L'avalanche
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L'avalanche

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« Au point du jour, nous passions les premiers chalets de l' alpe du Vacheret. De là nous devions suivre le bisse jusqu' au pied du glacier de la Chaux. C' est un trajet de plus de trois kilomètres presque à plat à travers des pentes peu inclinées qui n' offrent aucun danger. En été, un chemin bien tracé suit le bisse et les troupeaux parcourent ces pâturages en tous sens. Le 1er mars, le tracé du bisse était parfaitement visible. Le petit replat qu' il faisait permettait d' avancer sans crainte de déraper sur la neige dure; je m' arrêtai pour enlever les coins de mes skis 1. Mes compagnons avaient des peaux de phoque d' un maniement plus long, et je leur dis de continuer sans m' attendre. Ils avaient deux à trois cents mètres d' avance lorsque je me remis en route. Je les voyais marcher tranquillement en causant et admirant le lever du soleil. Au moment où le glissement se produisit, je pouvais être à 50 mètres du dernier et à un peu plus de 100 mètres du guide Bruchez qui était en tête.

Le point de départ a été environ 50 mètres au-dessus du bisse; la ligne de cassure avait la forme d' un triangle dont le bisse formait la base. L' épaisseur de la couche de neige qui a glissé était de 80 cm. environ. La pente en dessous du bisse ne doit pas dépasser 20 degrés, soit 40 % pendant 200 à 300 mètres. Plus bas, elle tombe assez brusquement dans le ravin qui descend vers Montagnier.

J' ai eu l' impression que toute la plaque croûtée s' est mise en mouvement d' un seul coup, en se disloquant en blocs, du sommet de la cassure jusqu' au ravin. Cela s' est produit instantanément, sans avertissement quelconque. Meylan, Dentan et Marmillod se trouvant au milieu de la plaque qui se détachait, c'est-à-dire sous la plus grande hauteur du glissement, ont été entraînés par un courant très violent. Ils se sont maintenus à la surface jusqu' au bord du ravin. Là, au lieu de s' arrêter, la neige s' est précipitée violemment dans une sorte de demi-entonnoir. La hauteur de la chute a été de 600 mètres environ. Bruchez se trouvait sur le bord du glissement; la neige qui l' emportait s' arrêta d' elle après un parcours d' une centaine de mètres. Il avait eu le temps, pendant ce trajet, d' enlever un de ses skis...

Au moment du glissement, il faisait froid, je suppose entre 5 et 10 degrés sous zéro. Le jour venait de se lever, les premiers rayons du soleil doraient les Combins et la chaîne du Mont Blanc; le temps était parfaitement calme.

Le départ de tout le plateau de neige m' a paru être absolument instantané. Une cassure paraît s' être produite en même temps sur les côtés et au haut du glissement. Il en est résulté que le mouvement a eu d' emblée une grande violence, augmentée encore par le fait que la croûte supérieure, en se cassant, a formé des blocs glissant les uns sur les autres qui devaient rendre tout mouvement impossible, surtout avec des skis.

Tout se passa dans la durée d' un éclair. Nous marchions dans un sentiment de sécurité complète et sans aucune difficulté sur le chemin marqué par le bisse. Nous avions devant les yeux le plus beau spectacle qu' un montagnard puisse souhaiter: un lever de soleil sur le massif imposant des Combins et la chaîne grandiose du Mont Blanc sur lesquels on a, de l' alpe du Vacheret, une vue admirable. Chacun de nous cherchait à reconnaître, dans les feux du soleil levant, sa cime préférée dans ce beau massif dont nous connaissions tous les recoins. Tout à coup un craquement... un bruit analogue à celui du vent dans les arbres... la vision atroce de trois amis disparaissant avec un torrent de neige dans un couloir... un grand cri d' appel de l' un d' eux... puis un bruit assourdi... la mort avait passé. » D après le récit d Ed. Correvon, Echo des Alpes, 1914.

L' avalanchepar l.

( d' Oex ) Vingt ans. L' âge où l'on va renverser le monde, s' attaquer aux mauvais usages, redresser les torts, arrêter les avalanches et faire bien d' autres choses encore.

Premier mars. Pour clore une belle journée, nous montons à ski la vague cuvette aux formes arrondies formant le flanc sud du Rocher du Midi ( 2096 m. ). Nous voulons le tra- 1 Au point de vue du matériel, on en était alors aux essais, aux tâtonnements: les sangles, les filets, les dribs inventés par de Ribaupierre, les volets mobiles et les coins de bois fixés sous les skis ne devaient céder que graduellement la place à la supériorité des peaux de phoque.

verser, dévaler le versant nord dans le Creux du Rayret, pour rééditer la descente que j' avais faite de ce grand couloir l' année précédente.

5 heures de l' après. Je crève joyeusement la croûte tôlée avec mes lattes. Ernest ayant des ennuis avec ses fixations est resté un peu en arrière; en l' attendant à vingt mètres sous le sommet, nous nous rhabillons pour affronter l' ombre qui nous attend de l' autre côté.

En regardant autour de moi, je pensais qu' une coulée pourrait partir, mais cela ne m' impressionnait pas; en filant en biais vers le bord, me disais-je, on en sortirait sans peine.

Le moment se prêtait à la conversation; m' adressant à Betty, je lâchais ces mots: « Que dirais-tu d' une bonne coulée? » En réponse, un grondement se répercute de roc en roc contre toute la chaîne de la Gummfluh, en face de nous. Je cherche l' avalanche pour jouir du spectacle quand une sorte de roulis me fait tanguer: je regarde, ça bouge là sous mes pieds. D' un bloc je me retourne; une vague blanche semble jaillir des profondeurs du sol. Je fais trois enjambées et me trouve là où tout reste stable. J' aperçois Betty qui est ballottée sur la neige comme un bouchon dans un remous. Je lui crie pendant que j' enlève mes skis: « Près du bord, près du bord! » La grande plaque tournante des blocs retardataires dévale inexorablement, se rapproche du couloir par où a déjà passé toute la neige de la cuvette et Betty, la tête en bas, lutte pour se débarrasser de ses skis. Je cours dans une ouverture, crevasse mouvante, mes jambes dévalent la pente à leur capacité maximale, tandis que mon esprit libre dirige la manœuvre, cherche l' emplacement favorable. La masse descend en oblique, moi tout droit. J' ai le temps de m' arcbouter dans un trou, je ne suis pas arraché et je peux arrêter ma camarade. Puis tous deux nous regardons: là où il y avait la neige, l' herbe rase. D' Ernest plus rien. Betty l' a vu disparaître dans le tourbillon. Les moments de désespoir et d' espérance alternant à une cadence illogique, les pensées sont autant d' éclairs qui s' entrechoquent. Et s' il était là, sous ce tas ridicule, accumulé derrière ces arolles secs? Fébrile, je sonde avec un bâton: rien que la neige qui me fait froid au cœur.

Nous suivons le tracé de l' avalanche jusqu' au bord inférieur de la cuvette, là où nous dominons le dévaloir et d' où l'on peut voir tout en bas dans le petit val. M' avançant encore, je scrute la neige tassée: à l' extrémité inférieure, tout au bout, je vois quelque chose bouger... Serait-ce un chamois? J' en fais part à Betty qui est restée plus haut: « Appelle! » est sa réponse. Je n' ose presque pas; enfin, je me décide. Une voix répond, qui semble sortir d' un corps brisé: du point noir. Ernest est vivant, mais dans quel état? Je comprends même ses paroles, maintenant: « Où est Betty? » Skis sur l' épaule, aussi vite que nous pouvons, nous redescendons les pentes du Rocher du Midi. Malgré mon anxiété, des images se fixent en moi: une étendue brunâtre où les moutons pourraient paître, ce qui était la cuvette blanche où venaient de passer trois skieurs; la cassure suivant presque leurs traces et là où elles s' arrêtaient, l' étendue scintillante qui continuait à recouvrir la montagne.

Sans bien réaliser ce qui arrive, nous voyons Ernest qui monte à notre rencontre. Il est en bras de chemise, il tremble: nous l' habillons. Il nous raconte: « J' ai vu Betty qui filait, la neige m' a recouvert et j' ai crié: ,Je suis foutu! ' Puis plus rien. Revenant à moi, je me trouvais recroquevillé, les skis contre la figure, pointes en haut; à travers le trou qu' ils avaient fait, j' ai vu du bleu. D' un coup de reins, je me suis évadé. Je reconnais le chalet du Plan de l' Etal, tout près. Je réalise ma chute, je me retourne pour me retrouver face à face avec un formidable amas de neige. Je ressens un choc terrible: je pense que vous êtes dessous... Me traînant comme je peux, je me mets à vous chercher, mais je ne vois rien, pas le moindre indice. C' est alors que je t' entends appeler. J' ai retrouvé mon sac à une dizaine de mètres de moi. » Fixés à ses pieds, les skis sont intacts; sans enlever les peaux, Ernest tourne lentement, puis descend tout droit, crevant la couche durcie.

Sur une centaine de mètres, nous traversons l' amas bouleversé sous lequel nous pourrions être, contournant des sortes de crevasses et de séracs, évitant arbres et pierres emportés.

A la maison le médecin branle un peu la tête en faisant l' inventaire: deux chevilles, deux genoux, deux côtes cassés, foulés ou fissurés.

Quelques soirs plus tard, penchés sur la carte, nous comptons les courbes de niveau du Rocher du Midi au Plan de l' Etal: 400 mètres de dénivelée.

A mi-hauteur, sur une bonne centaine de mètres, le couloir où l' avalanche a dû former une vraie chute comme l' eau d' une cascade.

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