Le développement de l'alpinisme au Mexique
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Le développement de l'alpinisme au Mexique

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Je tiens d' abord à spécifier que l' expression alpinisme est pris ici dans son sens le plus général. Nos Alpes qui restent et resteront pour nous autres Suisses les plus belles de toutes les montagnes, sont archi-connues; il ne reste plus de sommets vierges à part quelques gendarmes; presque toutes les sommités ont été gravies, de tous les côtés, sur toutes les faces, par toutes les arêtes, et l' alpinisme acrobatique règne en maître entre l' automobilisme et l' aviation non moins acrobatiques. Pourtant, combien l' alpinisme a-t-il encore de massifs à explorer! Les plus vastes en Asie 1 ), en Amérique du Nord les chaînes canadiennes qui se révèlent peu à peu 2 ), les Montagnes Rocheuses des Etats-Unis 3 ), l' interminable Cordillère des Andes dans l' Amé du Sud 4 ) avec cette immense étendue de glaciers et de pics aigus entre la Patagonie et le Sud du Chili 5 ).

Dans cet article je me bornerai à parler de la partie mexicaine de la grande chaîne américaine et je chercherai à indiquer où en est l' alpinisme dans ce pays d' ancienne civilisation où les vieux monuments aztèques se rencontrent à chaque pas mêlés aux couvents, vieux aussi et abandonnés, de l' époque coloniale.

Il y a quelques années, l' alpinisme n' existait qu' à peine, il s' agissait davantage d' expéditions organisées en général par des étrangers pour gravir telle ou telle sommité. Le classique Popocatepetl ( que l'on croyait le plus élevé ) avait la préférence. Ainsi, il y a cinq ans, un groupe d' une douzaine de Suisses s' était organisé dans ce but et fit la série des ascensions principales, débutant par les sommets environnant la ville de Mexico, Cerro de Ajusco ( 4050 m. ) 6 ), Cerro de San-Miguel ( 3950 m .), etc., pour de là passer au Xinantecatl ou Nevado de Toluca ( 4578 m .), à la blanche Ixtaccihuatl ( 5286 m .), au Popocatepetl ( 5452 m .) et au Citlaltepetl ou Pic de Orizaba ( 5762 m. ). J' eus le bonheur de prendre part à toutes ces ascensions et souvent même celui d' assumer les fonctions de chef de course; vraiment c' était bien de l' alpinisme, malheureusement notre groupe se dispersa et toute activité cessa après une dernière ascension de l' Ixtaccihuatl. D' un autre côté, ces excursions n' étaient pas toujours faciles à organiser; tout d' abord de juin à fin octobre la saison des pluies qui gratifie les touristes d' un violent orage quotidien, puis la possibilité pour des personnes dans les affaires de disposer de 2—3 jours de liberté, les frais parfois assez élevés et le fait aussi de ne pas être du pays. Je tiens à déclarer, pourtant, que dans aucune de nos excursions nous n' avons eu de difficultés, ni avec les guides, ni avec les muletiers, ni avec la population des villages où nous avons passé; au contraire, nous avons remarqué le peu d' exigences et la complaisance de ces montagnards mexicains. Dans plusieurs de nos courses nous avions eu l' oc de nous rencontrer avec d' autres caravanes et nous avions noté que les Mexicains se faisaient de plus en plus nombreux; aujourd'hui la situation s' est totalement renversée et l'on peut dire que les groupes étrangers n' existent plus; l' alpinisme mexicain a pris en main l' organisation des expéditions. Il y a deux sortes d' activité; l' une est l' exploration sans viser spécialement l' altitude, exploration de régions peu connues, recherches archéologiques, reconnaissance des meilleurs chemins pour se rendre aux endroits pittoresques et caractéristiques, l' autre est plus spécialement réservée aux ascensions des hautes sommités. Ainsi il s' est formé un Club d' explorateurs et plusieurs clubs dont les principaux sont le Citlatepetl ( montagne à l' étoile ), le Tonatiuh ( soleil ) et la Cuauhtli ( aigle ). Ces clubs font chaque dimanche et toute l' année deux sorties, l' une facile et l' autre qui demande plus d' efforts. Ces tous derniers temps, le Citlaltepetl a pris l' habitude de partir le samedi après-midi. Chaque fois qu' une fête permet de disposer de 2, 3 ou 4 jours, une ascension importante est décidée, préparée dans le détail et exécutée presque toujours avec succès. Un programme des courses est établi par saison. Ces clubs sont groupés en une association générale avec son comité central et ses commissions spéciales. La règle de conduite est analogue à celle des « Eclaireurs », par exemple, dans les excursions, les boissons alcooliques sont interdites, le port d' armes à feu est prohibé et chaque participant doit obéissance au chef de course qui marche en tête et au chef d' arrière qui marche en queue.

De qui se composent ces clubs, je l' ai dit, de Mexicains, quoique l' élément étranger soit admis ( Allemands, Anglais, Suisses et même Japonais ). Dans le club auquel j' ai l' honneur d' appartenir, j' ai noté une certaine prédominance de carrières libérales, avocats, ingénieurs, docteurs, fonctionnaires du gouvernement ou des chemins de fer et plusieurs jeunes gens très allants ( il ne faut pas oublier que les personnes nées et élevées à Mexico ont leur « plancher des vaches » à 2200 m. ). Cette association est assez forte pour pouvoir demander des facilités de diverses natures, telles que: réduction sur les transports en chemin de fer, protection de la part des autorités civiles ou militaires ( escorte ), élaboration de cartes topographiques, collaboration avec les institutions adéquates pour la protection des forêts ou des restes archéologiques, démarches pour obtenir une répartition du travail qui permette de disposer du samedi après-midi, et enfin, cet exode d' une population saine, robuste, sobre et non armée ne peut avoir qu' une excellente influence sur le reste de la population; grâce à lui on verra disparaître ce qu' on est convenu d' appeler, en Europe, par suite d' exagérations ridicules de provenance douteuse, ce banditisme le plus souvent causé par des gens fort peu intéressants qui désirent faire parler d' eux.

Les montagnes principales énumérées plus haut sont connues depuis l' antiquité; les Aztèques les considéraient comme sacrées et réservées aux dieux. Les Espagnols les ont exploitées pour en tirer du soufre. On ne peut donc parler de premières ascensions; toutefois le fait d' arriver au sommet ne constitue pas tout. Le Xinantecatl ( l' homme nu ) est une longue arête rocheuse dont la traversée complète offre beaucoup de variété. L' Ixtaccihuatl ( la femme endormie ) est un gros massif aux vrais glaciers avec plusieurs sommets, la Tête, la Poitrine ( point culminant ), les Genoux, les Pieds; tous ne sont pas connus. Le Popocatepetl lui-même 1 ), de forme conique, au cratère profond et inaccessible pour le moment, peut être gravi de divers côtés, notamment par le glacier nord; le tour de son cratère est-il encore possible? en tous cas, il ne doit pas être commode, et très dangereux. Le Citlaltepetl offre les mêmes avantages en plus ardu; en outre il possède près de l' endroit dit « Los cargadores » une jolie arête de gendarmes volcaniques 2 ). Et en dehors de ces sommets classiques combien y en a-t-il d' autres, moins élevés mais aussi variés: la Malinche ( 4500 m. env. ) près de Tlaxcala, aux belles parois de rocher, toute la région montagneuse de Pachuca avec ses pics de basalte propres à l' acrobatie et toute la Sierra Madre occidentale presque inconnue dans l' Etat de Guerrero, le Tancitaro dans le Michoacan, les volcans de Colima sur la côte du Pacifique et combien d' autres!

Ceci constituera la seconde phase de l' alpinisme, la reconnaissance de détail de tous ces massifs avec toutes ses expériences, le goût de la varappe, l' emploi de la corde totalement inconnu pour le moment. Pourtant, il faut y veiller, les crevasses des glaciers des trois massifs principaux sont respectables et je crains qu' un jour ou l' autre un accident se produise; par contre l' alpinisme hivernal, si parfaitement défini par M. Marcel Kurz, n' existera jamais, hélas! Le terrain s' y prêterait admirablement, il y a des montagnes à ski merveilleuses, mais il n' y manque et n' y manquera toujours qu' une chose... la neige, la vraie et bonne neige cristalline!

Il est très regrettable que les ouvrages classiques de l' alpinisme, les Javelle, Whymper, Mummery, Guido Rey, pour ne citer que les principaux, n' aient pas été traduits, du moins à ma connaissance, en espagnol, car à voir l' essor que prend l' alpinisme chez l' élément jeune, je ne doute pas que plusieurs désirent étendre leur champ d' action et connaître le territoire, classique également, des Alpes qui leur ménagera bien des surprises... agréables, aux Aiguille verte, Bietschhorn, Obergabelhorn, etc. Heureusement, l' Office suisse du Tourisme a fait publier ses guides en espagnol, c' est excellent.

Comme exemple d' ascension, celle du Popocatepetl ayant été décrite par M. Heim, je prendrai celle de l' Ixtaccihuatl. Partis un vendredi matin du mois de décembre, mois à mon avis le plus favorable, nous arrivions à 10 ½ heures à la petite ville d' Amecameca; nous avions prévenu le guide-chef de notre arrivée pour qu' il ait ses « mozos » ( porteurs ) et ses « mulas » prêts. Repartis vers 12 ¾ heures, nous montons par de belles forêts de pins(ocote ) et de sapins blancs ( oyamel ) jusqu' à environ 3500 m. de là; préférant poursuivre à pied, nous renvoyons la cavalerie, ne gardant que quelques bêtes de bât. En une petite heure nous arrivions à la Cueva ( grotte ), dite aussi Hôtel Cholula; cet hôtel n' est qu' une voûte au pied d' une petite paroi de rocher protégeant de la pluie ou de la neige, mais nullement du vent; d' un côté les hommes, de l' autre les mules et entre les deux le feu de bivouac. La nuit est froide, il gèle même, mais avec une bonne couverture et un bon « serapé » on peut dormir; du reste il faut partir de bonne heure, à 3 heures du matin. De la Cueva ( 3900 m .) quelques traces conduisent par de rares gazons et despierriers jusqu' à la partie inférieure du glacier central où nous arrivons au petit jour, 5 ½ heures. Pour atteindre la crête supérieure, les touristes se dirigent sur la droite; pour atteindre les « Rodillas » ( genoux ) nous préférons prendre en plein glacier, histoire de dérouiller les piolets. Effectivement la neige est dure, il faut tailler, les crevasses sont facilement franchies, mais la pente s' accentue, un zigzag nous permet de passer la rimaye et après une dernière pente raide nous arrivons sur le Ventre ( non le nôtre mais celui de la montagne ). Nous avons dépassé les 5000 mètres. Après avoir cassé une croûte, nous nous dirigeons du côté de la Poitrine ( Pecho ), sommet principal ( 5286 m .), en suivant la crête. Très tranquillement, reprenant notre souffle, nous atteignons le plateau culminant où flotte bientôt mon vénérable drapeau du C.A.S. Le temps est magnifique, il est 9 h. 30; d' un côté une impressionnante mer de brouillard d' où émerge le Popocatepetl tout blanc avec son panache de fumée; de l' autre, noire, sévère, la Malinche et plus loin l' étoile blanche du Citlaltepetl. Chacun a mérité son nom et notre « femme endormie » n' a pas l' air de se soucier des quatre moucherons que nous sommes. Il fait frais, aussi nous ne tardons pas à redescendre. Nous sommes à midi à la Cueva, nous en repartons à 14 heures et rentrons à Amecameca à 18 heures. Il est trop tard pour revenir à Mexico, le dernier train partant à 15 h. 15, force nous est donc de passer la nuit à l' hôtel. Actuellement, selon les jours, on peut rentrer à Mexico et les ascensions de l' Ixtacci ou du Popocatepetl peuvent se faire en deux jours.

Le Citlaltepetl est plus long: il faut trois jours et demi. On passe aussi la nuit dans une grotte dite « Cueva de los Muertos », on y dort peu, car il faut partir vers 11 heures du soir pour réussir l' ascension, longue et fatiguante à cause de l' altitude ( 5762 m .); il est possible de redescendre le même jour jusqu' à Chalchicomula et de prendre le train de nuit. Nous avons noté à Pâques vers 5400 m. la formation de neige dite « pénitentes de nieve » tandis qu' en décembre, dès 4800 m ., presque toute la partie supérieure était recouverte de neige dure, uniforme et très inclinée, obligeant à tailler.

Un conseil à mes collègues du C.A.S. qui se rendraient au Mexique: prenez votre piolet, modèle moyen, et des crampons à 6 ou à 8 pointes et laissez vos fortes bottines de montagne chez vous; en effet, une bonne partie du trajet se fait à cheval et vos bottines à semelle débordante n' entreront jamais dans les étriers mexicains. Je ne puis que terminer ces quelques lignes en disant à ceux qui veulent faire de la montagne au Mexique: Adressez-vous à M. Salvador H. Barron, Club Citlaltepetl, Apartado postal 71—21 ou Av. Uruguay 67, à Mexico D. F., vous trouverez auprès de lui tous les renseignements et vous rencontrerez un bon esprit monagnard et, à votre tour, MM. et chers collègues, accueillez ceux des excursionnistes mexicains qui viendront faire leur « tour des Alpes».Const. Long.

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