Himalaya 1938
Unterstütze den SAC Jetzt spenden

Himalaya 1938

Hinweis: Dieser Artikel ist nur in einer Sprache verfügbar. In der Vergangenheit wurden die Jahresbücher nicht übersetzt.

Himalaya 1938.

Avec 2 illustrations. Par Marcel Kurz.

L' expédition Bauer au Nanga Parbat1 ).

Dans notre dernière chronique, nous avons relaté le désastre de 1937 et l' anéantisse de l' expédition Wien qui porte à douze les victimes blanches du Nanga Parbat, sans compter les 18 indigènes.

Loin de se laisser décourager, les Allemands sollicitèrent immédiatement l' autori de faire une nouvelle tentative en 1938. Cette fois-ci, Paul Bauer prit le commandement de la troupe. Grâce aux généreuses contributions du Club alpin allemand ( le D.A.V. compte aujourd'hui 200,000 membres ), grâce aussi à la bonne gérance de la Deutsche Himalaja-Stiftung, l' argent ne manquait pas. Par contre tous les meilleurs alpinistes avaient péri, le noyau même de l' entreprise était anéanti. Il fallait donc créer une nouvelle équipe, de toutes pièces. Heureusement, le choix restait grand et la quantité des candidats presque infinie. Instruit par ses expériences précédentes, P. Bauer s' adjoignit Fritz Bechtold comme commandant en second ainsi qu' Ulrich Luft, survivant de 1937. Parmi les six nouvelles recrues, Ludwig Schmaderer est 1e seul qui nous soit bien connu par ses victoires dans les Alpes, le Caucase et le Sikkim ( 1937 ). Enfin, deux Anglais prirent part à cette campagne, à des titres différents: le lieutenant Mac Kenna comme officier de transport et le Major Kenneth Hadow comme invité. Neveu de la victorieuse victime du Cervin en 1865, habitant Srinagar depuis sa tendre enfance, Hadow épiait depuis longtemps le Nanga Parbat des hauteurs de Gulmarg et ce fut pour lui la réalisation d' un grand rêve de pouvoir monter jusqu' au camp V ( 6700 m. ).

Grâce à la générosité de l' Aéro Club allemand, un avion fut attaché à l' expédition. Le pilote n' était autre qu' Alexander Thoenes, un des combattants du Kantsch en 1929. Cet avion, un Junker trimoteur, atterrit fin mai à Srinagar sur le terrain mis à disposition par le Maharaja. De là, Thœnes accomplit sept vols successifs, cinq pour ravitailler le camp IV et deux pour prendre des photographies. Ces vols duraient en moyenne trois heures, la distance entre Srinagar et le Nanga Parbat n' étant que de 130 km. Soixante-dix charges furent lancées au moyen de parachutes. Ceci constitue évidemment un grand progrès et un précieux atout pour l' expédition qui, par télégraphie sans fil, pouvait commander l' avion et recevoir quelques heures plus tard des provisions fraîches et des légumes du jour... Par de fréquentes observations météorologiques entre Srinagar et le Nanga Parbat, la sécurité de la troupe fut bien augmentée aussi.

Au lieu de passer par le Bursil et Astor, la marche d' approche se fit par Abbotabad, Balakot et la vallée de Kagan, qui se révéla beaucoup plus agreste que la route de Gilgit. La seule difficulté fut la traversée du Babusar Pass ( 4170 m .) qui est plus raide que le Bursil et conduit au Chilas. Le major Rüssel, Député Commissaire de Hazara, avait pris soin de faire ouvrir le chemin et réparer les ponts ( 200 ouvriers et soldats précédaient l' expédition !). Par Babusar et le vallon de Thak, la caravane descendit au confluent de l' Indus et remonta son cours jusqu' au fameux pont de Rakiot. De là elle parvenait au camp de base qui fut installé le 1er juin sur son emplacement habituel, au pied de la grande moraine de Rakiot. Les coolies furent licenciés: on ne garda que 30 Baltis et les 10 Sherpas de Darjiling sous le commandement du Sardar Nursang.

La ligne d' attaque: reste toujours la même, mais le glacier change beaucoup d' une année à l' autre et ce sont chaque fois de nouveaux problèmes à résoudre dans les détails. Ainsi, d' immenses crevasses s' étaient ouvertes aux environs du camp III, qui ne fut atteint que le 15 juin. Depuis le 10, le temps merveilleux avait changé. A partir de ce i ) Voir Bergsteiger, octobre 1938, 1—16 ( relation officielle rédigée par Peter Aufschnaiter, secrétaire de la Deutsche Himalaja-Stiftung ); Alpine Journal, mai 1939 ( vol. LI ), 70—78 ( relation plus détaillée de Fritz Bechtold, à partir de la fin juin au camp IVHimalayanJownal, 1939 ( vol. XI ), 89—106 ( relation très détaillée de P. Bauer avec un intéressant préambule ).

Voir aussi l' esquisse topographique dans Alpinisme, 1939, 15.

t>8HIMALAYA 1938.

moment, il n' y eut plus une seule période de beau stable. Dans la plaine de l' Inde, la mousson faisait rage et ses effets se répercutèrent jusqu' au Nanga Parbat. Le 18 juin, une grosse chute de neige obligea tout le monde à redescendre à la base.

On profita de ce contretemps pour construire de véritables huttes de pierre, de façon à se mieux protéger contre les intempéries. Peu à peu, la base devenait de plus en plus confortable: on avait maintenant des poules, des moutons et même quelques vaches qui paissaient alentour dans les gazons fleuris...

Le 24 juin, comme la neige s' était un peu tassée, le camp IV fut installé à 400 m. au NE du point où il se trouvait l' année précédente. La barre de séracs qui avait provoqué la catastrophe était cette année presque inexistante. De l' avalanche, il ne restait plus la moindre trace. Il est vrai qu' une épaisse couche de neige recouvrait toute la région. Comme on sait, le camp IV sert de base avancée pour les attaques proprement dites du sommet, aussi fut-il aménagé plus confortablement que les autres et ravitaillé plusieurs fois par l' avion de Thœnes.

Mais la neige continuait à tomber presque chaque jour et chaque nuit le vent soufflait violemment, de sorte que les traces péniblement ouvertes étaient à refaire chaque matin. Le 4 juillet, la tempête rabattit une fois de plus toute la troupe sur la base et l' at ( la troisième ) ne reprit que le 14. Trois jours plus tard, le camp V fut installé par Bauer au pied du Rakiot Pk. Dans la paroi de glace de ce sommet, on retrouva le cadavre d' un Sherpa qui pendait à une corde depuis 1934. On l' ensevelit dans une crevasse juste au-dessous. Cette fois-ci, le Rakiot Pk. fut évité en passant sous les rochers de son éperon septentrional, par une traversée évidemment délicate, mais qui fut facilitée par la pose de pitons et de cordes fixes ( c' est donc une variante intermédiaire entre les itinéraires de 1932 et 1934 ).

Le 22 juillet, Bauer, Bechtold, Luft, Zuck et quatre Sherpas parvenaient au camp VI près du « Mohrenkopf », ce piton rocheux qui ressemble vaguement à une tête de nègre et se dresse sur la grande dorsale au-delà du Rakiot Pk. A l' abri de ces rochers, on trouva, couchés l' un à côté de l' autre, les corps fort bien conservés de Merkl et de son ordonnance Gaylay. Alors qu' on les situait un peu plus loin, ensevelis dans leur grotte de neige, ils s' étaient réfugiés à l' abri de ces rochers, les seuls que l'on rencontre entre le Silbersattel et 1e Rakiot Pk.

Ainsi Bechtold retrouvait son meilleur ami, celui qu' il avait quitté presqu' au même endroit quatre ans auparavant. Avec une émotion compréhensible on les ensevelit sur place, en vue du sommet pour lequel ils avaient sacrifié leur vie x ).

Du camp VI, plusieurs tentatives furent faites par Luft, Zuck, Ruths, Rebitsch et Schmaderer pour monter au Silbersattel ( 7451 m .), mais toutes furent arrêtées par les mauvaises conditions, le vent et même l' orage, chose fort rare dans ces régions. L' altitude maximale atteinte cette année ne semble pas dépasser 7250 m. Malgré le vent, toute l' arête était très enneigée et l'on ne retrouva rien de plus du drame de 1934. Comme le temps ne s' améliorait pas, Bauer sonna la retraite et, fin juillet, tout le monde redescendit au camp de base. Après une dernière attaque, la partie fut abandonnée. Il semble vraiment que, depuis 1932, les conditions météorologiques soient toujours pires au Nanga Parbat. L' été 1932 fut exceptionnellement beau et chaud; 1934 beau jusqu' à la grande tempête des 8—15 juillet; 1937 mauvais et 1938 franchement mauvais. L' enneigement de 1937 fut à peu près le même qu' en 1938 et la température minima atteignit —24° C. ( —23° en 1937 ).

. ' ) Le « Mohrenkopf » est visible en bas à gauche, à 55 mm. au-dessus de la marge inférieure de la photo face à page 428 des Alpes ( C.A.S. de novembre 1934. La légende doit être corrigée dans ce sens.

Merkl portait sur lui une lettre écrite à l' encre par Welzenbach et datée du camp VII le 10 juillet 1934. Cette lettre, rapportée par Bauer, est ainsi conçue: « Aux Sahibs entre les camps VI et IV, particulièrement au D' Sahib ( le docteur Bernard ). Nous sommes ici depuis hier, après avoir perdu Uli ( Wieland ) à la descente. Sommes malades tous les deux. Une tentative de pousser jusqu' au VI a échoué par suite de faiblesse générale. Moi, Willo, je souffre probablement de bronchite, angine et influenza. Bara Sahib ( Merkl ) souffre de faiblesse générale et de congélations aux pieds et aux mains. Depuis six jours nous n' avons plus rien mangé de chaud et presque rien bu. Venez bien vite à notre secours ici au camp VII. Willo et Willy. » Comme nous l' avons raconté ici-même ( novembre 1934 ), Welzenbach mourut dans la nuit du 12 au 13 juillet, au camp VII.

HIMALAYA 1938.

Lors de la dislocation, Luft et Zuck passèrent du vallon de Rakiot à celui de Diamir pour examiner la route tentée par Mummery en 1895. Il est probable que cette route sera reprise en 1939 par une caravane sous la direction de Peter Aufschnaiter. Malheureusement, Faces direct au point culminant par ce versant de Diamir semble impossible et l' arête de Diamirai aboutit aux environs du sommet N, à plus de 2 km. du point culminant. Celui-ci n' est guère accessible que par le faîte au pied duquel furent arrêtés Aschenbrenner et Schneider, le 6 juillet 1934.

Les Munichois semblent un peu découragés par la longueur extrême de la voie d' ap à travers le glacier très crevasse de Rakiot ( 8 km .) et tout au long de la grande arête faîtière ( 6 km. ). Cette voie est aussi longue que celle tentée par Dyhrenfurth au Hidden Pk. Ainsi cherchent-ils eux aussi une voie plus courte et plus directe, comme les Français en 1936, comme les Américains au K2. Mais il est probable que 1939 n' apportera qu' une simple diversion et qu' en 1940 une nouvelle grande attaque sera lancée par la voie originale du Rakiot.

Pour clore l' expédition, le sommet fut survolé par Bauer et ses amis. Ceux-ci rentrèrent le 4 septembre en avion à Munich, alors que le gros de la troupe voyageait par mer de Karachi à Hambourg.

On peut dire que cette expédition a été conduite avec la maîtrise et la prudence que l'on escomptait d' un chef tel que Bauer, lequel désirait ramener son équipe indemne. Après les catastrophes de 1934 et 1937, un nouveau désastre eut été intolérable. Il fallait au contraire dissoudre la crainte superstitieuse qu' inspirait le mont — ce qui fut fait. Contre les intempéries, on ne peut que s' incliner et attendre une occasion meilleure. Les Allemands ont maintenant repris confiance et espèrent triompher en 1940...

Les Américains au K2Depuis les fameuses explorations des Bullock Workman ( 1898-1912 ), l' Himalaya n' avait plus revu d' expédition américaine proprement dite et l'on s' étonnait de cette abstention. Certes, Montagnier avait poussé jusqu' à Hunza en 1927 et le jeune Farmer avait disparu dans le Yalung en 1929. En octobre 1932, Richard Burdsall et Terris Moore avaient conquis le Minya Gongkar ( 7590 m .), mais cette montagne, la plus haute de la Chine, n' appartient pas à la chaîne himalayenne. En 1936, quatre Américains avaient participé à la conquête de la Nanda Devi, mais le sommet n' avait été foulé que par des Anglais. Aussi fut-on bien étonné d' apprendre qu' en 1938 une expédition américaine allait s' attaquer au K, ( 8611 m. ). Des Américains? au K2? le géant le plus difficile du Karakoram? quelle prétention, pensions-nous; ils n' avaient pas la moindre chance de succès!

Or brusquement, fete dernier, la nouvelle se répandit qu' ils étaient parvenus à 7900 m. et notre stupéfaction fut plus grande encore, lorsque nous apprîmes qu' ils avaient réussi à forcer le versant SE, ce versant qui, en 1909, avait rebuté le Duc des Abruzzes et les meilleurs guides de Courmayeur... Il faut décidément s' incliner devant le cran des Américains et reconnaître que la roue a bien tourné depuis trente ans... Ici aussi, nous constatons que des étrangers, fraîchement débarqués sur une scène toute nouvelle pour eux, affranchis de tout préj ugé, considérant froidement la montagne sans idée préconçue, ont plus de chances de succès que les meilleurs professionnels, imbus de routine et confis dans l' orthodoxie des plus vieux principes...

Et n' allez pas croire que ces Américains regorgeaient d' or et que la montagne était achetée d' avance. Le K2 ne s' achète pas. Il s' agissait au contraire d' une équipe toute simple,Appalachia, décembre 1938, 249-252 ( lettre Houston ); American Alpine Journal, 1939, 229-254 ( William House: K2 — 1938; notes de Houston sur l' équipement ); Alpine Journal, mai 1939, 54-69 ( C. S. Houston: The American Karakoram Expedition to K2, 1938 ); Himalayan Journal, 1939, 114-127 ( Charles Houston: A reconnaissance of K2, 1938 ); österreichische Alpenzeitung, 1939, 221-234 ( traduction Hoek ).

Voir aussi Le Alpi ( R.M. del C.A.I. ), mal 1939, 357-358 ( échange de lettres entre Vittorio Sella et Charles Houston, avec 2 photos et tracé d' itinéraire ).

La carte la plus exacte de ce versant du K2 est la restitution autographique au 1:25,000 des levés stéréophotogrammétriques du Duc de Spoleto. La plus élégante est l' Etude topographique au 1: 50,000 de Charles Jacot Guillarmod, parue dans le Bulletin de la Société Neuchâteloise de Geographie, tome XXXIV ( 1925 ).

légère, très mobile, qui renonçait d' avance à tout superflu, à tout confort, et qui, à partir de la base, porterait ses charges elle-même avec 6 Sherpas seulement. Quels étaient donc ces as? Lancée par l' American Alpine Club, l' expédition était commandée par Charles Houston, celui-là même qui avait tenté la Nanda Devi en 1936 et réussi de remarquables ascensions dans les Alpes en compagnie de Graham Brown. Son équipe se composait de Richard Burdsall, le vainqueur du Minya Gongkar ( 7590 m .) et de trois autres jeunes gens: Robert Bâtes, William House, Paul Petzoldt, qui s' étaient déjà distingués par des explorations dans le Nord de l' Amérique.

Le capitaine Streatfield les rejoignit à Rawalpindi comme officier de transport, ainsi que cinq Sherpas, venus de Darjiling sous le commandement du fameux Pasang Kikuli.

L' expédition suivit la voie classique des caravanes: elle franchit le Zoji La le 15 mai avec 25 ponies et le 3 juin elle parvenait à Askole avec 75 coolies seulement. Là, elle troqua les porteurs de Shigar contre 90 nouveaux Baltis. Enfin, le 12 juin, deux mois après avoir quitté New York, elle plantait ses tentes au pied du K2. Elle avait payé son tribut aux grèves habituelles, à la fièvre locale ( que Houston appelle dengue ), mais elle était animée d' une ardeur fougueuse et d' un appétit vorace... Tous les coolies furent licenciés, sauf trois shikaris qui restaient comme domestiques au camp de base. Celui-ci fut installé à 5000 m. environ, près du confluent des glaciers Savoia et Godwin Austen.

Nous avons raconté dans notre étude comment le K2 avait été tenté, en 1902, par une caravane internationale dirigée par Oscar Eckenstein et dont faisait partie le Dr Jules Jacot Guillarmod ( ce nom a été estropié depuis par toutes les relations étrangères !). Ce médecin suisse ( c' était un alpiniste passionné ) n' avait pu faire qu' une seule tentative: avec l' Autrichien Viktor Wessely il était parvenu à 6700 m. environ sur l' arête NE, le 10 juillet ( 1902 ). Minée par la maladie et découragée par le mauvais temps persistant, l' expédition avait dû battre en retraite peu après.

Fin mai 1909, le Duc des Abruzzes arrivait au pied du K2 et lançait immédiatement ses guides contre le versant SE. Durant trois jours ceux-ci s' escrimèrent à poser des cordes ( jusqu' à 6400 m. environ ) puis déclarèrent l' ascension impossible — et pourtant ils se nommaient: Joseph Petitgax, Alexis et Henry Brocherel... Ils étaient ensuite montés à la Sella Savoia ( 6666 m .) pour inspecter l' arête NW, en grande partie rocheuse, puis, du Windy Gap, le Duc avait poussé jusqu' à 6600 m. sur l' arête du Staircase Peak ( Skyang Kangri, 7545 m .) pour examiner l' arête NE. C' est de là-haut qu' a été prise la belle photographie reproduite dans notre revue ( 1933, face à p. 416 ). Finalement il avait tourné le dos au K2 pour tenter le Bride Peak moins difficile. Après cet échec, personne n' osa plus s' attaquer à la montagne durant près de trente ans. On pensait même que le K2 serait le dernier 8000 à succomber. Personne non plus ne se doutait que les Américains seraient les premiers à relever le gantl Reprenant l' examen des trois solutions, ils commencèrent par l' arête NW. Le glacier Savoia conduit facilement au pied de la selle du même nom, mais la pente du col était tout en glace cette année et aurait exigé une taille de marches interminable. Plus tard, ils essayèrent de s' éveler par un éperon latéral plus au S, mais furent également rebutés. L' arête NE, préconisée par Vittorio Sella ( voir son projet d' itinéraire sur la photo face à p. 416 de Les Alpes, novembre 1933 ) fut écartée comme beaucoup trop longue et difficile. Finalement ils se décidèrent, comme le Duc, pour la principale côte rocheuse du versant SE, côte qu' ils baptisèrent « Abruzzi Ridge»1 ).

A la fin de juin, après bien des hésitations et un temps généralement très variable, on installa un premier camp au pied de cette côte, à 5400 m. environ 2 ).

1 ) V. Sella persiste à croire que l' arête NE est possible et qu' elle est beaucoup moins étroite qu' elle ne semble dans sa partie médiane.

L' Abruzzi Ridge correspond à la côte marquée & par Desio dans la relation officielle de l' expédi du Duc de Spoleto. C' est une côte compliquée, parfois dédoublée, dont les rochers délités sont stratifiés comme les tuiles d' un toit. Elle n' est pas continue, mais coupée de couloirs neigeux ou glacés qu' il faut traverser ou utiliser. Bref, cette voie est la moins caractéristique et la moins sympathique des trois, mais ici le sentiment n' intervient pas...

Par une chance extraordinaire, le temps en juillet resta presque constamment beau. Les camps furent poussés activement, toujours plus haut sur la côte rocheuse. La partie inférieure n' est pas très difficile mais on n' y trouve aucun emplacement convenable pour les tentes avant l' altitude de 5880 ( camp II)* ).

Au-dessus du camp II, il fallut quitter la crête de la côte principale et utiliser les dalles enneigées plus à droite. Grâce à une quantité de pitons et de cordes fixes, le passage devint possible aux Sherpas lourdement chargés. Entre les camps III ( 6310 m .) et IV ( 6550 m .) les rochers sont si délités que les chutes de pierres devenaient inévitables. Il fallut réduire la caravane au stricte minimum et avancer tous ensemble. Immédiatement au-dessus du camp IV une cheminée verticale de 50 m. constitue la partie la plus scabreuse de toute l' ascension. Cent quatre-vingts mètres à peine séparaient les camps IV et V. Le VI fut installé à 7100 m ., et le lendemain Houston et Petzoldt parvinrent au point triangulé 7728 sur la carte du Duc des Abruzzes et 7740 sur celle du Duc de Spoleto, extrémité inférieure de la large épaule SE du K2.

Avant de continuer, il était bon de faire le point. Par suite des difficultés croissantes, les camps supérieurs étaient beaucoup moins bien approvisionnés que les premiers. Ainsi au VI, il n' y avait que pour huit jours de vivres et ce n' était pas suffisant pour attaquer le sommet, surtout si le temps se gâtait.

Néanmoins, le 20 juillet, House, Bâtes et Kikuli aidèrent Houston et Petzoldt à transporter un camp léger ( VII ) qui fut installé dans la neige, à 7530 m ., pour deux jours et deux personnes seulement. La première caravane dut redescendre avant même d' atteindre l' emplacement; l' autre s' installa le plus confortablement possible et réussit à passer « une nuit calme et reposante » en vue de l' attaque du lendemain.

Le 21 à 8 h. Houston et Petzoldt se mirent en route par un temps superbe. Durant des heures ils s' élevèrent sur une neige très variable, tantôt dure, tantôt cassante, tantôt poudreuse ( on enfonçait alors jusqu' aux cuisses ). Ils n' avaient aucun espoir de parvenir au sommet lui-même, mais désiraient pousser le plus haut possible et déceler le meilleur itinéraire à suivre.Vers midi ils touchaient pour la seconde fois la grande épaule SE ( 7740 m. ). De là, une large croupe neigeuse, longue de 600 m. environ ( la relation dit 300 yards seulement ) s' élève doucement et va buter contre les rochers qui soutiennent la calotte sommitale. Cette calotte s' effondre journellement en séracs qui jonchent la partie supérieure de la croupe. Impossible d' éviter cette zone dangereuse qui fut parcourue aussi vite que possible pour chercher un abri dans les premiers rochers. Là, Petzoldt trouva un excellent emplacement pour un camp VIII et grimpa plus haut encore pour tâter les rochers. Il doit être parvenu à plus de 7900 m. Rien ne semblait s' opposer à une escalade directe... sauf la fatigue, une question d' heures et de nourriture... Il eût fallu bivouaquer. La journée était merveilleuse et sans vent. La vue s' étendait parfaitement claire jusqu' au Nanga Parbat et aux montagnes du Turkestan. Le Broad Peak vis-à-vis paraissait se dresser à un jet de pierre. De légères brumes intermittentes venaient jouer autour de ces deux téméraires qui avaient osé monter si haut et qui, depuis des jours, violaient la montagne vierge. Le silence devenait impressionnant... Avec une triste résignation il fallut faire demi-tour et redescendre...

De retour au VII, les deux amis discutèrent froidement leurs chances et adoptèrent la solution la plus sage: celle de la retraite. Ils craignaient d' être pris par le mauvais temps et d' être gelés dans les mauvais passages. En lisant leur récit dans un bon fauteuil, on ne peut s' empêcher de regretter qu' ils n' aient pas risqué un dernier bivouac alors qu' ils étaient si près du but. Durant 48 h. au moins, le temps eut été très favorable encore pour une attaque finale. Cette occasion ne se représentera probablement pas de si tôt. Nous comprenons cette lassitude des hautes altitudes. Ils avaient déjà beaucoup peiné et beaucoup risqué. Il arrive un moment où la volonté se brise. Sans doute l' ont regretté souvent depuis...

Le lendemain, en descendant au VI, ils déposèrent leurs crampons et un réchaud comme carte de visite dans les rochers supérieurs ( 7250 m. environ ) de la côte appelée désormais « Abruzzi Ridge ». La descente à la base n' exigea que trois jours malgré de lourdes charges, mais cette retraite fut très pénible.

Le 26 juillet le K2 se voila de nuages et le lendemain, les coolies étant arrivés, le camp fut levé par un temps menaçant. Cinq jours plus tard l' expédition parvenait à Askole et le 6 août elle rentrait à Srinagar1 ).

Aucun des Américains ne semble avoir été incommodé par l' altitude et ceci provient sans doute du fait que leur itinéraire épouse des formes convexes où l' air ne stagne jamais? Juin et juillet seraient les meilleurs mois pour le Baltoro. L' accès final au sommet est évidemment possible et semble même moins difficile que certains passages de l' Abruzzi Ridge. On est étonné d' apprendre que, malgré cette expérience décisive et malgré les cordes fixes laissées sur place, l' expédition de 1939 attaquera le K2 par une autre voie ( l' arête NW ) et avec une autre équipe... Souhaitons-lui bonne chance et un temps aussi favorable...

Les Anglais au Masherbrum2 ).

En juin 1935, alors qu' il rentrait de sa tentative au Saltoro Kangrl ( Peak 36 ), James Waller avait aperçu de Kapalu une très belle montagne trônant dans l' azur, tout au fond de la vallée de Hushi. Il savait que c' était le sommet vierge du Masherbrum ( 7820 m. ). Cette vision passagère avait suffi pour faire naître en lui le désir de la conquérir.

Tous ceux qui ont parcouru le glacier de Baltoro ont encore sur leur rétine les sauvages précipices du Masherbrum, point culminant de la rive gauche, mais il ne viendrait à personne l' idée de l' attaquer de ce côté-là. Quelles chances réservait le versant Sud? Personne ne le savait — sauf peut-être Calciati, le topographe italien des Bullock Workman, mort depuis longtemps.

Waller organisa lui-même son expédition et rassembla ses partenaires: J. B. Harrison avec lequel il avait tenté le Nun Kun en 1934, R. A. Hodgkin, T. Graham Brown et J. O. M. Roberts, tous membres de l' Alpine Club et de l' Himalayan Club. Cinq Sherpas ( dont Da Tandup ) vinrent de Darjiling et Roberts amena avec lui deux Gurkas de son bataillon.

Quittant Srinagar à la fin d' avril, ils passèrent le Zoji La, suivirent le chemin de Skardu jusqu' au confluent de l' Indus et du Shyok ( prononcez Shayok ) puis remontèrent le cours de ce dernier jusqu' à Saling, vis-à-vis de Kapalu. C' est ici que s' ouvre au N, comme une immense tranchée rectiligne, la vallée aride de Hushi qui s' enfonce profondément au cœur du massif et conduit au pied du Masherbrum. Il faut compter une quinzaine de jours de Srinagar à Kapalu ( 2560 m. ). Grâce aux missionnaires de l' endroit, la caravane put réorganiser son transport et compléter ses vivres en une seule journée. Tout avait été ordonné d' avance, bien entendu.

Les gens de Hushi ne jouissant pas d' une fameuse réputation, Harrison partit pour Goma, à l' entrée de la vallée de Bilafond, pour engager les coolies qui avaient été éprouvés au Saltoto Kangri en 1935. Le reste de la troupe remonta la vallée de Hushi, dépassa le village du même non ( dernier hameau habité ) et installa une base provisoire ( 3350 m .) au confluent des torrents issus des glaciers de Kondokoro et Masherbrum. Quel glacier fallait-il remonter? Les documents rapportés par les Bullock Workman laissaient le problème presque intact.

On décida d' explorer tout d' abord le Masherbrumglacier. Celui-ci se révéla d' un parcours facile: un sentier à chèvres suivait la crête de la principale moraine jusqu' à plus Liste chronologique des expéditions dans l' Himalaya en 1937 et 1938.

( Suite à celle parue dans Les Alpes, 1937, 477. ) Date Chef d' expédition Région ou massi!

Principaux résultats obtenus Sources originales 1937 V IX-X XXI Spencer Chapman Schmaderer Cooke et Hunt Bhutan Sikkim Sikkim Chomolhari ( 7315 )

Siniolchu ( 2e ascension )

Nepal Pk. ( P. 7145; 3e ascension ); Col 6075 entre Twins et Sugarloaf; tentative au North Col ( 6895 ) par versant E-6700; Simvusaddle ( 3e traversée )

Tentative au Kämet ( 7755)-7200

Nilgiri Parbat ( 6481Byundar Pass; P. 6523; P. 6852; Mona Pk. ( 7275 ); Zaskar Pass(2« traversée ); tentative Nllkanta ( 6600)-SO00; tentative Dunagiri ( 7065)-6700

Nanga Parbat ( 8125 ) ( désastre au camp IV, 6185 )..

Exploration et topographie du Shaksgam et de l' Aghil entre Zug Shaksgam et Shimshal Pass

Tentative au M. Everest ( 8888)-8300

Première traversée du North Col ( 7000 )

f A.J. novembre 1937, 203-209 IH. J. 1938, 126-144 Bergsteiger, dèe. 1937, 43-44* A.J. mai 1938, 109-114 H. J. 1938, 49-70 JA.J. novembre 1937, 239-240 [ti. J. 1938, 181-182 A.J. mai 1938, 60-81 Bauer: Auf Kund fahrt im Himalaja H. J. 1938, 145-158 G. J. avril 1938, 313-339 A.J. mai 1938, 34-59 H. J. 1938, 22-39 G. J. décembre 1938, 481-487 A.J. mai 1939, 3-17 H. J. 1939, 1-14 A.J. novembre 1938, 271-277 H. J. 1939, 147-155 ÖAZ. 1939, 16-60 Bergsteiger, février 1939, 268-281 Ì-A.J. mai 1939, 79-84 H. J. 1939, 140-146 Zeitschrift DAV. 1939 Bergsteiger, octobre 1938, 1-16 A.J. mai 1939, 70-78 H. J. 1939, 89-106 AAJ. 1939, 229-254 A.J. mai 1939, 54-69 H. J. 1939, 114-127 A.J. novembre 1938, 199-211 H. J. 1939, 42-53 H. J. 1939, 156-160 A.J. novembre 1939, 231 sq.

VI VI-X Ridley Smythe Garhwa! Garhwal V-VII

1938 III-VI VII IX-XI fWien Shipton Tilrnan Tilman Schwarzgruber Kashmir Kashmir Chogolungma Sikkim Garhwal Lachsi ( 6Ì00 ). Première traversée du Zcmu Gap ( 5875 ) Exploration du massif de Gangotri: Bagirati N ( 6512 ); Chandar Parbat ( 6728 ); tentative au Satopanth ( 7062)-6i00; Chaturangi Central ( 6395 ); tentative au Kedarnath ( 694O)-«700; Sri Kailas ( 6932 ); tentative, auChaukhamba(7138 ); Mandant Parbat ( 6198 ); Swachhand Pk. ( 6721 )

Tentative au Nanga Parbat ( 8125)-7250

VI-VIII VI-VII V-VI VII Bauer Houston Waller Secord et Vyvyan Kashmir Kashmir Kashmir Kashmir Tentative au K2 ( 8611)-79O0

Tentative au Masherbrum ( 7820)-7600. Tentative au Rakaposhi ( 7790)-6860 de 4000 m. On campa à 4200 m. sur la rive droite ( W ) et le lendemain, tandis que Graham Brown et Waller exploraient la baie supérieure, Hodgkin et Roberts grimpèrent 700 m. au-dessus du camp pour inspecter le versant S du Masherbrum. Ce versant présente deux glaciers très tourmentés, s' abaissant au SW et tributaires du glacier principal. Un puissant éperon rocheux les sépare qui se mue plus haut en une croupe neigeuse et forme un vaste dôme. En traversant ce dôme, on espérait pouvoir passer du premier tributaire au second ( caché ) et gagner de là un plateau supérieur ( 6700 m .) au pied du sommet. Ce plateau restait également caché aux yeux des observateurs. Le Masherbrum lui-même comporte deux sommets reliés par un faîte rocheux d' environ 600 m ., très faiblement infléchi en son milieu et courant du NE au SW. Le point culminant ( extrémité NE; 7820 m .) projette une arête E; l' antécime ( extrémité SW; 7806 m .) une arête SE. Ces deux arêtes rocheuses limitent la face neigeuse SE, bien visible de Kapalu et qui semble offrir une voie possible au sommet.

Entre temps, Harrison était rentré de Goma avec huit robustes coolies. En compagnie de Hodgkin, il partit immédiatement pour explorer le premier tributaire qui fut baptisé « Sérac Glacier » ( une appellation aussi géniale que celle de « Crevasse Glacier » rencontrée l' année précédente dans le Shaksgam ). La caravane s' éleva jusqu' à 5800 m. dans la direction du Dôme, puis redescendit. Rien ne semblait s' opposer à l' ascension de ce Dôme, mais comme on n' était pas certain de pouvoir le traverser et que l' itinéraire projeté réservait d' autres inconnues, le reste de la troupe se mit en devoir d' explorer le glacier de Kondokoro pour s' assurer que ce côté-là ne réservait pas une voie préférable. Mais ce versant fut déclaré inabordable, à cause des avalanches de séracs.

On en revint donc à la voie prospectée dès l' origine. Le 29 mai le camp de base fut installé à 4150 m. environ, juste au-dessous du confluent du « Sérac Glacier » avec celui de Masherbrum. Le transport occupait à ce moment 60 coolies. Le temps, très beau jusqu' au 24 mai, se gâta et devint presqu' aussi déplorable qu' au Saltoro en 1935.

L' attaque proprement dite commença le 30 mai. Au début, on s' élève par un dangereux couloir d' une centaine de mètres compris entre les séracs du glacier tributaire et l' arête rocheuse qui le limite à l' E. On escalade ensuite quelques rochers ( les seuls de tout l' itiné ), puis on longe le pied de l' arête sur des névés faciles. Après une forte rampe, on arrive dans la baie supérieure de ce premier glacier, au pied même du Dôme. Là, les coolies de Hushi firent grève et neuf d' entre eux s' enfuirent lâchement. Il restait dix coolies, un Gurka ( l' autre était malade ) et cinq Sherpas.

La traversée du Dôme exigea trois camps et huit jours de pénibles relais pour le transport des charges. Le 5 juin, Harrison et Waller étaient parvenus au sommet du Dôme ( 6360 m .) et avaient constaté qu' on pouvait aisément passer sur le second tributaire et monter de là au plateau supérieur par une sorte de corridor entre les séracs. C' est ce que firent le 14 Harrison et Hodgkin, qui campèrent sur le plateau à 6860 m. par —25° C. La neige étant profonde, Waller leur avait ouvert la trace jusqu' à 6700 m. et, avant de redescendre, les avait encouragé à tenter le sommet sans tarder.

Le 15, tandis que les autres continuaient le transport des charges et l' installation des camps, les deux amis et leurs deux Sherpas s' élevèrent de 300 m. dans la direction du sommet et campèrent à 7160 m. ( camp VI ). Le 16 fut une journée magnifique. Avec un seul Sherpa ( l' autre étant malade ) ils transportèrent une tente et des provisions à 7500 m. et campèrent dans une neige profonde, après avoir renvoyé leur porteur. Celui-ci descendit en une heure au camp VI. Il ne restait plus que 300 m. à surmonter jusqu' au sommet. La voie la plus facile semblait être l' arête SE, mais cette arête aboutit au sommet SW et non pas au point culminant.

Le 17 fut très froid mais assez beau. Comme la traversée du camp VII à l' arête SE semblait longue et dangereuse ( la neige était si profonde, que l'on y enfonçait jusqu' à la taille ), les deux Anglais préférèrent s' élever directement vers les rochers de l' arête E. Ceux-ci étaient enneigés et difficiles. Le vent soufflait violemment. Arrivés à 7600 m. environ et se sentant à bout de forces, ils décidèrent de battre en retraite. Rentrés au camp VII vers midi, ils passèrent le reste de la journée à frictionner leurs pieds gelés.

Entre temps, Waller et trois Sherpas étaient montés au camp VI où ils avaient trouvé les deux « tigres » de l' avant. Dans la nuit du 17 au 18, une tempête se déchaîna. Le 18, à 4 h. du matin, le camp VII fut enseveli par l' effondrement d' une crête neigeuse. Les deux Anglais purent se dégager et décidèrent de descendre immédiatement au VI. Abandonnant leur tente, ils n' emportèrent que leurs sacs. A 7 h. la tempête était si violente qu' ils durent s' arrêter et s' abriter dans une crevasse en attendant une éclaircie. Deux fois ils essayèrent de repartir, mais la tempête les rabattit dans leur trou. Vers 17 h. Waller entendit appeler ( ces appels furent perçus jusqu' au camp V ) et partit avec les quatre Sherpas valides à la recherche de ses amis — mais ils furent bientôt tous épuisés et, craignant de se perdre dans le brouillard, ils rebroussèrent chemin et rentrèrent sous leurs tentes. La visibilité était absolument nulle et le vent effaçait les traces instantanément.

Harrison et Hodgkin passèrent une terrible nuit dans leur crevasse. A défaut de tente, ils s' étaient enfouis dans leurs sacs de couchage. Le 19 au matin, le temps s' était légèrement amélioré. Ils réussirent finalement à retrouver le camp VI où Waller les réconforta. Le même soir, comme la tempête s' était un peu calmée, ils descendirent tous ensemble au camp V. Harrison et Hodgkin avaient les mains et les pieds sérieusement gelés et l'on décida la retraite immédiate.

Le 24 juin ils parvenaient à Hushi où ils furent soignés par le docteur Teasdale et sa femme, qui formaient l' arrière de l' expédition et qui semblent avoir sauvé la vie des deux malades à force de soins et de dévouement. Le retour à Srinagar ( du 28 juin au 16 juillet; 400 km .) fut un véritable calvaire: Harrison sur une civière perdit tous ses orteils en route et de nombreuses phalanges de ses pauvres doigts. Hodgkin et lui furent immédiatement dirigés sur l' hôpital. Il est peu probable qu' ils puissent jamais refaire des courses dans l' Himalaya. Nous connaissons ce genre de retour en civière et nous sympathisons de tout cœur avec ces pauvres rescapés... * ).

* ) Dans une note subséquente, Harrison semble admettre que l' arête SE ( aboutissant au sommet SW ) serait la moins difficile des deux, mais pour y arriver, il faut traverser obliquement toute la face SE qui est très raide, très exposée au vent, et par conséquent très {roide. Il préconise une ascension directe par neige et glace à la faible dépression séparant les deux sommets. Il n' est du reste pas encore prouvé que cette voie soit la meilleure. Il semble impossible de camper au-dessus du VII, sauf peut-être dans les rochers de l' arête SE. Ces rochers apparaissent comme un granit rougeâtre, délité par les intempéries.

Harrison et Hodgkin semblent avoir poussé leur attaque jusqu' aux dernières limites de leurs forces, alors qu' ils avaient déjà perdu toute sensation dans les pieds et les mains. Le vent, le froid, la neige poudreuse et profonde, tout contribua à les arrêter. Il eut évidemment été plus sage d' attendre des conditions meilleures et de ne rien précipiter. Mais ils ne croyaient plus au beau temps et voulaient courir leur dernière chance. Ils ont été victimes de leur audace et personne ne la leur reprochera.

Les conditions furent si mauvaises durant toute cette tentative, que Waller se demande s' il ne serait pas préférable d' essayer le Masherbrum en automne, ou même en hiver... Cette idée, qui semblait si étrange il y a quelques années, continue à faire son chemin et finira peut-être par triompher. La température serait sans doute plus basse encore, mais l' atmosphère plus calme et la neige plus dure sont des facteurs appréciables. Et finalement, le beau temps reste la condition sine qua non.

P. S. En juillet 1938, deux jeunes Anglais, Campbell Secord et Michal Vyvyan, firent une reconnaissance sur l' arête NW du Rakaposhi ( 7790 m .), appelé Dumani à Hunza. Rakaposhi signifierait « queue du diable » et Dumani = « le faiseur de nuages ». De Gilgit, avec deux Sherpas et des coolies locaux, ils suivirent le chemin de Hunza, franchirent la rivière du même nom et gagnèrent Jaglot, petit village blotti dans la principale naia creusée entre les arêtes SW et NW du Rakaposhi. De là, ils atteignirent facilement l' arête NW à 5800 m. environ et la suivirent sans peine jusqu' à un premier sommet qu' ils appellent sommet NW et dont ils estiment l' altitude à 6860 m. ( d' après leur photo, la différence de niveau, qui serait de 1060 m ., semble bien exagérée ). De cette antécime, l' arête faîtière NW s' abaisse de 230 m. environ puis devient étroite et cornichée, rocheuse par intermittence, rappelant vaguement le Biancograt ( Bernina ) mais 4—5 fois plus longue. Malgré cela, les conclusions de Secord sont très optimistes. II recommande cette arête NW à l' exclusion de toute autre voie et termine par ces mots: « Le Rakaposhi est une montagne superbe et facilement accessible qui mérite plus d' attention. » Les hauts sommets de l' Himalaya, tels que l' Everest, le Nanga Parbat et le Rakaposhi semblent devoir renverser la boutade de Mummery au sujet du Grépon ( « un pic inaccessible — l' escalade la plus diffide des Alpes — une course facile pour dame » ): ils commencent, eux, par être faciles ( dans l' imagination du nouveau venu ), puis ils deviennent de plus en plus difficiles et resteront probablement inaccessibles jusqu' à ce que l' homme ait perfectionné sa tactique et sa technique.

Avec un seul Sherpa ( Arjeeba ), Vyvyan ( membre de l' Alpine Club depuis 1933 ) explora ensuite le Kunyang glacier, tributaire inférieur N du grand glacier d' Hispar. La branche principale n' est pas crevassée, mais hérissée de vagues comme une mer démontée et, sur les crêtes de ces vagues, des blocs en équilibre instable s' effondrent durant la chaleur méridienne et constituent un danger continuel pour l' explorateur. Vyvyan poussa le 10 août jusqu' à un éperon rocheux séparant le glacier principal de son immense baie orientale. De là, il put faire un tour d' horizon et pense avoir découvert le col reliant les glaciers de Kunyang et de Yazghil. Ce col glaciaire s' ouvre entre le Disteghil Sar ( 7885 m .) et le Pumarikish ou Kanjut II ( 7492 m .) sur le partage des eaux entre les vallées d' Hispar et de Shimshal. N' ayant pas suffisamment de vivres, Vyvyan dut rentrer à Gilgit. Ni lui ni Secord ne semble avoir emporté de baromètre anéroïde... ( Himalayan Journal, 1939, 156—164 ). Voir aussi Alpine Journal, novembre 1939, 231—242.

Feedback