La cabane Albert-Heim
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La cabane Albert-Heim

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Jakob Eschenmoser, Zurich

Cette cabane de la section Uto est souvent désignée par cabane Albert-Heim au Winterstock. On pourrait en déduire que la cabane est effectivement accolée au Winterstock et que ce sommet est donc l' ascension classique au départ de la cabane. Il n' en est cependant pas ainsi: la cabane est construite sur une bosse rocheuse en granit compact, le point 2541, au sud du Winterstock, dans un site bien dégagé de tous côtés.

Placée ainsi au centre d' un grandiose cirque de montagnes, elle offre un panorama d' une très grande variété. L' horizon qui l' entoure débute au sud-ouest avec les Büelenhörner, culmine avec l' im Galenstock ( 3583 m ), est forme au nord par les sommets pour varappeurs du Tiefenstock ( 3515 m ), du Gletschhorn ( 3505 m ) et du Winterstock ( 3203 m ), pour finir à l' est par le Lochberg ( 3074 m ). Plus loin, le regard plonge dans les profondeurs de la Vallée d' Urseren, jusqu' au Col de l' Oberalp. Avec une partie de la chaîne principale des Alpes qui, vue de la cabane, culmine au Pizzo Lucendro, et qui est visible vers l' ouest jusqu' au Col de la Furka, le panorama embrasse plusieurs des principaux sommets de la Suisse centrale. Quelques lointaines cimes valaisannes, notamment le Weisshorn, guignent par-dessus l' entaille de la Furka.

La vue sur les proches alentours n' est pas moins to Le Petit Furkahorn ( 316g m ) vu de l' est Photo Markus Liechti, Liebefeld 11 La cabane Albert Heim ( 2541 m ) vue du sud-est. A l' ar 13 Galenstock vu du sud rière-plan le Petit et le Grand Büelenhorn ainsi que le GalenPhoto Markus Liechti, Liebefeld stock ( 3583 m ) Photo-Atelier Wim Burkhardt, Zurich Photo Heinz Bächli, Volketswil intéressante. C' est d' abord le grandiose paysage de glaciers et de moraines du Glacier de Tiefenbach; ce sont ensuite de puissantes formations granitiques qui présentent un contraste saisissant avec les gazons des bosses herbeuses et des pentes environnantes, spectacle inattendu à l' altitude de 2500 mètres seulement. Signalons encore la richesse en minéraux de la région, qui permet même à des « cristalliers » non professionnels de faire des trouvailles inespérées. C' est en vain qu' on se rendra à la « grotte des cristaux » au Gletschhorn, indiquée encore sur nombre de cartes anciennes ( dans la mesure où la fonte des glaciers permet encore d' y accéder ), car elle a été complètement vidée de son contenu.

HISTORIQUE DE LA CABANE Ce qui est le plus remarquable dans cette histoire, c' est que la cabane n' a pas été construite à des fins essentiellement touristiques. On ne saurait expliquer autrement qu' elle ne fut conçue que pour 18 couchettes, à une époque où ailleurs, dans des régions où les possibilités d' ascensions sont bien moindres, on avait déjà construit des cabanes de 40 places et même davantage. Ou faut-il présumer que le refuge n' a pas été conçu plus important parce qu' il ne devait servir de point d' appui que pour de sérieuses courses glaciaires et de varappe, et non pas pour des ascensions relativement faciles, et qu' à l' époque la varappe des degrés supérieurs n' était guère pratiquée?

On peut s' étonner aussi de ce qu' on n' ait pas pensé plus tôt, dès avant 1916, à une cabane dans cette région, alors qu' en face la cabane Rotondo avait été construite bien auparavant. Le fait que la région est proche des forts du Gothard, où l'on se montrait assez méfiant envers l' afflux des touristes, peut avoir joué un rôle. Il est d' autant plus remarquable que c' est au cours de la Première Guerre mondiale qu' enfin la construction fut possible. Une autre raison pour la mise en valeur tardive du massif, qui à vrai dire aurait été valable également pour la cabane Rotondo, peut être 12 Arête est du Grand Büelenhorn et Galenstock Photo Markus Liechti, Liebefeld 14 Petit Büelenhorn: voie directe de la face sud trouvée dans Féloignement de la région pour les gens de la plaine, long voyage en train et longue marche d' accès. N' oublions pas qu' alors il n' y avait ni chemin de fer de la Furka, ni courses de cars postaux.

Le nouveau refuge fut dû à l' initiative du conseiller administratif Gustav Kruck, à l' époque préposé aux cabanes de la section Uto, qui venait de construire Cadlimo. Il sut enthousiasmer pour son projet, et surtout pour l' honneur à faire à leur ami commun, l' éminent géologue Albert Heim, un petit groupe de généreux donateurs. En très peu de temps le financement fut assuré, et la même année 1916, en pleine guerre, on put s' at aux travaux préliminaires.

Ce bref regard sur le passé semble justifié. Ce n' est certes pas une histoire dramatique, et probablement elle ressemble à celle de la plupart de nos cabanes. Ce cas particulier doit simplement démontrer combien la construction de nos cabanes a impliqué d' idéalisme, de volonté et d' esprit de sacrifice.

LA CONSTRUCTION DE LA CABANE La construction proprement dite put débuter en 1918, exactement le 23 juillet, toute la charpente, jusqu' aux moindres détails, ayant été façonnée auparavant en plaine. Le matériel fut amené sur des camions des gardes-forts, par la route de la Furka, jusqu' à Tiefenbach. De là il fallut le porter jusqu' au chantier. Ce ne furent pas moins de 155 sacs de ciment et en tout 20 tonnes de matériel. Aujourd'hui on aurait bien de la peine à trouver à Realp huit vigoureux jeunes hommes pour effectuer ce dur travail.

Huit semaines déjà après l' ouverture du chantier, le 22 septembre, la cabane était inaugurée. Ce fut certainement une belle fête, et comment aurait-il pu en être autrement? Un splendide cirque de montagnes, un ouvrage bien réussi, et de plus un témoignage d' estime pour un homme de science qui s' était acquis des mérites exceptionnels dans l' exploration et la connaissance de la mon-. m.~* tfi a f ,A|1| i-yjajSiy**86

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^ AIMÉ: :ÊÈm 15 Arête sud-est du Winterstock Photo D. Kienast/Archiv H. Bächli 16 Grand Büelenhorn: paroi sud-ouest Photo F.Rebmann/Archives H. Bächli 17 Glacier du Rhône et Tieralplistock. A l' arrière: Finsteraarhorn, Lauteraarhorn, Schreckhorn tagne. On ressent la solennité dans ce passage du récit de l' inauguration: « M. le professeur Heimfut le premier à franchir le seuil de la cabane. » Le document rédigé à l' époque lui aussi ne manquait pas de solennité: «... que la section Uto et le Club alpin s' engagent pour toujours à ne jamais modifier l' aspect de la cabane, à l' extérieur comme à l' intérieur, à ne jamais y admettre un service de restaurateur, et à n' en jamais altérer le caractère. » Ce « jamais » a duré exactement 14 ans.

Après coup, on a quelque peine à comprendre la présomption et l' extraordinaire confiance des promoteurs en leur œuvre. Certes, une certaine fierté était justifiée: la cabane était parfaitement conçue, soigneusement exécutée, dans son ensemble comme dans le moindre des détails. En forme de cassette, elle se présentait pareille à un coffret à bijoux.

Gustav Kruck, entrepreneur de son métier, avait eu recours à un architecte, et c' était là un grand mérite, dont l' importance doit être considérée au vu de l' histoire de l' architecture.

Les premières cabanes construites parle CAS le furent à une époque où l' art de l' architecture était en plein déclin. En particulier la période entre 1880 et 1910 ( à part naturellement quelques réalisations remarquables ) est caractéristique à cet égard. Avant 1905, en construisant des cabanes, on n' avait guère eu recours à la collaboration d' un architecte — pourquoi donc l' aurait fait? L' in, la volonté, étaient de construire simple, à peu près dans le style des chalets d' alpage.

Si seulement ceux-ci avaient servi de modèles! Les photos des cabanes construites pendant les quarante premières années parlent un tout autre langage. A cette époque, des générations de maîtres d' état, avant tout d' entrepreneurs et de maîtres charpentiers, semblent avoir été privés de tout sens de la forme, des proportions et de la beauté. Jusqu' au milieu du XIXe siècle en tout cas, une certaine recherche de la sécurité en matière d' har de la construction n' avait pas été un privilège des architectes, mais était un bien commun des gens du bâtiment, fondé sur la tradition.

18 Le Galenstock ( 3583 m ) vu de V Unter Triftlimmi 19 Au sommet du Dammastock ( 362g m ). Au fond, à droite: les Mischabel, le Cervin et le Weisshorn 20 Le Triftstöckli, vu de la cabane du Trift. Au fond, à gauche, masqué en grande partie par les nuages: le Diechterhorn Photos: Georges Perrin, Vevey Les premières années du XXe siècle ont marqué le début d' une amélioration. Gustav Kruck a formulé comme il suit, en 1922, ses réflexions sur l' art de l' architecte: « Ces dernières années seulement on a compris que, même dans des constructions en haute montagne, la collaboration de l' artiste s' im. Les refuges du CAS, construits en général par des préposés aux cabanes des sections, qui étaient des hommes bien au courant des problèmes du bâtiment, étaient conçus à des fins strictement utilitaires. Les cabanes construites ces derniers temps, en revanche, avec la collaboration d' architectes au bénéfice d' une formation artistique, montrent qu' il est possible de donner à ces constructions, par des formes bien étudiées, une beauté extérieure et intérieure qui en soi ne coûte rien... et qui les met heureusement en valeur. » En conséquence, Kruck s' était assuré pour la construction de la cabane Albert-Heim, comme peu auparavant pour celle de Cadlimo, la collaboration non pas d' un quelconque architecte, mais celle de l' architecte de grand renom qu' était Heinrich Bräm. Et pourtant les constructeurs commirent une erreur en choisissant l' aspect extérieur de leur œuvre. On la trouvera dans ce que Gustav Kruck écrivit lui-même: »Pimpante et fière, la petite construction se dresse sur la bosse rocheuse, comparable dans ses formes harmonieuses, quoique simples, à un temple de la Grèce antique... » Des cabanes du CAS en forme de temple? Non, cela ne convient pas. Construi-sons des monuments en l' honneur de grands personnages, mais alors en forme de monuments, et non pas des temples en guise de cabanes, qui en tout état de cause auront toujours à servir, en tout premier lieu, à des fins utilitaires.

Lorsque, en 1934, la question d' un agrandissement de la cabane vint à l' ordre du jour, on ne put reprocher à personne d' avoir passé outre à l' enga de ne jamais rien changer à l' aspect extérieur de la construction. On n' aurait pu le respecter qu' en construisant dans la même région une seconde cabane. L' agrandissement s' impo, et quelques chiffres le prouvent: après 50 années d' existence de la section Uto ( donc en 1913 ), ses sociétaires étaient au nombre de i ioo; dans les 20 années qui suivirent, ce nombre a presque triplé. Cette évolution fut certainement aussi celle des autres sections, et parallèlement à l' augmen du nombre des clubistes il y eut naturellement celle du nombre des grimpeurs. Dans le cas de la cabane Albert-Heim, s' ajouta encore le fait qu' entre on avait construit le chemin de fer de la Furka, ce qui en facilitait l' accès.

L' agrandissement de 1934 avait doublé le nombre des couchettes et, par d' autres transformations mineures, on put en porter le nombre à 50. Ce fut tout à fait suffisant jusqu' à la fin de la Seconde Guerre mondiale; ensuite l' affluence devint toujours plus grande. C' était peut-être dû à la motorisation croissante, qui rendait l' accès à la cabane plus aisé, mais peut-être aussi à la prédilection toujours plus marquée pour les courses de varappe. Quoi qu' il en soit, à la fin des années 60, il fallut songer à un nouvel agrandissement, à un nouveau doublement des places offertes. Cette extension se fit en 1970, et heureusement on put construire cette nouvelle annexe de telle façon que, malgré les cent places maintenant disponibles, on n' a pas l' impression d' une cabane géante.

ASCENSIONS ET TRAVERSÉES II ne saurait s' agir de donner ici un extrait du Guide des Alpes uranaises ( ouest ) ou de faire l' histo des ascensions de tel ou tel sommet. Nous nous contentons de relever quelques particularités du tourisme contemporain.

Les constructeurs de la première cabane s' at à ce que celle-ci servît de point d' a pour toute la région s' étendant du Galenstock au Bäzberg ( au-dessus d' Andermatt ). Indiscutablement, ce ne fut pas le cas. La brèche d' Aelpergen crée une nette coupure entre les montagnes très parcourues à l' ouest et la chaîne orientale restée solitaire, où, entre autres sommets, on trouve les Blaubergstöcke, le Müeterlishorn, le Spitz-Berg. Il ne serait pas surprenant si, au vu de l' encombre d' autres régions, on devait songer à cons- truire un ou deux refuges à proximité de cette chaîne déchiquetée, d' autant plus que des rocades entre sud et nord seraient alors possibles.

A l' ouest de la brèche d' Aelpergen, qui est le seul passage facile entre la Vallée de l' Alpe de Göschenen et celle d' Urseren, tous les sommets et traversées sont aisément accessibles au départ de la cabane Albert-Heim.

Les sommets les plus fréquentés de la région sont le Galenstock, qui offre un vaste panorama et qu' on atteint tant par des voies neigeuses que par des parcours mixtes, glace et rocher, et le Winterstock. L' arête sud de celui-ci est devenue une course classique — avec l' afïluence qui en résulte les week-ends de beau temps.

La cabane Albert-Heim de la section Uto Photo publicitaire Wyler, Andermatt/Ateliers lithographiques, Certes, on ne saurait empêcher qui que ce soit d' éprouver les joies qu' offre le solide granit d' une arête bien redressée, comme celle qu' on trouve au Gletschhorn. Cependant, celui qui veut faire les courses à la mode n' est guère en droit de se plaindre de l' encombrement des cabanes. Des possibilités de varappe en d' innombrables variantes et de tous les degrés de difficulté sont aussi possibles aux Büelenhörner, et de plus on y trouve, en général, la tranquillité. Le Winterstock par exemple, n' est pas gravi aussi souvent que les belles arêtes qui y conduisent le feraient présumer.

Un passage sans grandes difficultés, mais fort intéressant, conduit par la brèche du Lochberg à la Vallée de Göschenen. Mais qui donc veut « faire » un col, si la voiture est stationnée à Tiefenbach? L' auto, telle qu' on l' utilise aujourd'hui, a une influence certaine, pas toujours heureuse, sur le programme des courses. Elle comporte quelque chose qui pousse à la précipitation, à utiliser le temps au maximum, non pas pour jouir de plus de quiétude, mais pour pouvoir « en » faire toujours davantage. Une soirée à la cabane est considérée comme temps perdu, une montée à la cabane comme effort inutile. Et nous nous heurtons là à un autre signe de notre temps: ne constatons-nous pas actuellement une tendance à vouloir ouvrir à la circulation automobile même les plus étroits, les plus médiocres chemins d' alpage? Et celui qui a profité de cette facilité pour raccourcir la marche d' approche s' étonne de ce que d' autres en ont fait autant, et que, en conséquence, les cabanes sont surpeuplées.

Ainsi les actions et les pensées des hommes changent dans leur recherche de ce qui est juste et valable, et souvent ce n' est qu' après coup qu' on se rend compte de ce qui fut erreur et bienfait.

Au-dessus de nous tous, il y a cependant les montagnes, non pas éternelles et immuables - les glaciers qui se retirent et les pierres qui tombent nous le démontrent — mais pour nous, mortels, elles sont quand même le symbole de la stabilité et de la beauté.Traduit de I' allemand par G. Solyom

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