La descente en rappel et ses risques
Ueli Mosimann, Utzigen BE
Photo 1 Pendant des décennies, la méthode Dülfer de descente en rappel a été la norme. Comparée aux techniques d' aujour, elle était délicate et non sans risques, car les fonctions de siège et de frein n' étaient assurées que par le passage et le frottement de la corde autour du buste et des fesses.
Rappel, pas de problème?
« Ne grimper que là où une descente sans corde permet de retrouver le plancher des vaches ». Cette vieille règle de l' alpinisme fait figure désormais de relique d' un passé révolu, notre époque d' escalade libre considérant les voies et les itinéraires de descente équipés comme allant de soi. Mais le rappel est-il réellement sans problème? On sait, et ce n' est là rien de nouveau, qu' il faut éviter toute erreur en descendant en rappel. Les erreurs se produisent pourtant et montrent bien que cette technique n' est pas garante d' une descente en toute sécurité.
Les causes des accidents de rappel, qui ont le plus souvent des conséquences fatales, n' ont pas encore été systématiquement analysées dans les Alpes et le Jura. Après un survol du développement des techniques de rappel et une enquête détaillée sur
i \ les accidents survenus au cours des dix dernières années, cet article présente et analyse les risques spécifiques du rappel1.
Historique La descente sans moyen technique était de règle au début de l' alpinisme. Une corde passée autour d' un bloc ou d' un piolet permettait de franchir de courts ressauts à la force des bras ou par simple frottement sur les habits. Pour des manœuvres de véritable rappel, les cordes étaient alors trop courtes, trop lourdes et trop peu maniables. Si des voies étaient parcourues à la descente, avec de longs tronçons exigeant l' emploi d' une corde, les besoins en matériel supplémentaire devenaient considérables et demandaient une préparation appropriée. On ne se lançait d' ailleurs dans de pareilles entreprises que lorsqu' il s' agissait de surmonter des passages « infranchissables » de voies inconnues. C' est ainsi que furent vaincues, à la descente, les arêtes Mittellegi à l' Eiger et Furggen au Cervin. Quand une descente ou une retraite n' avaient pas été prévus, la montée en terrain inconnu devenait parfois une fuite en avant désespérée. C. G. Young décrit avec force une pareille aventure, survenue en l' été 1906 au cours de la première ascension de la paroi sud-ouest du Täschhorn. Toute voie de retour fermée, Franz Lochmatter - sans doute le meilleur alpiniste et guide de son temps - ne parvient que par un « coup de force » sans précédent à ouvrir le chemin vers le haut à ses compagnons de cordée. Le même Franz Lochmatter, 27 ans plus tard, se tuait dans la descente de la voie la plus facile du Weisshorn, « sa » montagne, parce que la corde, lors d' une brève manœuvre de rappel, s' était détachée du bloc autour duquel elle avait été passée.
Par la suite, grâce surtout au développement de la technique d' escalade dans les Dolomites et les Alpes calcaires, au début de ce siècle, la descente en rappel prit de l' im. L' emploi de barres de fer et de pitons ne permettait pas seulement un meil- 1 Cet article a pu être rédigé grâce au soutien de la Fondation Huber-Stockar, Löwenstrasse 1, 8001 Zurich. Cette fondation accorde une aide financière en cas d' ac alpin ou de sauvetage ainsi qu' à la mise au point de méthodes de prévention.
leur assurage lors de l' escalade de parois raides, mais encore fournissait des points d' accrochage pour la corde qui augmentaient considérablement les possibilités d' utilisation de celle-ci à la descente. Mais c' est seulement la technique du pendule développée par Hans Dülfer pour le franchissement de passages infranchissables en escalade qui permit au rappel de faire un pas décisif. Le « siège Dülfer » - la corde passée sous une cuisse et sur une épaule fournissait un freinage optimal - rendit simples et rapides la préparation et le déroulement de la manœuvre. Cette méthode devint un modèle et parvint à se maintenir jusque dans les années 70. Les rappels longs, verticaux ou répétés n' étaient pourtant ni habituels ni commodes. Leur nombre en était sérieusement limité, ne serait-ce que par l' usure du fond de pantalon! En règle générale, on ne descendait en rappel que s' il n' y avait pas moyen de faire autrement. Il ne serait pas venu à l' idée d' un alpiniste, après avoir vaincu une paroi, de refaire tout le chemin en rappel s' il avait une possibilité plus simple de descente. D' un confort des plus limités, les rappels étaient encore des entreprises délicates: les points d' assurage devaient très souvent être mis en place par chaque cordée car le matériel éventuellement disponible n' était la plupart du temps pas sûr. La technique elle-même cachait de multiples pièges. Le siège Dülfer était trompeusement simple et, sans cuissard, ne permettait pratiquement pas l' auto. D' autres méthodes, utilisant des sièges et des freins improvisés, étaient malcommodes et compliquées. La sécurité des points d' assurage était souvent surestimée et les erreurs fréquentes quant à la manière de descendre. Tout cela conduisait à des accidents qui n' épargnaient pas les meilleurs alpinistes. C' est ainsi qu' Emilio Comici, l' excellent grimpeur des Dolomites, se tua dans un jardin d' escalade pour avoir fait confiance à un point d' assurage qui ne le méritait pas. Giusto Gervasuti, dont les premières dans les Alpes orientales et occidentales continuent d' être des défis sérieux, se tua au cours d' une retraite au Mont Blanc du Tacul Photos 2-4 L' équipement d' aujourd, avec bau-drier-cuissard et frein, permet une descente en rappel sûre et confortable. Technique habituelle aujourd'hui: le frein se fixe à la corde double par l' intermédiaire d' une sangle-rallonge et le nœud coulissant d' assu est installé en dessous, afin qu' on puisse en tout temps le débloquer, même en terrain raide. Les écarts sont choisir en sorte que le frein reste toujours à suite à une fausse manœuvre de corde. Dans une retraite dramatique lors d' une tentative de première à la face nord de l' Eiger, alors que tous ses compagnons étaient déjà morts, Toni Kurz perdit la vie parce qu' un nœud de sa corde se bloqua dans son mousqueton de freinage.
portée des mains et que le nœud d' assurage ne puisse pas se prendre dans le frein.
La situation aujourd'hui A la fin des années 70, le développement de l' escalade libre amena d' importants changements. De nouvelles façons de voir, l' ap systématique de méthodes d' en sportif et des innovations marquantes en matière de matériel ont fortement influencé les techniques d' escalade. De nouvelles méthodes furent trouvées pour l' ouverture de nouvelles voies. L' élite qui poussait au développement ne se contenta en effet pas de parcourir en libre les itiné- Photos 5 et 6 Les sites d' escalade modernes se caractérisent par la solidité et la raideur du rocher. La descente en rappel, soit pour gagner l' attaque de 5 la voie, soit pour effectuer le retour au point de départ, est souvent facilitée par des points de rappel équipés.
raires extrêmes classiques qui avaient été ouverts grâce aux pitons. De plus, on assista à la multiplication rapide de nouvelles voies n' aboutissant pas à un point d' où une descente facile était possible. Les descentes en rappel de la voie parcourue auparavant ou les descentes par une « piste » de rappel sont ainsi devenues en maints endroits la règle, voire une nécessité faute d' autre voie de retour. Pour ce faire, de nouvelles techniques de descente étaient indispensables. Le siège Dülfer a été abandonné au profit des freins qui pouvaient s' employer sans problème avec les baudriers, désormais courants. Le choix d' emporter ses souliers de montagne dans le sac pour la descente normale ou de grimper sans charge puis de revenir au départ en rappel par la voie elle-même s' est offert de plus en plus pour les voies d' escalade alpines. La tendance « descente en rappel plutôt qu' à pied » s' est renforcée. Au début, peu de problèmes se sont posés. L' équipe de la première génération de l' escalade libre était suffisamment diversifié pour permettre d' estimer si une descente en rappel était sûre et raisonnable. De plus, les premières voies étaient généralement peu èqui- pées, de sorte que leur fréquentation était relativement faible. Les exigences croissantes de sécurité, de nouvelles façons de voir et l' emploi de perceuses permettant une pose plus facile des gollots ont amené, au cours des dernières années, une parfaite sécurité aussi bien dans les voies nouvelles que dans d' anciennes voies assainies. S' en un « boom » des terrains d' escalade. Cette évolution n' est pas terminée et ses conséquences ne peuvent pas encore être toutes mesurées. Descente en rappel ou descente à pied, la question ne se pose plus vraiment. On descend aujourd'hui en rappel même si la descente à pied est plus rapide.
Sur les terrains d' escalade très fréquentés, cette manière de faire provoque de désagréables complications lorsque des cordées montantes et descendantes se croisent. L' af aux relais n' est pas seulement fâcheuse; l' agitation de tous ceux qui s' y trouvent constitue un risque à ne pas sousestimer. De plus, même dans un rocher solide on trouve, sur les vires et autres paliers, des cailloux qui peuvent tomber lorsqu' on rappelle la corde. Ce n' est que par un très heureux hasard que des chutes de pierres de ce genre, notamment à la Mittagfluh, dans la région du Grimsel, n' ont pas eu de conséquences mortelles jusqu' ici.
La tendance au rappel ne se limite pas seulement aux terrains d' escalade. Le rappel est de plus en plus utilisé lors des courses classiques. Les alpinistes formés sur les terrains d' escalade bien équipés ont de la peine à adapter leur comportement au terrain alpin. Habitués à des points d' assurage sûrs, ils utilisent à chaque coup le premier bon piton ou le plus proche anneau pour poser un rappel. Or, le terrain en gradins que l'on trouve souvent dans la descente des courses Photo 7 En terrain alpin, on ne trouve en général pas de points de rappel fixes et solides. Il convient d' es correctement la possibilité d' installer un ancrage sûr ou la fiabilité de l' équipement en place. En cas de doute, on ne devrait pas faire de compromis: la plupart du temps, il est plus sûr de désescalader plutôt que de confier sa vie à un rappel aléatoire.
alpines est fréquemment de mauvaise qualité et peut adapté aux rappels. La seule probabilité que la corde reste coincée ou déclenche une chute de pierres fait du rappel une manœuvre délicate. Tout cela engendre non pas un gain de sécurité mais des risques supplémentaires et des pertes de temps.
Les causes des accidents Quelques remarques, tout d' abord, concernant les données utilisées. Des informations sûres à propos des accidents dans les Alpes et le Jura ne sont disponibles que depuis 1992, suite à la réforme des annonces d' accidents par les organismes de secours. Les circonstances sont désormais mieux connues. Toutefois, ne sont répertoriés que les accidents qui ont exigé une intervention. Les chiffres indiqués ici s' appuient en conséquence sur la statistique des accidents mortels en montagne. ( Cf. également le rapport pour 1993 dans le numéro de juin 1994 du bulletin mensuel ).
Selon cette statistique, 32 personnes ont été tuées lors de rappels, dans les Alpes et le Jura, de 1983 à 1994. La grande majorité de ces accidents - impliquant 24 personnes - se sont produits au cours d' escalades ou dans des jardins d' escalade, selon la définition de la statistique. Les rappels sont ainsi la deuxième cause d' accidents avec suite mortelle lors d' escalades ( Cf. graphique 1 ). Durant la même période, 8 personnes seulement sont mortes lors de rappels pendant des courses de haute montagne. La comparaison ne doit toutefois pas laisser penser que les rappels lors de courses alpines sont plus sûrs. L' évaluation des risques ne peut se faire qu' en prenant en compte la fréquence de l' activité en cause. Or les données sûres manquent, dans le domaine des rappels comme dans d' autres. On peut toutefois affirmer que les rappels sont nettement plus fréquents lors de sorties d' escalade que lors de courses, ce qui amène à relativiser le plus petit nombre des accidents durant des courses alpines.
Photo 8 Avant la descente en rappel, des informations claires entre les membres de la cordée sont une condition importante du bon déroulement de l' opération.
Quelles sont au juste les causes d' acci?
Si l'on prend en compte toutes les activités qui entrent dans le champ des rappels, on distinguera le terrain, les erreurs de manipulation et les défauts du matériel ( Cf. graphique 2 ).
Terrain: il s' agit des événements non liés directement au rappel; par exemple une chute durant la recherche ou l' aménagement d' un emplacement de rappel; une chute lors de la récupération d' une corde coincée; une chute de pierres déclenchée par un rappel.
Erreur de manipulation: mauvaise application de la technique de rappel, par exemple mauvais positionnement de la corde ou emploi erroné du frein.
Défaut du matériel: rupture du point d' as.
Inconnu: événement dont le déroulement ne peut pas être reconstitué.
Terrain II peut paraître étonnant que la majorité des accidents ne se produisent pas au cours de la manœuvre de rappel elle-même, comme on le croit généralement. Il ne faut en effet pas oublier que les emplacements de rappel se trouvent généralement dans ou à proximité immédiate de parois raides et exposées. De plus, les membres de la cordée doivent se libérer de la corde de course au moment de l' accrochage de la corde de rappel au point d' assurage. Les risques spécifiques apparaissent alors clairement. Les causes les plus fréquentes d' accidents, dans ces circonstances, sont les suivantes:
- recherche d' un emplacement de rappel sans assurage; absence d' auto ou auto-assurage insuffisant lors de l' amé de l' emplacementchute, après un rappel, lors de la récupération sans assurage d' une corde coincéechute de pierres causée par une descente sans précaution ou par le rappel de la corde.
Il faut souligner l' absence d' assurage lors des accidents. Dès lors, il est de première importance de disposer d' un auto-assurage sûr, à proximité ou sur un emplacement de rappel. Cet assurage doit absolument subsister jusqu' à ce qu' il soit repris par le frein passé sur la corde de rappel et un nœud sup- Graphique 1:
Cause principale d' accidents mortels d' escalade de 1984 à 1993 dans les Alpes et le Jura suisse Nombre de victimes A plémentaire de blocage. On ne devrait utiliser, en outre, lors de toutes les manœuvres, que des mousquetons de sécurité à vis.
Les tentatives de ramener une corde coincée peuvent avoir des conséquences dangereuses si on procède sans réfléchir. Tirer de toutes ses forces sur une corde bloquée sans savoir pourquoi elle ne redescend pas aggrave généralement la situation. Ou bien la corde se coince encore davantage ou elle déclenche une chute de pierres si elle est prise dans du rocher instable. Grimper sans assurage ou décoincer une corde ne doit Graphique 2:
Cause de tous les accidents mortels de rappel de 1984 à 1993 dans les Alpes et le Jura suisses Nombre de victimes A Contexte:
Evénements extérieurs à la descente en rappel proprement dite ( chute lors de la recherche ou de la préparation d' un point de rappel, chute en essayant de dégager une corde coincée, chute de pierres provoquée lors de la descente en rappel ) Fausse manœuvre:
Application erronée de la technique du rappel ( installation de la corde, utilisation du frein ) Défaillance du matériel: Rupture de l' ancrage Photos 9 et 10 Passer au-delà des extrémités de la corde est une inattention qui conduit presque toujours à une chute fatale. Le rappel sur une corde aux brins asymétriques est particulièrement dangereux, car le bout le plus court n' est pas toujours repérable facilement.
Photo 11 Même les freins modernes n' excluent pas les fausses manœuvres. Si, durant le rappel, un frein Bonaiti n' est plus sous charge, il peut arriver qu' il se décroche. On éliminé ce défaut grâce à un mousqueton supplémentaire.
Dans une telle situation, même le nœud coulissant d' assurage ne fonctionne pas. Seul le nouage des deux bouts de la corde offre une protection effective.
13 être qu' une solution de dernier recours, appliquée seulement si on peut mesurer exactement le problème posé et le maîtriser.
Erreurs de manipulation L' erreur la plus fréquente en la matière est le dépassement du bout de la corde. Ou bien les deux brins n' ont pas la même longueur et la corde se libère lorsque le brin le plus court a été dépassé, ou bien, malgré des brins symétriques, on dépasse les bouts. Bien que grossières, ces deux fautes ne sont pas commises uniquement par des débutants. Une protection simple et efficace est constituée par le nouage des deux bouts de la corde, comme on le faisait déjà à l' époque de la technique Dülfer et comme on le recommande aujourd'hui encore sans réserve dans les cours. Mais cette méthode est aujourd'hui rarement appliquée, sans doute parce que les dispositifs d' assurage et de freinage les plus courants ( demi-nœud d' amarre sur mousqueton et frein en huit ) toronnent les cordes, ce qui est effectivement très désagréable lors de rappels.
Photos 12 et 13 On se méfiera tout particulièrement des ancrages en place improvi- sés. L' examen visuel permet souvent d' en repérer les faiblesses.
Un seul accident mortel de rappel peut être imputé à un mauvais emploi du frein. On connaît toutefois plusieurs accidents dont les victimes ont été grièvement blessées pour la même cause. Les incidents lors de manœuvres de freinage montrent que celuici doit être effectué très soigneusement, en particulier lorsque la personne qui descend n' est pas celle qui manie le frein, la manœuvre étant assurée par le partenaire resté vers le point de fixation de la corde. Le plus souvent, le frein est libéré à cause d' un malentendu ou d' une erreur d' interprétation. La personne qui descend parvient sur une vire intermédiaire, la corde se détend et le partenaire maniant le frein croit alors son compagnon arrivé à bon port. Des situations analogues se présentent lors de l' escalade avec moulinette, lorsqu' on assure la montée et freine la descente depuis le bas et que l' itinéraire est partiellement caché. Un moment d' inattention peut faire manquer le bout de la corde et conduire à la chute de celui qui descend, si celui qui freine n' est pas attaché à ce bout de la corde.
Photos ( Jell Mösli Ce ne sont pas seulement les débutants qui commettent des erreurs fatales par manque d' habitude du matériel. En terrain connu, même les grimpeurs les plus expérimentés doivent se rappeler qu' un geste malvenu peut provoquer une situation qui ne pourra pas être corrigée même par une réaction rapide. Un nœud de blocage glissant pendant le rappel constitue une sécurité efficace si Photos 14 et 15 Même les points de rappel dûment installés exigent un maniement réfléchi de la corde. On veillera en particulier à éviter les « paquets de nouilles » ( 14 ) et à rappeler le brin passant entre l' anneau et le rocher afin d' éviter, en cas contraire ( 15 ), un blocage in extremis du bout de la corde.
quelque chose va brusquement de travers. Et même si le toronnage des cordes est très désagréable, on devrait nouer les deux extrémités de la corde avant le lancer, tout au moins lorsque les emplacements à atteindre ne sont pas visibles, sont inconnus ou exposés.
Défauts du matériel Tous les accidents imputables au matériel se sont produits à la suite d' une rupture du point d' accrochage de la corde. Trois accidents, ayant fait six victimes, ont eu pour cause l' arrachage d' un piton normal. Un accident avec une victime est dû à la déchirure d' une sangle. Un autre encore a eu pour cause le descellement du bloc utilisé pour accrocher la corde. Des documents montrent que de tels accidents étaient encore plus fréquents autrefois. A plusieurs reprises, des accidents ont eu des suites judiciaires très discutées, la justice posant en exigence le devoir de diligence lors des rappels en général et de la vérification de la sûreté des points d' accrochage en particulier.
Aujourd'hui, cette catégorie d' accidents se présente de manière diversifiée:
Les accidents lors de courses classiques Tous les accidents mortels enregistrés ayant une cause matérielle se sont produits lors de courses classiques. Bien que les itinéraires de descente soient équipés de plus en plus souvent de gollots sûrs, on rencontre encore fréquemment des dispositifs de qualité extrêmement douteuse. Il est d' ailleurs inquiétant de voir comment ces points d' as sont utilisés sans esprit critique. L' al qui confie sa vie sans nécessité à un piton rouillé ou à une vieille sangle, exposés depuis des années aux intempéries et aux charges, court de gros risques. Et, de nouveau, ce ne sont pas seulement les débutants qui prennent la première sangle venue pour un bon point de rappel; des alpinistes expérimentés utilisent parfois les vieux pitons en pensant « qu' il tiendra bien encore pour nous ». L' équipement personnel moderne exerce une influence non négligeable. Parce que les dispositifs actuels d' assurage - les coinceurs de toutes sortes - évitent généralement la pose de pitons, on renonce le plus souvent lors des grandes courses à prendre avec soi un marteau et quelques « clous ». Pour mettre en place ou améliorer un point d' assurage de rappel, les coinceurs sont non seulement trop coûteux pour être laissés sur place mais encore inadaptés, car leur tenue n' est pas garantie en cas de variation de l' angle de traction. Mais comment tester la solidité d' un point d' assurage? Un test véritable n' est généralement pas possible. Les faiblesses apparaissent toutefois dans la plupart des cas grâce à un examen critique. Même si un seul point d' assurage est disponible, des dimensions suffisantes et son bon état offrent une sécurité suffisante. Les vieux anneaux de rappel cimentés, les ancrages à anneau modernes collés -connus en Suisse alémanique sous le nom de « Muniringe » - ou les structures rocheuses stables comme les écailles, les blocs ou les grosses lunules ( ou bracelets de roche ) sont des points d' assurage sûrs. Les cordelettes déjà en place sont à considérer par principe avec prudence. Leur usure et leur vieillissement sont reconnaissables sans difficulté. On ne devrait jamais utiliser de sangle plate, car son usure est très importante lorsque la corde est rappelée.
Les accidents sur les terrains d' escalade Au cours de la période examinée, aucun accident mortel ne s' est produit sur un terrain d' escalade avec voies sportives en raison de la rupture d' un ancrage de rappel. C' est là un bon point en faveur de la qualité de ces aménagements, pour la plupart très récents. Tant que les ouvreurs de voies procèdent avec le sens des responsabilités, aucun problème grave n' est à craindre. La généralisation des voies de haut niveau devrait avoir notamment pour conséquence un assainissement des voies anciennes où le matériel est corrodé et vieilli, ce qui sera important pour la sécurité des terrains d' esca. Actuellement, dans les voies de jardins d' escalade, les sangles en place pour les assurages intermédiaires ou pour les moulinettes présentent un danger particulier. Au cours des dernières années plusieurs accidents sérieux se sont produits au cours de rappels du fait de la rupture de ces sangles. Il faut souligner avec insistance que ce matériel n' est pas adapté au rappel. Si des points d' assurage de ce genre ont déjà servi à des freinages ou s' ils ont retenu des chutes, leur usure est telle qu' ils ne peuvent plus supporter des charges, même modestes.
Remarques finales Comparé à ce qui était possible dans le passé, le rappel est aujourd'hui une technique qui ne pose pas de problème. On ne descend quasiment plus, désormais, qu' avec des freins mécaniques qui se combinent aux baudriers. Si l'on considère les méthodes généralement reconnues et décrites dans la littérature spécialisée2, tous les accidents -du point de vue technique - sont évitables si l'on descend en rappel en étant bien préparé, concentré et conscient de l' étroitesse de la marge d' erreur autorisée. Il faut aussi -par-delà les facteurs techniques - tenir compte d' autres aspects:
- Le rappel n' est une garantie de descente sûre ni en haute montagne, ni ailleurs. Dans les terrains d' escalade équipés, les manœuvres de cordes, par mauvais temps ou dans l' obscurité, sont une affaire très sérieuse et peuvent rapidement tourner à la mésaventure.
- Celui qui, par commodité, descend en rappel dans une voie où se trouvent encore des cordées montantes fait non seulement preuve de peu d' égards mais peut mettre en danger autrui de manière irresponsable.
- Lors de l' ouverture de terrains d' esca et lors d' assainissements de voies existantes, il faut veiller à ce que les itinéraires de rappel ne croisent pas ni ne s' approchent trop des voies. Les descriptions de voies devraient plus souvent fournir et recommander d' autres itinéraires de descente.
2 Par exemple Alpinisme d' été - Escalade sportive ( de Walter Müller, éd. cas ) ou Sauvetage en montagne/Eté ( éd. CAS ).
- Le grimpeur qui, pendant un cours, ne rencontre que des emplacements de rappel aménagés, où le dernier relais est aussi le premier emplacement de rappel, ne sera certainement pas en mesure de prendre la bonne décision dans une situation inattendue. C' est pourquoi le thème du rappel, dans les cours d' escalade, ne devrait pas se limiter aux seuls aspects techniques.
- Descendre en rappel ou à pied? C' est une question qu' il faut aussi se poser, aujourd'hui, alors même que le rappel a le vent en poupe. Il se peut qu' une descente à pied tranquille, ici ou là, représente une occasion de ménager et ses nerfs et sa corde, et qu' elle vaille bien le transport d' une paire de chaussures de montagne dans son sac.
Traduit de l' allemand par Gil Stauffer