De la Lenk à Macugnaga
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De la Lenk à Macugnaga

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d' emil schimpf, winterthour

Avec 2 illustrations ( 12/13 ) Lorsqu' on parcourt les récits de l' époque de la « conquête des Alpes », on est surpris d' y lire tous les préparatifs que supposait une première ascension. Mais les relations des expéditions modernes, à l' Everest, aux Andes ou au Dhaulaghiri par exemple, illustrent d' une manière beaucoup plus frappante l' importance que revêtent ces minutieux préparatifs et tout le travail qui en découle.

J' ai toujours éprouvé une agréable détente à projeter des tours, que ce soit pour la haute montagne, ou simplement pour le Jura. C' est pour moi particulièrement attrayant, les dimanches de pluie, de vagabonder grâce à la carte, théoriquement du moins, dans les régions les plus diverses du pays et même au-delà des frontières. J' étudie alors des voies connues de longue date ou des contrées que nous n' avons pas encore parcourues. Cette lecture de la carte me suggère alors des idées sur la manière dont nous pourrions organiser nos courses pédestres pendant les vacances, et sur les régions qui pourraient être choisies comme but. En qualité de vétérans, nous sommes évidemment obligés de nous limiter aujourd'hui à de modestes projets. C' est ainsi que l' idée me vint de franchir à pied, avec ma femme, par des chemins connus et inconnus, la distance séparant l' Oberland bernois du pied sud du Mont Rose.

Aussi nous mettons-nous en route à fin août 1961, pour le Brünig et Zweisimmen et, pour jouer aux nouveaux riches, montons dans une voiture panoramique de première classe. Nous constatons bientôt que voyager en ler classe ne signifie pas toujours « voyager plus confortablement ». Aussi, c' est avec un certain soulagement que nous quittons la gare de La Lenk et endossons nos sacs.

Nous devions bientôt connaître une déception en découvrant que le charmant chemin conduisant à Iffigenalp, que nous avions connu naguère, avait été transformé en route carrossable! A peine le regard s' arrête un moment sur les versants du Wildstrubel que nous devons nous garer au bord de la route pour faire place à une auto claironnante. Le délicat parfum des prairies et des forêts a fait place à l' odeur des gaz d' échappement.

Si nous avions prévu le cas, nous aurions pris un taxi; cela d' autant plus que les sacs se faisaient lourds. L' humeur un peu morose, nous arrivâmes au restaurant de montagne où nous savions être entre de bonnes mains. Nous eûmes la joie de pouvoir observer, à la tombée de la nuit, des chamois que nous avions repérés à la jumelle, broutant dans la prairie.

Bien reposés, nous attaquons tôt le matin la montée vers la cabane du Wildstrubel. Le chemin en lacets sur l' abrupt versant nord menant à la cabane Blatti nous enchanta autant qu' autrefois. Cheminant à l' ombre, on peut contempler l' lffigental et La Lenk, et les poumons s' habituent peu à peu à l' altitude. La pente s' élevant jusqu' à la bifurcation, où les chemins pour le col du Rawil et celui de la cabane se séparent ( pt.228O m ), offre un aspect tout nouveau, sans même qu' on ait pris garde aux pâturages qui occupent ces hauteurs. Mais le décor change bientôt: la haute montagne s' annonce par des pentes d' éboulis. Passant entre deux petits lacs, en partie couverts de neige malgré la saison avancée, nous nous approchons de la dernière grimpée. Ce tronçon accusant une dénivellation de 300 mètres nous cause quelque peine, bien que, ou peut être parce que nous avons fait une halte. La chaleur commence à peser et les sacs semblent augmenter de poids, mais nous atteignons néanmoins la cabane CAS. La femme du gardien s' empresse de nous offrir du thé et de préparer un fin potage. Comme nous sommes d' abord les seuls hôtes, la petite fille du gardien nous accompagne lorsque, plus tard, nous sortons de la cabane pour faire quelques pas. Une soirée tranquille, passée en compagnie de quelques rares visiteurs fut le prélude à une nuit calme et reposante.

Aumatin, peu après un guide et ses deux clientes, nous nous mettons en route. Quittant la cabane avec nous, un géomètre nous confie qu' il est chargé de mesurer un nouveau lac glaciaire sur le glacier de la Plaine Morte. Alors qu' il se dirige seul vers le Wildstrubel, nous marquons nos pas dans une neige déjà ramollie, le long du glacier, dans l' intention de gagner la vallée du Rhône par le Tothorn. « Pourquoi, nous demandions-nous, les sites portent-ils des noms aussi macabres ?» Nous trouvions néanmoins la région magnifique et le coup d' oeil sur le Valais remarquable. Comme tous ces fiers sommets - dont quelques-uns avaient reçu notre visite - étaient attirants! Nous essayons de repérer une partie de notre futur itinéraire; la vue n' est pas très claire, mais cela est au moins présage de beau temps. Ma femme ne pouvait tenir en place, bien que nous eussions du temps à perdre. Aussi ne flânons-nous pas dans les environs comme je l' avais prévu, mais descendons et glissons sur les pentes du Mont Bonvin, en direction du sud. La vaste combe est couverte de neige; nous pensions la franchir en musardant. Mais que se passe-t-il là-bas? Une détonation retentit un peu à l' est et au-dessus de nous. Une petite fumée marque l' endroit. Je ne pressens rien de bon; ma femme me demande innocemment si l'on fait sauter des mines. Nous ne restons pas longtemps avant d' apprendre la cause de l' explosion. Un bruit insolite me révèle qu' une nouvelle grenade est en vol. Où va-t-elle se ficher? Nulle part, car, étant probablement munie d' un dispositif à retardement, elle explose à quelque 100 mètres au-dessus de nous en cours de vol; d' autres suivent et ont le même sort. Que devons-nous faire? La neige autour de nous est criblée de points noirs de plus en plus nombreux: c' est Féparpillement des éclats. Aucune protection n' est en vue. La tête préservée par le sac, nous décampons le plus rapidement possible de la zone dangereuse! Je me porte en avant pour me mettre si possible en vue du commandement des tirs en contrebas. Par bonheur, les feux ont été braqués entre-temps vers les pentes du Mont Bonvin. Au moment où ma femme apparaît à l' endroit d' où l'on voit la cabane des Violettes, le tir cesse presque instantanément pour un long moment. Sa blouse rouge avait vraisemblablement servi de signe avertisseur. A grandes enjambées, nous dégringolons la pente et butons, au haut d' un talus, contre une sentinelle consciencieusement camouflée.

- Mais c' est défendu de monter là-haut! dit l' homme.

Nous apprenons que le commandement des tirs se trouve à la cabane. De sérieux blâmes nous y accueillent.

- Vous avez de la chance de ne pas avoir été tués!

Il paraît que des avis de tir avaient paru dans les journaux valaisans et que des affiches placardées dans les régions avoisinantes du canton de Berne rendaient les touristes attentifs aux dangers de tir. Mais il semble que quelque chose n' ait pas dû jouer, car ni à l' Iffigenalp, ni à la cabane Wildstrubel, un tel avis ne nous avait frappé les yeux. Soit, grâce à Dieu, nous étions sains et saufs! Et les tirs cessèrent, car l' affaire n' était pas en ordre. Après cet épisode, nous prenons un bouillon et un verre de thé dont le prix nous parut un peu exorbitant. Indisposés par les tarifs surfaits de la cabane, nous continuons notre chemin pour descendre à Vermala. Une route carrossable nous offre beaucoup plus tôt que nous ne l' aurions voulu son macadam, et il ne nous reste plus qu' à suivre cette voie goudronnée jusqu' à Crans.

Il n' est pas étonnant que cette journée, et spécialement ce trajet de route goudronnée, nous aient quelque peu « achevés ». C' est pourquoi nous décidons de troquer le jour suivant le tourisme pédestre contre le tourisme motorisé pour descendre dans la vallée du Rhône. L' auto postale nous mène sans efforts jusqu' à Sion, et le soir, une autre nous transporte tout aussi confortablement vers le plus grand barrage des Alpes, la Grande Dixence, par Vex et Hérémence. Pralong, le point terminus de la ligne, sera aussi notre lieu d' hébergement. Reposés, nous nous délectons d' un copieux souper accompagné de véritable pain valaisan, d' une bonne portion de fromage et d' une fine Dôle.

Le taxi que nous avions commandé pour 7 heures abrège notre chemin menant au barrage. Comme la région a changé depuis notre dernière visite! Le premier barrage, ainsi que le vieil hôtel de Motôt sont depuis longtemps immergés. Par un petit chemin poussiéreux mais bien marqué et quelques escaliers, nous gagnons le couronnement du barrage. Celui-ci est terminé et reçoit vraisemblablement son « dernier coup de pinceau ». Nous montons sans nous arrêter à travers le dédale des baraques et parvenons à un point de vue appelé « Belvédère ». Mais où est la suite du chemin? Aucune indication. Je me renseigne auprès d' un ouvrier qui me répond:

- Il y a un tunnel!

Dachstein I Cosaukamm; Grosse et Kleine Bischofsmütze et Sehwingerzipf Photos 1-5 Sepp Slulirl. Gnmmlen Mais où? Après de précieuses minutes, nous le découvrons. Il nous faut redescendre jusqu' au niveau du barrage, et nous pouvons alors pénétrer dans un long tunnel parallèle au lac. A son issue, nous constatons que, là aussi, le décor s' est modifié. Il est vrai que le grand bassin s' insère très bien dans le paysage et, quoiqu' il ne soit pas plein, le lac fait grande impression. Cependant, le nouveau cheminement le long du lac est moins varié et beaucoup plus long que l' ancien. Nous n' avons jamais eu du plaisir à marcher à plat en portant un sac de montagne; nous le faisons cependant encore moins volontiers aujourd'hui à cause de la chaleur. Aussi n' est pas étonnant que notre horaire ne soit pas suivi. Nous reprenons haleine pour attaquer la montagne du Pas du Chat. Dommage que nous devions déjà redescendre de l' autre côté! Mais nous gagnons tout de même de l' altitude, tout en jouissant sans cesse de la vue sur le Mont Blanc de Cheilon et le glacier du même nom. Lorsque nous abordons le dernier raidillon conduisant au col de Riedmatten, je me demande si l'on ne ferait pas mieux de gagner la cabane des Dix et, de là, après un moment de repos, de poursuivre notre route vers le Pas de Chèvres.

Le coup d' œil sur les montagnes d' Arolla avec ses aiguilles effilées ( celle de la Tsa entre autres se distingue nettement ) nous dédommage des efforts précédents. L' heure du dîner est depuis longtemps écoulée. Mais la faim a passé; nous nous désaltérons d' un gobelet de café chaud et d' Ovo, ce qui vaut bien un plantureux repas! Malheureusement, notre espoir d' apercevoir des chamois est déçu. Aussi n' y a-t-il aucune raison de prolonger notre arrêt dans la brèche. C' est avec plaisir que nous commençons à descendre vers Arolla, notre but d' aujourd. Pendant la journée, nous n' avons rencontré qu' un touriste, et, lors de la descente, une patrouille d' officiers. La troupe stationnée à Arolla nous cause du reste quelques difficultés dans notre recherche d' un gîte. C' est finalement le patron de l' Hôtel de la Poste, une ancienne connaissance, qui nous procure une bonne chambre avec eau courante. Après les ablutions usuelles, un délicieux repas, arrosé d' un bon verre de Fendant, nous revivifie les esprits.

Le lendemain étant une journée sans programme précis, nous inspectons les alentours d' Arolla qui, eux aussi, ont bien changé. Les travaux en vue d' amener les eaux canalisées dans le lac des Dix, les baraquements indispensables au logement des ouvriers occupés sur les différents chantiers, l' aménagement de la voie carrossable jusqu' à la station, tout a contribué à modifier l' aspect des lieux. La présence de la route nous incite d' ailleurs à nous rendre à la Sage non pas à pied, mais avec l' auto postale. Dans l' intention de prospecter la contrée en vue d' élaborer des projets pour ces prochaines années, nous intercalons une excursion à Ferpècle; de l' Alpe de Bréona, nous pouvons contempler à notre aise la majestueuse Dent Blanche.

Après ces deux jours de repos, nous nous levons de nouveau de bonne heure, par un temps incertain. En compagnie d' un Hollandais qui se joint malheureusement à notre groupe, nous gravissons les pentes qui mènent au col du Torrent. Cette montée d' un peu plus de 1200 mètres ne constitue pas un gros effort, car l' attention est sans cesse distraite par le grandiose panorama qu' offrent les sommets du val d' Hérens. La halte prolongée que nous nous proposions de faire au col n' a pas lieu, notre compagnon nous persuadant de descendre aussitôt dans la vallée. Même à la vue du lac des Autannes, si pittoresque au milieu de ce vaste décor, il resta indifférent. Au contraire, il nous suggéra de descendre tout de suite jusqu' au lac de Moiry que nous voyions pour la première fois. Là, à notre grand soulagement, il fit demi-tour; nous étions de nouveau libres. Nous descendons alors tout tranquillement en direction de Grimentz, par l' ancien chemin, en tâchant autant que possible d' éviter la nouvelle route. On nous réserve bon accueil à Grimentz, à l' Hôtel Moiry, et, malgré l' heure inhabituelle - il était 17 heures - la femme de l' aubergiste nous prépare un délicieux souper. Nous nous installons ensuite sous les arbres et observons la course des nuages noirs, annonciateurs 2Les Alpes - 1967 - Die Alpen1J de l' orage. Entre-temps, l' heure du souper a sonné pour les hôtes, et de succulentes odeurs s' échap de la salle à manger. Cela me donne un nouvel appétit, et je commande à l' hôtelière qui parlait français - en guise de dessert - une paire de Wienerli. Elle me les apporte, garnis de riz, en ajoutant dans un allemand de Souabe: « Weil Sie so hungrig sind? » A l' orage de la nuit succéda un matin maussade. Au lieu de nous rendre à pied à Ayer et St-Luc, nous montons dans l' auto postale qui nous mène à Chandolin. C' est pour nous un agréable divertissement de contempler l' activité dominicale à Vissoie. Nous parvenons juste assez tôt à Chandolin pour pouvoir participer au repas de midi à la pension « Le Chamois ». L' après était réservée à la visite d' un chalet à la « Montagne de Chandolin ». Fier de montrer sa cave à fromage, le vacher chef nous commente ensuite en détail la fabrication de ce produit national. Ces vachers ont vraiment un travail pénible, si l'on pense qu' ils fabriquent près de 4000 kg de fromage par saison et qu' ils utilisent pour cela 40000 1 de lait. Entre-temps, des nuages noirs s' étaient amoncelés et laissaient présager un nouvel orage. C' était un spectacle fascinant; on en jouit vraiment seulement si l'on est à l' abri! Même sous la pluie, le retour au village à travers de claires forêts fleuries d' épilobes fut un plaisir.

Nous avons déjà eu quelquefois l' occasion d' observer, du versant nord de la vallée du Rhône, l' entonnoir fortement raviné de l' Illgraben. Il nous était donné aujourd'hui de jeter, du sommet de l' IUhorn, un regard sur le théâtre de ce phénomène naturel. La montée à ce sommet, par une suite de pâturages, est déjà pleine d' attraits. Mais il nous était réservé un incident assez particulier. Nous étions parvenus dans une zone où l'on était en train de faire sauter le rocher en vue de la construction d' un téléski. Aucune affiche ne signalait le danger, par suite probablement des rares promeneurs qui fréquentaient ce chemin-là. Mais on s' habitue à tout, même à se voir menacé par des éclats de grenades ou des fragments de rochers! Ici pouvions-nous du moins nous mettre à l' abri. Avant de parvenir au sommet de l' IUhorn, le coup d' œil sur l' Illsee qui, avec d' autres petits lacs, forme un ensemble pittoresque au milieu d' un cadre grandiose nous charma les yeux. La vue plongeante du sommet de l' IUhorn dans l' entonnoir de l' Illgraben nous fit une forte impression. Vers le nord, on a Loèche-les-Bains avec ses fameuses parois de rochers que surplombe la Gemmi. Les Alpes bernoises étaient enveloppées de nuages peu encourageants pour l' évolution du temps. Cependant, aucune goutte de pluie ne tomba pendant la journée, ce qui nous permit d' intercaler de nombreux arrêts sur le chemin du retour; cette fois-ci, nous crûmes plus prudent d' éviter la zone dangereuse.

Par un temps très incertain, nous nous mettons en route le lendemain en direction de la vallée de Tourtemagne et, par un chemin en corniche bordé d' arolles, gagnons le « Chalet Blanc ». De mauvais nuages nous obligent à renoncer à l' ascension de la Bella Tola que nous aurions eu un vif plaisir à gravir à nouveau. Nous tâchons alors de rejoindre le chemin qui, de l' Hôtel Weisshorn, conduit au Meidpass. Bientôt environnés de brouillard et trompés par les nombreux petits chemins à vaches, nous nous trouvons complètement désorientés. La boussole nous sauve alors de la situation et, sous la pluie qui se met à tomber, nous rejoignons le chemin menant au col. La pluie tourne à la neige et nous ne distinguons plus rien; sans nous arrêter au col, nous poursuivons tout de suite vers le Meidsee qui donne l' apparence d' une ombre. Nous savions qu' un des chalets d' alpage de Meiden-Oberstafel pourrait tenir lieu d' abri; nous pensions y manger quelque chose. Nous trouvons refuge dans une cabane moins confortable, mais une étable nous offre également un abri. Alertés par des voix, nous apercevons deux touristes. Je reconnais l' un des deux; l' autre est un Anglais. Sans se soucier du temps, ils descendent directement vers Gruben. Nous nous retrouvons ensemble à l' Hôtel Schwarzhorn et, seuls hôtes, passons une excellente soirée.

Le jour suivant, le temps n' est pas mieux disposé. Nous renonçons de nouveau à la traversée par l' Augstbordpass vers la vallée de Zermatt, alors que l' Anglais annonce à grands cris: « We shall go! » Nous préférons flâner sur la petite route non goudronnée qui descend la vallée de Tourtemagne, et gagner ainsi Oberems. Nous atteindrons ensuite Grächen au moyen du téléphérique, du chemin de fer et de l' auto postale. Arrivés dans cette région tout à fait inconnue, nous prenons nos quartiers. Le jour suivant n' apporte aucune amélioration du temps, il ne pleut pas, mais des lambeaux de nuages s' effilochent et traînent dans la vallée. On met cependant pour nous le télésiège d' Hannig en marche, et nous pouvons aller en reconnaissance sur le chemin de Saas-Fee. Il y a aussi du charme à se promener le long de sapins humides de brouillard, sur des sentiers glissants, en foulant l' herbe ou les fougères ruisselantes. Ce jour n' est pas perdu pour nous, car lorsqu' on a le temps, on remarque bien des choses qui nous échappent lors de courses plus longues. Satisfaits, nous revenons par la forêt de Grächen, en dévalant un large couloir aménagé pour les besoins des skieurs.

Afin de poursuivre notre tour, nous remontons le lendemain à l' Hannigalp avec le télésiège pour nous rendre à Saas-Fee par le chemin en corniche établi en 1954. Il n' y a pas non plus grand monde par là. Les nuages traînent toujours très bas; nous devons ainsi renoncer à la vue de nos « vieilles amies », les montagnes de Saas Fee. Il y a du moins un avantage, c' est que nous ne risquons pas de transpirer. Le chemin est très pittoresque. A notre avis, il ne devrait être abordé qu' avec de bonnes chaussures. Une remarque que nous nous permettons de faire dans ce sens à un couple qui chemine avec des souliers bas est accueillie par un sourire apitoyé. A l' Alp Balfrin, le point le plus bas du chemin, nous dînons. Puis, nous poursuivons le sentier qui domine sans cesse la vallée de Saas et, en approchant du village des alpinistes, nous revoyons des coins connus. Le dernier tronçon à travers la forêt de Wildi est un peu long à notre gré.

Nous trouvons un logis chez notre cher Simon Bumann qui nous avait conduits, lors de précédentes courses, sur presque toutes les sommités de la région. Comme prévu, nous séjournons quelques jours ici pour nous rendre à Melig et Plattjen ( qui, depuis lors, est relié à Saas Fee par un téléphérique ) et pour contempler nos anciens itinéraires de courses.

Le fils de notre guide, engagé en qualité d' ingénieur aux chantiers de Mattmark ( qui, depuis lors, a acquis une si triste célébrité ) nous conduit le mercredi de notre troisième semaine de vacances, en auto jusqu' à la plaine de la « Pierre bleue ». En longeant divers petits cours d' eau - souvent aussi en les franchissant - sur du sable d' alluvions, nous atteignons à la Distelalp le chemin que nous connaissions bien et qui mène au col du Monte Moro. Aussi longtemps que nous cheminons sur le côté droit du ruisseau, le sentier s' étire le long de la pente en gagnant progressivement de l' altitude. Dès que l'on a passé le pont enjambant le ruisseau qui sort du glacier de Tälliboden, la pente se redresse sensiblement jusqu' au col. Le temps qui, pendant notre séjour à Saas Fee, avait été un enchantement se gâte soudain. Avant de parvenir au point où les eaux se partagent, point du reste recouvert de neige fraîche, un brouillard épais nous enveloppe. Il ne fallait plus compter sur la vue réputée dont on jouit d' habitude sur la paroi est du Mont Rose! Nous pouvions encore être contents de trouver le chemin menant à la douane italienne. Les douaniers étaient aimables et se seraient volontiers entretenus plus longtemps avec nous. On nous apprit qu' on était sur le point de construire un téléphérique sur le versant italien. Le contrôle des passeports terminé, nous dégringolons la pente et trouvons le chemin malgré le brouillard. Nous avions appris que la première section du téléphérique depuis Staffa ( Macugnaga ) était construite et déjà en exploitation; nous nous rendons d' emblée à la station supérieure où le responsable, pour nous être agréable, commanda une course spéciale.

A Macugnaga, un chauffeur de taxi, nous proposa avec un art de la persuasion consommé, de nous conduire jusqu' à Domodossola, et le même jour, nous atteignions Locarno par le chemin defer des Cento valli.

J' ai essayé de démontrer par mon récit qu' il est encore possible aujourd'hui de passer des vacances variées et plaisantes, en flânant par monts et par vaux.

( Traduit de V allemand par Ch. Neuhaus )

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