Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses
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Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses

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Quarante-septième Rapport — 1926.

† Alfred de Quervain. In memoriam.

Une fois de plus depuis 1911, ce Rapport doit s' ouvrir sur une page de deuil. Après Forel, après Coaz, la petite phalange des glaciéristes suisses a vu se faire dans ses rangs une brèche désastreuse. Le 13 janvier 1927, le Dr Alfred de Quervain, adjoint au directeur de l' Institut fédéral de météorologie, professeur à l' Université de Zurich, vice-président de la Commission SHSN des glaciers et président de la Commission pour l' Observatoire du Col de la Jungfrau, fondateur de la Société suisse de géophysique, météorologie et astronomie et membre honoraire du Club alpin suisse — j' en passe — a été enlevé inopinément à l' affection des siens et à l' estime admirative de ses collègues. Ce n' était, hélas I que la réalisation d' une menace dangereuse mais qu' on voulait croire lointaine: en 1925 déjà, à peine âgé de 46 ans, de Quervain, usé par un surmenage que son caractère bouillant et farouchement énergique lui imposait seul, avait été frappé d' une congestion cérébrale. Il avait depuis lors recouvré sinon son intégrité physique, du moins sa lucidité mentale complète et cette reprise même le vouait à une récidive.

On a dit ailleurs les mérites singuliers de l' homme, du météorologiste et du séismologue; je ne veux relever ici que ceux du glaciériste et de l' explora polaire. Ils sont immenses et difficiles à faire assez valoir. Ceux qui, comme le soussigné, ont eu le privilège de suivre, dans les solitudes groenlandaises ou dans nos glaciers, cette activité scientifique incessante et multiple, peuvent seuls mesurer exactement la perte que notre pays vient de souffrir. La communauté le réalisera mieux à la longue.

Météorologiste de profession et de vocation, doué d' une intelligence remarquablement ouverte, élargie encore par des « humanités » étendues, de Quervain était venu à l' étude des glaciers par celle de l' atmosphère et de sa circulation. Un premier voyage au Groenland W, en 1909, avec MM. Stolberg et Bœbler, semble avoir été l' amorce de son activité glaciologique. Il y était d' ailleurs préparé par la fréquentation de notre haute montagne. La coopération du Dr Bœbler, alpiniste éprouvé, lui permit d' adjoindre à son programme aérologique une randonnée sur l' inlandsis, la grande nappe de glace qui couvre presque tout le Groenland. Ce raid de quelque 230 km. dans la région difficile du Grand Karajak, où il accumula les expériences nécessaires à une exploration de grand style, détermina sa résolution de répéter à travers le Groenland moyen, plus large, le voyage si hardi et si révélateur de Nansen. Ainsi s' organisa l' Expédition suisse transgroenlandaise de 1912/1913, première entreprise de ce genre sous le pavillon national; entreprise restée unique mais qui donna d' emblée à notre pays sa place, et honorable, parmi les pionniers des contrées polaires. Du 22 juin au 1er août 1912, avec 3 compagnons, 3 traîneaux et 30 chiens de Quervain avait traversé l' inlandsis sur près de 600 km. et y avait levé le premier ruban d' itinéraire détaillé. Pendant ce temps un groupe dirigé par l' auteur se livrait à la marge W du gigantesque glacier à toute une série de recherches scientifiques complémentaires.

Rarement expédition si maigrement dotée rapporta si copieuse moisson de résultats de toute nature, mais par-dessus tout c' est sa remarquable organisation et son haut « rendement scientifique » que le monde compétent s' est plu à admirer et le mérite en revient à de Quervain essentiellement.

Dur à lui-même plus encore qu' aux autres, tourmenté du désir de mieux faire, sans cesse sur la brèche et ne reculant devant aucune fatigue, aucun danger, pour mieux remplir les tâches que son esprit fécond engendrait incessamment et qu' il se sentait tenu d' accomplir dès qu' il les avait seulement conçues, de Quervain entraînait bon gré mal gré ses collaborateurs et les emportaient au-dessus d' eux.

Parmi les résultats glaciologiques principaux de l' expédition citons, au hasard: la connaissance détaillée de l' enneigement inlandsisien et de la répartition de ses centres de glaciation, du régime d' écoulement de la glace en terrain non perturbé, des fluctuations anciennes du front, des effets morphologiques de la glaciation, de l' évolution des isbergs, etc.

Ces grandes qualités, de Quervain, rentré au pays, devait les appliquer tour à tour à l' étude des glaciers de Biferten et de sa laisse, dont il fit faire la carte par M. Schnitter, puis du glacier Supérieur du Grindelwald.

Des circonstances de famille ( il était le beau-frère de M. Nil, le « parochus glacialis », le Gletscherpfarrer ) l' amenèrent à de fréquents séjours au voisinage de ce glacier alors en crue vigoureuse, et ce devint pour de Quervain une préoccupation de tous ses loisirs, à laquelle la Commission des glaciers fut heureuse d' associer sa sollicitude et ses ressources financières. Aidé principalement du Dr Lütschg, il institua tout d' abord des mesures de l' érosion escomptable quand le glacier envahirait certains bancs de rochers propices; puis il développa la surveillance de l' écoulement des glaces frontales au moyen du cryocinémètre, issu de la collaboration des divers membres de la Commission des glaciers élaborant une idée heureuse de leur collègue M. le prof. Piccard et qui trouva son épanouissement dans le cryocinégraphe.

Aux photographies systématiques du glacier A. de Quervain voulut adjoindre la prise d' une série de vues pour en confectionner un film cinématographique reproduisant l' avance des glaces et dont il eut d' ailleurs la joie de voir encore l' essai prometteur. Les derniers efforts de notre collègue se concentrèrent sur la création de la Station scientifique du Col de la Jungfrau, et à cette occasion il entreprit les premières mesures du mouvement des glaces d' un tel col.

A la Commission des glaciers, dont il faisait partie depuis 1913, ses interventions étaient fécondes et bienvenues. Chez ses étudiants ses leçons portaient fruit. Au Club alpin, qui l' avait justement inscrit parmi ses honoraires, sa voix était écoutée. Il avait d' ailleurs des titres spéciaux à l' attention bienveillante de ses collègues: n' avait pas gravi le premier en 1909 le Saddlen, le grand sommet de la région de Godthaab, au Groenland, et le Hjortetakken voisin. N' avait pas découvert, dans le « Pays suisse », le plus haut sommet mesuré au Groenland, le Mont Forel? Alfred de Quervain a été un grand glaciériste et un grand explorateur.P.L. M.

Le sondage physique du glacier. Quelques expériences.

La connaissance exacte et détaillée du lit des glaciers a pour la science de ces grands appareils géophysiques une telle importance qu' il convient de n' épargner rien pour réaliser une méthode de sondage à la fois précise et expéditive. Sans doute le forage mécanique a fourni déjà à l' Unteraar ( Agassiz ), à Tête-Rousse ( Mougin et Bernard ) et surtout à l' Hintereisferner ( Hess et Blumcke ) des résultats irréprochables et d' une valeur indéniable; les derniers notamment ont apporté la vérification de la belle théorie cinétique de l' écoulement glaciaire imaginée par Finsterwalder. Mais les forages dépassant quelques dizaines de mètres sont longs et pénibles, donc coûteux à l' excès. En outre le défaut de l' eau indispensable les rend quasi impraticables dans le névé. Sans doute ils ont l' avantage de laisser des trous de sonde disponibles et qui ont déjà permis d' utiles expériences, mais ce que la glaciologie réclame aujourd'hui pour progresser ce sont des profils corrects en travers du lit, comme ceux qu' on lève si aisément à travers fleuves et mers. C' est pourquoi les méthodes physiques sont appelées à prendre ici le pas devant les procédés mécaniques, comme elles le font déjà en matière de sondages maritimes et même dans la prospection des ressources minières.

Je me suis attaqué en 1919 déjà à ce problème, plus ardu qu' on ne le croirait. La matière qui constitue le glacier, et davantage encore le névé, a en effet des propriétés et un état excluant d' emblée certaines solutions et compliquant les autres. C' est pourquoi la bonne solution est encore éloignée, si éloignée que je n' eusse pas songé à aborder ici ce problème s' il n' importait de susciter de nouvelles recherches et si les échecs éprouvés ou les demi-réussites n' avaient apporté néanmoins des enseignements profitables et des espoirs licites.

Quand il s' agit de glace et de neige on peut envisager deux principes comme base possible du sondage physique: celui des ébranlements mécaniques ( sondage acoustique ou séismologique ) et celui des ondes électriques ( pour autant que la température du glacier reste au-dessous du point de fusion de sa glace !). Mes tentatives dans cette dernière voie n' étant encore qu' em, je ne parlerai ici que des essais faits dans la première voie.

Comme ébranlements nous avons essayé tour à tour les détonations d' ex et les ultrasons de Langevin. Voici le principe général de leur emploi: D' un point convenablement choisi à la surface du glacier un train d' ondes élastiques se propage vers le lit, s' y réfléchit et revient à la surface sous forme d' écho. Cette propagation dure un certain temps lequel dépend à la fois de la profondeur du glacier, de la vitesse de marche des ondes dans le milieu glacé et de la distance séparant le point d' émission du point de réception des ébranlements. Si ces deux points coïncident ( méthode des ultrasons ), la profondeur du glacier est simplement la moitié du produit de la vitesse de propagation par le temps écoulé entre le départ et le retour de l' onde. Si les deux points sont distants, comme l' emploi d' explosifs y contraint, la relation se complique, mais se résout néanmoins sans ambiguïté par rapport à l' in, soit la profondeur cherchée.

En théorie tout ceci est simple; l' application réserve des difficultés considérables.

Tout d' abord — et surtout —les vibrations éprouveront dans le glacier une absorption dont la grandeur variera non seulement avec le degré de compacité et d' homogénéité du milieu mais encore avec la température et cet amortissement ira parfois jusqu' à les annuler. Minimale, mais non sans importance dans la glace pure au voisinage de son point de fusion ( comme elle l' est en général dans le dissipateur ), l' absorption sera énorme dans les couches superficielles du névé, qui sont pétries d' air et faites d' alternances de neige lâche et de croûtes compactes. De nombreux essais me l' ont prouvé: le 27 IX 1919, 300 g. de cheddite explosent dans la neige du Tsanfleuron à 40 m. d' un microphone dont le pavillon s' ouvre à même le névé: on ne perçoit rien! Le 9 X 1920 au Col d' Orny je fais détoner 300 g. de cheddite à 1,6 m. dans le névé, entre deux couches durcies, après un solide bourrage du trou de sonde. Cette fois on écoute de diverses manières: au microphone, l' oreille collée à un bâton de frêne enfoncé dans la neige, au tube métallique de la sonde, plantée aussi, enfin, à l' oreille nue.Voici le détail des constatations: sonde à 12 m ., bâton à 16 m ., microphone à 20 m ., perçoivent des coups sourds, mais à 34 m. un bâton enfoncé jusqu' à la première couche dure ne transmet rien de sensible. Enfin le 4 X 1926, dans les mêmes parages, 200 g. de cheddite C, plus brisante, donnent un bruit à peine perceptible et à un seul de deux géophones placés à 25 m. sur le névé déjà durci, après enlèvement de la couche de neige légère! Et pourtant dans tous les cas le névé était à basse température! Pourra-t-on jamais transmettre assez d' énergie au névé pour qu' un écho devienne perceptible? C' est terriblement douteux! Quoi qu' il en soit, une seconde difficulté surgit: nous ne connaissons pas exactement les vitesses de propagation des vibrations élastiques dans le glacier! Je dis les vitesses, car les vibrations peuvent être longitudinales ou transversales, et chaque sorte a sa vitesse, celle de la seconde espèce étant sensiblement 1,7 fois plus petite que celle de la première, qui est l' espèce acoustique. On peut heureusement calculer approximativement ces vitesses et l'on trouve pour la première sorte 1,9 kilomètre par seconde et pour la deuxième 1,1 km./s. Pareilles vitesses exigent la mesure très précise de l' intervalle de temps séparant la réception du son direct de celle de l' écho. Une erreur de 1/100 seconde entraînerait déjà une incertitude, difficilement admissible, de plusieurs mètres sur la profondeur à mesurer. Une mesure satisfaisante suppose donc l' emploi d' un inscripteur, dispositif délicat et compliqué. Comme il ne s' agissait tout d' abord que de constater l' existence d' un écho, on pouvait auparavant essayer de le percevoir à l' oreille armée d' un amplificateur simple. Grâce à l' amabilité de M. Jean Perrin, professeur au Collège de France, j' ai pu disposer de deux géophones, instruments très sensibles, imaginés par lui et employés à la guerre pour détecter les travaux de sape. La place me manque pour les décrire.

Renonçant au névé, trop absorbant sous l' épaisseur minimum nécessaire à la perception d' un intervalle d' écho ( une centaine de mètres ), je m' adressai au glacier même, celui du Rhône d' abord, celui de Corbassière ensuite, celui de Grindelwald Inférieur enfin.

Au Corbassière, le 23 IX 1926, avec M. Fauquex, j' ai installé deux géophones sur la plaine au droit de la cabane Panossière, à quelque 200 m. de la rive droite et j' ai fait sauter de la gamsite: des trois explosions, la plus forte ( 300 g. ) mérite citation: à 60 m. nous avons distingué sans ambiguïté 2 sons brefs transmis par la glace puis un plus long arrivant par l' air. En admettant un écho à l' intervalle de 0,08 sec, minimum séparable encore à l' oreille et une vitesse de propagation de 1,9 km./s ., on calcule une profondeur du litde 102 m. La formule de Somigliana qui permet également de calculer la dite profondeur à l' aide de la vitesse du mouvement superficiel du glacier, de sa pente et de sa largeur donne ici 107 m. Voici certes une coïncidence encourageante!

Il convenait de répéter l' expérience ailleurs. Je l' ai fait le 12 XII encore au glacier Inférieur du Grindelwald avec l' aide vaillante du Dr Custer. Nous avons pu atteindre la plaine de glace devant la Stieregg juste avant que le réenneigement hivernal ait définitivement cancelé le sentier de la Bäregg et enfoui le glacier sous trop de neige. Notre emplacement d' essai était juste sur le profil longitudinal des mensurations et à mi-chemin entre les transversales I et II, à 1,7 km. du front et 0,8 de la Bäregg. L' explosif était cette fois de la cheddite C, cadeau généreux de la « Société d' explosifs cheddite » de Liestal. On a essayé diverses charges, diversement disposées sur le glacier et à différentes distances, allant de 45 à 95 m ., des géophones. Les deux meilleures épreuves ont donné une rapide succession de deux coups brefs séparés par environ 1/10 seconde. Avec le minimum 0,08 s., le calcul donne ici 114 m. Or, c' est, cette fois aussi, la profondeur donnée par la formule de Somigliana quand on admet que la vitesse superficielle en ce mois de décembre n' était que les 2/3 de la vitesse annuelle, très bien connue au lieu de l' expérience. ( La dite réduction se déduit des indications du cryocinégraphe du glacier Supérieur. ) Prenons garde toutefois de nous leurrer; multiples sont les réserves à faire sur le choix aisément tendancieux des valeurs adoptées. Mais rien ne décourage non plus l' espoir et il vaut la peine de recommencer, cette fois avec des moyens moins rudimentaires.

J' ai le regret de n' en pouvoir dire autant de nos essais avec les ultrasons. Et pourtant quelles perspectives! Les ultrasons, ces vibrations acoustiques mais de fréquences si grandes que l' oreille ne peut plus en percevoir le son, devaient nous permettre de diriger sur le fond du glacier un faisceau étroit de rayons et d' en recevoir l' écho au point d' émission même, à l' aide d' un appareillage, très perfectionné, garantissant toute l' exactitude requise et qui a fait pour le sondage de la mer des preuves éclatantes. Mais ni M. Langevin, le savant promoteur du sondage ultrasonore, ni le soussigné qui voulut l' appliquer au glacier, n' avions d' illusions: la glace n' est pas l' eau de mer et le fâcheux amortissement de ces ébranlements si rapides nous menaçait, par 90 chances contre 10 peut-être, d' un échec total. Il fallait pourtant faire une fois l' expérience et la Commission des glaciers en a accepté courageusement le risque de même que la Société de Condensation et d' Applications mécaniques de Paris ( SCAM ), réalisatrice des brevets Langevin-Schilowski-Florisson, qui nous prêta libéralement le matériel nécessaire.

Mais que je dise deux mots du principe. Une mosaïque de lames de quarz convenablement taillées est enserrée entre deux disques d' acier massifs formant ainsi un véritable condensateur électrique. Intercalons ce complexe dans un circuit oscillant à la fréquence des ondes de TSF, la lame de quarz — piézoélectrique — subira des alternances correspondantes de compression et de relâchement, que ses armatures métalliques amplifieront et régleront à un rythme déterminé de vibrations mécaniques ( environ 40,000 par seconde ). Plongeons maintenant ce dispositif dans un milieu élastique, air, eau, voire glace, ces vibrations s' y communiqueront sous l' espèce d' ondes longitudinales, ultrasonores, en un faisceau étroit, perpendiculaire à la face de l' émetteur. C' est le faisceau-sondeur; réfléchi plus ou moins parfaitement par le fond de la mer, par exemple, il reviendra à l' émetteur après un certain temps qui mesurera la profondeur de l' eau. Mais ici intervient le caractère vraiment génial du procédé: l' émetteur est en même temps le détecteur d' ondes. Sollicité par elles, en effet, il se met à vibrer en résonance et il ne reste plus qu' à rendre cette résonance audible ou inscriptible. Les dispositifs Langevin-Florisson y pourvoient. L' inscription ou la détection optique exigent des appareils compliqués et délicats. Nous ne pouvions songer à en user sur le glacier avant d' être certains d' un écho perceptible. Nous avons donc utilisé un simple téléphone servi par un amplificateur à 8 lampes. Quant à l' émetteur, il fonctionnait à la main, envoyant des trains d' ondes très courts à chaque contact d' un manipulateur. Tout ce matériel pesait d' ailleurs déjà dans les 150 kg. et il fallait bien les commodités du Chemin de fer de la Jungfrau pour hasarder son transport. Renonçant délibérément au névé du Col, trop mince, ou au Jungfraufirn, trop absorbant a priori, nous nous installâmes, le Dr Jost et moi, sur le glacier de l' Eiger en face de la station, à un endroit estimé de profondeur suffisante et où un reste d' avalanche favorisait des expériences de contrôle. L' expérience eut lieu le 21 août 1926.

Hélas! Si les premiers essais sur la glace compacte ( fondante malheureusement ) firent naître quelque espoir, des contr' épreuves multiples et de mieux en mieux préparées ont détruit toute illusion: l' énergie transmise au lit glaciaire était insuffisante; aucun écho ne nous en parvenait! Le résultat était négatif!

L' obligation de retourner sans délai un matériel qu' attendait la marine française, nous a privé de recommencer, ailleurs et sur une glace au moins superficiellement gelée, une tentative dont les frais principaux étaient faits. C' est fort regrettable, mais il faut déjà savoir gré à la Société de Condensation de sa complaisance désintéressée qui a permis de la réaliser. Remercions aussi la Compagnie du Chemin de fer de la Jungfrau et M. Liechti qui ont facilité de toute manière une expérience très belle en dépit de son échec et nécessaire. Il conviendrait, avant de tenter un nouvel essai, d' appliquer la méthode à la glace dans le laboratoire.P.L. M.

L' enneigement des Alpes suisses en 1926.

L' année nivomélrique 1926 ( 1er octobre 1925—30 septembre 1926 ) a eu, en haute montagne, les caractères mensuels suivants, d' après les excellents résumés que M. le Dr Brückmann, de l' Institut fédéral de météorologie, en donne au Journal forestier suisse:

Octobre 1925 a été chaud, clair et exceptionnellement sec; sa moyenne thermométrique a été trop haute de quelque 2°; il y a eu aussi trop de soleil. Novembre, en revanche, a été frais et sombre, avec deux fois trop d' eau. Quant à décembre, un peu trop froid aussi dans sa première décade, il a subi ensuite un réchauffement excessif, surtout vers Noël, où le thermomètre s' est tenu trop haut de 2½ à 3½°, tandis que la précipitation dépassait l' usuelle de 30 à 50 % et que l' insolation tombait aux deux tiers de son chiffre usuel.

Janvier 1926 a été trop froid de près d' un degré, beaucoup trop couvert et trop mouillé ( le Rigi a reçu quatre fois trop d' eau ). Février a été le plus chaud depuis 1867, avec un excès de 4° à 5°; il a reçu également trop d' eau ( 40 % ). Mars, aussi un peu trop chaud et trop arrosé, a eu en outre trop peu de soleil. En retour avril a été chaud, sec et clair, avec un excès d' insolation. Mai, hélas! trop froid d' 1et gratifié du double de sa précipitation normale, a vu en outre les nuages le priver de 50 heures de soleil! Et cela continua en juin, un des juins les plus désagréables depuis 60 ans, avec un déficit de température de 2° ou plus, trop d' eau céleste et une trentaine d' heures de soleil en moins. Mêmes conjonctures calamiteuses en juillet; sauf au sud des Alpes: température trop basse de 1°, précipitation excessive et 70 h. de soleil de moins qu' à l' ordinaire. Août, enfin! a ramené des conditions vraiment estivales avec beaucoup de soleil. Il en a été pareillement de septembre aussi, jusqu' au 24 qui rappela l' enneigement dans nos Alpes; jusqu' à cette date il y avait eu chaleur excessive, grand soleil et seulement 1/3 de la chute d' eau normale.

En résumé les mois trop chauds de l' hiver ont été compensés par des mois de printemps et d' été trop froids et tous, ou à peu près, ont apporté un excès de précipitation, conjonctures favorables à l' établissement et au maintien d' un enneigement alpin intense. Seuls les mois d' automne y ont fait une opposition tardive.

L' accumulation incessante des neiges a donné essor, surtout au premier printemps, à de redoutables avalanches et provoqué de regrettables accidents de montagne. La période du 6 au 9 mars notamment laissera une mémoire affligeante. La chute de neige y a été énorme. Les participants au cours de ski alpin enfermés par elle dans la cabane du Mont Fort, y virent tomber, et presque sans interruption, 1,8 m. de neige. La tempête coûta la vie à quatre touristes du Lötschental, M. Rieder et les frères Ebener, tous montagnards robustes cependant, qui se perdirent dans les parages de la Lötschenlücke. En même temps trois skieurs suisses disparaissaient dans le massif du Mont Blanc. Le 9 mars enfin deux skieurs allemands d' Arosa, ayant commis l' im de partir à la première éclaircie et de couper transversalement la pente orientale très inclinée du Brüggerhorn, y détachèrent une avalanche qui étouffa l' un d' eux.

Ce même jour on constatait avec stupéfaction que la cabane-auberge du Dorftäli ( 2200 m .), au flanc du Schiahorn sur Davos, avait disparu: un arein l' avait écrasée, emportant son toit. On retrouva les cadavres du tenancier Jaggi, de sa sœur et du jeune Hecklin; ils étaient morts étouffés et MlleJaggi avait encore son tricotage en mains. Seul un chien avait survécu. Depuis le dimanche 7 mars les communications téléphoniques avaient cessé entre Davos et le Dorftäli et le malheur date probablement de ce jour. Le Ski-Club de Davos s' est vu ainsi dépouillé d' un refuge précieux. Nos collègues de la section Chaux-de-Fonds du C.A.S. ont éprouvé une perte semblable, par bonheur purement matérielle: la cabane Bernoud, édifiée au Thorberg au-dessus de Belalp, à vrai dire sur un emplacement quelque peu inquiétant, a été balayée par une avalanche.

Le 8 mars une coulée coupa la route de la Furka, en territoire d' Ulrichen, sur un demi-kilomètre de longueur, la recouvrant de 5 m. de neige tassée. Sur la route de la Grimsel l' avalanche de Guttannen mit en mouvement 400,000 mètres cubes de neige, et près du Sommerloch aussi la neige obstrua la route sur 300 m. de longueur, avec 10 m. d' épaisseur. Pour laisser passer, le 15 juin, les autocars postaux, on dut y pratiquer un tunnel haut de 4 m. et long de 38 m. A Gletsch même, à la mi-mars, la neige atteignait encore le deuxième étage de l' hôtel du Glacier du Rhône.

Dans une note — sa dernière, hélassur l' enneigement au Grindelwald, A. de Quervain remarque expressément que jamais encore, depuis qu' il fréquente la région, il n' a vu d' aussi copieux restes d' avalanches au pied des grandes parois de l' Eiger et du Wetterhorn. Il signale en particulier l' amas exceptionnel en dessous de l' Hoheneis de l' Eigerwand, puis les cônes au pied du Wetterhorn. Celui de la « Wetterlaui » s' étendait jusqu' au chemin de la Grande Scheidegg. L' avalanche dite « Gutzli » est descendue avec une fréquence anormale et jamais l'on ne vit, selon de Quervain, s' abattre si souvent les deux coulées classiques du Wetterhorn.

En contraste avec ces signes d' enneigement général intense, il convient de mettre la fonte exceptionnelle de l' automne 1926 dénoncée par le débit anormalement fort du torrent glaciaire pendant tout le mois de septembre. Le 24, date du réenneigement, il était souvent encore quasi infranchissable. J' en ai fait l' expérience au glacier de Corbassière et si le Rhône a pu faire tant de dégâts à Lavey, après la débâcle du St-Barthélemy, c' est qu' il roulait encore des eaux surabondantes.

Avant de quitter ces généralités, signalons un fait intéressant: Au cours d' une excursion scolaire, du 9 au 15 juillet, par le Col de Duan, au nord du Soglio, dans le Val Bregaglia, ainsi que dans les vallées latérales de Bondasca, d' Albigna et de Forno, mon collègue, le Dr Jost de Berne, a remarqué une singulière coloration jaune de la neige. Sur la montagne encore très enneigée on distinguait nettement deux couches: l' une superficielle et blanche était de neige fraîche; l' autre, inférieure, plus compacte, avait une surface uniformément jaune d' ocre. Une visite dans le massif Adula-Piz Terri et dans le Medels, la semaine suivante, fit rencontrer le même accident. Des échantillons de cet enduit, recueillis par M. Jost et aussi par le renommé guide Christian Klucker de Sils-Maria, naturaliste à ses heures, présentaient un toucher et un aspect terreux. M. le Dr Oulianof, chef des travaux minéralogiques à l' Université de Lausanne, a bien voulu analyser micrographiquement ce dépôt. Il l' a trouvé fait essentiellement d' une matière argileuse, avec, dans la masse, des grains accessibles à la détermination et où se reconnaissent surtout du quarz, un peu de feldspath, de grenat, de tourmaline et d' amphibole. Ceci pour l' échantillon Jost; le spécimen Klucker, recueilli ultérieurement, était de consistance plus grossière et riche en paillettes de mica noir. M. Oulianof se refuse à préciser une provenance, lointaine ou rapprochée, de ces dépôts évidemment éoliens. C. Klucker admet qu' ils datent d' avril 1926. Si l'on note que des poussières sont tombées sur de grandes étendues des Alpes françaises, à diverses reprises en 1926, notamment en octobre, il semble bien que les poussières grisonnes aient cependant une origine lointaine. Il sera intéressant d' en suivre l' incorporation au glacier et la réapparition au jour dans le dissipateur.

A. Etat des neiges.

Suisse orientale. La maladie a privé notre fidèle collaborateur, M. Jacob Hess, de faire son habituelle campagne dans les Alpes grisonnes. Il a trouvé en M. Jean Lugeon un remplaçant des mieux qualifiés et les opérations ont pu avoir lieu selon le programme usuel, avec l' aide de M. J. Krättli. Le tableau I donne les limites d' enneigement observées.

Alpes grisonnes. 14 —19 août 1926.

Tableau I.

RégionExposition Porchabella, glacierW Uertsch, glacierN Val BeversNE Suvretta, glacierN Flix, glacierNE Jenatsch, glacierSE Lavin, glacierESE Limite des Limite du flaques névé de neige continu 2200 2460 2250 2350 23002600 ( 2800; 10 X2450 ( 2800; 10 X ) 2600 2700 ( 2900; 10 X ) 2750 2850 Tableau I ( suite).Limite des Limite Expositionflaques du névé

de neige continu

Err, glacierNW2400 Val d' AgnelliS2500 Piz ScalottaE27002900 Lagrev, glacierN2600 Des restes d' avalanche se voyaient à 2250 m. dans le Val Plazbi ( région de Kesch ), à 2350 m. dans le Val Bevers ainsi que dans le Val d' Err. Sur l' arête Chaldera-Err, deux soufflures attestent la prédominance des vents d' ouest et Lugeon. ) Suisse centrale. M. Öchslin, inspecteur-adjoint des forêts d' Uri, notre collègue dans la Commission SHSN des glaciers, a poursuivi diligemment ses observations d' enneigement au flanc du Bristenstock et au Belmeten. En voici le résumé:

Enneigement au flanc nord du Bristenstock et au Belmeten.

Tableau I. Limite inférieureLimite inférieure Epoquesalt. en m.Epoquesalt. en m. ) 1925 23 X 2230 ( soleil 2280 ) 1926 17 IV800 10 XI 6204 V 2080 20 1160 ( soleil 18707 960 26 44013 VI 2040 19 X11 ...44019 1710 1926 3 I129027 VII... .2230 54408 VIII.. .1600 15—19 ...440242260 11 II 146029 IX... .1970 5 III440 5 X2200 9 IV... .1790 En outre M. Öchslin a noté les limites ci-après:

Alpes d' Uri. Limite du névé à fin août 1926. Tableau III. LocalitéExposition Limite du névé SchlossbergNNE2270 JakobigerN2200 Grosse WindgälleN2120 »»S2270 OberalpstockN2080 »W2260 SalbitschynNE2290 Silberberg-SustenE2070 BristenstockN2280 »S2410 Tableau III ( suite ).

LocalitéExposition Limite du névé Spitzberge N2260 » SSE2310 Moosstock-Damma E2160 L' altitude maximum de la limite, 2260 m. le 24 août, est demeurée inférieure de 130 m. à celle de 1925 ( 31 juillet ).

Dans la vallée de Voralp, à la mi-septembre, le névé de Laui, devant le glacier, descendait à 1890 m. et dans le Kalchtal la neige persistait encore à 1910 m. Les pâturages, lors de l' alpée, à fin juillet, étaient mal reverdis encore et la durée officielle de la saison d' alpage, 85 jours, est restée de 10 jours inférieure à la normale. En août et septembre seulement la végétation pastorale prit toute sa luxuriance. M. Öchslin souligne encore les faits suivants: L' enneigement d' Uri ne s' est fait sérieusement qu' au début de janvier, mais, sous l' action du fœhn, dès le 20 janvier et jusqu' au 15 février, la fonte fut si grande que, dans les Schöllenen, la route du Gothard se trouva libre jusqu' à la galerie du Tanzbein, tandis qu' Andermatt n' avait qu' un mètre de neige au lieu des deux ou trois habituels. Mars ramena l' hiver jusqu' au lac des Quatre-Cantons. Depuis ce ne fut qu' alternance d' enneigement et de désenneigement, plutôt au profit du premier, jusqu' à la mi-août, où le temps devint enfin chaud.

M. Jean Lugeon a très méritoirement su ne pas limiter ses observations à son parcours grison et il y a ajouté de précieuses données recueillies le 20 août en passant Oberalp et Furka:

Région Oberalp-St-Gothard-Furka. Enneigement le 20 août 1926.

Tableau V. Exposition Limit des Limit duflaques de neige névé Col de l' OberalpS2250 — Glacier de MaigelsWNW2360 Glacier de St-AnnaN23502450 Glacier du Kühplankenstock .S2500 env.

SpitzbergeSSE 2500—2600 Glacier Tiefen-Ochsenalp ...SE23002400 Alpe ThierbergN et NE2150 — Furka, côté valaisanS2400 GratschluchtNW2500 Glacier du RhôneSSW24002500 Monicole et Gerental ( fond ). .NW21002400 Glacier du Pizzo Gallina.. .N2400 Ce tableau ne prendra toute sa valeur que si nous pouvons le mettre en regard de pareils, obtenus ces prochaines années, et à la même époque. D' une manière générale l' époque de tels relevés devrait être l' automne, lors de l' étiage, mais des nécessités pratiques y contreviennent trop souvent. Les relevés faits au début de l' été sont bien difficiles à interpréter.

En 1926, si nous n' avions pas eu d' observations d' automne la physionomie nivométrique de l' année nous fût apparue sous un jour certainement faux. Le relèvement de la limite des neiges pendant cet automne de sept semaines à peine a été de 200 à 250 m. un peu partout dans nos Alpes. Ainsi au Glärnisch, M. Streiff-Becker a trouvé cette limite à 2300 m. le 15 août et à 2550 m. le 17 octobre.

Personnellement j' ai noté dans la région de Gletsch les faits suivants, le 9 septembre:

II ne restait plus trace de l' avalanche de la Maienwang dans le lit du Rhône en amont d' In den Lammen, mais bien quelque neige au haut des nombreux couloirs descendant de la Grimsel. Un débris de cône achevait de se fondre au pied du Längisgrat, sur le Gletscherboden; d' autres recouvraient les rives du Muttbach en aval du viaduc. De la bouche sud du tunnel de la Furka au glacier de Gratschlucht les flaques étaient grandes et nombreuses. On en distinguait deux au rebord même du Längisgrat et d' autres sur le sentier du Nägelisgrätli, vers 2500 m. Au Belvédère même ( 2275 m .) le petit névé à côté du péage de la grotte de glace, tout entier dissipé en 1924 et 1925, persistait et plus grand qu' en 1923. Le glacier du Rhône était à nu jusqu' en amont du profil rouge, vers 2600 m ., le 6 septembre.

Le col de la Grimsel portait encore quelques débris de vieille neige. A l' Unteraar la limite du névé était, à l' Abschwung, le 10 septembre. Un reste d' avalanche se voyait encore devant le front même, au pied du Zinkenstock.

( Mercanton. ) Suisse occidentale. Je dois à l' obligeance de mon collègue M. le Dr Lütschg les données du tableau V et à M. J. Lugeon celles du tableau VI, qui concernent deux régions climatiquement apparentées:

Région de Mattmark ( Vallée de Saas ). Tableau V.

Glacier ExpositionLimite du névé Epoques AllalinENE2920 8 IX 1926 SchwarzenbergNNE2940 8 IX Kessjen NE2880 8 IX HohlaubENE3045 8 IX SeewinenNNE270018 IX ThälibodenWNW288018 IX OfentalNW288018 IX Région de Zermatt. Enneigement le 21 août 1926. Tableau VI.

GlacierExposition Limite des flaques Limite du névé MutterhornN28003000 FurggeN26502850 Gabelhorn et Trift ESE29503050 HohwänglS3150 Tableau VI ( suite ).

GlacierExposition Limite des flaques Limite da névé ZmuttE2750 StockNE3050 FindelenW3000 BiesE3000 TriftjeN2880 Dans les gorges des Twingi ( Binnental ), l' amas de neige accumulé dans le fossé au pied du Breithorn a augmenté.Volken. ) Le 23 septembre il y avait encore une grande flaque de neige sur la rive droite du glacier de Corbassière, à l' alpage de 2230 m. et deux débris d' ava à 2150 m. dans le ravin rempli par la langue même. Dans les montagnes de Bagnes la montée des troupeaux n' a pu avoir lieu qu' à la mi-juillet, avec un mois de retard.Mercanton et Fauquex. ) A fin juin la neige atteignait encore le toit de la cabane de Saleinaz, d' un côté. La couverture de neige était continue jusqu' au bas du Passage des chaînes ( Gaschen ). Le 5 octobre encore j' ai trouvé un reste d' avalanche en ce point. Dans la combe d' Orny en juin la neige arrivait encore à 1800 m. Le 3 octobre, lors de notre campagne annuelle, il ne restait plus trace d' ava dans la dite combe entre la source et la gorge de l' Eau d' Orny; les flaques de neige ancienne commençaient entre le Plan de l' Eau et la Jonction dont le névé était très développé et recouvrait même le torrent. Près de la cabane on trouvait quelques névés et la « tine » n' était pas vide. Le lac n' était pas congelé, mais son extrémité amont montrait encore un peu de neige; on en trouvait aussi en bordure du glacier sous les Chevrettes, mais peu.

Le lagot supérieur avait déjà subi embâcles et débâcles et présentait, tant sur ses bords que sur sa chape de glace même, une teinte rouge accentuée due à une éclosion profuse de « sphaerella nivalis », l' algue qui fait la « neige rouge ».

Au Col d' Orny la grande crevasse était cachée, mais les abords du nivomètre présentaient ou plutôt dissimulaient un lacis de fissures traîtresses, assez bien pour que l' une d' elle faillît muer en accident les opérations de retouche de l' échelle. Cela servira à l' édification et peut-être à l' avertisse des nivométristes de l' avenir. Le totalisateur et son rocher étaient bien dégagés encore. Partout alentour, et surtout sous la Tête Blanche, les rimaies béaient et surplombaient fortement.

Mais le fait le plus remarquable était bien l' accentuation de la soufflure qui cerne d' un fossé, maintenant infranchissable, le promontoire même de la cabane. Cette gouttière s' est creusée encore et surtout vers son débouché inférieur, près du nivomètre, remettant au jour — vision assez répugnante — quantité de détritus jetés de la cabane dans le gouffre voici des années déjà.

Le 23 juin M. Gaschen mesurait 25,6 m. du bloc — repère de la plate-forme au bord de la soufflure dans la direction du Pesseux. Le 4 octobre la paroi montrait nettement la stratification du névé. La profondeur était de 8,5 m.

Quant à la grande soufflure au nord de la cabane elle était, le 23 juin, large de 16,2 m. et profonde de 9 m .; le 4 octobre, c' était, respectivement, 18,4 m. et 10 m. L' élargissement est de 2,6 m. depuis le 4 octobre 1925.

( Mercanlon. ) M. le Dr Frédéric Jaccard, géologue, a noté l' enneigement général du Val Ferret en juillet 1926. Le 17, la couche de neige était continue au-dessus de 2160 m ., dans la Combe des Fonds; le 31 juillet il en était de même à partir de 2400 m. au Grand Col Ferret; enfin le 20 juillet, les lacs du Col de Fenêtre montraient à peine un peu d' eau et au Nevi de la Rossa l' enneigement commençait à 2460 m.; de même au haut de la Combe de Là.

Le 5 octobre on voyait encore un petit névé au flanc nord du Salentin.

( Mercanton. ) Le 16 août on reconnaissait encore très bien, sur le versant nord des Cornettes de Bise, « le bœuf et la jument » que les névés en voie de disparition dessinent chaque année là aux yeux des gens de Lavaux et qui leur servent de temps immémorial à juger de l' avancement de l' année. Des vestiges en ont persisté jusqu' au 25 août.Mercanton. ) Dans la chaîne bernoise-vaudoise mêmes circonstances: le 23 août le glacier d' Aletsch était encore enneigé, jusqu' à la Concordia, où se voyaient des marécages de neige détrempée. Sur le Grindelwald, près d' Alpiglen, on distinguait les masses de deux fortes avalanches de fond.

( Mercanton et Jost. ) J' ai pu faire, le 14 avril, à bord d' un avion piloté par M. le premier-lieutenant Cherix, un survol des Alpes vaudoises qui m' a fourni les éléments d' une comparaison photographique avec des prises de vues ultérieures du même genre.

L' avion a de nouveau fait ses preuves d' utilité glaciologique le 21 septembre à la Dent du Midi. Il s' agissait de contrôler l' allégué de la presse que la subite débâcle du torrent de St-Barthélemy, dans la soirée du 20 septembre, provenait de la rupture d' une poche d' eau au glacier de Plan Névé. Parti à 9 h. 35 de la Blécherette-Lausanne avec le pilote lieutenant Ménétrey, j' étais de retour à 10 h. 50, enrichi de clichés et d' observations visuelles que la suite ne fit que confirmer: en fait le Plan Névé n' était pour rien dans le malheur, mais bien un éboulement de l' arête de la Cime de l' Est.

Le 13 octobre il restait un peu de neige à la source de la cabane des Diablerets ( Gaschenen 1924, elle avait disparu entièrement.

M. Fischer-Reydellet, de Fribourg, un fidèle collaborateur, a pris la peine d' esquisser, le 21 juin, la répartition de l' enneigement dans les nombreux couloirs de la chaîne préalpine Rothorn-Mährefluh, telle qu' on la voit de Thörishaus. De pareils croquis, répétés » à la même époque, seraient sûrement instructifs.

B. Relevés nivométriques.

Ensemble d' Orny. MM. Gaschen et Farquet l' ont visité le 23 juin; M. Mignot les 8 et 15 août, enfin le rapporteur les 3 et 4 octobre, pour les opérations annuelles. Il était aidé de MIIes Morel et Wetter et de MM. Gaschen, Farquet et Cavelly.

Nivomètre. Les tableaux VII en donnent lectures et bilans:

Nivometre du Col d' Orny ( 3100 m. ).

( 2 degrés valent 1 m. ) Degrés Tableau VII. Epoques 1924 1925 1926 8 VI — 13 — 2312 29 — 10 — 6 VII — 9 10 12 13 8 10 228 30 — 5 7 4 VIII — 5 7 10 — 4 7 17 — 3 6 26 — 3 3 1 IX — 3 3 7 11 2 2 1021 94 X — 3 - I 9 XI 1327 XII 12Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiver Mètres Eté Mètres Automne Mètres 1923—1924 > 5 1924

> 2,5

1924 + 2,5 1924—1925 > 2 1925

> 5,5

1925 — 3,5 1925—1926 > 5 1926

1926 — 2 Le déficit d' enneigement marqué par le nivomètre n' est en accord ni avec le gain à la balise du col ni avec ceux des nivomètres de l' Eiger et des Diablerets! Pourquoi? Vent, tassement du névé, fusion automnale? C' est difficile à dire, mais je remarque que, jusqu' au 7 septembre, les indications du nivomètre ne diffèrent guère de celles de 1925 à la même époque; c' est dans la période chaude de l' automne seulement que la divergence s' est produite et ceci parle pour un excès d' ablation; le vent y a sans doute été pour sa part aussi. Nous avons profité, de la baisse pour repeindre l' échelle et une fois de plus j' ai pu constater combien la peinture se maintient vive sous le couvert du névé, à la marge de celui-ci! Le névé la protège au lieu de l' effacer.

Balises et sondages. Le 4 octobre 1926, la balise ( de 1924 ) émergeait de 3,3 m .; à l' étiage ( le 3 août environ ) c' était de 4,1 m. Le 3 juin elle saillait de 0,25 m ., le 8 août de 0,8S m ., le 15 de l,0 m. et le 3 octobre enfin de 1,6 m. Ce même jour des sondages répétés au perce-neige de Church vinrent buter infranchissablement à une couche très dure, sous 0,5 m. de neige assez lâche. Cette strate est vraisemblablement l' étiage de 1926, soit le niveau au 24 septembre, date du réenneigement. La balise émergeait alors de 2l m. et le névé a gagné ici 2,0 m. La dépression angulaire du pied de la balise sous le repère de la cabane, mesurée au clisimètre Goulier le 4 octobre et combinée avec une distance estimée à 185 m ., met la surface d' étiage de 1926 à 11,75 m. sous le dit repère; en 1925 c' était 13,1 m. La surface s' est donc relevée de 1,36, topographiquement et la masse glacée s' est enfoncée de 0,65 m. au cours de l' année.

Il n' a pas été possible d' atteindre l' ocre de 1925.

Une nouvelle perche, longue de 422 cm ., divisée de mètre en mètre par des marques à la scie ( 1 trait; 2 traits, etc. ) à partir de son sommet avec, en outre, un XXVI gravé, a été dressée sur le névé, attachée à l' ancienne. Le 3 octobre elle saillait de 3,75 m. On a semé 1 kg. d' ocre, jaune cette fois, sur un mètre carré, à son pied SSW.

Totalisateur. Il s' est bien comporté. Le 3 octobre 1926, son contenu avait la densité 1,051 et la surface était à 519 mm. de la bouche. C' est une hauteur de précipitation de 391 cm. Un spécimen prélevé le 23 juin, alors que le liquide était distant de 547 mm. de l' ouverture, avait une densité de 1,056; la tabelle de jaugeage cathétométrique donne ici 309,5 cm. d' eau météorique. On a donc eu:

Tableau I. Col d' Orny ( 3050 m. ) Orsières ( 980 m. ) 4 X 1925—23 VI 1926309,5 cm.61,5 cm.

23 VI 1926— 4 X 1926 81,5 cm.21,5 cm.

4 X 1925— 4 X 1926391 cm.83 cm.

Je dois les chiffres d' Orsières à l' obligeance de M. R. Gautier, directeur de l' Observatoire de Genève.

Le mougin, dûment évacué et rincé, a reçu une charge nouvelle dont le niveau s' est établi à 910 mm. de la gueule.

Glacier d' Orny. La mensuration de son lobe septentrional a donné, le 4 octobre 1926, les résultats suivants:

Repère I: crue 3,5 m.; II: crue 7,3 m.; III: crue 0,8 m.; IV: crue 2,7 m .; donc en moyenne: crue 3,5 m.

Deux cryocinémêtres, installés en face de III, au même endroit qu' en 1925, ont mesuré respectivement 3,6 et 4,4 cm./j .; moyenne 4,0 cm./j ., soit 0,2 cm./j. de plus qu' en 1925 à la même date. Cette augmentation ne suffit pas à justifier la crue constatée; celle-ci est donc imputable surtout au défaut d' ablation estivale.

Le lobe méridional du glacier s' est fort retiré et amaigri ces dernières années.

Ensemble nivométrique des Diablerets. MM. Gaschen et E. Reber ont procédé aux opérations rituelles. Durant tout l' été, d' autre part, M. Reber n' a pas manqué, à chacun de ses nombreux passages professionnels, d' ob balise et nivomètre et son assiduité éclairée mérite de grands éloges.

Nivomètre. Les tableaux IX en donnent lectures et bilans:

Nivomètre des Diablerets ( 3030 m. ).

( 2 degrés valent 1 m. ) Tableau X. Degrés Epoques192419251926 20—25 I881 VI > 91 ( enfoui91 ( visible129017872991 ( enfoui ) 9 VII91842187822886814 VIII858016847721847691 ( visible ) 2984,57691 1 IX84,57690 8847588 1187 1486 2182,57483,5

3 X83

97324 XI87

AccumulationDissipationRésidu annuel HiverMètresEtéMètresAutomne Mètres 1923—1924 > 7,51924 > 4,51924 + 3 1924—1925 > 4,51925 > 91925 — 4,5 1925—1926 > 91926 > 41926 + 5 Le résidu est ici franchement positif et en accord de signe avec celui de la balise.

Balise. La richesse du tableau de ses émergences est réjouissante et permet même l' établissement de bilans comparatifs:

Balise des Diablerets ( 2850 m. ).

Tableau X. Enneigement en mètresEnneigement en mètres à partir du 22 août 1925 ( étiageà partir du 22 août 1925 ( étiage ) 1925 22 VIII 01926 17 VIII 4,2 280,6194,1 9 IX 0,6213,9 9 X 0,8253,6 1926 29 VI5(1 ( enfouie293,3 9 VII5;1 ( apparaît313,1 215,01 IX3,1 244>6582,8 274,4112,6 294,6 ( *fraîche142,5 1 VIII4,55182,4 74,4242,1 104,8fraîche3 X 2,0 144,4132,7 AccumulationDissipationRésidu annuel HiverMètresEtéMètresAutomne Mètres 1924—1925 > 2,01925 > 2,31925 — 0,3 1925—1926 > 5,11926 > 3,11926 + 2,0 Notons la réapparition de la perche de 1924, le 18 septembre 1926. Il n' a pas été fait de sondages, mais on a répandu 1 kg. d' ocre jaune sur un espace de 2X2,5 m ., au pied de la balise, dans la direction du Sex Rouge.

Totalisateur. Le contrôle a été fait le 13 octobre. La nappe liquide était alors à 727 mm. de l' ouverture et la densité 1,100. Le décompte donne une hauteur d' eau météorique de 181 cm. en 369 jours, soit 179 en une année. Un échantillon, du 29 juin, accusait une densité de 1,125, pour une distance de 761,5 mm. de la bouche; le calcul indique ici une hauteur de 152,5 de précipitations. On a donc, définitivement:

Tableau XI.

Tsanfleuron D iablerets- Village ( 2870 m. ) ( 1170 m. ) 9 X 1925—29 VI 1926..

.. 152,5 cm.

112 cm.

29 VI 1926—13 X 1926..

.. 28,5 cm.

32,5 cm.

9 X 1925—13 X 1926..

.. 181 cm.

144,5 cm.

La hauteur d' eau trouvée est faible. Quand le mougin était au sommet du Diableret, on critiquait déjà pareille faiblesse et l'on incriminait l' instru. Il semble bien maintenant qu' il décèle plutôt une rareté relative de la précipitation sur ce massif montagneux même.

Nivomètre de l' Eiger. La sollicitude de la Compagnie du chemin de fer de la Jungfrau et de son distingué directeur M. Liechti, envers cette échelle, d' ailleurs si intéressante, ne se dément pas:

Nivomètre de l' Eiger ( 3100 m. ).

Tableau XII.2 degrés valent 1 m. ) DegrésDegrés Epoques 1924 1925 1926 Epoques 1924 1925 1926 5 I55345 VIII18840 234614361516436 12 II39402014634 11 III3422463017828 312629507 IX191026 8 IV29304815201224 4 V38364226231622 124031445 X231320 303625481322818 8 VI 34 22 4817201116 20 31 18 5018 XI162228 27 30 18 4810 XII15248 VII 26 14 442236 22 22 10 40311228 Minimum absolu de 1925 ( VIII ): 4; maximum absolu de 1926 ( IV, VI ): 50; minimum absolu de 1926 ( X ): 16.

AccumulationDissipationRésidu annuel HiverMètresEtéMètresAutomne Mètres 1923—1924231924221924 + 1 1924—1925111925161925 — 5 1925—1926231926171926 + 6 Le résidu est positif. Maximum comme minimum se sont relevés, de 1925 à 1926.

Balises du Jungfraufirn. Le personnel de la station du Col de la Jungfrau observe une balise érigée à l' altitude de 3300 m. environ, dans la vaste cuvette du Jungfraufirn. Le tableau XIII donne l' ensemble des lectures. Je l' em, comme nombre de résultats insérés plus bas, au très riche rapport où M. le Dr Billwiller consigne les observations de la Commission glaciologique zurichoise ( ZGK ) 1 ).

Jungfraufirn ( 3330 m. ). Enneigement depuis le 6 août 1925, en mètres. Tableau XIII.

Tableau XIII ( suite ).

1926 22II1,851926 5 VI 4,55 14 III2,1516 4,75 282,630. 4,7 7 IV2,4513 VII 4,55 203)4516 VIII 4,5 283,4525 IX 3,3 24 V4,0511 X 3,75 Nivomètres de Bertol. Les échelles nivometriques sont encore trop rares dans nos montagnes et, bien que difficiles à situer correctement, mériteraient d' être multipliées, aussi ai-je accepté de grand cœur l' offre de M. André Renaud, étudiant à Lausanne, d' en établir au rocher de Bertol dans le Val d' Hérens, région de passage fréquenté où l'on est en droit d' escompter — prudemment — le concours des grimpeurs. L' entreprise a été menée à bien le 24 août 1926 et en profitant de l' expérience qu' un quart de siècle de nivométrie nous a acquise. M. Renaud a peint à même la roche et au minium deux échelles distinctes:

La première va du mètre 31 au mètre 43 ( de bas en haut ). Elle se trouve à 3400 m. d' altitude sur la face W du rocher de la cabane, un peu au-dessus de la piste habituellement suivie sur le glacier de Bertol. Le second nivomètre va de 30 à 34 m.; il est sur la face E du même rocher et contrôle l' enneigement au glacier du Mont Miné.

A la différence des anciennes échelles, divisée en degrés arbitraires, les nouveaux nivomètres le sont en mètres et demi-mètres. Chaque mètre est désigné par son numéro d' ordre, chaque demi-mètre par un simple trait rouge. Le numéro d' ordre est de deux chiffres séparés par un gros point qui est précisément le repère métrique. Autant que possible tous ces points sont alignés sur une verticale.

Les nouveaux instruments sont d' un accès aisé; ne se trouvera-t-il pas quelques clubistes pour les observer et nous communiquer — sans délaileurs lectures? Nous voulons n' en pas désespérer!

Clarides et Silvretta. Voici, d' après le rapport du Dr Billwiller:

Clarides. La balise inférieure ( 2710 m .) n' a fourni qu' une donnée, du 21 novembre 1925. L' enneigement depuis le 1er septembre était monté à 115 cm. Elle s' est perdue depuis lors et a dû être remplacée par une nouvelle, solidement ancrée et saillant, le 11 septembre 1926, de 5,6 m. ( Bohner et Dürst. ) La balise supérieure(2910 m .) a marqué les accroissements ci-après depuis le ler septembre 1925:

1925: 21 XI 120 cm.

1926: 2 IV 480 cm.

1V > 580 cm.

11 IX 415 cm.

La balise s' est déplacée de 14,6 m. vers l' ENE. Une nouvelle perche, saillant de 5,8 m ., a été érigée. L' ocre de 1925 n' a pu être retrouvé.

Le totalisateur du Geissbützistock s' est rempli à tel point qu' on a dû le vider partiellement en juillet déjà. Le 10 septembre on n' y trouva plus d' huile; ceci ne s' explique que par un débordement intempestif qui ne permet plus de considérer les 400 cm. mesurés que comme un minimum pour la période du 1er septembre 1925 au 10 septembre 1926. Auen-Linthal a reçu pendant ce temps 147 cm.

Silvretta. La campagne annuelle a été faite par MM. Leemann, étudiant, et A. Michaud, guide.Voici les relevés:

Tableau XIV. Enneigement depuis le 17 septembre 1925:

BaliseBaliseBaliseBalise Epoques inférieure supérieureEpoquesinférieure supérieure ( 2760 m. ) ( 3010 m.2760 m. ) ( 3010 m. ) 1926 11 II 2,41926 2 V3,0 172,42,3 243,75 203,02,5 6 VI4,0 3 III2,5 6 IX2,25 4 IV2,5 11 IX1,9 On a érigé une nouvelle balise inférieure, saillant de 415 cm ., et une autre sur le col, émergeant de 500 cm. Ici l' ocre a été retrouvé à 199 cm. sous la surface.

Le totalisateur de l' Eckhorn ( 3150 m .) a mesuré, du 16 septembre 1925 au 11 septembre 1926, 187 cm. d' eau, de beaucoup la plus grande hauteur enregistrée jusqu' ici. Celui de la cabane, à 2375 m ., a indiqué 170 cm. pour le même laps de temps; Klosters a eu 115 cm.

Région du Piz d' Err. La balise érigée à 3200 m. dans la combe glaciaire entre les Piz d' Err et de Chalderas, a marqué un maximum printanier de 3,05 m .; malheureusement l' étiage n' a pu être observé.

M. J. Hess avait institué sur le glacier de Jenatsch, en 1925, des mesures systématiques de l' ablation dont le tableau XVI donne les premiers résultats.

Tableau I. Glacier de Jenatsch.

Balise inférieure ( 2788 m):AblationDéplacements horizontauxverticaux 31 VIII 1925—17 VIII 1926 .56 cm.39,5 m.20 m.

17 VIII 1926—10 X 1926 ...146 cm.Balise médiane ( 2844 m. ):

31 VIII 1925—17 VIII 1926. .27,5 cm.54 m.8 m.

17 VIII 1926—10 X 1926 ...104 cm.On a placé deux nouvelles balises, à 2848 et 3004 m. Le mougin du Piz Scalotta ( 2970 m ;) a mesuré 318,5 cm. d' eau du 2 septembre 1925 au 19 août 1926. Celui du Col du Julier ( 2300 m .) a été obstrué un temps par un chapeau de neige, fait assez insolite.

Parsenn et Weissfluh. Ces balises sont sous la surveillance du Skiclub de Davos. A la cabane Parsenn ( 2280 m .), le maximum a atteint 220 cm.

à la mi-mars, en même temps que la balise de la Weissfluh ( 2740 m .) marquait 285 cm ., hauteur marquée une seconde fois, le 2 juillet.

Säntis et Gothard. Le tableau XVII renferme les observations de l' Institut fédéral de météorologie. Le maximum du Säntis, 2,2 m ., a dépassé de 0,4 m. celui de 1925; en revanche celui du St-Gothard est resté inférieur d' autant.

Tableau I. Enneigement en mètres.

St-Gothard SäntisSt-Gothard Säntis ( 2100 m.2500 m.2100 m.2500 m. ) Début 3 sept 4 et 21 sept. enneigéDébut 3 sept. 4 et 21 sept. enneigé 1925 25 IX0,4 ( début ) 1926 16 IV 1,351,8 13 XI 0,15 0,5 29 2,01,7 27 0,45 0,7 14 V 2,05 2,l 4 XII 0,65 1,4212,551,9 19261 I 1,551,3 4 VI 1,751,9 5 II 1,951,5111,451,8 192,451,8180,85 1,6 12 III 2,02,22 VII — 0,8 2 IV 1,82,08—90 0 Totalisateurs du Mattmark. La Commission des glaciers entretient depuis de nombreuses années un essaim de totalisateurs répartis au mieux par M. Lütschg dans le bassin de la Viège de Saas ( Mattmark ). Il semble, en effet, plus fructueux de concentrer l' effort sur un groupe bien défini d' engins que de l' éparpiller au hasard des contingences. Les observations faites dans le même esprit de 1918 à 1923 au glacier du Rhône avaient déjà prouvé combien la précipitation est chose locale même dans une région étroitement circonscrite si son relief est accidenté. Les observations de Mattmark le démontrent aussi et d' autant mieux que l' année a été très neigeuse.

Région de Mattmark 1925/26.

Tableau I. Précipitation Localité Altitude365 jours ) m.cm.

E Plattje 221096,5 E Weisstal 2270149 W Schwarzenbergkopf 2565222 E Galmen 2690133 E Ofentalpass 2800210 W « In den Kessjen » 2840151,5 W Seewinenberg 3025328 W Glacier d' Allalin 3360195,5 W Schwarzenberg-Weisstor 3570334 W Col du Monte Rosa 4340291 W = versant occidental de la vallée de Saas. E = versant oriental de la vallée de Saas.

Il est, on le voit, vraiment difficile de formuler une loi de répartition des précipitations en l' altitude.

Conclusions. En résumé l' enneigement global de 1926 a été fortement progressif dans les Alpes suisses. Ceci a tenu autant à un surcroît de précipitations qu' à un grand déficit d' ablation au printemps et en été. P.L. M.

Chronique des glaciers suisses en 1926.

En 1926 le contrôle des glaciers n' a pu porter que sur 95 d' entre eux, car les fronts de certains appareils sont restés enneigés. La plupart des données proviennent du corps des forestiers cantonaux; quelques-unes émanent de collaborateurs bénévoles de la Commission SHSN des glaciers, soit: MM. Guex ( Trient ), Francis de Quervain ( Lötschental ), Volken ( Binn ), Gaschen ( Prapioz ), Campiche ( Rosenlaui, etc. ), Jean Lugeon ( Jenatsch et voisins ), Streiff-Becker et Tschudi ( glaciers glaronnais ) ou enfin de membres de la Commission même: MM. Jost ( Lenta ), Lütschg ( Mattmark ), A. de Quervain ( Grindelwald ), Öchslin ( Glaciers d'Uri ), Mercanton ( Rhône, Unteraar, Corbassière, Orny ).

Comme installations de contrôle nouvelles ( sans parler des modifications et améliorations incessantes des existantes ) signalons spécialement les bases de repérage de M. Kurt Vogt à quelques glaciers du Val Bregaglia.

Des études détaillées et de longue haleine se poursuivent à l' Unteraar aux frais et par les soins entendus de la Compagnie des Forces motrices bernoises ( BKW ), en accord amiable avec le chroniqueur. MM. Wüthrich et Vuille, ingénieurs, en ont été spécialement chargés par le distingué ingénieur en chef de l' entreprise de la Grimsel, M. Käch, dont le nom est maintenant familier aux lecteurs de ces chroniques.

Au glacier du Grindelwald, M. Blumer, topographe, a exécuté le programme usuel. D' autre part, le bureau stéréographique Leupin et Schwank, à Berne, également, a mis au point le levé de l' extrémité du glacier Supérieur, d' après des stéréos faites au printemps de 1925 par le bureau Helbling, de Flums.

Le chroniqueur et quelques-uns de ses étudiants ont fait la campagne ordinaire au glacier du Rhône. Ils ont repéré également les blocs Hugi et Hôtel des Neuchâtelois à l' Unteraar. Enfin M. Mercanton a pu exécuter quelques vols glaciologiques.

Mentionnons pour terminer les essais de sondage physique du glacier faits à diverses reprises et par divers procédés par le rapporteur avec l' aide de MM. Jost, Fauquex, Lastres, de Raaf et Custer. A tous nos collaborateurs j' adresse ici notre cordial merci! Que leur exemple soit contagieux!

Voici maintenant les résultats des contrôles, dans la forme habituelle. Je rappelle seulement que ces chiffres de variations sont en général des moyennes obtenues pour plusieurs points du front et que je classe parmi les glaciers stationnaires ceux pour lesquels cette moyenne ne dépasse pas 1 m. Enfin j' insiste sur ce qu' il serait vain de prétendre définir la variation glaciaire à plus du demi-mètre. On l' oublie trop souvent.

I. Bassin du Rhône.

Tableau X. Variations, en mètres, en:

Glaciers 19241925 1926 Rhône- 3,510 3,5 Fiesch 34 8 Alelsch— 33 — 10 — 13,5 Thäli ( Binn)3,5 0 Mitlenberg0 7 Turben2 7 Latschen 3,57,57 Jägi 106 Ofenta107 Allalin— 18,5 ( max.10,5(max.7 Schwarzenberg 10,50110Thäliboden— 20 — Fee- 2,51,55 Gorner— 12,576 Findelen22 Turtmann 63,51,5 Duran ( Tsinal)— 51,5 2 Moiry4,56,6 Ferpècle- 4,52,56 Arolla- 5,53,6 24Tsigiorenove— 64,523 Duran ( Seilon)5 0 Grand Désert— 1412 1,5 Mont Fort 0,54,5 4 Valsorey— 28,50 Saleinaz— 6,519 4 Orny— 1,50,5 3,5 Trient 056 Martinets 80 2 Paneyrossaz 04,511Grand Plan Névé 73 Petit Plan Névé 72,5 3 Prapioz21 10 En outre les glaciers suivants étaient: en crue: Scex Rouge, Corbassière, stationnaires: Lang, Pierredar, en décrue: Baltschieder.

La campagne de contrôle au glacier du Rhône a été faite du 4 au 7 septembre par MM. Mercanton, de Raaf et Lastres. On a complété les bases du repérage, récolté des documents photogrammétriques, et vidé les mougins de Gletsch et de la Scheidfluh.

Le glacier a regagné environ 2000 m2 du terrain perdu depuis 1921 et son front a presque rejoint le bloc mis à nu en 1925 et marqué d' un N° 9 1910. Remarquons à cette occasion combien il est surprenant que la couleur rouge ait pareillement résisté à quelque dix années d' enfouissement sous les glaces! L' avance moyenne est d' environ 3,5 m.

L' aspect du glacier a peu changé et il présente toujours à l' admiration de ses nombreux visiteurs un magnifique portail, à la voûte dangereusement surbaissée, aux piédroits presque verticaux dont la glace, remarquablement pure de détritus, écrase sur le lit rocheux les multiples filets de l' eau torrentielle. Cet antre d' aigue aux voussoirs fissurés, d' où s' échappe une véritable rivière, laiteuse et bouillonnante, est vraiment une belle chose, qu' on ne se lasse pas de contempler avec un peu d' effroi! Mais où donc est ici la fameuse moraine de fond, de classique mémoire en glaciologie ?!

La cataracte a repris un peu d' embonpoint; j' y ai vainement cherché les entonnoirs d' effondrement si visibles en 1925. D' ailleurs, au Belvédère, le bord du glacier n' était plus qu' à 13 m. du repère, le 4 septembre; c' est un élargissement de 7 m. depuis l' an dernier.

Nous avons consacré quelques heures, ce même jour, à déterminer sommairement le mouvement de quelques aiguilles de la grande falaise, par rapport à une station située un peu au-dessus de la baraque de péage de la grotte de glace. On suivait les déplacements angulaires avec un petit théodolite d' Hildebrand, au 1/4 de minute d' arc, tandis qu' un télémètre d' infanterie donnait les distances des objets à quelques mètres près. Voici, extrapolés à 24 h., les déplacements constatés:

Un sérac, à 260 m. de la rive gauche, donc sensiblement au milieu de la cataracte, s' est mu horizontalement à raison de 0,65 m. par jour; un second, à 200 m. de la rive droite, faisait 0,45 m./j .; tous deux s' abaissaient en outre à raison de 0,15 m./j. Enfin un troisième point situé en aval à 200 m. aussi du bord droit a marché horizontalement à 1,25 m./j. en s' abaissant en outre de 0,1 m. On voit que ces mouvements sont très individuels; il n' en saurait guère être autrement, les séracs étant, en somme, des blocs d' une substance rigide entraînés par une nappe profonde plastique, fluant sur un lit rocheux inégal.

Une paire de cryocinémètres appliquée, les 5 et 7 septembre 1926, sur les lisières gauche et droite du front, de part et d' autre du portail, sensiblement aux mêmes points que l' an dernier, ont accusé les vitesses d' écoulement suivantes de la glace, en cm. par jour:

rive gauche: à 30 m. du torrent, 17,3 cm./j.; à 40 m.: 13,7 cm./j.; moyenne 15,5; rive droite: à 30 m. du torrent, 25,9 cm./j.; à 45 m.: 33,8 cm./j.; moyenne 29,8.

Le 7 septembre 1925, on avait mesuré respectivement 7,7 et 12,9 cm./j. Pareille accentuation de la vitesse suffirait à dénoncer la crue, à défaut de comparaison topographique!

Notons enfin que le 6 septembre le lac de confluence au pied de la Scheidfluh était vide. Son contenu s' était englouti dans un entonnoir très reconnaissable sous le promontoire rocheux après qu' un temps le lac eût débordé par la surface le long de la moraine qui marque la soudure entre le glacier principal et l' affluent du Thierthäli. Le totalisateur de la Scheidfluh a mesuré 258 cm. d' eau en une année, tandis que Gletsch n' en recpvait que 169.

La petite langue septentrionale de l' Allalin a reculé de 3 m.; « Auf der Schanz » ç' a été davantage: 7,5 m. Dans mon précédent Rapport j' ai décrit en détail les belles expériences de M. Lütschg sur l' action érosive exercée en cet endroit par le glacier. Je puis donner aujourd'hui deux photographies prises par mon collègue et qui complètent utilement cet exposé. J' attire spécialement l' attention du lecteur sur la creusure typique dont le glacier a, dans sa poussée, entamé le dôme arrondi d'«Auf der Schanz »; action locale sans doute, mais d' une intensité indéniable.

Le Schwarzenberg aurait reculé de 110 m ., et ceci d' août en août! ( Lütschg. ) Si l' observation est bien exacte, il faut que le glacier ait été réduit, en 1925 déjà, à une lame fort mince, sinon le piètre été dernier n' eût pu le dissiper si avant.

Le 10 septembre à 4 h. une poche d' eau a fait éruption à grand bruit du glacier de Hohberg. La crue subite du Birchbach a affouillé le chemin de fer Viège-Zermatt sur une trentaine de mètres de longueur en aval de Im Lerch, laissant suspendus dans le vide des rails chargés de quartiers de roc; ailleurs blocs et limon noyaient la plateforme sur une soixantaine de mètres.

Du début d' août 1924 au 10 septembre 1926, M. Maag, chef de dépôt à Zermatt, a mesuré un retrait moyen de 45 m. au Findelen.

Le glacier d' Arolla, si longtemps en recul, semble entré dans la phase contraire et même fortement. Attendons 1927!

J' ai visité le Corbassière avec M. F. Fauquex le 24 septembre. Son portail s' est élargi encore et le torrent était fort gros, gênant les mensurations qui ont marqué le stationnement, sinon une crue très faible. La falaise à droite du portail avait à son pied un petit remblai morainique d' aspect assez frais, haut d' un mètre et demi, mais ce refoulement peut bien ne déceler que la seule poussée hivernale. Deux cryocinémètres, installés l' un à 10, l' autre à 15 m. du torrent à cette même falaise, ont mesuré des vitesses de 2,9et l,3 cm./j .; moyenne 2,1.En septembre 1925, nous n' avions trouvé là que 1,3 cm./j. Il y a donc bien apparence de crue faible.

La crue du Saleinaz s' est ralentie. Quand je l' ai visité avec M. Gaschen, le 5 octobre, son front était très bombé pourtant et à gauche du torrent il s' appuyait à un rempart morainique frais, haut de 2 m. Nous avons mesuré ici des vitesses de 4,5 et 5,5, moyenne 5,0 cm./j.

Dans les Alpes vaudoises peu de changements: MM. Gaschen et Reber ont refait, le 13 septembre, au glacier de Prapioz, le contrôle des vitesses que leurs surprenants résultats de 1925 imposait. En deux points du front voisins ils ont lu 3,7 et l,1 cm./j ., moyenne 2,4 cm./j.! Nous voici loin des 70 cm./j. de 1925! Que penser?

M. Francis de Quervain, assistant au laboratoire minéralogique de l' Uni de Berne, a répété ses contrôles précieux des glaciers de Jägi, Lang et Baltschieder.

Le Baltschieder a perdu 47 m. depuis 1923, abandonnant des lambeaux de « glacier mort ». Le Jägi a gagné 12 m. depuis 1924. Le 5 septembre 1926, sa vitesse frontale était 3,3 cm./j ., valeur identique, à 0,1 cm./j. près, à celle du 5 septembre 1925 ( 3,2 cm./j. ).

Le Langgletscher semble devenir stationnaire. Sa vitesse au front était, le 5 septembre, 5,1 cm./j.

II. Bassin de l' Aar.

Tableau X. Variations, en mètres, en:

Glaciers1924 19251926 Unteraar1072 Rosenlaui1060 Grindelwald Supérieur. .2,51510 Grindelwald Inférieur.. .1092 ( gorge 77gorge 14 ) Eiger2016 Stein395 Blümlisalp2 17 Schwarz16 Tsanfleuron1182 En outre les glaciers ci-après sont:

en crue: Renfen, Gamchi, stationnaires: Thierberg, Rosenlaui, en décrue: Gauli, Trift.

La décrue de l' Unteraar s' est atténuée: de 7 m. qu' elle était en 1925 elle est tombée à 2 m. en 1926. Changement de régime? Peut-être; mais je crois plutôt à une ablation trop réduite, car le cryocinémètre, posé le 9 septembre au même endroit qu' en 1925, n' y a décelé qu' une vitesse de 0,5 cm./j. Le front s' est d' ailleurs encore affaissé et on y montait par un talus en pente douce où naguère encore c' était l' escalade. Quant au tunnel, si beau l' an dernier, il n' existe plus; de même le bras de torrent qui, en 1922, noya intempesti vement le « Refuge vaudois ».

Le chroniqueur qui se rendait au glacier en compagnie de MM. Lastres et de Raaf surtout pour y repérer topographiquement le bloc Hugi retrouvé l' an dernier par hasard et les débris de l' Hôtel des Neuchâtelois a eu la bonne chance de pouvoir faire cette excursion avec MM. Vuille et Wüthrich. Ces messieurs s' en venaient avec une équipe exécuter le programme toujours plus complet de mensurations par lesquelles la Compagnie des Forces motrices bernoises veut donner à la glaciologie une image aussi parfaite que possible de l' état et du régime de l' Unteraar à l' instant que le grand lac de barrage de l' Aarboden viendra lui imposer son influence difficile à prévoir. Je ne saurais trop dire ici la reconnaissance des géophysiciens pour cette activité si utile.

M. Käch veut bien m' autoriser à extraire de ses documents les renseignements qui suivent mais auparavant que je le remercie des facilités de tout ordre par lesquelles une excursion, très fatigante pour trois glaciéristes réduits à leurs seules forces, est devenue une instructive partie de plaisir! Hélas! de telles courses peuvent être tout autre chose: le 28 août, l' aide Schilt suivant à quelques mètres M. Wüthrich sur le glacier, dans les parages de Mieselen où ne subsistait guère que quelques lambeaux de vieille neige, mit, par inadvertance, le pied juste dans un petit moulin, cependant assez visible, et s' y engloutit. Arrêté à 35 m. de profondeur par le resserrement des parois et misérablement immobilisé dans ce conduit gelé, le malheureux, que sa chute n' avait pas tué, agonisa lentement sous une douche glacée qu' on ne put tarir. Malgré la promptitude des secours on ne remonta qu' un cadavre.

J' ai indiqué dans mon précédent rapport la situation des divers profils des BKW, lesquels se confondent assez avec ceux d' Agassiz. Le tableau XXI présente les derniers résultats:

Tableau I. Glacier d' Unteraar.

Mensurations de ]a Compagnie des Forces motrices bernoises.

Altitude Variation du niveau Vitesse moyenne Vitesse maximum Profilen m.moyen, en m./anen m./anen m./an 1924/25 1925/26 1924/25 1925/26 1924/25 1925/26 Mieselen24200,851,4537,836,85852 Pavillon Dollfus22900,80,434,334,349,5 145 Brandlamm Sup.2130 0,950,0521,720,231 127 Brandlamm In).2020 00,857,36,81110,5 Sur tout le dissipateur le niveau a donc baissé et la vitesse superficielle a diminué. En même temps, les dites vitesses se sont régularisées. Leur distribution avait présenté en 1926 de particularités dignes d' attention:

De 1924 à 1925, les vitesses sur le profil du Mieselen augmentèrent notablement sur la branche du Lauteraar tandis qu' elles diminuèrent sur celle du Finsteraar imprimant ainsi à la courbe de répartition des vitesses sur le profil une dissymétrie accentuée. De 1925 à 1926, cette inégalité s' est à peu près effacée.

Une dissymétrie du même genre avait affecté moins fortement le profil du Pavillon, mais c' était ici la branche du Finsteraar qui marchait le plus vite. En 1926, l' atténuation y est intervenue aussi.

En 1925, le profil Supérieur du Brandlamm présentait deux maximums de vitesse séparés par un minimum secondaire très net: on avait 31 m./an sur la moraine médiane principale et 28 sur une autre de la branche du Finsteraar. Entre deux la vitesse était réduite à 22 m. En 1926, cette inégalité avait presque disparu. Sur le profil Inférieur du Brandlamm, les glaces du Lauteraar, amaigries, se meuvent décidément plus lentement que celles de l' autre branche moins anémiée.

De telles fluctuations méritent l' attention. On en connaît de pareilles, concomitantes de variations de largeur chez les glaciers polaires composites ( Spitzberg, etc. ). Les glaciéristes alpins s' attardent peut-être un peu trop au schéma classique d' une répartition régulière des vitesses sur le profil transversal, fait exact pour un glacier simple, celui du Rhône par exemple, mais qui ne le reste vraisemblablement pas toujours chez un appareil comme le complexe Unteraar. Ce sera un mérite de plus des travaux des BKW que de nous l' avoir fait soupçonner.

Les relèvements géodésiques des blocs Hugi ( N° 5 Agassiz ) et du débris a de l' Hôtel des Neuchâtelois ( N° 2 Agassiz ) ont été faits les 8 et 9 septembre 1926 au théodolite placé sur eux. Ces blocs étant fort gros et assez vagabonds, il va sans dire que la précision des relèvements est ici en excès. C' est pourquoi il a suffi de viser les trois sommets pour lesquels le Bureau topographique fédéral pouvait nous donner des coordonnées vérifiées récemment, savoir l' Escherhorn, le Bächlistock et le Klein-Siedelhorn. Voici donc les coordonnées des blocs dans le système de l' Atlas fédéral:

xyzEpoque Bloc Hugi ( N° 542 478 m. 61 870 m. 2139 m. 8 IX 1926 Bloc Hôtel ( No 2 ) -42 097 m. 61 196 m. 2189 m. 9 IX 1926.

Déjà difficiles à reporter sur la carte fédérale, insuffisamment exacte, les blocs l' étaient davantage encore à placer sur la carte Wild-Stengel d' Agassiz. Je l' ai fait le mieux possible pour en déduire le cheminement des blocs depuis 1842. Pour le bloc Hugi, à trajectoire plus axiale et de complexion plus robuste, cet essai a de l' importance. On peut en effet espérer voir un jour le dit bloc au front même du glacier. A ce moment, les débris de l' Hôtel des Neuchâtelois seront, je pense, méconnaissables. Voici les déterminations:

De 1842 à 1926, le bloc de l' Hôtel des Neuchâtelois a cheminé de 3,85 km. et le bloc Hugi de 3,73. J' eusse désiré mettre à profit les quelque cent années écoulées depuis que Hugi construisit sa cabane au voisinage du bloc qui, maintenant, porte son nom, mais je n' ai pu me débrouiller mieux qu' Agassiz et Desor dans les incohérentes notices que le naturaliste soleurois nous a laissées. Cet homme était décidément imprécis; même la date d' érection de sa hutte ( 1827 ou 1829 ) est indécise! On réussit mieux en interpolant les vitesses observées par Agassiz vers l' Abschwung en 1842; le comput donne ainsi pour le trajet séculaire du bloc Hugi 4,7 km.

Quoi qu' il en ait été, les débris de l' Hôtel sont maintenant, à vol d' oiseau, à 4,4 km. de l' Abschwung et à l,0 km. du Pavillon Dollfus. Le bloc Hugi est respectivement à 5,2 et 1,7 km.

J' extrais du Rapport adressé à la Commission des glaciers par son ingénieur M. Blumer sur sa dernière campagne programmatique aux glaciers du Grindelwald, à fin août, les résultats que voici:

Glacier Supérieur. Le profil transversal, en amont des rapides du Milchbach, s' est exhaussé de 0,7 m.; il s' était abaissé de 2,7 m. en 1924/25. Le relèvement s' est d' ailleurs manifesté sur la majeure partie du profil longitudinal. Ce peut n' être dû qu' à la seule faiblesse de l' ablation du reste. Toutefois, dans la région de croisement des deux profils, la vitesse a passé de 182 à 189 m./an.

Quant au front, il a encore reculé, découvrant 4750 m2 en 359 j.; c' est un retrait moyen de 10 m. Pourtant, le bord du glacier s' est encore étendu vers le Milchbach, en amont du lagot, à la faveur de sa couverture de cailloux. Quant au dit lagot, il n' a guère changé. Partout devant le front de petits arcs morainiques marquaient les stades du retrait oscillant de la glace.

Le cryocinégraphe installé devant le milieu du front, à peu près au débouché du chemin d' accès au glacier, a fonctionné presque toute l' année. En voici les résultats:

Glacier Supérieur du Grindelwald. Vitesses moyennes au cryocinémèlre.

Tableau XXII.cm./j.cm./j.

1926 mars10,31926 octobre ( 3—31 ). .9,2 avri114,7novembre ( 1-—18).8,4 mai17,9décembre ( 7—31 ) .7,4 juin21,21927 janvier ( 1—7 ). .7,4 juillet ( 1—18 ). .19,9 Toutes ces valeurs dépassent légèrement celles de 1925.

Glacier Inférieur. Il était en général d' un parcours plus aisé que l' année précédente, sauf à son extrémité, si bouleversée que M. Blumer et ses aides, habitués à passer là d' une rive à l' autre, ne purent le faire en 1926.

Sur le profil longitudinal exhaussements et abaissements alternaient. Le relèvement l' emportait en amont de la transversale I. Entre les profils I et II l' égalité régnait; entre II et III c' était plutôt l' exhaussement. Entre III et IV l' alternance dominait, mais depuis IV au front c' était le relèvement sans partage. Quant aux profils transversaux, en voici dénivellations et variations de vitesse:

Glacier Inférieur du Grindelwald.

Tableau I. Vitesse superficielle Profils transversauxVariations de niveaucm./j.

1924/25 1925/261925 1926 Profil I, sous le Zäsenberg. .1,41,418,819,4 » //, en amont de la Bäregg.1,2019,020,8 », en aval de la Bär egg .4,70,925,625,7 » IV, près du front 0,50,623,022,7 Le côté droit du front a gagné 0,7 m ., recouvrant 40 m2, seulement; au côté gauche, l' avance a atteint 9 m. et l' envahissement 635 m2. C' est le contraire de 1925, où l'on avait constaté une avance notable à droite et un recul sensible à gauche.

Dans la gorge la progression n' a été que de 14,5 m. en moyenne. Le talus d' éboulis est arrivé au détour du canyon et se voyait de la passerelle presque sur toute sa hauteur, 80 m. environ, le 13 décembre quand MM. Custer et le chroniqueur l' ont visité. Ce jour-là nous avons placé deux cryocinémètres « Im Schopf », le premier au même point du front qu' en 1925, le deuxième plus bas et plus près de la gorge, en un point inaccessible en été, mais que le froid et un peu de neige nous ont permis d' atteindre. Nous avons trouvé là une glace compacte, gelée et fort dure, transparente invraisemblablement et de teinte bleu d' acier impressionnante. Remarqué encore davantage la rareté des souillures pierreuses dans la masse: les seuls matériaux notables provenaient des pentes encaissant immédiatement le glacier et y étaient simplement coincés entre glace et rocher. La vitesse a été ici 17,8 cm./j .; à l' ancienne station 10,8 cm./j. Si l'on tient compte de la variation saisonnière telle que le cryocinégraphe nous l' a enseignée, la réduction à avril, époque de nos mesures de 1925, met cette dernière valeur à 22 cm./j ., soit au même chiffre que l' an passé. Le régime du glacier n' a donc pas changé.

Notons enfin que l' avalanche glaciaire du Schlosslaui, en face de la Bäregg, n' est jamais descendue; en revanche, la « Heisse Platte » a été fréquemment balayée par des chutes de glace.Blumer. ) Le Rosenlaui, en décrue faible sur certains points de son front compliqué, pousse sur d' autres; somme toute, il stationne.

Le lac du Gruben, dangereux un temps, s' est écoulé sans dommages.

( Campiche. ) L' Eiger se brise encore au bord d' un abrupt où il dresse une falaise pourtant amincie et de 2 m. environ. Il semble en recul.

Le Gamchi a recouvert sa base de repérage et n' a pu être mesuré.

III. Bassin de la Reuss.

Tableau V. Variations, en mètres, en:

Glaciers1924 19251926 Firnälpli E11412 Firnälpli W3Griessen1056 Kartige111,519,59 Wallenbühl ( Voralp ). .14,54,571,5!

Kehlefirn910,514,5 Schlossberg201414,5 Hûfi4 35 Brunni4,513,51 Schiessbach21932,5 Damma513 En outre, les glaciers suivants sont en crue: Kalchtal, St-Anna, Tiefen.

IV. Bassin de la Linth.

Tableau V. Variations, en mètres, en:

192419251926 Sulz3 Biferten19 Clarides3 A ce tableau, M. Öchslin fait le commentaire suivant, exemple à suivre 1 !: Le Schlossberg a des formes plus pleines, en son milieu surtout, et un éboulement de glace s' est même étalé à 60 m. devant son front. Le Hüfi a cru de 5 m. en même temps que sa langue s' exhaussait beaucoup. Un dévalement de blocs ( Rüfi ) venu par le petit Schafloch a recouvert partiellement le front sur sa gauche, arrachant le repère de 1910. Une photographie de M. Treisch montre que le glacier a reculé de 1,1 km. depuis 1883.

Le Brunni libère de plus en plus la tête rocheuse qu' il débordait naguère. Le Kartigel croît surtout sur sa gauche. A sa droite, il s' est affaissé sous un monceau de cailloux que M. Öchslin évalue à 15 000 m3. Un double rempart morainique prouve que le front a d' abord crû de 17 m ., puis reculé, pour revenir après en avant, d' une douzaine de mètres, refoulant les dalles de gneis en éventail.

Le Kalchtal culbutait sa moraine latérale droite.

Le Voralp-Wallenbühl a eu en 1926 des allures quasi « révolutionnaires » ( sic ). Dans son avance de 21 1/2 m. il a détruit entièrement son ancienne ligne de repères bousculant même le N° 2, un bloc de 80 m3! Fait digne d' intérêt: lorsqu' en 1924 M. Öchslin, venant du Merental par le Col de Susten, parcourut le glacier d' amont en aval, sa pente était régulière du col au front et le collecteur était en talus doucement incliné. En 1926, le dit collecteur s' était affaissé à tel degré au-dessous même du col que l' eau de fonte ne pouvant s' écouler y avait formé un étang. Ce cas est remarquable, car il rappelle celui du Vernagtferner à la fin du précédent siècle, où une vraie onde de déformation descendit le glacier jusqu' au front qu' elle poussa alors rudement en avant.

L' avance de 32,5 m. du Schiessbach ne semble pas même avoir été toute la crue du glacier, car une moraine se dressait encore à 28 m. en avant. Si la poussée continue, le Schiessbach barrera la route au Voralp, comme en 1870.

Le Kehlenalp ( qui est fait des deux courants de Massplank et de Kehlen ) a crû de 14,5 m. Ses moraines frontales décèlent 3 à 5 oscillations. Le Damma poussait devant lui, dressée, une dalle de gneis haute de 6 m. Le Tiefen et le St-Anna étaient en crue nette; on les a munis de repères.

Le 16 août, le Glärnischfirn était en avance de 3 m. sur ses positions de 1923 ( Streiff-Becker ). Le 17 octobre, MM. P. Tschudi et Jenny constataient un recul de 17 m .; les chaleurs de l' automne ont donc provoqué chez cet appareil sensible un recul de 20 m. M. Tschudi a posé des repères au Karpfirn.

V. Bassin du Rhin.

Tableau I. Variations, en mètres, en:

Glaciers192419251926 Sardona8,559 Piz So151311,5 Punteglas7105 Ober-Segnes45 Vorab79 Lenta324,510 Lavaz6,685 Tableau XXVI ( suite).Variations, en mètres, en:

Glaciers192419251926 Tambo11Zapport21411 Porchabella57,50 Paradies18,5167 Uertsch99VI. Bassin de l' Inn.

Morteratsch12,569 Roseg31,523,532 Jenatsch2,56,54 Lavin1.544,5 Lischanna11,5228,5 Schwarzhorn1,52 Picquogl4,51,5 VII. Bassin de l' Adda.

Forno — 95Palü - 774,5 VIII. Bassin du Tessin.

Rossboden40912 Muccia191715 Bresciana4,55,550,5 Basodino310,57 En outre, les glaciers suivants sont vraisemblablement en crue: Forno, Cantore, Bondasca. en décrue: Albigna.

Le cas du Lenta, où l'on avait trouvé en 1925 un recul de 324,5 m ., a été examiné à fond et séparément par M. Wehrlin, inspecteur des forêts grisonnes, et par le Dr Jost, lequel a visité spécialement le glacier de bout en bout le 18 juillet 1926. Il résulte de la discussion que le plus souvent une très forte avalanche étend une nappe de neige sur le talweg, devant le front même du glacier qu' elle masque tenacement et que ce fait peut avoir donné lieu à diverses reprises à de regrettables erreurs. Toutefois, on peut fréquemment, en cherchant un peu, retrouver la glace même et c' est ce qui a eu lieu en 1925 et 1926. C' est la variation de 1924 à 1925 qui serait donc erronée!

Le cryocinémètre a mesuré, le 18 juillet, une vitesse frontale de 12,6 m.

( Jost. ) L' Inspectorat grison a bien voulu, d' autre part, accéder au vœu de la Commission des glaciers pour l' extension des contrôles à deux glaciers du Silvretta, choisis, l' un au sud, l' autre au nord du massif; MM. Burkart ( Coire ) et Vital ( Sues ) ont déjà muni de repères le glacier, méridional, de Tiatscha.

M. Kurt Vogt a mesuré au Forno une vitesse frontale de 19,2 cm./j ., le 6 septembre. Accompagné de M. Meisser ( Mels ), il a muni de repères le glacier de Cantone ( Val Bregaglia ) ( vitesse le 8 septembre: 16,8 cm./j.)> ainsi que l' Albigna ( vitesse le 8 septembre: moins de 1 cm./j. ).

Le même travail fut rendu très pénible et dangereux au Bondasca par les incessantes chutes de pierre et au Cengalo il fallut y renoncer. ( K. Vogt. ) Signalons enfin le changement de régime du Rossboden si longtemps en crue.

Le tableau XXVII récapitule toutes ces observations:

Tableau XXVII.

Nombre de glaciers Bassins observés en crue stationnalres en décrue Rhône 38 17 5 16 Aar 14 5 2 7 Reuss 14 12 — 2 Linth 3 2 — 1 Rhin 10 6 1 3 Inn 7 4 — 3 Adda 5 3 — 2 Tessin 4 1 — 3 Totaux 95 50 8 37 % en 1926 100 52 8 40 % en 1925 100 19 11 70 Différences en % +33 — 3 — 30 Donc: En 1926, de 100 glaciers des Alpes suisses, 52 étaient en crue, 8 étaient stationnaires et 40 étaient en décrue.

C' est une récurrence du régime de crue. N' est due qu' aux conjonctures météorologiques exceptionnelles de 1926P.L. M.

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