Gottlieb Studer, 1804-1890
Unterstütze den SAC Jetzt spenden

Gottlieb Studer, 1804-1890

Hinweis: Dieser Artikel ist nur in einer Sprache verfügbar. In der Vergangenheit wurden die Jahresbücher nicht übersetzt.

PAR OTTO STETTLER, BERNE

Le plus grand explorateur des Alpes et premier president de la section de Berne du CAS Avec 5 illustrations et reproductions ( 85-89 ) Le soir du 7 juin 1893, ä l' oree de la foret de Bremgarten, Bei der Eichen, en face de l' Enge, ä Berne, un groupe important de la section bernoise du CAS se rencontrait avec des representants des autorites, des corporations, des membres du Comite Central et un nombreux public, pour l' inauguration du monument Studer ( Studerstein ), puissant bloc de gneiss portant l' inscrip: Ä la memoire/de Vexplorateur des AlpesjGottlieb Studer/1804-1890jla section de Berne du CASjMDCCCLXXXXIII.

Le roc couronne de rhododendrons et d' edelweiss avait ete arrache ä la vieille moraine du glacier de l' Aar, lors de la construction de l' Inselspital et amene ici, c' est sur PEichplatz, avec l' aide de membres de la section par treuils et chevrons sur des chariots branlants, comme le de-clamait l' instituteur Spiess dans son prologue. Dans un discours inaugural d' une belle envolee, le president de la section, le Dr Heinrich Dübi, loua l' activite de Gottheb Studer, auteur de monographies vraiment classiques sur ses nombreuses expeditions en montagne. La jeunesse toujours ä l' assaut de nouveaute - la jeunesse d' aujourd aussi - aime ä se distancer de l' accompli, du passe. Cependant les fetes de notre centenaire peuvent devenir un dialogue entre notre generation et les hommes d' il y a cent ans, chez qui la flamme de Penthousiasme montagnard s' alluma en premier. Parmi les porteurs de bannieres et les pionniers de l' alpinisme, cet homme se distingua particulierement, lui qui consacra chacune de ses heures de liberte ä l' exploration des Alpes.

Origine Gottlieb Studer sortait d' une famille arrivee de Grafenried ( Berne ) ä Berne ä la fin du XVIe siecle, et dont les descendants furent surtout des commercants et artisans, plus tard des pharmaciens, theologiens et naturalistes. Ils n' appartenaient pas ä ces familles bourgeoises destinees ä la carriere des armes, mais occuperent neanmoins toutes sortes de situations officielles ainsi que des places importantes dans FEglise bernoise. Aux XVIIIe et XIXe siecles, il n' y eut pas moins de cinq professeurs de theologie, philologie ancienne et sciences naturelles, issus de cette famille. Parmi ces derniers, le fondateur de la geologie alpine, le professeur Bernhard Studer ( 1794-1887 ).

12 Les Alpes - 1962 - Die Alpen177 Au siècle des lumières, tous les représentants de la famille Studer, meme les théologiens, avaient l' amour de la nature et des sciences naturelles dans le sang; ils étaient membres et protecteurs de la Société des sciences et du musée d' histoire naturelle de Berne1.

Dans ses jeunes années, le père, Sigmund Gottlieb Studer ( 1761-1808 ) avait du, pour raisons de santé, interrompre ses études de médecine à Göttingen et se vouer au notariat. En 1794, il épousa la belle-soeur du père de Jeremias Gotthelf ( Sigmund Friedrich Bitzius ), la demoiselle Margaretha Kupfer de Berne, qui a laisse des notices très intéressantes sur la vie de son epoux2.

Les puissants bouleversements politiques des années révolutionnaires eloignerent les jeunes mariés de Berne. Au moment de la République Helvétique, Sigmund Studer travaillait comme secrétaire de district à Steffisburg; en 1803, il fut nommé secrétaire du Grand Baillage de Signau par le vénérable Grand Bailli et le louable tribunal pour son plus grand honneur, à la suite de quoi il s' installa à Langnau i. E.

En 1804, Mme Margaretha écrit dans son Journal: Le 5 aoüt j' eus un fils prénomme Gottlieb Samuel, et plus tard: Le 2 janvier Gottlieb a été vaccine contre la variole... il Va parfaitement supporte. Mais le vaccin antivariolique ne paraît pas avoir réussi aussi bien aux sept enfants, car trois fils et une fillette furent emportés dans la première enfance, preuve bouleversante de la mortalité infantile de cette epoque.

Le sort s' acharna sur la famille; en 1808, le père mourut à 47 ans d' une maladie appelee/zevre putride. Il fut enterré à Langnau avec un grand concours de population du Grand Baillage de Signau.

Ainsi Mme Margaretha restait seule avec ses trois enfants survivants, deux fillettes et le jeune Gottlieb. Elle partit pour Berne chez ses parents, et Gottlieb y fréquenta la Grüne Schule, de 1810 à 1818. Un séjour d' un an et demi à Neuchätel procura les connaissances nécessaires en langue et rédaction francaises au garconnet avide de savoir. Rentré à Berne, il suivit pendant trois ans encore les classes supérieures de la Grüne Schule; à cöte des branches principales - langue maternelle, mathématiques et latin - on y cultivait aussi la musique.

Carriere professionnelle Le choix d' une profession ne paraît pas avoir été un casse-tete pour la mère et le fils. Comme son père, il désirait se vouer au notariat. Peut-Stre les moyens nécessaires à des études scientifiques manquerent-ils à la mère veuve?

Pendant son apprentissage de trois ans et demi au secrétariat du baillage de Berne, Gottlieb suivit les cours de droit civil du professeur Schnell, travailla ensuite jusqu' en 1829 comme volontaire d' abord, puis comme substitut avec un salaire annuel de 250 livres3 aux secrétariats du baillage de Berne et de Langnau. A la fin de cette période, il subit ses examens de notaire et preta serment.

Apres la Restauration dans le canton de Berne, dans les années trente, intervinrent les batailles politiques pour les droits populaires, pour l' égalité de la ville et de la campagne, pour la liberté religieuse et la liberté de la presse, ainsi que la lutte pour une plus grande unité dans la Confédération. On trouve peu de chose sur ces luttes dans ses écrits: Gottlieb Studer était bon patriote 1 Voir l' article très bien informe publié sur la famille Studer par Hans Häberli dans la Berner Zeitschrift für Geschichte und Heimatkunde, 1959.

2 Kurze Lebensgeschichte meines Mannes ( Courte biographie de mon mari ). Bibl. du CAS, B. 6077.

a 1 livre ( L = vieux franc bernois de 10 batzen ) équivalait alors à un pouvoir d' achat de 8 francs actuels.

mais pas politicien. Dans sa profession, il passait pour eloquent et bien informe en toutes choses, de sorte que les gouvernements, bien que changeant souvent de couleur politique, surent toujours apprécier ses qualités. En 1831 le Conseil d' Etat le choisit comme secrétaire du Département de justice et police, avec un salaire de 1500 livres. II pouvait donc compter sur une existence assurée et songer au mariage.

Apres l' introduction de la nouvelle Constitution fédérale, le Conseil d' Etat du canton de Berne se rappela sa competence et, en automne 1850, le nomma préfet du district de Berne. Il remplit cette fonction importante et pleine de responsabilités jusqu' en 1866. Après sa retraite, il put, en parfaite santé physique et intellectuelle, se vouer enfin à son reve de jeunesse, l' exploration des Alpes. Jusqu' alors, seuls les jours fériés et les vacances officielles du mois d' aoüt étaient à sa disposition et souvent il ne pouvait s' arracher à son travail professionnel. Libre! Libre comme un oiseau dans fair, libre du poids de la lourde charge, de tout souci de responsabilité! s' ecrie heureux quand, équipe enfin pour une longue expedition en montagne, il prend la diligence pour Thoune, le 11 aoüt 1851x.

Qu' un homme aussi précieux et en possession de connaissances et de facultés variées, unies à une volonté de travail désintéressée, ait été mis à contribution dans la vie publique, dans des institutions philanthropiques ou bienfaisantes surtout, comme intendant, trésorier, secrétaire, etc., ne doit point surprendre. Studer devait bientöt s' en apercevoir. Malgré le poids du travail que lui imposait sa profession, sa complaisance innée ne lui permettait jamais de dire non, meme lorsque la nouvelle charge ne comportait qu' une besogne non retribuee. Au cours des ans, quelque vingt organisations, associations et sociétés religieuses, bourgeoises ou professionnelles eurent recours à ses services; en outre le Conseil communal l' élut membre du Grand Conseil après sa retraite en 1866.

Officier bernois En parcourant les écrits de Gottlieb Studer, on s' apercoit qu' il n' avait pas un esprit militaire; cependant il ne se deroba pas à son devoir de soldat. Le IIe bataillon d' élite bernois fut l' unité dans laquelle il accomplit sa carrière militaire. Tout de suite après l' école de cadets dans la garnison de Berne, il fut breveté sous-lieutenant au printemps. Premier-lieutenant en 1830 et capitaine en 1832, il prit alors le commandement de la IV' compagnie centrale du bataillon susnommé. Comme officier, il fit avec les troupes bernoises, plusieurs campagnes en vue d' apaiser des agitations dans diverses regions ou de les réprimer par la force. En 1831, il partit avec sa compagnie pour Neuchätel où les republicains voulaient secouer le joug prussien; en 1833 il gagna la Suisse centrale, où des colères partisanes et passionnées menacaient de diviser le pays de Schwyz. Il prit part encore à une intervention armée dans le Jura en 1836.

Sa relation de la campagne dans la Suisse centrale esquisse une image romantique des mesures militaires de ce temps '. En juillet 1833, il avait gravi par un temps magnifique le Stockhorn et le Gantrisch et faisait d' autres projets de voyage.

Alors éclata soudain l' appel aux guerriers patriotes: roulements de tambour et cliquetis d' armes retentissaient dans toutes les provinces, les bannieres fédérales flottaient de l' aube au crépuscule... et les troupes rassemblées furent envoyées pour ramener tranquillité, paix et unite dans les cantons divisés. L' appel m' atteignit moi aussi, et je me vis brusquement projeté du foyer paisible de mon 1 Manuscrit 8, p. 151.

2 Manuscrit 4, p. 119.

cercle familial dans le brouhaha de la vie de soldat. Mais abstraction faite des motifs politiques attristants... cette petite campagne me valut mainte heure joyeuse et j' en ai rapporte beaucoup de souvenirs agréables... Après plusieurs jours de marche fatigante... arrivée à Lucerne où notre bataillon et deux compagnies de carabiniers furent embarqués dans 16 à 17 grandes barques et petits canots. Le tumulte des soldats, le cliquetis des chaines de bateaux... les ordres bruyants du commandant se melaient au fracas des flots... L' ensemble offrait une curieuse scene nocturne, merveilleusement éclairée par la lueur rougeätre des grandes lanternes accrochées au haut de chaque bateau. Il était minuit quand nous quittämes la terre, et bientöt nous eümes gagne le large... Inlassablement, le leger bateau amiral croisait de-ci, delà, dans toutes les directions. Vordre du jour fut lu à la troupe, les fusils et canons fortement charges dans tous les bateaux. Un silence plein d' attente régnait et chacun se sentait pret à l' action, si besoin était. L' accostage se fit sans encombre et, au moment où nous touchions la rive en face de Brunnen, arrivèrent de divers cötes les bataillons de Confederes dans le canton de Schwyz... La première nuit sur les grands päturages près d' Ingenbohl fut délicieuse... mais non la seconde. La pluie tombait à verse. On se pressait en troupe autour des feux afin de ne pas etre glace par le froid et l' humidité. Cantonne sur le sol nu, on attendait dans un noir silence l' apparition dujour.

L' apaisement sans effusion de sang fut suivi du retour du détachement sur Berne par Sursee, Huttwil et Burgdorf.

A la fin de sa carrière d' officier, en 1838, le Conseil d' Etat nomma Studer auditeur près la justice militaire avec le grade de major. Il conserva cette charge jusqu' en 1850, date à laquelle, pour raison d' age, il fut verse dans la reserve.

L' explorateur des Alpes II est nécessaire de connaître l' activité professionnelle, militaire et sociale de Gottlieb Studer et, par-dessus tout, son sens très élevé du devoir dans ces domaines, pour rendre vraiment justice au travail de toute sa vie dans l' exploration des Alpes. La decouverte topographique des Alpes fut le véritable but de son existence, but auquel il consacra non seulement ses jours de liberté, mais souvent aussi ses nuits. Il est impossible de resumer en quelques pages les campagnes alpines de Studer. Dans son Verzeichnis der von mir erstiegenen Berghöhen über 1300 m ( Liste de mes ascensions dépassant 1300 m ), il énumère 643 cimes et cols, atteints pendant les 63 ans de son activité montagnarde. Un nombre appreciable de ceux-ci furent gravis plusieurs fois, le Stockhorn 17 fois, le Gurnigel 24 foisl.

Les voyages des années vingt qui le menèrent surtout dans les Préalpes ne firent qu' augmenter son enthousiasme. Peu à peu il se risque au cceur des Alpes Bernoises, traverse le Grimsel, visite les vallées du Valais, fait un long voyage dans le Piémont et les Alpes de Savoie, explore la region du Trift et du Gauli, pénètre dans celle du Finsteraar jusqu' à la Strahlegg, mais n' entreprend qu' en 1842 l' ascension d' un quatre mille. Le 14 aoüt il atteint avec son ami Fr.Bürki et les guides Johann von Weissenfluh, Melchior Bannholzer et les frères Kaspar et Andreas Abplanalp le sommet de la Jungfrau.

Dans les années cinquante et soixante, le cercle s' élargit toujours plus; il traverse le Petersgrat, le col d' Hérens, l' Adlerpass, monte à la crete du Mont Rose, au Monte Leone, au Grand Combin, au Glärnisch et au Tödi, au Dammastock, au Studerhorn, au Finsteraarhorn. Il se risque aussi à l' étranger, gravit la Zugspitze et le Grossglockner, le Snowdon dans le pays de Galles, le Vesuve 1 Manuscrit, bibliothèque de la section, n° 6. 180 et plusieurs sommets dans les Pyrenees et en Norvège. Comme couronnement de sa carrière alpine, il monte au Mont Blanc à 68 ans. Quelle richesse dans cette vie d' alpiniste, quelle force et quelle volonté! Et quel monde plein d' événements s' étend entre sa première course au Creux du Vent en 1819, et sa dernière au Niederhorn près du Beatenberg en 1885!

Les expeditions alpines de Gottlieb Studer ont recu deux consecrations jusqu' ici: celle du Dr H. Dübi dans la preface de la deuxième edition de Über Eis und Schnee ( Par les glaciers et les névés ) en 1896, et celle du Dr Ernst Jenny, comme Supplement à sa liste Über Gletscher und Gipfel ( Par les glaciers et les sommets ) parue en 1931.

A la bibliothèque de la section de Berne figure, pieusement soigné et conserve par notre bibliothécaire, tout l' héritage littéraire et topographique de Gottlieb Studer. Chaque alpiniste qui parcourt, meme superficiellement, cette collection est profondément impressionné par l' étendue, la netteté, le sérieux de ce travail d' une vie. L' ceuvre comprend:

- 18 volumes manuscrits comprenant 128 descriptions d' expéditions de montagne en Suisse et à l' étranger, écrites en beaux caractères gothiques sur 4000 pages environ9 portefeuilles contenant plus de 900 panoramas et esquisses de montagne20 carnets d' esquisses de format 10/16 cm avec 1185 esquisses au crayon et la gouache, allant des années 1821 ä 1881.

Le Dr Jenny écrit au sujet de cet heritage: L' wuvre si soigneusement accomplie est unique et devrait etre entièrement éditée une fois, comme le document le plus riche de l' age des pionniers de l' alpi, y compris les panoramas et nombreuses esquisses1. Evidemment, une teile entreprise ne serait plus guère possible de nos jours, ne serait-ce qu' à cause de son prix. Mais l' ensemble serait digne d' un travail important, afin de rendre les documents les plus significatifs plus facilement accessibles aux alpinistes, topographes et historiens, la plupart des editions étant épuisées. Avant d' aborder de plus près l' écrivain et le dessinateur qu' était Studer, nous aimerions rappeler brièvement quelles étaient, dans la première moitié du XIXe siècle, les conditions de voyage.

Difficultes de voyage Non seulement l' alpinisme passait aux yeux de beaucoup comme un jeu avec la mort, mais c' était déjà chose compliquée de pénétrer dans le domaine intime des Alpes. La voie ferrée Berne- Thoune ne fut ouverte qu' en 1859, si bien que le montagnard était oblige, jusqu' à cette date, d' em la coüteuse diligence ou de faire la route à pied. Dans ses plus jeunes années - que ce soit par la vallée de la Gürbe ou par celle de l' Aar - Studer suivit cette route à pied une vingtaine de fois, et comptait 5 heures pour la couvrir. Au retour il utilisait souvent la voie fluviale. Et sur les flots sauvages de l' Aar, nous nous rapprochons de chez nous, écrit-il en 1821 en conclusion de sa Reise ins schweizerische Hochland ( Voyage dans le haut pays de Suisse)2. Il faisait généralement le trajet de Thoune à Spiez, puis à Brienz par bateau à rames, plus tard par bateau à vapeur. Le premier bateau à vapeur fut mis en service en 1815 sur le lac de Thoune, en 1840 sur le lac de Brienz. Pendant la vie de Studer, aucun chemin de fer ne conduisit à Grindelwald ou Lauterbrunnen, pas plus que dans le Simmental.

En 1831, rentrant d' une longue expédition dans la région du Gothard avec le professeur Hugi, il prit congé de ses amis à Lucerne et entama la route sur Berne à pied. Sans doute l' argent nécessaire à une voiture lui manquait-il, car plusieurs pièces d' or lui avaient et£ volées à Altdorf, pro- 1 Über Gletscher und Gipfel, p. 142.

2 Manuscrit Reise ins schweizerische Hochland, 1821.

bablement par ses porteurs1 A Entlebuch pourtant, il loua un Rytwägeli; mais vers Schöpf heim le cheval s' emballa et descendit au triple galop le Stalden long et raide. Soudain la bete vira de cöte dans un rapide chemin de traverse, ce qui fit verser la voiture et posa les occupants doucement sur le bord du pré. Heur et malheur! Ainsi Studer chemina de nouveau par Kröschenbrunnen-Langnau-Zäziwil jusqu' ä Berne.

Apres chaque voyage, Studer tient consciencieusement compte dans son Journal des heures couvertes à pied. Comparant quelques exemples avec les temps actuels, nous trouvons pour l' année 1846:

18461962 Berne-Thoune5 h.22 min.Berne-Saanen Berne-Meiringen16 h.2 h.Berae-Zurich Berne-Kandersteg13 h.79 min.Berne-Geneve 1846 1962 17 h.

21/4 h.

131/4 h.

11/2 h.

15 h.

13/ h.

Pour Zürich et Geneve, ce sont les temps de la diligence qu' il faut entendre sur ce tableau, pour les autres endroits les temps de marche ä pied. D' apres ses notes, une expedition ä l' Ärmis, entierement ä pied de Berne, exigeait 281/2 h. par exemple.

En 1849, Berne reprit les Services postaux. Auparavant chaque poste cantonale collectait ses propres taxes et tarifs, auxquels il fallait ajouter encore les douanes, les routes et les ponts ä peage. La loi postale de 1849 apporta une unification: selon la place, l' heure etait comptee 65-80 Centimes; pour les postes alpestres, 100-115 Centimes2.

Complication beaucoup plus grande encore que les difficultes de voyage: Yabsence de gites en montagne. Les cabanes du club n' existaient pas et les auberges tout au plus sur les cols frequentes. Dans son extreme modestie, Studer se disait toujours content pourvu qu' il eüt un toit sur sa tSte, que ce soit sur le dur grabat d' un chalet de vacher, dans la grange ä foin d' un päturage valaisan, dans une etable ou meme sur le sol nu pres de l' ätre d' un berger. Souvent, il bivouaquait pendant quelques heures de nuit avec ses guides sous un rocher ou une tente improvisee.

II faut ajouter enfin Yequipement rudimentaire. Des souliers ä clous et un long bäton ferre consti-tuerent tout l' equipement alpin de Studer au long des ans. Ses guides n' employaient une corde que sur des glaciers dangereux ou des neves raides. Studer evita evidemment les cimes reputees dangereuses comme le Cervin, le Schreckhorn, le Rothorn de Zinal. Cependant, malgre son equipement primitif, il gravit un grand nombre de sommets respectables ainsi que nous l' avons vu plus haut. Que tout au long de ses 60 ans de randonnees alpines il n' ait ete victime que d' un seul accident - en 1867, ä la descente du Campo Tencia, il se cassa un bras ä la suite d' une glissade - porte temoignage de la prudence et de la valeur de l' homme.

On est frappe de voir, dans ses recits d' ascension, combien il developpe sa propre technique au cours des ans. En 1831, il decrit clairement la traversee d' une rimaye au glacier du Gauli. II decrit plus completement encore, en 1843, la glissade faite debout sur le neve du flanc de 1' Alteis gräce ä son bäton. Penche-t-on le haut du corps trop en avant, ce qui arrive generalement aux personnes anxieuses, cetteposition freine la rapidite de l' allure. Penche-t-on le corps trop en arriere, on s' expose ä glisser, ce quipeut avoir des suites dangereuses. II met fortement en garde contre cette technique, lä oü l' aboutissement du neve est invisible, lä oü le neve est interrompu par des barres rocheuses ou sillonne de crevasses3.

1 II indique par son nom un porteur de mauvaise reputation, manuscrit 4, p. 93, puis manuscrit 4, p.96 et 97.

2 Geschichte der Schweizer Post ( Histoire des postes suisses ), p. 321.

3 Manuscrit 7, p. 137 et suivantes.

Bien que les ascensions de Gottlieb Studer eussent surtout des buts topographiques, il appréciait l' importance d' une technique süre et bien adaptée. Il apprit certaines choses de ses guides sur ce point, car il n' entreprit aucune ascension sérieuse sans guide. L' alpinisme sans guide n' était pas encore ne. Mais au début du XIXe siècle, c' était chose difficile de trouver des hommes capables pour de grandes ascensions, des hommes familiarisés avec la contrée et les dangers, et qui alliaient décision et résistance à prudence et force. Souvent il fallait se contenter de chasseurs de chamois ou de chercheurs de cristaux, dont les connaissances se limitaient ordinairement à un cercle restreint. Quand il avait reconnu les bonnes qualités d' un guide, il s' attachait à lui en toute amitié. Cette préférence alla surtout aux Oberhasler Johann von Weissenfluh, Melchior Bannholzer et aux frères Abplanalp, ainsi qu' à Maurice et Benjamin Felley du val de Bagnes, qui l' accompagnèrent dans mainte campagne alpine.

Actuellement, en possession de notre remarquable nouvelle carte, nous avons peine à nous représenter combien il était difficile de s' orienter en montagne, parmi les innombrables sommets et vallées. Les descriptions et cartes fantaisistes de l' ouvrage en trois tomes de Gottlieb Sigmund Gruber, Die Eisgebirge des Schweizerlandes ( Les montagnes glaciaires de la Suisse ), paru en 1760 et dans lequel se trouvent bien des choses justes à cöte de beaucoup de betises, constituèrent pendant longtemps la base des connaissances topographiques des Alpes. Quand Studer entreprit ses voyages, cet ouvrage était déjà dépasse. Il avait cependant à disposition les écrits des messieurs Meyer d' Aarau, Wyss, Rohrdorf, Hugi et Desor, qui s' appuyaient tous sur les observations faites par l' ingénieur J. J. Weiss vers 1800. Ces observations étaient employées dans le relief et l' atlas de Meyer qui, malgré une représentation suggestive des sommets et glaciers, contenaient encore mainte erreur topographique.

Pis encore étaient les connaissances topographiques des Alpes valaisannes. Un coup d' ail genial pour le lieu et l' orientation remplaca souvent chez Studer l' absence de cartes adequates, écrit le Dr Dübi qui l' a connu personnellement1. Aux difficultés du voyage s' ajoutait aussi le désordre monetaire. Jusqu' à l' unification en 1850, chaque canton battait sa propre monnaie. Le nouveau franc débarrassa les voyageurs de ce très grave inconvénient. Le change était: 7 francs anciens ( livres ) contre 10 nouveaux francs. Ainsi le vieux batz bernois entra dans le passé avec la livre, le ducat, la couronne, le talent et le doublon.

Beaucoup de choses seraient encore à conter sur ce que devaient supporter les alpinistes contemporains de Studer. Pensons aux courses en automobile actuelles dans les vallées de montagne comparées à celles des anciennes diligences, aux chemins de fer, funiculaires, téléphone, service météorologique! Les exigences posées aux pionniers de l' alpinisme en endurance physique, en temps et en argent se révèlent bien supérieures à celles que Von demande à l' alpiniste actuel. Studer resta jusqu' à un age avance un montagnard d' une résistance et d' une ténacité extraordinaires. Lorsque, avec son ami le professeur Melchior Ulrich, le grand explorateur des Alpes zurichois, l' étudiant en médecine G. Lauterburg et l' excellent guide glaronnais Madutz, il revint - de nouveau par la Gemmi - d' une tournée de 18 jours, partant de la Gemmi sur Saas—Zermatt—le Mont Rose—Evolène—Arolla—Bagnes, il écrivit: Indifferents à l' affreuse bourrasque, au brouillard sinistre sur les hauteurs et à la neige fraîchement tombée, nous passämes quand mime la Gemmi. Ce n' est vraiment pas une partie de plaisir! De la Daube jusqu' en dessous de la Winteregg, nous devons barboter jusqu au-dessus des chevilles dans une masse de neige fraîche a demi-fondue et dans un brouil- 1 Über Eis und Schnee, 2e edition, p. 4.

lard intense. La region de la Spitalmatte ressemble absolument à un paysage d' hiver. C' est avec joie que nous arrivons à Kandersteg et le jour suivant ä Berne...1 Le dessinateur de panoramas et de cartes Les dessins contenus dans ses 20 carnets d' esquisses forment la base des quelque 900 panoramas de Gottlieb Studer. Les points de vue vont des environs de Berne à travers les Préalpes jusqu' aux plus hauts sommets, de la region du Mont Blanc jusqu' aux Alpes Orientales, des Pyrenees qu' en Norvège en passant par l' Angleterre. Pour le format il choisit, pour une hauteur de 12 à 20 cm, des longueurs allant jusqu' à 4 m ( du sommet du Monte Generoso en 1869 ). Pour mettre ses dessins au net, il devait sans doute travailler la nuit, avec une mauvaise lumière artificielle, en dehors de ses jours de liberte.

Gräce à des hachures et des degrades faits avec de la gouache diluée, Studer savait représenter les rochers et les pentes de neige d' une facon extraordinairement claire et apporter le relief nécessaire à son dessin. Il était certainement plus technicien qu' artiste; chez lui l' artiste se manifeste davantage dans son oeuvre littéraire. C' est à l' exactitude topographique et ä l' authenticité des noms de montagne qu' il attachait le plus d' importance.

II indique rarement quand et où il a dessine; cependant ses 20 carnets d' esquisses contenant plus de mille dessins montrent que partout, sur les sommets, les aretes, les cols, à la montée comme à la descente, il avait toujours le carnet à la main. L' état du papier révèle qu' il dessinait aussi sous la pluie ou la neige. Une faculté d' observation aigue, le sens des proportions et le don de fixer en quelques traits les formes caractéristiques d' une montagne lui faisaient oublier faim, froid, fatigue, tandis que ses camarades et ses guides, après l' arrivée au sommet, se delectaient des provisions apportées et admiraient la vue.

Que de fois j' ai souhaite, quand j' avais gravi un sommet élevé, pouvoir y rester des heures, afin de m' adonner aux impressions puissantes et ä l' étude du panorama, et d' en dessiner au crayon les formes - alors qu' il me fallait renoncer à cette jouissance, le long retour jusqu' à un abri possible ne permettant pas de répit, écrit-il au Dr Th. Simler2. Afin d' identifier avec exactitude les chaines de montagnes difficilement discernables à grande distance, emboîtées qu' elles étaient les unes aux autres comme des coulisses, il employait généralement son « Frauenhofer », c' est ses jumelles Frauenhofer.

II dut sa science du dessin complètement à lui-meme, n' ayant jamais eu l' occasion de frequenter une école d' art ou de se former comme dessinateur ou cartographe. Son grand talent - cultive par un travail persévérant et une application jamais lasse - était héréditaire sans aucun doute. Son père, Sigmund Gottlieb Studer, montagnard passionné, était remarquablement doué pour le dessin. Il entreprit plus de cent campagnes, grandes et petites, dans la chaîne du Stockhorn et dans la region méridionale du lac de Brienz. Il collectionnait d' anciens airs populaires, des rondes cham-pgtres, des légendes, décrivit de vieilles coutumes et habitudes populaires. Mais avant tout il laissa à son fils un grand nombre de dessins de sommets isolés et de panoramas de chaînes entières qui se distinguaient par une grande exactitude aussi bien dans les formes que dans la nomenclature.

Des années 1826-1829 que le fils passa comme substitut à Langnau, il existe plus de 20 esquisses topographiques de la region du Napf, qu' il employa dans une Karte von Trub. Cette carte exe- 1 Manuscrit 8, p. 123/124.

* Dr H. Dübi, Die ersten fünfzig Jahre der Sektion Bern SAC, p. 10 ( Les cinquante premières années de la section de Berne du CAS ).

cutee par un profane dépassait en precision et clarté toutes les cartes existant jusqu' alors sur les combes et les vallons perdus de l' Emmental, si bien que l' honorable corporation des bouchers décida d' offrir une médaille d' argent au jeune auteur.

Tandis que ses campagnes croissaient en altitude et en étendue, ses panoramas et ses travaux cartographiques gagnaient aussi en nombre et en qualité. Dans les années vingt et trente, il porta ses pas dans les Alpes bernoises, plus tard dans la Suisse centrale, les Grisons et le Valais. Comme résultat de ses investigations dans les vallées valaisannes méridionales, il donna en 1849 une carte sur une partie de ces vallées d' abord, puis en 1853 la Karte der südlichen Walliser Täler ( Carte des vallées valaisannes méridionales ) dessinée librement d' après des esquisses topographiques, et a l' aide des levés fédéraux et de la triangulation de Berchtold. Etablie à l' échelle 1:100 000, elle embrassait la region située entre le Grand-St-Bernard et le Monte Leone. C' était pour l' époque une a?uvre insurpassable, disait le Dr Dübi à l' assemblée de la section le 7 janvier 1891. Là-dessus, le Conseil d' Etat nomma Gottlieb Studer à la commission des cartes et celle-ci le chargea de l' orthographe exacte des noms de lieux.

Nous qui, aujourd'hui, à cöte de la nouvelle carte, disposons d' une littérature alpine très complète, sommes tentes de considérer comme exagérée la difficulté d' une description precise de quelques sommets et chaînes de montagnes. Mais nous devons nous rendre compte que, pendant une grande partie du XIXe siècle, il existait peu de littérature exacte, sans meme parler des dessins très outres et pleins de fantaisie. Les panoramas de Studer furent donc très recherches à l' époque et figurerent meme à l' Exposition nationale de Zurich en 1883.

Ce serait peine inutile de vouloir simplement nommer et honorer meme les plus importants de ses 900 panoramas et son millier d' esquisses. Le catalogue de la bibliothèque de Berne donne les references quant aux points de vue, à la date et au mode technique.

L' ecrivain C' est dans son oeuvre littéraire que Ton apprend à connaitre vraiment Gottlieb Studer. Après chaque excursion, il couche ses experiences sur le papier, décrit surtout sommets et vallées, animaux et habitants, sait parler de l' état du temps, d' une montée difficile en paroles frappantes. Ses souvenirs remontent jusqu' à l' année 1819 lorsque, garcon de 15 ans, il monta au Creux du Vent. Son premier voyage dans le Haut pays de Suisse fut entrepris en 1821. Il le conduit par Thoune-Meiringen-le Susten-Urseren-la Furka-le Grimsel-Unterseen et le ramene ä Berne. 680 hexa-metres, parfois un peu boiteux, remplissant tout un cahier, lui servent ä consigner ses aventures et celles de ses camarades1:

« Partageant, en amis, les dangers menaijants et les fatigues du voyage, Nous cheminons silencieux, insouciants de la longueur de la route, Le regard fascine, tourne vers les pyramides de glace. Mais voici qu' un rayon de soleil s' etend sur l' obscurite des lointains. De breves conversations se nouent et abregent les heures... » Pour la premiere fois, lors de cette expedition, il aborde un veritable glacier, le petit Steingletscher au Susten.

« L' etendue de la mer de glace resplendit, eblouissante devant nos yeux, Des crevasses beantes r6velent ä l' oeil les sombres abimes; Sous les pieds resonne le mugissement du torrent cach6, Et le soleil d' or illumine l' etendue de la plaine. » 1 Manuscrit Reise ins schweizerische Hochland, 1821 ( Voyage dans le Haut pays de Suisse ).

Jusqu' en 1822, l' étudiant de la Grüne Schule - et plus tard l' apprenti - redige ses souvenirs de voyage en vers, les divisant en chants. L' influence de Haller est manifeste. Il doit plus encore à Byron. Deux fois il cite ses vers qui correspondent entièrement à ses goüts et son état d' esprit:

« Qui a inscrit dans son coeur l' azur des hauteurs Aimera tous les sommets azures, Dans chaque roc il saluera le visage d' un ami, Et, en esprit, etreindra chaque sommet dans son sein. » Dans la mesure où l' adolescent se transforme en homme, son style change aussi. Les productions littéraires souvent un peu sentimentales de la vingtaine se muent en descriptions de voyages magnifiquement poétiques, sur la maîtrise desquelles le Dr Dübi - certainement le meilleur connaisseur de la littérature alpine du XIXe siècle - se prononce à diverses reprises. Lors du récit d' une excursion dans le district de Schwarzenbourg, Studer s' exprime ainsi, à la vue de la ruine de Grasburg1:

« Enfin nous aper?ümes les ruines fières de la forteresse qui s' érige, audacieuse et provocante, sur des rochers inébranlables et surgit de la sombre épaisseur des sapins... Les tours et les murailles altières s' élèvent, puissantes encore, sur des piliers rocheux verticaux, dont le pied baigne dans les ondes ruisselantes du fleuve. » II reussit admirablement aussi à conter tout le romantique d' une randonnée nocturne à travers la vallée de la Suld; tout à coup, il se trouve avec ses amis devant la cascade du Suldbach2:

« La vue subite de cette tremblante colonne d' écume argentee, magiquement éclairée par la lune, émergeant, étincelante, du fourre de sapins de la gorge obscure, surprit les voyageurs. Tout près de la cascade, le chemin se mit soudain à serpenter en pente raide. La lune avait disparu derrière les silhouettes étroitement englouties des montagnes toutes proches. Des sapins couronnaient les flancs de la vallée. Une obscurité profonde régnait. Seul le grondement du torrent interrompait l' angoissant silence jusqu' au moment où il se perdait peu à peu dans les abîmes. Déjà le matin commencait ä poindre... » Quand il s' agit de descriptions exactes de montagnes, de lieux, de chemins, le style de Studer est un modèle de clarté et de précision. C' est ainsi qu' il sait meler réalisme et poesie.

Exterieurement aussi, ses manuscrits révèlent le développement de l' homme mür. L' écriture scolaire penchée du début fait place peu à peu à une écriture droite, caractéristique et nette.

Le sens de l' humour ne lui fait pas défaut non plus, particulièrement quand il décrit les mceurs et les habitudes des simples habitants des montagnes. Lorsqu' en aoüt 1855, à Lourtier dans le val de Bagnes, il préparait son ascension au Grand Combin avec ses compagnons, le conseiller national Bucher, J. J. Weilenmann et les guides Benjamin et Maurice Felley, ce dernier alla chercher un énorme gigot de mouton, sale et séché depuis deux ans, enrobe dans une couche de graisse épaisse, et qui répandait un parfum tel qu' il eüt pu servir d' indicateur aux organes olfactifs en pleine nuit. Il jeta ce noir objet dans la marmite où la soupe bouillait sur l' ätre.

« En attendant le temps se passait à bavarder, et lorsque la maîtresse de maison nous offrit de ce bouillon frais, nous acceptämes volontiers et nos estomacs se rejouirent à l' idée de ce mets. Mais quelle deception! Chacun de nous recut une assiette d' étain, pleine d' un brouet jaune foncé qui exhalait une forte odeur de graisse, et à la surface duquel surgirent une masse de petites choses brunes qui se mirent à flotter. C' étaient sans doute des larves d' insectes ou des vers... On peut imaginer combien les muscles de notre visage s' allongerent en grimaces charmantes, quand nous dümes goüter à ce plat. A peine täte, Tun après l' autre repoussa silencieusement son assiette et ne se laissa pas séduire par l' air interrogateur de l' hötesse. Pendant notre court séjour, nous n' étions pas devenus de véritables „ Lourtiens ", capables d' éprouver du bien-etre à pareil festin 3. » 1 Manuscrit 1, p. 29 2 Kommentar zum « Panorama von Bern », 1850, p. 115. ( Commentaire du Panorama de Berne. ) 3 Berg- und Gletscherfahrten in den Hochalpen der Schweiz ( Courses dans les montagnes et les glaciers des hautes Alpes de la Suisse ), Zurich 1859, p. 124 et suiv.

Studer et la voüte Celeste Studer n' était pas un höte assidu des églises, bien qu' il eüt occupe pendant assez longtemps la fonction de president de la paroisse du St-Esprit. Il cherchait Dieu dans la nature et se retirait volontiers dans la solitude. Combien de fois, après la tombée de la nuit, ne cherche-t-il pas, au long d' une petite promenade, un coin tranquille où il peut, sans etre derange, contempler et admirer les merveilles du firmament. Dans tous ses voyages, il se remet à la garde du Très-Haut et conclut le plus souvent ses relations en remerciant le Tout-Puissant de l' avoir preserve de tout malheur. Bien que profane en la matière, il maitrise les découvertes de l' astronomie extraordinairement bien, connaît toutes les planetes, leur éloignement et leur grandeur, et observe la relativité de leurs mouvements. Dans son long essai Ideen über die Bewohnbarkeit der Planeten ( Opinions sur l' habitabilite des planetes ) il cherche à prouver que la terre n' est pas seule à pouvoir susciter la presence d' etres vivants:

« Notre système solaire... constitue un système isolé en soi dans l' espace infini du firmament. La terre est un des membres les moins importants de cette famille céleste. Les autres planetes lui sont analogues, quant à sa forme ronde. Comme elle, elles se meuvent dans une orbite, ont leurs saisons, l' inclinaison de leur axe, leur masse solide et leur atmosphere... Devrait-il exister dans cette évidente harmonie une difference si sensible par rapport à son organisation intérieure? Ne faut-il pas penser, et n' est pas vraisemblable, que cette harmonie extérieure, régie par des lois, ait porte aussi son caractère dans les bornes plus étroites de la comparaison? Il serait probablement peu conforme à l' ordre sage et magnifique apporté par le Créateur dans la nature de faire place à l' idée que ces beaux corps Celestes de Venus, de Mars, de Jupiter ne pussent porter des creatures vivantes et animees!

Toutes les apparences constatées permettent de pouvoir conclure avec de fortes présomptions que, meme s' ils ne sont pas parfaitement organises comme nous et semblables à nous en tout point, des etres habitent ces corps célestes appartenant avec notre terre à une famille d' étoiles fixes, où le type d' humanité se trouverait exprimé dans des creatures vivantes et animées, tenant leur place sur ces mondes qui nous sont si prochement apparentes1. » A la fin de cet essai, on trouve - écrit d' une main étrangère - un long jugement sur le cours des pensées de Studer, auquel nous empruntons ce qui suit:

« Je suis en general parfaitement d' accord avec les opinions exprimées par l' auteur, non seulement sur les possibilités d' habitabilite des corps Celestes, mais aussi sur leur occupation par des titres vivants. Evidemment il n' est peut-etre pas possible d' espérer obtenir jamais une preuve tangible. » Le manuscrit ne permet pas d' établir qui est le critique; mais celui-ci semble familiarise avec les idées des astronomes et physiciens de cette époque, car il énumère une série de differences essentielles entre les planetes ( densité, pesanteur ). En tous cas, les réflexions aussi bien de l' auteur que du critique prouvent que le siècle des lumières ne posait pas de frontières étroites à l' envol de la pensée des hommes ( 1837 ). Jules Verne était alors un enfant de 9 ans.

Les publications Studer a publié lui-meme une partie de ses travaux dans des journaux et des périodiques mensuels et annuels du pays et de l' étranger. Plusieurs articles se trouvent dans les « Jahrbücher » du CAS ( des 1864 ).

L' ouvrage Topographische Mitteilungen aus dem Alpengebirge ( Communications topographiques sur les montagnes des Alpes ) parut en volume en 1843, preface par son cousin, le professeur de géologie Bernhard Studer. La publication était accompagnée d' un atlas de profils de montagnes et portait le sous-titre: Die Eiswüsten und selten betretenen Hochalpen und Bergspitzen des Kantons Bern und angrenzender Gegenden ( Deserts glaciaires, hautes Alpes et sommets peu fréquentes du canton de Berne et des regions frontieres ).

1 Manuscrit Vermischte Aufsätze ( Miscellanees ): Ideen über die Bewohnbarkeit der Planeten, dernière page.

Un petit livre de 250 pages, format de poche, portant le titre Das Panorama von Bern, Schilderungen der in Berns Umgebung sichtbaren Gebirge ( Le panorama de Berne, description des montagnes visibles des environs de Berne ) était un ample commentaire d' une planche publiée par son père, Sigmund Gottlieb Studer, sous le titre Chaîne d' Alpes vue depuis les environs de Berner. Le panorama ne contient pas moins de 124 sommets visibles de l' Eichplatz, que le fils - 60 ans plus tard ( 1850décrit complètement selon leur position géographique, leur altitude, leur distance de Berne en heures, et leur formation géologique. Le fils Studer est très enchanté du dessin de son père, si bien qu' il écrit dans l' introduction au commentaire2:

« Les vues des Alpes des environs de Berne, publiées plus tard par König, Schmid, Wagner, etc. possèdent sans doute une valeur artistique, mais à l' endroit de l' exactitude et de la fidélité du dessin des montagnes, elles m' at pas à la valeur du dessin de Studer. Il manquait à ces artistes une qualité que l' auteur de la Chaîne a"Alpes possédait gräce à des investigations soigneuses au lieu et place, soit une connaissance approfondie et exacte des montagnes memes... » Ainsi, héritier du père parti trop tot, le fils a continue son ceuvre pour le développement de la science alpine.

Conjointement à ses amis, le professeur Melchior Ulrich, J. J. Weilenmann et H. Zeller, il publie en 1859/63 l' ouvrage en deux tomes Berg- und Gletscherfahrten in den Hochalpen der Schweiz ( Courses sur les glaciers et dans les montagnes des hautes Alpes de la Suisse ), ouvrage qui rencontra un vif succès et fut rapidement epuise.

Apres sa retraite en 1866, Studer put se vouer complètement à ses activités littéraires. Le résultat en fut son oeuvre principale Über Eis und Schnee ( Par les glaciers et les névés ), dans lequel il décrit de manière magistrale les plus hauts sommets de la Suisse et l' histoire de leur conquete. Les tomes I et II ( 1869/70 ) sont consacrés aux Alpes bernoises et valaisannes, le tome III ( 1870 ) au groupe de la Bernina, et le tome IV, en tant que Supplement, aux conquetes montagnardes des années quatre-vingts. L' ceuvre complète éveilla le plus grand interdt dans le pays et à l' étranger, et fut pendant longtemps la seule source d' orientation à laquelle pouvaient se fier les sans guide qui commencaient à apparaître à cette epoque.

Über Gletscher und Gipfel ( Par les glaciers et les sommets ) est le titre d' une dernière grande publication, choix dans le trésor de Studer, due au Dr Ernst Jenny ( 1931 ).

Parmi les quelque 900 panoramas de Studer, une cinquantaine ont été publiés jusqu' ici. Le plus souvent ils sont annexes aux « Jahrbücher » des dix premières années. Les 6ditions plus récentes, le Säntis et le Kamor, se trouvent dans les fascicules de la section de St-Gall, nos I et II, 1960.

Gottlieb Studer et le Club Alpin X' aureole de l' inaccessibilité des sommets et des glaciers, situés au-dessus des nuages, avait presque entièrement disparu vers le milieu du XIXe siècle. Avec l' apparition de la carte Dufour au 1:100 000 ( 1833-1863 ) s' accrut l' interet des jeunes gens pour la montagne. Par ses publications, particulièrement par ses panoramas et son commentaire au panorama de Berne, Studer avait visiblement contribue à l' éveil de cet interet. Autour de lui se réunissaient ses camarades de courses, le notaire Dietzi, Fritz Bürki, qui l' avait accompagné à la Jungfrau, le Dr Abraham Roth, rédacteur au Bund, l' avocat R. Stuber et Wilhelm Brunner, ainsi qu' un petit groupe d' hommes cultives scientifiquement et informés des choses de la montagne, comme les trois frères Lindt - le phar- 1 En francais dans le texte. N. D. T.

2 Das Panorama von Bern, 1850, p. 6.

macien Rudolf, le docteur en médecine Wilhelm et l' avocat Paul - le géologue Bernhard Studer, l' ingénieur Edmund von Fellenberg, Philippe Gösset et le privat-docent pour la chimie et la géologie, le Dr Theodor Simler. Lorsque ce dernier prit l' initiative de la fondation d' une Société alpine suisse en envoyant une circulaire aux honorés alpinistes et amis des Alpes, Gottlieb Studer se déclara dispose, malgré ses nombreuses occupations, à preter la main à cette fondation, en exposant la nécessité d' une association dans un long ecrit.

Dans son rapport sur l' assemblée constitutive du CAS à Olten, le 19 avril 1863, le Dr Simler, premier président central, ecrit:

« Lors de l' élection du comité, les voix tombèrent à l' unanimité sur Gottlieb Studer comme president; mais celui-ci refusa en remerciant1. » En revanche, il se met disposition comme président, lors de l' assemblée de fondation de la section de Berne. L' organisation de cette section, le 15 mai 1863, est au début infiniment simple; on tient les statuts pour superflus et le comité se compose simplement du président, du trésorier et d' un secrétaire. On choisit pour cette dernière charge... le président central, le Dr Simler!

Sous la direction de Studer, la section de Berne se développa d' une manière très réjouissante pendant les premières années, non seulement en quantité mais en qualité, comme en fait foi la liste de ses membres. On y trouvait des forces scientifiques, montagnardes et artistiques en très grand nombre. A cöte de nombreux universitaires, la section avait l' honneur - témoignage de l' évolution de l' ancienne Berne, si aristocratique, vers la démocratie - de compter les principaux membres de l' administration fédérale: les présidents de la Confédération Fornerod ( 1863 ) et le Dr J. Dubs ( 1864 ), les conseillers fédéraux Knüsel et Welti, le chancelier de la Confédération Schiess, le directeur de la monnaie Escher et plusieurs autres fonctionnaires importants.

Studer dirigea la section de Berne pendant dix ans; l' admission de jeunes gens était liée condi-tionnellement à quelques exploits en montagne. Le Dr Dübi racontait ce qui suit à l' auteur de cet article: le président Gottlieb Studer lui avait donne un tuyau amical à ce sujet, lorsqu' il se présenta à la section avec l' étudiant en médecine Emil Ober, en 1868, sur quoi les deux candidats firent le 9 septembre 1868 la première ascension du Grosshorn!

Lorsque Gottlieb Studer prit sa retraite comme président en 1873, la section le nomma président d' honneur ä vie.

Le sens de l' alpinisme hier et aujourd'hui Nous voyons comment Studer, bien avant l' existence des clubs alpins, explora les Alpes avec des amis partageant ses opinions, fixant de la plume et du crayon ce qu' il avait vu et vécu, et comblant ainsi d' innombrables lacunes dans la science alpine. Pendant cette période de recherches systématiques dans les hautes Alpes où les naturalistes Hugi, Agassiz, Desor et leurs amis poursuivaient leurs investigations géologiques, minéralogiques, glaciologiques et biologiques, l' activité de Studer se vouait au progrès topographique et cartographique. Ses ascensions servaient surtout à ce but, et c' est pourquoi il choisissait toujours les routes les plus simples et les moins dangereuses. Son orgueil ne se portait pas sur des ascensions difficiles ou des « premières », bien qu' il en réussit plusieurs. Il ne considérait que leur importance topographique et ne mettait jamais sa propre personne en lumière. Une seule première est évoquée de manière précise dans ses Lebensereignisse ( Souvenirs ): l' ascension du Studerhorn ( ainsi nommé d' après son cousin Bernhard Studer ), qu' il 1 Dr H. Dübi, Die ersten fünfzig Jahre SAC, p. 32.

fit le 5 aoüt 1864, jour de son 60e anniversaire. Peu avant le sommet, ses compagnons, le pharmacien R. Lindt et les guides Sulzer et Blatter s' arreterent « et me laissèrent amicalement l' honneur de poser le premier le pied sur la cime vierge *. » Silencieusement ravi, il s' abandonnait à la joie pure du moment et de la beauté environnante, quand soudain ses compagnons débouchèrent bruyamment une bouteille de champagne, le félicitèrent et le ramenèrent de ses meditations à la realite.

Qu' ä cöte de ses etudes topographiques, il sache rendre hommage à la grandeur de la nature alpestre, de nombreuses pensées esthétiques et philosophiques en témoignent, comme par exemple une relation de l' ascension du Grand Combin ( 1858 ):

« Qu' est qui mène les hommes au-dessus des nuages sur les vertigineuses cimes de roc et de glace, s' érigeant sur le ciel?... Pour le plus petit nombre des conquérants d' aujourd, le motif se trouve sans doute dans la recherche scientifique ou dans ce sentiment d' admiration, ancré au fond du cceur, pour la splendide image du monde alpin... sentiment qui pousse à ne redouter aucune fatigue, aucun danger, afin de s' assurer la jouissance précieuse, due au regard qui plonge d' un point élevé dans l' ensemble de ce monde merveilleux...2 » Vers la fin du XIXe siècle, l' accroissement prodigieux des escalades, encourage surtout par la construction de chemins de fer, laissait Studer sceptique. Il se réjouissait certes des exploits brillants de ses jeunes amis du CAS, bien que leur conception de l' alpinisme ne servit que peu à des buts scientifiques. Il admirait les exploits de la nouvelle generation de guides, des Christian Almer, Melchior Anderegg, Alexander Burgener, etc. Lui qui n' entreprit jamais une ascension sérieuse sans guide, accordait son respect aux sans guide. II reconnaissait que, de plus en plus, l' age scientifique et esthétique de l' alpinisme devait ceder la place au tourisme en montagne, à une ère plus technique et possédant un equipment plus parfait. Il admettait meine la conquete technique de voies difficiles, tant que le respect de la montagne ne se perdit point et pour autant que, gräce à de nouvelles routes, des connaissances topographiques nouvelles se fissent jour.

En revanche il s' élevait durement contre les touristes partant en montagne afin d' assouvir seulement leur orgueil et leur vanite.

« Beaucoup se risquent dans ces regions - par mode, curiosité frivole, recherche de la renommée - sans aucune etude préalable, sans but élevé, mettant leur vie en danger... Ils murmurent contre leur guide quand les obstacles insurmontables leur barrent la route. A peine ont-ils jeté un regard indifferent sur le monde inconnu qui se déploie devant eux, qu' ils tournent le dos au but de leur effort. Les ascensions du Mont Blanc, du Mont Rcse, de la Jungfrau et d' autres sommets élevés sont entreprises assez souvent dans cet esprit... La jouissance n' a aucun rapport avec les sacrifices et les efforts3. » II n' existait pas alors de spécialistes de faces nord. Qu' aurait dit Gottlieb Studer de la Conference qu' un conquérant de face nord donna à la section de Berne, commencant ainsi:

« Que l' herbe est verte, la neige blanche et le ciel parfois bleu, nous le savcns depuis longtemps. Allons donc tout de suite au but! » Sans doute voulait-il dire par là que la montagne n' était pour lui qu' un objet d' escalade, et qu' il se moquait de tous les radotages concernant le respect devant l' originalité, la beauté de la nature, l' esthétique du monde alpin. Son seul interet était de vaincre la montagne, qu' il duperait gräce à sa technique, de mettre à l' épreuve son courage et ses forces, de satisfaire son amour-propre, ce que démontra toute la Conference. Avec ses camarades il avait recu l' ordre de faire la conquete 1 Über Gletscher und Gipfel, p. 346.

2 Berg- und Gletscherfahrten, tome I, p. 114.

3 Berg- und Gletscherfahrten, tome I, p. 115.

d' une face nord - car cela se passait avant la seconde guerre mondiale! Malheureusement ce conquérant fit une chute mortelle dans les Alpes orientales deux ans plus tard, sans avoir pu apprendre, dans son age mür, à connaitre les Alpes sous une autre optique, celle de la beauté. Inutile d' ajouter qu' il s' agit ici d' un représentant extreme de l' alpinisme technique. Mais gardons-nous de presenter ces alpinistes à notre jeunesse comme un ideal digne d' imitation - ainsi que le fait souvent la presse ä Sensation.

Les dernières annees Gottlieb Studer, hélas, n' eut pas de descendance, si bien que la branche des dessinateurs de panoramas s' éteignit avec lui. Son premier mariage avec Amélie Kupfer fut de courte durée. Elle lui donna une fillette qui mourut peu après sa naissance. Quelques jours plus tard la mere Amélie suivait l' enfant dans la tombe, succombant probablement à une fièvre puerperale. Ce coup du sort dut peser lourdement sur Studer, car l' année de la mort de sa première femme ( 1833 ) est la plus pauvre en activités montagnardes et litteraires.

Lasse de sa solitude, il épousa en 1837 une parente de sa première femme, Louise Kupfer, avec qui il vécut heureux jusqu' à sa mort en 1886. Comme il soupire après son foyer au retour des expeditions fatigantes et souvent pleines d' embüches! A la suite d' un tour de quatre semaines dans le Tyrol, il termine sa relation ( de Zurich ) avec la phrase:

« Demain, vol rapide ( 14 h. de poste !) sur Berne où, dans le sein des montagnes familières, je chercherai la perle précieuse et cachée que j' ai trouvée sur le chemin de ma vie *. » Et en 1851, de retour à Geneve après un voyage de 21 jours dans les Alpes de Savoie, à Turin et par-dessus le Mont Cenis, il ecrit:

« Je rentrai, montai à 10 h. du soir à Genève dans la diligence et arrivai après un long voyage à Berne la sombre où l' amour de ma chère Louise devait me tenir lieu du ciel clair et du chaud soleil d' Italie 2. » Ses 80 ans furent celebres avec grande participation de tous cötes. Studer se réjouit naturellement de sa nomination comme membre d' honneur du CAS, des clubs alpins anglais, italiens, berlinois, mais demeura, dans son age avance et en dépit de toutes ses connaissances remarquables, Pami modeste et jamais ergoteur de tous les alpinistes.

L' octogenaire dut se sentir durement éprouvé quand il s' apercut que ses yeux, toujours si per-cants, commencaient à s' affaiblir et à se troubler. Il écrit en juin 1883:

« A l' occasion de ma visite au Musée National de Zurich, je me fis examiner les yeux par le professeur Homer. Diagnostic: l' ceil droit est atteint de la cataracte, mais on ne peut l' opérer avant que le gauche ne soit complètement malade. Il y a pourtant de bonnes chances pour que l' ceil droit puisse encore servir, le nerf optique étant sain. L' ceil gauche a aussi des traces de cataracte. Mais beaucoup de temps pourrait s' écouler avant le développement de celle-ci3. » Au cours de l' été 1883, avec quelques amis, il monta, en partie à cheval, d' Evolène au Pic d' Artsinol haut de 3000 m. C' était un merveilleux jour d' été. Arrive sur l' arete, il entend les appels enthousiastes de ses compagnons. Voyez-vous la magnifique chaîne du Mont Blanc, le Grand Com- bin, la fiere Dent Blanche, l' inquiétant Cervin? Un léger sentiment de mélancolie le poignit à l' idée que la joie de cette vue extraordinaire ne lui était permise que dans une mesure réduite. Mon ail, si parfait jadis et jusque dans ces dernières années, s' était affaibli à tel point que je ne voyais 1 Manuscrit 8, p. 63.

2 Manuscrit 8, p. 185.

3 Manuscrit Meine Lebensereignisse ( Souvenirs ).

le panorama qu' à travers un brouillard... Mais il se consolait à la pensée de ses longues années d' activité alpine au cours desquelles il avait gravi tant de sommets, contemple tant de vues enchanteresses, les fixant sur le papier gräce à ses bons yeux. Il n' avait pas lieu de se plaindre, mais savait etre reconnaissant au sort d' avoir pu assouvir sa soif de montagnes pendant plus de soixante ans. J' avais recouvre ma belle humeur et personne ne se douta de ce qui s' était passé dans mon cime, car mes amis ignoraient que le meilleur de ma vue s' en allait.

En arriva-t-on a une opération des yeux ne ressort pas de ses récits, mais en septembre 1885, il écrit encore:

« Malgrd mon Age ( il avait 81 ans ) et ma vue affaiblie, je suis monte le 16 septembre encore au Niederhorn près du St. Beatenbergl. » Gottlieb Studer passa les dernières années de sa vie tranquillement retiré dans sa demeure de la Spitalgasse 20, à Berne, supportant avec résignation divers troubles de l' äge. Après la mort de sa chère Frau Louise en 1886, une nièce vint diriger son ménage, jusqu' au moment où, le 14 décembre 1890, il s' éteignit à plus de 86 ans. Sa tombe au cimetière de Bremgarten à Berne a été exhumee dans les années trente de notre siècle dejä.

Ce qui reste de cet homme excellent: l' esprit dans lequel il parcourait les montagnes et qui parle dans ses oeuvres. Puisse cet esprit ne jamais se perdre au Club AlpinTraduit par EAC )

Feedback