Le Cervin d'aujourd'hui
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Le Cervin d'aujourd'hui

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Vu par G. Hall-Jones

Trois Néo-Zélandais font leur tour d' Europe. Ils sont arrivés par le Tyrol et, après avoir gravi le Mont Blanc, ils viennent au Cervin.

... Nous voici enfin à Zermatt, le plus célèbre de tous les villages des Alpes, essayant d' attraper, à travers les déchirures du brouillard, un coup d' oeil occasionnel sur la canine géante du Cervin. Les jours suivants, nos espoirs et nos ambitions étaient bien bas... Toutefois nous passâmes agréablement notre temps, à siroter du vin rouge dans les cafés et discuter d' un air entendu les pronostics du temps avec les nombreux guides qui nous offraient leurs services avec empressement.

Enfin le quatrième jour le ciel s' éclaircit, et le soir nous trouva à l' hôtel du Hörnli, au pied de l' arête du même nom. Un fort vent du sud-ouest pourchassait les dernières écharpes de nuages sur les flancs du pic. Nous essayâmes de repérer la route au moyen du télescope devant la cabane. L' air fraîchit avec la disparition du soleil, et nous dames rentrer dans le pandemonium du refuge où nous réussîmes à soutirer de la « Fräulein » un potage à moitié prix, chaque franc étant précieux pour nous. Aussi bien l' hôtel que la cabane attenante étaient bondés de grimpeurs avec leurs guides; quelques-uns attendaient l' éclaircie depuis des semaines. La carte de membre du NZAC ne nous procura pas les taxes réduites au refuge, comme aux autres clubs européens. Nouvelle-Zélande?... un haussement d' épaules et un sourire déconcerté.

Barker et moi avions décidé de tenter l' ascension sans guide, surtout parce que le tarif de 8 £ par touriste 1 ( chaque guide ne prenant qu' un seul client ), même après la forte réduction résultant du subside de l' Etat aux guides, était encore trop lourd pour notre bourse. Brown, qui avait moins d' expérience de la montagne, se décida à payer la somme. Parmi les autres aspirants, beaucoup étaient de jeunes Américains qui, au cours de leur tour d' Europe, « font » le Cervin comme ils « font » Londres, Paris et Rome. La plupart d' entre eux n' avaient qu' une très médiocre ou même aucune expérience de la montagne. Pour d' autres, hommes d' âge et d' expérience, c' était l' accomplissement d' un rêve de plusieurs années.

A l' aube nous étions en route sur l' arête, pris en sandwich entre de nombreuses caravanes, si bien que nous-mêmes étions en fait guidés. La roche est en général solide, mais une légère couche de neige déposée par les récents orages masquait les prises et glissait traîtreusement sous le pied. Nous étions une des rares cordées avec des piolets, qui nous génèrent considérablement dans les rochers; mais nous fûmes contents de les avoir plus haut sur les pentes de neige. La technique des guides était intéressante à observer. Ni eux ni leurs clients n' avaient de piolet, les guides ne portant que des crampons à courtes pointes aussi bien sur le rocher que sur la glace. Ils montraient peu d' égards pour les autres caravanes, passant sans discrimination par-dessus ou par-dessous les cordes des autres équipes. Le pauvre client, s' il n' était pas tout à fait à la hauteur et capable de tenir l' allure, était gentiment hissé en haut les escarpements ou poussé par-dessus bord. Pour le réconforter, on lui faisait avaler de temps à autre des morceaux de sucre trempés de cognac...

Le refuge Solvay surgit tout à coup, perché sur une étroite terrasse de l' arête. Puis ce furent les cordes fixes pour franchir une suite de vires inclinées recouvertes de neige où se 1 La livre néo-zélandaise vaut environ 10 fr. suisses.

Die Alpen - 1953 - Les Alpes21 produisit la catastrophe de la caravane Whymper. En quatre heures et demie, temps moyen, le sommet fut atteint. La vue sur la Dent Blanche, le Weisshorn, le Mont Rose et le Mont Blanc loin au sud-ouest, est étrangement décevante. En comparaison avec les massifs de la Nouvelle Zelande, les Alpes d' Europe sont lamentablement pauvres en glace, neige et glaciers. Le Cervin lui-même, vu sous n' importe quel angle, est un pic magnifique, mais la vue de son sommet n' offre guère d' intérêt.

Nos amis américains avaient maintenant l' air d' être « dans les choux ». Les uns grimpaient à quatre pattes; d' autres réussissaient encore à montrer un pâle sourire, en contraste marqué avec leurs rires bruyants de la veille. Ils faisaient peine à voir: le Cervin n' est pas la cime idéale pour commencer une carrière d' alpiniste. Nous fûmes agréablement surpris du joyeux salut que nous adressèrent deux Anglais qui, la veille, nous avaient abordés poliment, mais avec la froideur habituelle. Toutefois ce débordement de cordialité ne dura guère; lorsque nous les rencontrâmes à la fin de la journée, une réserve hautaine avait de nouveau raidi leur attitude.

Puis ce fut la descente. Le soleil avait tourné, et les cordes fixes étaient maintenant gelées et glissantes. Nous n' avancions que lentement dans cette foule hétérogène de professionnels et de novices. Six heures après avoir quitté le sommet, nous retrouvions au Hörnli notre camarade Brown, enchanté de sa course malgré les 8 £ et la perte de son appareil photographique qui s' était échappé de sa poche.

Chaque année, des hordes de touristes escaladent l' arête du Hörnli, et la terreur qu' ins jadis le Cervin semble maintenant ridicule à certains. Mais qu' on ne s' abuse pas. L' arête italienne est un morceau plus sérieux, et bien davantage encore la difficile arête de Zmutt et la redoutable arête de Furggen. Chaque année aussi, la montagne continue à prélever son tribut de vies humaines.New Zealand Alpine Journal )

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