L'Eperon Walker (Grandes Jorasses)
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L'Eperon Walker (Grandes Jorasses)

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( Grandes Jorasses )

Roland Ravanel, guide, Argentière

( Grandes Jorasses ) ( Illustrations 33-35 ) Le temps est orageux, mais beau.

Tous les jours je cours la montagne: Crochues, Floria, Chardonnet, Flèche Rousse à l' Aiguille d' Argentière... Un jour sur deux on cramponne sur une neige « bonne dure ».

Maurice Cretton revient de la Nanda Devi. Nous parlons de la Walker...

Mais d' autres courses m' accaparent: Micheline grimpe derrière moi aux Aiguilles du col du Tour où, engagés dans de belles longueurs, nous tombons sur un four à cristaux qui nous éblouit. Le lendemain, Alain et Paul me suivent dans les Fis à l' Enclume, d' où nous sortons comme des marmottes de leur trou. A gauche et plus loin: Flaine et retour par le Dérochoir et ses chaînes qui permettent la descente de schistes glissants. Je pars pour le refuge d' Argentière le soir même, avec Paul. Nous devons faire une seconde à la face sud du Plateau, à l' arête du Jardin de l' Aiguille d' Ar. Le lendemain, vers cinq heures, deux Autrichiens arrivent essoufflés au refuge: des séracs ont emporté deux Suisses à la face nord du Triolet.

Renonçant pour l' instant à notre course, nous sommes deux guides à partir pour le pied du Triolet, avec le gardien et les Autrichiens.

L' un des Suisses a une fracture ouverte à une jambe. Il fume une cigarette. L' autre, les yeux vitreux, est « groggy ». Les Autrichiens les ont mis à l' abri des séracs. Nous les réchauffons et leur parlons en attendant l' hélicoptère qui tarde à venir. Enfin l' appareil arrive et emporte les blessés à l' hôpital de Chamonix.

Au-dessus de nos têtes, le Triolet; loin vers le bas, le refuge d' Argentière et la face sud du plateau, où bientôt je me traîne au soleil.

Cette montée imprévue vers le Triolet m' a fatigué.

Sept heures plus tard, Paul et moi débouchons tout de même au sommet du Plateau. Qu' il est beau, vu d' ici, le Champignon, ce curieux gendarme à notre gauche!

Nicole Pistre arrive au refuge: demain nous partirons pour l' arête nord du Dolent.

La rimaye est compliquée, et nous devons attendre le jour pour la franchir et viser la brèche de l' Amone. Nous montons dans du rocher gris, humide, assez difficile, voire délité. La sortie est belle, aérienne, et le sac doit franchir l' étroite brèche avant qu' on n' y passe une jambe, puis l' autre.

Soleil, séracs; la Suisse de l' autre côté. Nous longeons l' arête caillasseuse. C' est Waterloo, surtout lorsque le temps se gâte.

Des gens dans la pente sommitale du Dolent.

Le ciel devient noir. Il pleuvine.

Nous arrivons au sommet, où trois frontières se réunissent. Vite la descente, le refuge italien, le col Ferret, le long sentier de terre noire conduisant au val Ferret. Nicole se dit fatiguée, mais cueille encore des fleurs ravissantes: lis, orchis et autres dont j' ai oublié les noms...

De retour à la maison, je fais mon sac pour les Aiguilles Rouges etje commence... à mettre du Beaujolais en bouteilles, lorsque le téléphone retentit:

-Tu viens avec nous à la Walker? Nous partons demain.

C' est Jean-Frank Charlet.

Je tourne en rond deux minutes, casse une bouteille et rappelle:

- C' est d' accord. Il me répond:

- C' est formidable! Nous serons six: Roger Fournier et un client; René Ghilini avec Raymond Ducroz, et nous deux.

Eux mangent au Dahu et s' occupent de la nourriture.

Je finis ma mise en bouteilles et prépare le matériel. Je pense à Maurice Cretton qui, malade, ne pourra pas se joindre à nous. Micheline me donne gentiment de la nourriture et une pellicule photographique.

A 8 h 30, le lendemain, nous sommes dans le train du Montenvers. Roger et son client sont déjà en route. René parle; il parle de ses courses, du six, de Pra Torrent, de John Bouchard, des Anglais. Sur la Mer de glace, il continue à parler du CEG de Chamonix. Nos sacs sont lourds, mais ne nous empêchent pas d' avancer.

Plus haut que le refuge de Leschaux, sur le glacier, un bloc: halte, boisson, tour d' horizon. Derrière nous, des gens très chargés.

- Des « walkéristes »! lance René.

Nous jetons nos sacs de l' autre côté d' une large crevasse que nous sautons, non sans nous raccrocher à eux! Quatre alpinistes franchissent la rimaye, ils courent...; d' autres escaladent la Tour Grise.

Vers midi trente, nous mangeons, lorsque des pierres dévalent le Linceul, à grand fracas. Nous remontons les dernières pentes et nous nous préparons.

Très excité, je franchis la rimaye et entame les premiers passages faciles en terrain douteux. Jean-Frank me relaye, et nous sommes rapidement dans la traversée à gauche.

Roger Fournier, qui est plus haut, nous crie des choses que je ne comprends pas. Raymond part avec des blocs; la corde le retient; rien ne peut lui faire perdre son flegme. Un ruisseau! Je remplis la gourde. Raymond reçoit une pierre. Décidément! Un caillou vole, touche notre corde, et je vole à mon tour, la gourde à la main. Nos cordes se sont tendues et croisées. Raymond n' a pas de mal; ma gourde ne s' est pas vidée. Chaude alerte. Nous repartons.

Je grimpe dans une dalle et tente, selon René, le passage le moins évident et le plus difficile qui soit pour rejoindre la base du dièdre de 30 mètres.

Je m' élève un peu, redescends, essaye une traversée, et finalement monte droit, avec le pied dans un anneau, oubliant un clou à gauche.

Deux longueurs plus haut, nous passons le « dièdre à Gaston » en tirant trop à gauche. Mousquetons, anneaux, une pédale, et c' est fait.

Nous entamons des passages verglacés vers la droite, puis une légère redescente ( comme au Bargy ), et atteignons la base du grand dièdre de 75 mètres. Qu' il est beau! René l' attaque, suivi de Raymond. Jean-Frank part à son tour. Je prends des photos. Je repasse devant à la deuxième longueur: c' est « cher », l' eau coule, on boit et on grimpe à la fois. A gauche, de belles cannelures nous aident, et c' est en plein soleil que nous sortons de ce dièdre.

Au-dessus de nous, trois cordées: deux gars en jaune - Roger et Pierre qui préparent déjà leur bivouac - et une cordée de trois qui amorce le passage du pendule. Le chef de cette cordée n' est autre que le célèbre hercule helvéto-tchécoslo-vaque, Thomas Gross.

Nous devons préparer notre nuit. René se taille une plate-forme où Raymond lui tiendra compagnie. Jean-Frank et moi, nous nous assiérons sur une bosse, dos à dos, avec les pieds sur la dalle. Roger déclare son emplacement exigu. Le soleil décline, puis disparaît derrière l' Aiguille du Fou.

Je pense à mes fils qui prennent le train pour l' Océan.

Thomassik chante dans la nuit. Nous sommes au milieu des étoiles. Tout est calme.

Un appareil photographique dévale les dalles: « M! » La première partie de la nuit est difficile. Je me plains de douleurs aux pieds.

- Changeons de place! me propose Jean-Frank. Quel charmant compagnon! Il a lavé la gamelle, allumé le feu, rangé la nourriture pendant que je préparais notre emplacement. Nous réussissons à dormir.

- Les gars de la Verte! crie René en voyant des lampes partir du Couvercle.

A Leschaux, d' autres lampes s' agitent, et c' est bientôt la course pour être les premiers aux Jorasses.

Thomassik pousse un hurlement. Des pierres se détachent de la Pointe Whymper. Il fait jour. Nous nous levons. Des grimpeurs ont attaqué 26 Les Périades und Mont Mallet 27 Biwak in den Les Périades und der Grat Rochefort-Dent du Géant 28 Die italienische Seite der Aiguille und des Dôme de Rochefort 29 Der Grandes-Jorasses-Grat, von der Pointe Young aus gesehen 30 Biwak Canzio beim Col des Grandes Jorasses 31Die Grandes Jorasses, vom Dôme de Rochefort aus gesehen l' Eperon Croz. René part, puis Jean-Frank. Avant le pendule, Raymond me lance:

- Attention! c' est du verglas!

Je ne m' en aperçois pas trop et file bientôt vers le bas, le long de la petite corde fixée là par je ne sais qui. Jean-Frank arrive à son tour en passant un brin dans l' anneau: c' est plus sûr. Je franchis ce que le Vallot appelle « le surplomb noirâtre » et parviens au bivouac de Tom et Natacha. C' est une auge de glace, on une corde jaune est restée figée. Laissée là par qui? depuis quand?

Jean-Frank me relaye et attaque les Dalles Noires en s' écriant plusieurs fois:

- Magnifique!

Quel sens de la montagne avait déjà Riccardo Cassin, en 1938! Et quelle volonté pour franchir ce passage redressé! Quelle technique!

La température change, et mon compagnon quitte son surpantalon, qu' il accroche à un clou. Je le récupère au passage et le fourre dans mon sac. Au-dessus, Natachica crie parfois:

- Thomassik, la rouge!

La voie Seigneur est assez loin à droite. Une corde fixe indique, plus près de nous, la voie des Japonais, à côté de la variante Lachenal/Terray, Nous passons sur un four à cristaux avant de buter contre la Tour Grise, longue échine qui n' en finit pas. A gauche, la voie ouverte par Demaison, Bertone et Claret, puis le Linceul, laminoir de glace. C' est grand, ces Jorasses!

La pente diminue, mais non pas les difficultés. Il y a de moins en moins de pitons, et nous faisons souvent vingtou trente mètres sans assurance. Plus 32 Ausstieg auf den Grat kurz vor dem Gipfel der Pointe Young Photos Philippe Staub, Lausanne 33 Eperon Walker ( face nord des Grandes Jorasses ): dans le dièdre de y mètres 34 Sortie des dalles noires et arête des Grandes Jorasses 35 Dans les dalles noires ( face nord des Grandes Jorasses ) Photos: Roland Ravanel, Argentière haut, une cordée s' est trompée. Je me sens las, incapable d' aller plus vite, et Jean-Frank fait aujourd'hui plus de longueurs que moi en tête. A chaque relais, nous posons le sac. Les cordes sont lourdes à tirer...

- Il faudrait se reposer un jour ou deux avant les grandes courses, dis-je à Jean-Frank.

Natacha perd une poignée jumar que je lui récupère. Plus tard, le lâcherai un clou, le seul que nous ayons planté à un relais, et que Tom me rapportera. Bonne entente. Ambiance sympathique.

Nous doublons l' autre cordée au « névé triangulaire » et abordons les « cheminées rouges ». Elles s' avèrent très périlleuses. Je pense y avoir trouvé le passage le plus exposé de la voie.

Par mégarde, « j' envoie » un petit caillou, et Tom, en bas,... s' excuse. Quelle gentillesse!

Nous prenons les dernières photos. La crête sommitale se rapproche. La traversée de quarante mètres est franchie.

Le couloir délité, le sommet de Y Eperon, la corniche, la Walker enfin: quelle course « intense » et qui se défend jusqu' au bout! Et quelle ambiance! combien sympathique! Quel beau temps aussi! Quelles cordées! quels compagnons!

Puis c' est la descente sur le glacier, sous les séracs, l' arête du Reposoir, le refuge enfin. Refuge haut perché, on l'on nous prête des chaussettes sèches, avant de nous faire avaler une bonne soupe et de nous laisser nous endormir heureux.

- La Walker, dira Jean-Frank, c' est une aventure...

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