Du Basodino au Sustenhorn
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Du Basodino au Sustenhorn

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Par Arthur Visoni Avec 2 illustrations ( 61, 62La Chaux-de-Fonds )

Voyage à skis à travers quatre cantons... et nous nous sentons commes grisés par une Rotondoétrange musique...

Le jour va poindre quand nous quittons All' Acqua, mercredi 6 juin " C' est le cinquième jour de notre randonnée. Nous reprenons avec joie et enthousiasme la route des hauteurs.

Les skis sont chaussés à Piano Secco 1, à 2000 mètres environ. Le Pizzo Rotondo n' est pas encore visible mais le Kühbodenhorn et le Poncione di Rovino ont belle allure. Laissant le Gerenpass à gauche, nous obliquons à l' est au pied de la longue arête, en forme de S allongé, du Kühbodenhorn. Un névé très incliné et de neige dure, qu' il faut prendre en écharpe, nous oblige, par prudence, à enlever les skis et à prendre corde et piolets. Après un arrêt, pendant lequel nous contemplons les Pizzi Basodino, San Giacomo et Cristallina, nous attaquons résolument les pentes raides et avalancheuses, conduisant au Passo Rotondo, et d' où émerge, peu à peu, fascinateur, le Pizzo Rotondo avec ses jolis clochetons. Dépôt d' un sac, assez haut, sous le Passo di Rovino. Munis d' une de nos deux cordes, des piolets et des crampons, nous allons à skis jusqu' à quelques mètres du col que nous atteignons vers midi et où nous faisons une longue halte méritée.

L' arête sud-est du Pizzo Rotondo, que j' ai examinée tout en montant, m' a paru en bonnes conditions à part quelques névés très inclinés et d' une certaine couleur pour lesquels les crampons seront précieux. Ascension des plus intéressante et très recommandable. Une heure de varappe facile sur un bon granit couvert de lichen et c' est l' émotion du sommet, partagée avec le contentement cérébral du problème résolu et le plaisir physique de l' escalade. Nous étudions avidemment la topographie du massif et saluons comme de vieux amis, du côté des Alpes bernoises, les sommets déjà gravis.

Nous voici de retour au col d' où, après nous être restaurés et pendant que ma femme se repose, je vais rendre visite au Poncione di Rovino. Le rythme chantant de ces noms si harmonieux: Rotondo, Poncione di Rovino, semblent s' allier idéalement au rythme, gracieux comme une danse, de la varappe et nous nous sentons comme grisés par une étrange musique.

Mais l' heure, inexorable, nous rappelle aux réalités; après avoir franchi le Passo di Rotondo, nos skis tracent leurs arabesques autour de cette belle montagne que nous venons de gravir et nous déposent, à 18 heures, au Wyttenwasserpass.

Nous nous retournons alors, pour admirer le Pizzo Rotondo merveilleusement éclairé par le soleil couchant, dont le sommet est entouré d' un nuage admirablement coloré.

1 Voir dans Les Alpes ( janvier 1947, Varia, page 21 ) l' article en italien sur le nouveau petit refuge existant à Piano Secco et offrant place pour 15 personnes.

Quittant le Valais, que nous venons de traverser depuis le Passo Rotondo, nous entrons maintenant dans le canton d' Uri.

Il y a 300 mètres d' altitude entre le Wyttenwasserpass et la cabane et nous nous apprêtons à descendre prudemment car la neige, qui regèle sous l' action du froid, est terriblement croûtée. A ce moment, troublant le silence auquel nous sommes si habitués, nous parviennent les pépiements volubiles d' un oiseau! C' est un martinet des neiges, probablement; il vole autour de nous, se pose à quelques pas, sifflant éperdûment avant de disparaître dans les rochers du Leckihorn! Nous restons tout surpris et heureux de ce gentil accueil qui nous paraît de bon augure.Vite, je dépose mon sac et, des restes d' un délicieux gâteau à l' avoine, nous lui préparons, sur la neige, un petit festin.

Il est 19 heures quand nous entrons dans cette splendide cabane Rotondo. Comme au refuge Corno il y a même le téléphone, mais nous nous garderons bien d' y toucher!

La matinée du jeudi 7 juin 1945 se passera à rendre visite à chacun des sommets qui forment le petit royaume de Rotondo.

Si vous avez la chance, comme nous, de vous trouver une fois là-haut, bien en forme, de jouir d' un temps parfait et d' une neige idéale, vous partirez vers 7 heures en flânant. Vous irez d' abord au Hühnerstock qui est plus une arête qu' un sommet mais qui déploiera devant vos yeux un panorama grandiose. Toujours à skis vous atteindrez le sommet est, 3027 m ., du Wyttenwasserstock, point d' intersection des cantons du Valais, du Tessin et d' Uri et ligne de partage des eaux s' écoulant dans trois mers. L' arête est, par une courte mais fine varappe, vous conduira au sommet ouest, 3084 m ., en face du Pizzo di Pesciora. Du sommet est, vos skis vous amèneront, en quelques minutes, au Wyttenwasserpass. Après une courte montée aux cols de Mutten et de Lecki, vous pourrez aussi gravir le Leckihorn et le Stellibodenhorn pour jeter un coup d' œil sur la Furka, silencieuse encore et l' imposant Galenstock. Puis, une magnifique descente de 500 mètres, vous ramènera avant midi à la cabane.

Le cirque de Rotondo, ce petit toit de l' Europe, restera dans nos cœurs un souvenir unique. Est-ce parce que nous l' avons atteint « par le haut » un soir de printemps, accueillis si gentiment par le chant d' un oiseau? Certainement, mais la solitude et le soleil, dans une atmosphère d' une douceur infinie, ont contribué, également à l' enchantement.

Notre programme, suivi à la lettre, prévoit, pour le lendemain, l' ascension du Pizzo Lucendro et la fameuse descente sur Hospental.

... et dont le bruissement des skis est comme une Lucendrolitanie, une chanson nouvelle à l' adresse des monts.

A l' aube du vendredi 8 juin, sous les étoiles palissantes, deux silhouettes de skieurs traversent le cirque de Rotondo. Sous la crête du Hühnerstock, une pénible marche de flanc les conduit tout près du Passo di Cavanna. Les étoiles ont disparu, mais la lune curieuse voit les skieurs, laissant le col à droite, franchir d' énormes coulées d' avalanches pour atteindre enfin, au prix de rudes efforts, la dépression à gauche du Pizzo Lucendro. Au moment où la lune se couche, le soleil salue les deux voyageurs de ses rayons bienfaisants, leur promettant, encore, une journée féerique.

Après avoir façonné une jolie échelle pour grimper sur la calotte neigeuse du Pizzo Lucendro, 2964 m. et constaté la beauté de la vue, les skieurs, impatients, se lancent dans une folle poursuite.

Le Gothard, avec son lac artificiel et ses usines, encore plongés dans l' ombre, est l' antre qui symbolise l' activité humaine. Quel contraste avec les deux skieurs qui semblent voler sur la neige, dans l' éclatante lumière solaire et dont le bruissement des skis est comme une litanie, une chanson nouvelle à l' adresse des monts. Comme suspendus au-dessus des flancs précipitueux de la montagne, ils suivent la longue chaîne des Yverberhörner jusqu' au Pizzo dell' Uomo. Douceur de petits lacs qui commencent à bleuir et traversée du Passo Orsirora. Rotondo, là-bas, est déjà loin.

Sur les pentes ouest du Winterhorn, couloirs et plateaux alternent, parsemés de gros blocs de rochers et offrant aux skieurs un terrain idéal. Ces derniers semblent, enfin, avoir trouvé un endroit de prédilection pour s' arrêter à Mattenrand, à 2200 mètres environ. Sur chaque monticule, un petit jardin de plantes grasses, délicieusement fleuri, entouré d' une collerette de neige. Là, comme de petits vallons en miniature, des ruisselets chantent le printemps. Les skis sont déposés près des petites fleurs étonnées, et les skieurs s' ins, pleins d' une joie simple, pour se reposer et faire honneur à un frugal repas.

Une heure plus tard, la descente continue et, grâce aux ruses de la stratégie, les skis sont enlevés sur la dernière tache de neige à 1800 mètres.

Dans la vallée d' Urseren, les derniers rayons du soleil généreux guident les pas des voyageurs brunis mais tout dépaysés, à travers Hospental et Andermatt, jusqu' à Göschenen.

Samedi, le 9 juin, le ciel est couvert. Le temps, exceptionnellement favorable, dont nous avons joui jusqu' à présent nous a procuré le maximum de joie et de plaisir. A part le danger d' avalanches, nous n' avons eu à lutter, ni avec le brouillard, ni avec la tempête. La réalisation intégrale de notre programme nous tient à cœur et, restant optimistes en dépit du temps actuel, nous décidons de continuer notre voyage. Il nous reste encore trois jours pour gravir le Sustenhorn, descendre au Sustenpass et rentrer chez nous.

D' autre part, nous sommes dans une excellente forme, nullement fatigués, et notre équipement, qui a fait ses preuves, est en parfait état.

Vive l' aventure! Nous partons, joyeux, semblables à des pèlerins modernes, montant à la recherche d' un pays blanc et ensoleillé. Sous la pluie, nous parcourons la sauvage et interminable vallée de Göscheneralp pour arriver, dans l' après, à la cabane Kehlenalp, 2350 m.

... tel un réseau inexplicable de formules géomé-Sustenhorntriques, symbole éphémère d' un jeu moderne.

Pendant la nuit, le temps se remet petit à petit et, quand nous quittons le refuge, dimanche, le ciel est clair et promet le soleil pour la matinée en tout rvî' j; i, icas. Au-dessus de la cabane, on s' élève au nord, par des pentes raides et dangereuses. Puis l' inclinaison s' atténue et l'on s' abandonne alors aux molles ondulations du Sustenlimmifirn pour atteindre, sans difficultés, le col du même nom à 3100 mètres. Un vent froid nous accueille. La température s' est rafraîchie et nous foulons 10 cm. de neige fraîche et poudreuse comme en hiver.

Devant nous se présente un large bassin glaciaire alimenté par les neiges du Sustenhorn et du Gwächtenhorn.

Prenant à droite et suivant l' arête faîtière, à distance respectueuse des grandes corniches, on, arrive à ski jusqu' au sommet du Sustenhorn, 3512 m ., fascinés par une des vues les plus belles des Alpes centrales. A l' est: le Fleckistock, le Salbitschyn, les Windgällen, le Tödi. Plus à gauche: le Petit et le Grand Spannort, le Schlossberg, l' Uri. Au nord: comme un joyau finement ciselé: les Fünffingerstöcke devant le Wassenhorn et le Titlis.

Comment décrire l' enchantement de cette belle descente du Sustenhorn? Nos skis, ces compagnons de tant d' ascensions, dévalent les pentes comme des coursiers et semblent heureux et aussi étonnés que leurs maîtres, de skier dans une neige d' hiver, au mois de juin! Nos virages ont gravé leurs dessins sur les flancs abrupts, tel un réseau inexplicable de formules géométriques, symbole éphémère d' un jeu moderne.

En moins d' un quart d' heure nous sommes devant la nouvelle et jolie cabane de Tierbergli à 2823 m.

Le soleil, qui a bien voulu embellir notre dernière ascension, s' est définitivement caché et la montagne a repris un visage sévère et hostile.

La veillée se passe à chanter, à étudier la carte et à nous remémorer les péripéties de nos courses.

Les deux voies d' accès à la cabane de Tierbergli depuis Stein ( Sustenpass ), sont toutes les deux intéressantes mais fort différentes. La route d' hiver, remontant le glacier de Stein, ne présente aucune difficulté. Celle d' été, que nous suivrons, plonge littéralement sur le glacier de Steinlimmi et offre une descente magnifique mais exposée et dangereuse, car les pentes excessivement raides du Tierbergli présentent de grands risques d' avalanches. Cette voie est empruntée par les skieurs surtout au printemps.

Quand nous partons, lundi à 6 heures, dixième et dernier jour de notre voyage, la neige est dure, un peu trop dure même!

De la cabane, on se dirige d' abord au nord-est, traversant le haut d' un névé déjà impressionnant par sa raideur. On oblique ensuite au nord-ouest pour s' engager sur cette grande pente dont l' inclinaison est telle qu' elle semble atteindre l' extrême limite permise au ski. C' est le passage délicat de la descente. Après une traversée sur les carres, familiarisés avec le vide, un ou deux Stemmbogen sont suivis de christianias, rapides, à court rayon, parmi les débris d' avalanches. Quoique toujours abrupt le terrain devient plus facile et, sous le Bockberg, on reprend la direction nord-est. Traversée du Seeboden en face de l' obélisque de la Sustenspitze, puis on louvoie au milieu des gros blocs de rochers, fleuris de roses des alpes et des torrents qui grondent sourdement sous la neige.

Nous passons à quelques mètres de Stein et de la nouvelle route du Susten, pour suivre la combe encore enneigée, sur la rive gauche du torrent. Dans la nature renaissante, des couloirs d' avalanches séparés par des taches de terrain sur lesquelles on marche cahin-caha, nous permettent de descendre jusqu' à 1700 m. Une heure de marche accidentée, au-dessus des eaux impétueuses, parmi des buissons de rhododendrons qui sont une véritable récompense pour les yeux, et nous arrivons à Gadmen.

Au terme de ce merveilleux vagabondage, l' esprit satisfait autant que les muscles et l' âme sereine, nous apprécions à sa juste valeur le privilège que fut le nôtre d' avoir réussi cette belle aventure sans aucun accident.

La montagne: cette source puissante d' émotion a comblé largement, aussi bien notre passion de l' alpinisme que notre amour du ski, et l' enrichisse qu' elle nous a dispensé à profusion nous a fait mieux sentir notre petitesse dans la nature.

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