L'adaptation de l'homme aux grandes altitudes
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L'adaptation de l'homme aux grandes altitudes

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PAR F. VERZÂR, BÂLE ( extrait du Symposium-Ciba 6, 142, 1958. Reproduction autorisée par Ciba )

L' homme peut-il s' acclimater aux grandes altitudes? Cette question suggère peut-être de prime abord les problèmes de la médecine aéronautique. Cependant, pour l' aviation, le problème ne se pose pas, car aux grandes altitudes ou bien on vole dans des cabines pressurisées, ou bien avec des appareils à oxygène compensant la faible pression d' oxygène dans l' air d' altitude. De plus, on ne reste qu' un temps relativement court à une grande hauteur où il peut, par conséquent, se produire des troubles aigus, mais non pas une accoutumance.

L' intérêt du problème que nous posons apparaît lorsqu' il s' agit de savoir si les hommes peuvent vivre de manière continue aux grandes altitudes de 2000 à 3000 m. A la fin du siècle dernier encore, les médecins ne savaient pas très bien jusqu' à quelle altitude une acclimatation durable est possible pour l' homme. Lorsqu' il fut question de construire le chemin de fer de la Jungfrau, le professeur Kronecker, physiologue à Berne, répondant à une question des autorités, déclara qu' on ne pouvait donner la concession qu' après avoir établi que des êtres animés peuvent vivre, d' une façon permanente, à l' altitude du Jungfraujoch, soit à 3500 m, sans être atteints dans leur santé. Dans son rapport, il conseille de faire monter d' abord à cette altitude un « ballon captif » avec des animaux vivants, afin de voir s' ils supportent ce séjour pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines.

En Europe, nous considérons une altitude de 1800 m comme très élevée déjà pour un séjour permanent. Le village le plus élevé de Suisse est Juf près d' Avers ( 2133 m ). Jusqu' à maintenant Juf passait aussi pour le village le plus haut situé d' Europe. Mais de nouvelles recherches ont montré que ce titre revient au village de Trepalle ( province italienne de Sondrio ), dont un des hameaux se trouve situé 37 m plus haut. En Engadine, région à la population très dense, lieu de séjour d' été et d' hiver apprécié de milliers de citadins, la station de St-Moritz est située à l' altitude de 1800 m. La limite des forêts se trouve, à nos latitudes, à peine plus haut que 2000 m. En Engadine déjà on ne peut plus cultiver les céréales. Sous les tropiques, par contre, ces altitudes sont encore très peuplées. Mexico-City, ville de plus d' un million d' habitants, tout comme Johannesbourg ( Afrique du Sud ), est situé à près de 2000 m au-dessus du niveau de la mer. Au Tibet et sur le haut plateau des Andes, au Pérou et en Bolivie, des millions d' hommes vivent à des altitudes de plus de 3000 et qui vont même jusqu' à 5000 m. La pression barométrique n' y est que de 400 à 500 mm de mercure, contre 760 au niveau de la mer.

On connaît particulièrement bien les conditions de vie en Bolivie. La capitale du pays, La Paz, est située à 3700 m environ ( l' aérodrome à 4080 m ). La ville compte près de 350 000 habitants, dont la moitié environ sont des Blancs. Il y a parmi eux de nombreux Espagnols et près de 50 000 ressortissants de l' Europe centrale, émigrés au cours des dernières dizaines d' années. Dans cette ville aux belles lignes architecturales règne une circulation intense, que des agents de la circulation règlent tout comme chez nous. Le bâtiment universitaire est un gratte-ciel de 16 étages, d' où la vue s' ouvre jusqu' à l' Illmani ( 6500 m ) et ses glaciers, situés à 50 km de là. Les roses et les cerisiers fleurissent à cette hauteur.

La population, les Blancs y compris, est en général parfaitement adaptée à cette altitude. Les sports sont très en faveur: on joue au tennis et surtout au football, avec une mi-temps de 45 minutes, comme en plaine. A l' école les enfants ont des leçons de gymnastique qui se déroulent exactement comme chez nous. A 5300 m, c'est-à-dire à la limite des neiges, se trouve l' hôtel de sport du Chaklataya, où l'on accède par une route automobile. Un ski-lift permet de monter 300 m plus haut encore. De là on fait des descentes à skis, pour rentrer le même soir en autobus à La Paz.T.out cela à l' altitude du Mont Blanc! Il existe à La Paz un stade de sport magnifique auquel est adjoint un institut de médecine sportive. Des compétitions y ont lieu fréquemment avec des sportifs de la plaine. On leur laisse deux à trois jours pour s' acclimater, après quoi, ils sont déjà en bonne forme.

Dans la cité minière péruvienne de Cerro de Pasco ( où Barcroft avait fait en 1922 déjà ses études sur le climat en altitude ) et dans les vastes régions d' Oroja et de Morococha vivent des dizaines de milliers de mineurs travaillant dans les mines de plomb, de platine, d' argent et d' or, à des altitudes de 4000 à 5000 m. Les riches mines d' étain et d' autres minéraux de Catavi et de Potosi en Bolivie sont situées à la même altitude.

La riche civilisation des Incas s' est développée entre 3500 et 4000 m, le long de la belle vallée de Cuzco et jusqu' au lac de Titicaca ( 3800 m ). Les Indiens de l' Altipiano y vivent de l' agriculture et de l' élevage du bétail. Des troupeaux de lamas paissent sur les pentes karstiques. Les pommes de terre et le millet sont cultivés jusqu' à une altitude de 4000 m. En traversant le pays, on voit des Indiens, souvent lourdement charges, qui cheminent de village en village par le haut plateau pour visiter une foire, prendre part à une fête ou assister un enterrement, suivi d' amples libations.

Sur un col de près de 5000 m, nous avons rencontré deux Indiennes portant sur le dos d' énormes charges de foin sous lesquelles elles disparaissaient presque complètement.

Pour la population vivant ici depuis des siècles, l' acclimatation est donc complète. On prétend, il est vrai, que l' ouvrier indigène a un moins bon rendement au travail que l' Européen; mais cela peut aussi être dû à des caractères de race ou à l' insuffisance de l' alimentation, que l'on cherche à oublier en mastiquant des feuilles de coca.

L' habitant de la plaine qui vient ici s' acclimate également très bien, et assez vite sinon immédiatement. Mais si, survolant les Andes qui atteignent 7000 m, on se rend en cinq heures de Lima, au bord de la mer, à La Paz, dans un avion bimoteur, sans cabine pressurisée, on est un peu éprouvé! On suçote son appareil à oxygène, surmontant ainsi le mal de tête qui se fait sentir de temps à autre pendant le vol, mais à l' arrivée on a un mal de montagne bien déclare, et la meilleure chose à faire est de se mettre au lit. Le lendemain, la plupart des passagers sont de nouveau frais et dispos. On peut déjà vaquer à son travail; seule la montée des escaliers est encore pénible! Quelques jours plus tard, on se sent acclimaté aussi bien que les Blancs établis dans le pays.

Un club de sport israélite, émigré à La Paz en 1947, a, au cours de la première année déjà, battu ses adversaires locaux dans une série de disciplines sportives. J' ai trouvé dans les communiqués de l' Institut de médecine sportive une quantité de données intéressantes. Par exemple ici, à 4000 m d' altitude, les temps pour la course de 100 m n' ont pas été moins bons qu' en plaine; ils ont été améliorés de quelques dixièmes de seconde. Les épreuves de saut, de lancer de disque et de javelot, ont donné chez plusieurs athlètes des résultats meilleurs qu' en plaine. On suppose que la résistance plus faible de l' air a joué un rôle important, facilitant les performances. Ces épreuves sportives de courte durée, la course de 100 m en particulier, se déroulent en 10-12 secondes, sans accélération de la respiration. L' oxygène présent dans le sang est entièrement utilisé, il est vrai, mais la majeure partie de la production d' énergie est un « travail anoxybiotique », c'est-à-dire s' effectuant sans absorption d' oxygène. L' oxygène est absorbé après coup et on constate que la période subséquente de travail est plus longue en altitude et s' accompagne d' une respiration plus forte. Il faut plus de temps pour réapprovisionner en oxygène le sang et les tissus épuisés.

C' est pourquoi, en altitude, la course de 800 m déjà donne des résultats moins bons qu' en plaine. Dans ce cas, le travail ne peut plus être accompli anoxybiotiquement, la restitution doit commencer pendant la course déjà et on ne dispose plus d' un temps suffisant pour une régénération complète.

A quelque 2000 m déjà, on peut constater que pour un effort prolongé le sang est plus fortement mis à contribution et que sa teneur en oxygène baisse davantage, même si, à l' état de repos, l' individu est tout à fait acclimaté. Ainsi, lors d' un essai fait à St- Moritz-Chantarella avec le Fahrradergometer, nous avons observé que la teneur du sang en oxyhémoglobine tombait beaucoup plus bas qu' en plaine. A l' aide d' une photocellule spécifique sensible, on pouvait suivre le phénomène à travers la peau de la main. Bien qu' à l' état de repos le sang fût tout aussi bien pourvu d' oxygène qu' en plaine, la saturation en oxygène baissait donc plus fortement en altitude pour un même effort fourni. Voilà pourquoi un individu qui fait un effort trop grand à l' altitude du Jungfraujoch ( 3500 m ), qui, par exemple, monte trop vite les escaliers, tombe épuisé ou même évanoui, le visage bleu, surtout s' il n' est pas encore tout à fait acclimaté.

Nous abordons ainsi une nouvelle question: par quels moyens notre corps doit-il assurer son adaptation aux grandes altitudes et par quels moyens peut-on arriver à une adaptation aussi parfaite que celle observée chez les habitants des régions élevées.

L' effet essentiel des grandes altitudes sur le corps n' est pas dû à la baisse de la pression atmosphérique ( barométrique ), mais à la diminution de la pression partielle d' oxygène qui l' accompagne. En altitude, l' air se compose aussi de 21 % environ d' oxygène. Au niveau de la mer, cela correspond à une pression de 760 mm de mercure environ. Dans le poumon même, la pression est plus basse, l' air inspiré et l' air expiré étant mélangés. Mais même à la pression partielle d' oxygène qui règne dans le poumon, toute l' hémoglobine est pratiquement saturée encore d' oxygène ( 97% d' oxy ). Au-dessus de 2000 m, la saturation du sang en oxygène, ainsi que ce qu' on appelle la « pression d' oxygène tissulaire », baissent en même temps que la pression partielle d' oxygène. Plus on monte plus cette pression est basse et moins il y a d' oxygène qui afflue par unité de temps au cerveau, aux muscles et aux autres organes.

L' adaptation à l' altitude consiste en ceci: le corps met en œuvre différents moyens pour obtenir un meilleur approvisionnement des tissus en oxygène. Tout d' abord, la circulation sanguine est accélérée. Le cœur bat plus vite, la pression sanguine monte. Peu après, les capillaires s' élargissent, dans les muscles en particulier. Grâce à cela, le sang afflue vers les tissus en quantité relativement grande, étant ainsi moins fortement mis à contribution. La baisse de la pression partielle d' oxygène dans les tissus est moindre et une quantité supérieure d' oxygène arrive aux cellules ou aux fibres musculaires. En même temps que s' améliore l' approvisionnement en sang, la respiration est accélérée et devient plus profonde. Une autre mesure de compensation intervient bientôt: la surface respiratoire des poumons s' accroît de 30% environ. On sait que c' est à travers la membrane extrêmement fine des alvéoles que se fait le passage du gaz dans le sang. Dès que l' homme ou l' animal respire un air à pression d' oxygène réduite, le volume pulmonaire s' accroît. Cela se produit de la façon suivante: la cage thoracique conserve continuellement une position haute d' inspiration, le poumon est dilaté et les sacs alvéolaires, ordinairement à peine ouverts et par conséquent peu ventilés, reçoivent maintenant un afflux d' air. La musculature lisse des branchioles joue un certain rôle dans ce phénomène, de même que la musculature lisse du tissu pulmonaire, là où elle existe. Elle est adrénergique, c'est-à-dire que les excitations sympathiques, l' adrénaline en particulier, entravent ses contractions, facilitant ainsi l' ouverture des sacs alvéolaires. Grâce à l' augmentation de cette surface respiratoire du poumon, une quantité plus grande d' oxygène passe dans le sang; cet oxygène peut être absorbé, car, par unité de temps, une quantité plus grande de sang traverse maintenant le poumons.A suivre ( Traduit par Nina Pfister-Alschwang )

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