Entre le Weisshorn et le Rothorn de Zinal
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Entre le Weisshorn et le Rothorn de Zinal

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Avec 1 illustration ( 80 ) et 1 croquisPar Wilh. Preiswerk

( Bâle ) Malgré sa situation unique au-dessus de l' imposant et solitaire glacier de Hohlicht, la cabane du Weisshorn semble être, comme celles du Doldenhorn et du Cervin, le refuge d' une seule montagne. Les cimes environnantes, Rothorn de Zinal, le Schallihorn si rarement gravi, ne semblent être là que pour réjouir la vue du visiteur, et leurs voies d' escalade de ce côté restent entourées de mystère. Pour atteindre le Schallijoch, par exemple, il était préférable, selon le guide Kurz, de bivouaquer au pied du Schallihorn, toutes les routes qui y conduisent étant longues et fastidieuses.

Bien que la mode soit aujourd'hui aux escalades rocheuses de grand style, le Schalligrat n' a jamais été très populaire, probablement à cause des difficultés d' accès mentionnées ci-dessus. C' est pourquoi aussi les guides aiment mieux « faire » cette arête à la descente vu la possibilité, depuis le Schallijoch, de gagner directement la vallée par l' alpe de Hohlicht, et d' éviter ainsi le bivouac traditionnel. Toutefois le glacier supérieur du Schalliberg qu' emprunte cet itinéraire est loin d' être de tout repos, et maints touristes l' ont appris à leurs dépens qui ont dû finalement se résigner à un bivouac à la descente.

Il va sans dire que cette manière de faire la course ne saurait donner pleine satisfaction au grimpeur avide de sensations, car une grande arête ne révèle vraiment toutes ses splendeurs qu' à la montée. C' était déjà mon opinion en 1942 lorsque je vins pour la première fois dans cette région, et les impressions magnifiques, inoubliables dont cette ascension a enrichi le trésor de mes souvenirs confirment pour moi la justesse de cette conception.

A ce moment déjà, nonobstant toutes les difficultés énumérées, la cabane du Weisshorn nous semblait être, de par sa situation topographique avantageuse, le meilleur point de départ, et il s' agissait avant tout pour nous de trouver si possible une voie d' accès commode au Schallijoch. Nous employâmes le premier beau jour à une reconnaissance détaillée du glacier du Schalliberg, car la route habituelle indiquée par le manuel nous paraissait peu engageante et peu commode à parcourir de nuit. A la suite de longues allées et venues, nous crûmes avoir trouvé pour la traversée du glacier un itinéraire plus ou moins praticable dans l' obscurité. Toutefois les choses tournèrent tout autrement que nous l' avions pensé. Un guide présent à la cabane nous donna une indication précieuse sur la meilleure voie d' accès au Schallijoch: gravir à peu près en son milieu la barre rocheuse séparant les glaciers inférieur et supérieur du Schalliberg pour rallier celui-ci dans sa partie la plus élevée et finalement gagner le col directement par le flanc sud du Weisshorn. Notre mentor avouait n' avoir jamais suivi cette route lui-même, mais en 1939 il l' avait conseillée à deux membres de l' A, grâce à quoi ceux-ci avaient atteint le Schallijoch dans le temps incroyablement bref de 3 h. Nous étions peu disposés d' abord d' échanger « un Die Alpen - 1945 - Les Alpes23 moineau dans le sac contre un pigeon sur le toit », mais ce témoignage balaya nos hésitations et nous résolûmes d' essayer cette nouvelle route, ce dont nous nous sommes bien trouvés.

Cet itinéraire étant encore peu connu et présentant des avantages notables sur tous les autres décrits dans le guide, j' en donnerai ici une description précise accompagnée d' un croquis topographique. De la cabane du Weisshorn on voit très bien le gradin rocheux séparant comme un verrou le bras inférieur du bras supérieur du glacier du Schalliberg. Cette paroi est rayée, au-dessous d' un rognon glaciaire de forme bizarre, de trois couloirs bien marqués dessinant un X, celui de l' extrême droite servant de lit à un ruisseau. De l' étranglement formé par les branches du X se détache vers la droite une vire horizontale W.P.

commode — on la distingue faiblement de la cabane — à laquelle on accède par une langue de neige s' élevant de quelques mètres contre la paroi; puis, obliquant à gauche, en gravissant une cinquantaine de mètres de bons rochers en escaliers. On peut pointer la dite langue de neige de la cabane, et elle servira de point de repère la nuit sur le glacier. Parvenu à l' extrémité ( sud ) de la vire on descend quelques pas pour traverser le ruisseau, après quoi l'on grimpe directement par la prochaine côte rocheuse.Vers le haut l' escalade devient plus facile, et au bout de 150 m. environ on touche au bourrelet glaciaire susmentionné que l'on gravit en crampons sans difficulté. On pénètre ainsi dans la conque neigeuse supérieure du glacier du Schalliberg, que l'on traverse en descendant légèrement à gauche ( NO ) pour gagner le pied de la grande paroi sud du Weisshorn. La rimaye franchie, on continue à monter obliquement à gauche par des bandes d' éboulis et des rochers brisés pour rallier le Schalligrat à quelque 50 m. au-dessus du col. Il faut compter 4 h. de la cabane, dont deux heures peuvent être parcourues aisément dans l' obscurité. ( Cette première tentative fut interrompue tragiquement au début de l' arête par un accident qui coûta la vie à l' un des membres de la caravane. Deux ans plus tard l' auteur revenait à l' assaut du Schalligrat, cette fois avec plein succès. ) Le surlendemain de notre ascension du Weisshorn par le Schalligrat, nous quittons la cabane à 2 h. pour tenter la traversée si rarement effectuée: Hohlichtpass-Pointes de Moming-Rothorn de Zinal.

Le ciel est de nouveau partiellement couvert, et un dernier quartier de lune éclaire les nuages d' une lumière fantomatique lorsque nous nous mettons en route. Cette fois c' est pour descendre et traverser sous le glacier du Schalliberg en direction du Hohlicht. Vers 5 h. nous saluons les premières lueurs du jour, car voici 3 heures que nous trébuchons dans l' obscurité. Nous avons atteint le dernier recoin sous le Schallihorn, d' où un bras latéral du glacier de Hohlicht conduit par une pente très rapide au névé supérieur et vers le Hohlichtpass. En cas de mauvais temps, on pourrait abandonner la course ici et descendre tranquillement à Randa par la moraine. Toutefois, maintenant que le jour est là, le ciel semble bien moins menaçant qu' à la première aube, et nous décidons de gravir la raide pente de glace qui nous amène au plateau supérieur du Hohlicht. D' ici encore, si le temps se gâtait, il serait possible de battre en retraite à travers le bassin supérieur du Hohlicht et de gagner le Trift par l' Aeschijoch et le glacier du Rothorn. Mais le soleil, émergeant au-dessus des Mischabel, nous permet de constater que le plafond de nuages à l' est est mince. Le Weisshorn et le Schallihorn, il est vrai, sont enveloppés de brumes, de sorte qu' il ne nous est pas accordé le plaisir d' admirer d' ici notre Schalligrat. Par contre le Rothorn et les Pointes de Morning sont encore libres, et nous décidons de continuer. La perspective d' une longue pataugée dans la neige profonde jusqu' à l' Aeschijoch et au Trift pousse aussi à cette solution. Toutefois, comme le ciel très nuageux de l' aube contient des menaces d' orage pour l' après, nous renonçons au Schallihorn — toujours obstinément caché dans les nuées — qui figurait au programme de la journée, et nous nous tournons directement vers l' arête est de la Pointe N. de Morning.

La dite arête n' est pas mentionnée dans le guide: peut-être avons-nous fait là une « première»1; rien de remarquable à vrai dire, car une bonne heure de grimpée facile sur de gros blocs nous amène au sommet. Sans nous y arrêter, nous entamons la descente à gauche vers le Momingpass, qui étend jusqu' au pied de la Pointe S de Morning un long ourlet de corniches, avec un ensellement peu prononcé. A gauche, les corniches s' avancent sur le vide; à droite une pente de glace inhospitalière plonge et disparaît dans le brouillard grisâtre. Nous pensons à la première traversée de ce col par Whymper et Moore, en 1864, et nous revoyons la gravure des Escalades qui montre Michel Croz, debout sur l' extrême bord de la crête dans la pose du bûcheron de Hodler, en train d' ouvrir une brêche. Ce col n' a probablement pas été franchi souvent depuis, bien que Javelle le vante comme l' un des plus beaux cols glaciaires des Alpes.

Ces traversées de cols ne sont plus en vogue. Pour le grimpeur moderne, elles ne sont intéressantes que si elles peuvent se combiner avec l' ascension d' un sommet voisin. Le terme évoque même, plus ou moins, les relents d' un 1 L' arête E a été parcourue à la descente.Voir Les Alpes, 1945, VI, p. 138 « Varia ».

club de quilles ou de jass. Ostracisme injuste d' ailleurs, car ces traversées de cols, par les changements successifs de décor qu' elles amènent, par la recherche qu' elles exigent de la meilleure voie de descente, offrent, même sans sommet intercalé, un attrait extraordinaire, et celui qui a passé par la Fellenberglücke au glacier de Lauteraar, ou par le Schmadrijoch dans le Lœtschental, a le sentiment d' avoir réussi une expédition glaciaire et rocheuse de tout premier rang.

Revenons à notre Pointe de Morning. L' aspect de la Pointe Sud diffère totalement de celui de la Pointe Nord. Ici point de crête de blocs faciles; l' arête vertigineuse, faite de plaques lisses, monte d' un jet de 200 m. jusqu' au sommet ( 3968 m. ). En vérité, si cette cime n' était pas modestement cachée entre deux puissants voisins, si sa hauteur touchait le chiffre fatidique de 4000 m ., elle aurait tout pour être un pic célèbre.

Nous attaquons immédiatement l' arête, formée d' un bout à l' autre de beau rocher solide qui rappelle beaucoup celui du Schalligrat. Ici aussi il faut tenir de très près le fil de l' arête, car à gauche la muraille tombe presque verticale sur le glacier de Hohlicht, tandis que la paroi de droite, un peu moins raide, plonge d' autant plus lisse et plâtrée de neige pour aller se perdre dans la profonde grisaille du brouillard. A un seul endroit, près du sommet, l' échine se redresse à tel point que je ne pus résister à la tentation de dévier sur le flanc gauche, d' où je dus bientôt opérer une retraite difficile et in-glorieuse. Je n' eus pas plus de succès sur le versant ouest fortement enneigé, bien que le célèbre Daniel Maquignaz ait prétendu un jour que là où il y a de la neige on peut toujours passer. Cela montre bien la distance qui sépare la théorie de la pratique. Et voici qu' il commence à neiger et que la roche devient mouillée. Notre situation est sérieuse, il faut en sortir coûte que coûte. Finalement ce qui d' en bas nous avait d' abord paru impossible, soit l' esca directe par le fil de l' arête, s' avère étonnamment facile. Au-dessus l' inch faiblit, quelques pas encore et nous sommes au sommet. Il est exactement midi. La neige a cessé. D' un regard anxieux nous scrutons les mouvements de l' arête jusqu' à la selle suivante, où nous pensons voir cesser les difficultés.

Mais la descente promet d' être encore un dure morceau. Couronnée de corniches inquiétantes, coupée de rochers recouverts de neige épaisse, la crête descend par mouvements saccadés et disparaît dans un brouillard livide qui rend le tableau plus sinistre. Nos nerfs sont trop tendus pour songer à la halte de midi; nous voulons d' abord atteindre le col au-dessous. La neige des corniches se trouve heureusement être en très bonne condition; avec précaution nous y creusons à coups de pied un escalier jusqu' à la brèche.

Toutefois notre espoir d' être arrivés au terme des difficultés et de pouvoir nous installer commodément pour la halte souhaitée fut cruellement déçu, car cette brèche n' est de nouveau pas autre chose qu' une corniche étroite allant se souder quelques mètres plus loin à une bosse glaciaire qui s' estompe dans le brouillard. Adieu donc le repos désiré depuis longtemps, et en avant à l' assaut de la côte de neige. Nous finirons bien par arriver à un replat, nous le savons. Et en effet, après un long piaffement dans la neige, nous atterrissons enfin sur une sorte de balcon rocheux surplombant à l' est le glacier de Hohlicht, tandis qu' à notre droite, à demi noyé dans la brume, s' ouvre le plateau de névé qui va s' appuyer à l' ouest contre l' épaule de l' arête du Blanc du Rothorn. Cette fois nous pouvons nous asseoir et nous restaurer en toute tranquillité. Il est près de 2 h.

Sans autre surprise nous touchons en effet la crête du Blanc et pour la première fois de la journée rencontrons des traces humaines. Quelle étonnante vertu de réconfort ces pas acquièrent-ils dans la solitude de cette grisaille. On se sent tout à coup à l' abri, en sécurité, tant est tenace et profond l' instinct grégaire chez l' homme. Ici de nouveau nous pourrions interrompre la course et descendre au Mountet. Mais les brouillards sont devenus plus légers; ils s' ouvrent vers l' aval laissant entrevoir la cabane, ce qui nous engage à poursuivre notre projet initial. Sans doute l' arête du Rothorn présente encore certains passages réputés difficiles qui s' appellent le Rasoir, le Sphinx, la Bosse; mais comme cette montagne est très fréquentée, toutes les prises et les appuis sont marqués et polis, de sorte que la suite de l' escalade n' est guère qu' un jeu et n' exige plus aucune tension de l' esprit. C' est comme dans une course à ski, lorsqu' à la descente, après avoir longtemps labouré une neige lourde et profonde, on arrive pour finir sur une piste bien battue et que tout à coup on peut se laisser couler légèrement et rapidement vers la vallée. Nous avançons donc, de nouveau enveloppés de brouillard, vers le sommet du Rothorn que nous foulons à 4 h. Ici également une brève halte est la bienvenue.

Nous sommes sur l' un des plus célèbres points de vue des Alpes valaisannes; mais de tout cela nous ne voyons rien. Autour de nous c' est l' éternelle et monotone grisaille. Et voilà qu' il commence à neiger pour de bon, en sorte que nous devons quitter le sommet en toute hâte pour descendre vers le Trift. L' Epaule, les Plaques Biner, la Gabel, nous traversons tous ces passages presque sans nous en apercevoir; puis vient la descente, dans une bourrasque de plus en plus violente, d' un couloir interminable, auquel succède une crête neigeuse commode presque horizontale, après quoi c' est une suite de pentes de neige et de ressauts rocheux à n' en plus finir. Enfin, à travers la bourrasque, nous reconnaissons à nos pieds le glacier du Rothorn qui représente le salut. Quand nous l' aurons atteint c' en sera fini de tous les aléas et des difficultés, car un sentier facile conduit au Trift. Mais la visibilité est si mauvaise que nous ne réussissons pas à trouver un passage pour la descente. Les rochers sont déjà fortement enneigés; plus nous avançons plus ils deviennent abrupts.

Tout à coup la nuit est là, beaucoup plus tôt que nous nous y attendions, par suite du mauvais temps. Nous essayons d' abord de continuer la descente à la lanterne, mais nous nous rendons compte bientôt que c' est là une entreprise insensée. Nous sommes complètement fourvoyés: il ne nous reste plus qu' à attendre qu' on y voie clair de nouveau.

Adieu bon lit chaud à l' hôtel du Trift; adieu toi aussi, bon souper dont nous nous sommes tant réjouis tout le jour. Tout cela s' évanouit, et il faut nous occuper à chercher un lieu de bivouac quelque peu abrité. Remontant un peu, nous finissons par trouver un endroit convenable sous un banc de rocher. Quelques plaques de granit comme sièges, la corde comme coussin, la toile de tente par-dessus nos têtes, et nous voici tant bien que mal protégés contre la bourrasque de plus en plus violente. Je retrouve heureusement quelques allumettes sèches dans mes habits détrempés, et la bougie nous procure à la fois un peu de lumière et de chaleur... Ensuite commença la longue nuit d' attente.

Même la plus longue nuit finit par céder au jour. Nous attendons qu' il fasse tout à fait clair pour rejeter la toile qui nous encapuchonne. La neige a cessé heureusement, mais nos yeux se posent sur un paysage absolument hivernal. Aussi vite que possible nous renfilons les souliers mouillés et glacés, fourrons toutes les choses dans les sacs, et en route...

Vers 8 h. du matin l' hôtelière du Trift s' étonne de voir à cette heure matinale des touristes rentrant d' une longue course.

Jahresbericht 1944 der Sektion Basel Traduit et légèrement abrégé par L. S.

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