous nous sommes affublés de tous les vêtements disponibles, les oreilles protégées par des mouchoirs, les mains dans les gants doublés de chaussettes. Crampons aux pieds et encordés, nous adressons un salut au refuge et fonçons droit en bas, sur le col du Dôme.

Quelle fuite! car c' est alors que nous nous apercevons vraiment de la violence du vent; nous filons, tassés en boule, droit devant nous, sans rien voir, enveloppés de tourbillons de neige, aveuglés, le nez pincé par le froid, les oreilles et les mains qu' on ne sent plus malgré les précautions prises pour les préserver. Ce n' est qu' après avoir passé le Dôme, à l' abri sur le revers que nous pouvons reprendre souffle et jeter un regard en arrière. Mais il est déjà trop tard, on ne voit plus Vallot. Nous descendons rapidement la grande pente balayée sur laquelle les crampons mordent bien. A 11 heures nous sommes à l' Aiguille du Goûter, dans une neige profonde; le temps est très beau maintenant, et ici le vent est minime, la douce chaleur du soleil nous pénètre.Voici le refuge de l' Aiguille, dévalons une dernière pente et entrons-y pour nous remettre un peu.

Ouf! Quel soupir de soulagement; la première manche est gagnée et Vallot ne nous reverra pas ce soir; les trois rescapés se regardent tout attendris mais, tiens, le refuge est habité... nous voyons sortir de l' ombre un individu drapé dans une ample pèlerine en loden, le nez surmonté d' énormes lunettes d' écaille: un type que nous connaissons, c' est un des Allemands de la dernière équipe à Vallot. Il nous interpelle:

« Guten Morgen, kommt ihr von Vallot? » « Ja, und Sie, was machen Sie hier allein? » Il était descendu avec les autres jusqu' ici avec beaucoup de peine; arrivés au refuge, les autres n' ont pas voulu se charger de lui pour la difficile descente des rochers enneigés de l' Aiguille, étant eux-mêmes d' assez piètres alpinistes et ayant à charge une jeune fille. Ils avaient agi en sages, car ce sabot-là ( nous pûmes nous en rendre compte ) aurait compromis gravement leur descente. Notre bonhomme attendait donc les secours promis, blotti sous ses couvertures, sans réchaud, réduit à fondre de la neige dans une bouteille qu' il chauffait contre son corps et y trempant son pain pour le ramollir.

Nous étions indignés de la conduite de ses camarades; mais lui était un fieffé menteur qui arrangeait son histoire et se posait en victime. Nous sûmes plus tard qu' il s' était collé, indésirable, à cette caravane, dès les Grands Mulets, eux ne le connaissant pas, et qu' il les avait gênés tout au long tant par son humeur grincheuse que par sa maladresse.

Nous offrîmes de le prendre avec nous, de quoi il fût enchanté, car ainsi il récupérerait l' argent que les autres avaient exigé de lui pour payer les secours. Après nous être réconfortés d' une tasse de thé, nous entreprîmes la descente.

Elle fut longue et difficile avec la neige qui recouvrait toutes les prises et qu' il fallait déblayer, le danger d' avalanches dans les couloirs où l'on enfonçait BLOQUÉS AU REFUGE VALLOT jusqu' au ventre. Avec notre acquisition ça n' allait pas vite; il était d' une maladresse extrême, il fallait l' expédier sur la pente, celui de devant ayant charge de le recevoir. Pourtant, après une descente qui dura quatre heures, nous atteignîmes le bas des rochers, le glacier puis le pavillon de Tête Rousse. La corde et les crampons furent enlevés et nous pûmes alors nous reposer en buvant du vin chaud. L' équipe de secours était là et devait partir le lendemain chercher notre homme qui récupéra son argent, mais ne nous offrit rien.

« Sale type, va, on nous y reprendra à secourir cette engeance; un Herr Professor, il doit bien rigoler de nous. » « On aurait dû l' expédier en bas le grand couloir, il ne méritait pas mieux », conclut Aloys indigné.

Vers 19 heures, nous arrivons au pavillon de Bellevue où nous passons la nuit après un goûter de café au lait et la confiture tant désirée à Vallot, mais mes gencives et mes lèvres enflées m' empêchent de manger.

Le lendemain, nous descendons aux Houches par un beau soleil, avec le panorama des Aiguilles de Chamonix étalé sous nos yeux, puis le train nous emmène à Genève, de là en bateau via Nyon, Morges, Ouchy.

Sur le pont du bateau, en face de Morges, un Anglais nous interpelle:

« Messié, quel est ce mountain rose, là ?» « Cette montagne, c' est le Mont Blanc, on en vient. » En effet, le Mont Blanc apparaît, lointain, une pâle lueur rosée entre deux montagnes sombres.

Et l' émotion s' empare de nous à cette dernière vision. Nous sommes dans l' extase et restons là, accoudés, à regarder la tache rose qui s' atténue et disparaît.

Hier matin, nous étions encore là-haut, nous avons bien souffert, la captivité douloureuse, la figure brûlée, les maux de tête, la fièvre, pourtant nous ne lui en voulons pas, à notre montagne.

Maintenant, la belle aventure est finie, les maux sont oubliés. Ouchy, on débarque.

On y retournera quand même, hein, Sami?

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