Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses
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Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses

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RAPPORTS ANNUELS

créés en 1880 par t F.A. F OREL.

Quarante-troisième Rapport — 1922.

rédigé parle Dr Paul-Louis Mercanton, professeur à l' Université de Lausanne.

CXLII. Le cheminement de l' " Hotel des Neuchâtelois” au glacier Inférieur de l' Aar ( Unteraar ).

Le 11 août 1840, au glacier Inférieur de l' Aar 1 ), Agassiz et ses compagnons, Vogt, Desor, Nicolet, Coulon et de Pourtalès, ayant achevé de transformer en habitation le vide existant sous la saillie d' un immense bloc de la grande moraine médiane, le décorèrent du nom d'«Hotel des Neuchâtelois » et y passèrent dans l' enthou la première nuit d' une campagne glaciologique fameuse et dont la répétition, chaque été, jusqu' en 1845, allait enrichir la science de connaissances capitales.

Ce n' était d' ailleurs pas la première fois qu' une des énormes masses rocheuses de cette moraine exceptionnelle servait de toit à un naturaliste! Un peu en aval du nouvel « Hotel », on voyait encore, en 1840, la pierre sous laquelle Hugi avait bivouaqué à diverses reprises dès 1827. Il n' y fallait d' ailleurs qu' un peu d' amé. Ecoutons ce que Desor, à la page 156 de ses captivantes « Excursions et séjours dans les glaciers », dit des travaux de l' Hotel: « On commença par égaliser le fond et disposer convenablement quelques grandes dalles qui servirent en guise de plancher. On éleva ensuite un mur sec qui alla rejoindre la face inférieure de l' angle saillant. Nous garnîmes l' intérieur d' une forte couche d' herbe que deux de nos guides étaient allés recueillir sur la rive gauche du glacier. Sur cette herbe nous étendîmes une grande toile cirée pour nous préserver de l' humidité. Les couvertures furent garnies de la même herbe qui nous servait de matelas... En quelques heures nous nous trouvâmes ainsi en possession d' un dortoir pour six 1 ) Doit-on dire et écrire: Glacier Inférieur de l' Aar, glacier de l' Aar inférieure, Unter-Aar, Unteraar? Je laisse aux linguistes le soin d' en décider. Pour la commodité j' emploierai volontiers la forme Unteraar.

Jahrbuch des Schweizer Alpenclub. 57. Jahrg.

19 personnes. Devant le dortoir nous établîmes la cuisine et la salle à manger, abritées également par une saillie du bloc et à côté, sous un autre grand bloc, la cave, dans laquelle furent déposées nos provisions. » Il existe une charmante vue de face de l' Hôtel, dessinée par Bettannier et lithographiée par Nicolet. On la trouvera dans l' Annuaire du C.A.S., vol. XXXIII, p. 240. Un autre dessin montre le revers du bloc couvert d' inscriptions comme-morati ves du séjour des habitants.

Ces inscriptions, peintes avec un minium de bonne qualité, se sont conservées en partie jusqu' à nos jours sur les débris du bloc et c' est à leur persistance remarquable qu' on doit de pouvoir suivre aujourd'hui encore la marche de ces repères.

Le bloc était d' un schiste micacé noirâtre, fortement diaclasé et très atta quable par le gel. Les naturalistes neuchâtelois en constatèrent bientôt les fâcheux effets: en 1841 déjà, l' eau de pluie, suivant les fissures de la roche, dégoulinait intempestivement sur les visages des dormeurs. D' autre part, ablation et marche du glacier modifiaient parfois d' inquiétante façon l' assiette même du bloc. Aussi, dès 1842, on déserta l' Hôtel en faveur d' une installation plus stable sur les rochers de la rive gauche. Agrandi en 1843 par Daniel Dollfus, le « papa Dollfus », de Mulhouse, ce nouveau refuge, après bien des vicissitudes, est devenu la propriété du Club Alpin Suisse.

Depuis son abandon, l' Hôtel des Neuchâtelois, continuant son voyage vers l' aval, devint la proie, d' année en année moins résistante, des intempéries. En 1844 déjà, Agassiz trouva le bloc partagé en deux par une fente large de près d' un demi-mètre; le saillant formant toit s' était écroulé. Le bloc reposait encore sur la crête d' ailleurs large de la moraine. L' ablation devait peu à peu le faire glisser sur le flanc gauche en même temps que sa fragmentation s' accélérait inéluctablement. Pendant longtemps on l' oublia, mais en 1884, un touriste, M. Ritter, ayant signalé, au droit du Pavillon Dollfus, un bloc portant en rouge les noms de Stengel, Otz et Martins avec les dates de 1844 et 1845, Forel n' eut pas de peine à l' authentifier comme un débris de l' Hôtel des Neuchâtelois. En même temps, il en retrouvait deux autres fragments 1 ).

L' un de ces fragments portait un grand n " 2: c' est précisément le numéro d' ordre attribué à l' Hôtel dans la file des repères de mouvement mensurés depuis 1842 par les savants neuchâtelois.

Quand Forel les identifia, les trois pierres gisaient, respectivement, à 25 et à 55 mètres les unes de l' autre, dans le ravin qui longe la moraine à sa gauche. Ce complexe de débris fut revu en août 1899 par quelques participants à la première Conférence glaciaire internationale; Forel et Lugeon repérèrent les six fragments dont il se composait alors 2 ).

Le 19 août 1904, Arthur Bonard et Riklin, de Lausanne, visitèrent les blocs; ils semblent s' être bornés à apposer leurs initiales sur l' un d' eux. Cela m' aura servi au moins à le retrouver.

Les positions d' ensemble des blocs ont été fixées tant en 1884 qu' en 1899 par de simples alignements, à vue, sur des détails de la rive.

. ' ) Voir 5« Rapport, 1884. Annuaire C.A.S., 1885, p. 297. ) Voir 20e Rapport, 1899. Annuaire C.A.S., 1900, p. 212.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.

J' ai entrepris en 1922, avec l' appui de la Commission S.H.S.N. des Glaciers, de rechercher ces débris et d' en repérer soigneusement les situations et l' aire de dispersion. Si j' ai pu réussir dans la première partie de cette tâche, le temps fâcheux de l' été passé, comme aussi, il faut le dire nettement, l' insuffisance manifeste de la carte fédérale actuelle de la région, ont entravé l' œuvre à un tel degré que je ne puis considérer les résultats donnés ici que comme provisoires et sujets à revision lors d' une nouvelle campagne, en 1923 si possible.

Je ne crois cependant pas indispensable d' attendre davantage pour renseigner les alpinistes sur un objet de nature à accroître l' intérêt d' une course au Pavillon Dollfus.

Les blocs se trouvent, en effet, aujourd'hui dans le golfe glaciaire qui échancre la rive gauche en aval du Pavillon, et où s' amorce le sentier qui y mène par l' est. On passe à leur droite en traversant de la grande moraine vers le fond du golfe.

l/n te.raa.r rsi s t.3 Le premier fragment retrouvé le 27 juillet 1922 a été précisément un bloc volumineux ( Fig. 1 et 2 ) portant en rouge sur une face: A B, M R + 19 8 1904x ). Un examen soigneux m' a montré ailleurs encore, atténuée, mais pourtant nette et en rouge sombre l' inscription plus ancienne LIEUTENA et 42. Ce bloc était coincé dans le fond d' un ravin de glace encombré de moraine. Les recherches activement poussées aussitôt par mes élèves, MM. W. Custer, P. Meylan et E. Falcke ont fait découvrir toute une série d' autres débris de l' Hôtel, les uns encore énormes, les autres minimes. Ce faisant, mon attention fut attirée par des brins d' herbe desséchée, émergeant ça et là du gravier sous l' un des principaux fragments. Convaincu d' emblée qu' il s' agissait là de restes de la litière dont parle Desor, je fouillai ce cailloutis et j' eus tôt fait d' y récolter une poignée de ces brindilles, de longueurs égales et réduites à l' état de paille. Elles sont vraisemblablement demeurées très longtemps à l' abri de l' air sous le fragment rocheux, ce qui a permis leur conservation.

x ) Arthur Bonard, Maurice Riklin.

C' est le pendant de la découverte grâce à laquelle, il y a quatre-vingts ans, Agassiz put identifier les restes de l' abri de son prédécesseur Hugi.

Tous ces fragments ont été repérés par rapport au premier sur lequel j' ai installé, le 27 juillet, un petit théodolite complété par une boussole. Malgré la gêne d' un temps pluvieux j' ai pu faire le relèvement de cette station sur quelques sommets voisins, Bächlistock, Brunberg, Desorstock, Lauteraar-Rothorn, etc.

Malheureusement, l' élaboration au bureau a révélé l' insuffisante détermination cartographique des points visés et, malgré toute sa bonne volonté, à laquelle je rends plein hommage, le Service topographique fédéral n' a pas été à même de préciser assez les positions des dits points pour que j' aie pu calculer un relèvement satisfaisant. Ce sera œuvre ultérieure. Pour le moment, je me suis donc borné à un relèvement graphique approximatif sur la carte fédérale à 1: 50,000. La figure ci-dessus reproduit les linéaments essentiels de cette carte; on y a porté les situations approchées de l' Hôtel des Neuchâtelois en 1842, 1884, 1899 et 1922. Cela suffit à donner une idée de son cheminement jusqu' à ce jour.

Quant aux autres fragments, leur situation par rapport à celui du théodolite a été fixée en azimut, à l' aide de la boussole ( rose normale ). Les distances ont été mesurées soit à la chevillière, soit stadimétriquement. J' ai omis sciemment de prendre les altitudes, mal définies, sans signification réelle, et d' ailleurs peu différentes, des divers blocs.

Voici les caractéristiques et les positions des fragments retrouvés:

a ) gros bloc du théodolite ( fig. 1 et 2 ), inscriptions: précitées; b ) petit fragment portant un © rouge sur deux faces ( Bonard ) et les lettres anciennes A M G U; distance à a: D =10 mètres; azimut magnétique à partir de a: az. = 92°; c ) petit fragment portant en rouge ( Bonard ): + etD = 22 m; az. = 122°.

d ) très gros bloc, sans inscription visible, en contact immédiat avec un moindre lequel porte les lettres rouges indistinctes: WEREA. C' est sous ce groupe que j' ai trouvé la litière; ce serait donc un fragment du toit ou de la paroi du dortoir; D = 74 m; az. = 78, 5°; OT e ) très gros fragment portant, en écriture nette: .„ et sur une grande face lisse un gros n° 2 retourné, celui même de l' Hôtel. D = 52 m; az. = 80° ( à 1 m de l' angle nord du blocf ) petit fragment, très révélateur, car il porte les mots suivants encore déchiffrables:

UTIS BOLDASSIZ NICOLETOST TACFC D = 94 m; az. = 81,5°; g ) petit bloc à 3 m de e sur la perpendiculaire à a e et du côté nord; inscriptions rouges indistinctes.

On retrouvera sans doute ultérieurement d' autres débris encore, mais la pluie nous a empêché de poursuivre ces jours-là nos investigations. Quand nous sommes revenus pour cela, M. Custer et moi, en septembre, une tempête de neige a derechef fait échouer notre entreprise de vérification.

Dores et déjà on voit que les restes de l' Hotel des Neuchâtelois de distribuent sur une aire étendue d' amont en aval au fond d' un vallécule glaciaire. Cette aire, large de quelques dizaines de mètres, est longue d' une centaine.

Puisque le n° 2 est encore visible sur un bloc, c' est par rapport à celui-ci qu' il semble rationnel de compter les cheminements; il serait d' ailleurs vain de rechercher dans ce domaine une précision certainement illusoire et j' évaluerai les trajets parcourus par l' Hotel au demi-hectomètre près.

La carte du glacier d' Unteraar, levée en 1842 par Wild donnant la position de l' Hotel, il est possible de connaître le cheminement du n° 2 dès cette époque; d' ailleurs Agassiz le déterminait déjà année après année. De 1842 à 1846, il a progressé de 295 mètres, soit en moyenne de 74 m/an. Il était, en 1842, à environ 0,95 km du repère fixe de l' Abschwung.

En 1884, sa distance était devenue 3,2 km, selon Forel; en 1899, 3,8 km.

Mes mesures de 1922 ont donne le chiffre provisoire de 4,6 km. Ces distances sont comptées selon la trajectoire la plus plausible.

En 1842, le bloc était à la cote d' altitude 2487 de la carte Wild; j' ai trouvé, en 1922, pour le n° 2, environ 2225 m.

Comme aujourd'hui, la vitesse superficielle locale variait, au temps d' Agassiz, avec la distance à l' Abschwung et aussi à l' axe du fleuve de glace. D' autre part, la profondeur de celui-ci s' est modifiée au cours de ces quatre-vingts années, généralement dans le sens d' une diminution. Or, on sait que la vitesse superficielle diminue aussi en pareil cas dans une même section transversale. Il résulte de tout cela que les vitesses annuelles de cheminement trouvées varient avec les étapes considérées. Les chiffres suivants le montrent bien:

Intervalle Vitesse^annuelleintervalle Wtese^nnne/fe 1842—1846 74,01842—1846 74,0 1842—1884 53,51842—1884 51,5 1842—1899 50,01884—1899 40,0 1842—1922 45,01899—1922 32,5 En 1842, la vitesse superficielle était d' ailleurs plus grande aussi dans les parages où l' Hôtel est actuellement puisque sur la crête de la grande moraine elle atteignait 71 m/an.P.L. M.

CXLIII. L' enneigement des Alpes suisses en 1922.

En dépit du temps très défavorable aux courses de montagne et grâce à la persévérance de collaborateurs fidèles, je puis donner encore, dans la forme habituelle, un aperçu de l' enneigement alpin pendant l' année nivométrique 1922. On lira en leurs places les noms de ces personnes méritantes, mais je tiens à leur adresser sans plus tarder ici un merci collectif chaleureux: je continue à mettre mon espoir en eux et leurs désirables recrues.

L' année nivomélrique 1922 ( 1er octobre 1921 au 30 septembre 1922 ) a été abondante en précipitations et pauvre en rayons solaires; elle a contrasté ainsi violemment avec 1921, de chaude et par trop sèche mémoire! En voici d' ailleurs les particularités mensuelles que j' extrais des excellents bulletins de M. le Dr R. Billwiller, dans le Journal forestier suisse. Je me limite aux seules hautes régions de notre pays, bien entendu:

Octobre 1921 a prolongé de près d' un mois entier le désenneigement des cimes. Il a été le plus chaud de tous les octobres contrôlés météorologiquement en Suisse depuis 1864. Sa température a dépassé de 5° environ la normale; le soleil a lui extraordinairement longtemps et quant aux chutes d' eau, leur rareté et leur modicité déconcertent.

Novembre, en revanche, a été froid, mais est resté plutôt trop sec. Les hauteurs sont demeurées volontiers claires.

Décembre a été un peu trop chaud avec une chute d' eau ordinaire. La fin du mois a été marquée par une bourrasque du SW et des précipitations copieuses.

La température de janvier 1922 a été de 2° trop basse, tandis que la précipitation s' élevait, dans les Alpes, à 3 et 4 fois sa hauteur normale. Les 2 et 3 janvier, une tempête du SW, violente, déversa sur les montagnes d' énormes quantités de neige. Au milieu du mois, nouvelles chutes abondantes, puis période de froid du 19 au 26 janvier; à la fin du mois, les précipitations recommencèrent, tout particulièrement fortes en Suisse occidentale.

Le 7 janvier, on signalait 50 cm de neige à Grindelwald, 70 à Davos, plus 1 m au Rigi-Kulm, 2 m au Pilate et 5 m au Säntis.

Les avalanches consécutives à cet enneigement rapide, et aux pluies qui lui succédèrent souvent, se sont multipliées, avec des effets redoutables.

Le 9 janvier, on dut suspendre le trafic postal dans le Hasli supérieur, où forêts et champs subirent des dommages importants.

Les Grisons furent spécialement éprouvés: Dans le Prätigau ( Seewis ), une avalanche détachée du Vilan causa la ruine d' édifices, d' arbres et d' amas de fourrage.

Le 9 janvier aussi, une énorme avalanche descendue inopinément du Tschen Dadeins, rasant la forêt sur son passage, engloutit un jeune homme qui rentrait du bétail aux mayens de Dardin, près de Brigels.

Ces mêmes journées, deux caravanes de skieurs étrangers, en séjour à Davos, ont été décimées, chacune d' elles perdant un participant dans la neige.

Dans la nuit des 25 au 26 janvier, une avalanche descendue des hauteurs de la Colmine a recouvert la voie du Simplon entre Varzo et Preglia, forçant à détourner l' Orient vers le Gothard.

Vers la même époque, des coulées de neige détruisaient, au Räterichsboden, la passerelle de l' Aar et la station de contrôle de la Compagnie des Forces motrices bernoises. En amont de Kunzentännlen, un chalet et partie d' un bois de sapins ont été emportés; au Kilchlistock et à l' Ofenhorn, ce sont des meules de foin.

En février, les précipitations ont excédé notablement aussi la normale au nord des Alpes; insolation et température en ont peu différé.

Le 3 février, une gigantesque avalanche s' est détachée de la Schaffalle sur le Hardergrat, où de mémoire d' homme on n' en avait jamais vu. Elle a recouvert la ligne ferrée de Brienz d' une couche de 12 m d' épaisseur sur une trentaine de mètres de longueur. Le 6 février, il fallut faire circuler la déblayeuse entre Brigue et Goppenstein, sur la ligne du Lötschberg.

Les deux premiers tiers de mars ont été chauds; le dernier a manqué de soleil et il y a beaucoup neigé.

Avril a été très frais, sombre et neigeux, la température est demeurée trop basse de 2°; il est tombé de l' eau presque journellement et en grand excès, surtout en Suisse occidentale où la chute a atteint son record depuis 1864.

L'«avalanche rouge » de Goppenstein est tombée à 1 km de la station et a bloqué la voie sur une longueur de 40 m, vers la fin d' avril. La conduite électrique a été brisée et force fut d' exploiter la ligne à la vapeur.

Mai, au contraire, a été ensoleillé, sec et chaud, trop chaud même. Les hautes régions n' ont reçu que la moitié ou les deux tiers de leur précipitation habituelle, sauf en Suisse orientale, tandis qu' en Suisse occidentale l' insolation avait un excès de 50 %.

Les avalanches de fond dégarnirent activement les pentes. Le 3 mai, une avalanche énorme descendue des Lanchys sur St-Gingolph ( Valais ) emporta six chalets au Creux de Novel; on ne se souvenait pas d' un tel accident dans ces parages.

Juin a été normal.

Juillet a eu un déficit de température de plus de 1Le soleil a manqué et les chutes d' eau, fréquentes, ont été excessives, surtout en Suisse SW.

En août, les hautes régions ont été un peu trop chaudes, et la précipitation a été trop forte. En général, le temps fut très inconstant, sauf du 16 au 22 août où il resta serein. Nombreux orages.

La première moitié de septembre a eu une température trop basse de 4 à 5° et le réchauffement de la seconde moitié n' a pu compenser ce refroidissement. Il est tombé trop d' eau aussi. Dès le 10, une dépression passagère a amené la neige à l' altitude de 800 m dans les vallées, laissant après elle les glaciers réenneigés définitivement.

Octobre, pluvieux, sombre et froid, n' a pu, en effet, que renforcer la couverture de neige nouvelle.

Voici encore quelques faits illustrant bien le caractère spécial de 1922:

La route du Col de la Grimsel a été ouverte à la circulation automobile le 29 juin entre des murailles de neige hautes de 6 mètres; la tempête du 12 septembre l' a refermée prématurément; le 14 septembre, il y avait déjà une trentaine de centimètres de neige sur la route du côté bernois et l' hôte de l' hospice, au moment même de regagner la vallée avec armes et bagages, fut bloqué dans son hôtel. M. Custer et moi, pesamment charges, il est vrai, mîmes trois heures à monter de l' hospice au Col.

Durant l' hiver, un « arein » ( avalanche poudreuse, Staublawine ) insolite, descendu du sommet des Diablerets à travers les Vires grises, jeta dans le Creux de Champ quantité d' infortunés chamois.

La cabane Fergen, de la Section Prätigau du C.A.S., qui avait été construite en 1920 et valait fr. 20,000, a été rasée par une avalanche qui en a semé les débris à 800 m plus bas, sur l' Alpe de Carfinn.

Dans ce même Prätigau, à la Schwende rière Monbiel, une meule de foin que de mémoire d' homme on construisait toujours sans risque sur l' arête séparant le Valschmelatobel du Fajoltobel, a été emportée aussi par une coulée. ( Wall y-Klosters. )

A. Etat des neiges.

Suisse orientale. Notre collaborateur M. Jacob Hess, de l' Institut central de météorologie, à Zurich, n' a pu faire que de trop courtes campagnes dans les Grisons, pour le service des totalisateurs. Il a noté les états d' enneigement que voici, du 26 au 28 septembre:

T -, ...Limite des flaques LocalitéExpositiondg ndge ^Jrf/e

mmm

Val Nandro ( Oberhalbstein ) E23002500Piz ScalottaSE23002650 ( fin VIII2980 Piz Err-Piz-Agnelli... NW23502600 ( 5 VII2500 Col du JulierN23002400 S25002800Fuorcla SurlejNW25502700 M. Trept, à Thusis, signale que le névé au Piz Curver a disparu. Au Piz Aela les névés du pied SW aussi; sur le flanc E, ils étaient fortement désenneigés.

Suisse centrale. M. Max Oechslin, inspecteur forestier à Altorf, me communique les observations suivantes ( mi-août ), données d' autant plus précieuses qu' elles viennent d' une région trop négligée auparavant:

Localité ExpositionLimite des neiges m Bristenstock N2250 » S2800 Oberalpstock N2200 » W2460 Galbitschyn NNE2450 Schlossberg N2540 Jakobiger Seeli N2250 Grosse Windgelle N2200 Firrenband Stäfeli S2400 Le même observateur a noté les altitudes minimum atteintes par les chutes de neige de l' été; la place me manque pour les signaler toutes. Notons qu' au flanc nord du Bristenstock il a neigé jusqu' à 850 m, le 12 septembre.

M. Stauffer-Becker, à Glaris, relève trois faits intéressant l' enneigement du massif du Glärnisch:

Le 21 août 1922, des flaques de neige ancienne se voyaient entre 2500 et 2650 m sur le Meergletscher au Hausstock; à partir de 2650 m, le revêtement était continu.

Le petit névé du Vrenelisgärtli Furkeli ( 2700 m ) était, en octobre 1921, séparé du Glärnischfirn par une paroi de rocher nue, haute de 20 m. On n' a pas revu cette séparation, de Weesen, en 1922.

Quand le réenneigement a commencé, à la mi-septembre, il subsistait encore dans les Alpes glaronnaises, à partir de 2000 m sur le versant à l' ombre, quantité de flaques de vieille neige sans compter les nombreux restes d' avalanches.

M. Francis de Quervain, étudiant à Zurich, a noté les époques de disparition des flaques de neige au Niesen et au Walalpgrat:

AnnéeNiesen ( 2150 mWalalpgrat ( 19001919 fin IX18 IX 1920 15 VIII2 VIII 19211 VII11 VI 1922 26 VIII22 VIII Le 2 août 1922, Tschingel- et Kanderfirn étaient beaucoup plus enneigés que le 10 août 1921. Les rimaies étaient refermées et les immenses crevasses de 1921 aussi.P. et F. de Quervain. ) Le 25 juillet, il subsistait deux ou trois névés sur le Gletscherboden ( Gletsch ) au pied du Nägelisgrätli et quatre au pied du Längisgrat. Un grand cône d' ava pontait encore le Rhône le 14 septembre entre l' Hôtel Seiler et la gorge d' In den Lammen, sous la Meienwang.Mercanton. ) Suisse occidentale. Le 31 mai, toute la face ormonanche du Diableret, était encore blanche et il y avait des flaques de neige jusque dans le Creux de Champ. Le 28 septembre, le névé de la source, près de la cabane d' Entre, était encore grand. Il y en avait d' ailleurs plusieurs encore sur le trajet de la cabane au Tsanfleuron. A l' effluent du Dard, la vieille neige masquait l' extrémité vraie du glacier.

Le Rasoir n' avait pas de brèche transversale; son flanc SE était facile à escalader. La grande crevasse qui coupe tout le glacier du Diableret à la hauteur du nivomètre était raccourcie et facilement contournable. Le sommet neigeux du Diableret, pointé du sommet rocheux ( repère ), avait l' azimut magnétique N 78° E, le 28 septembre 1922.Mercanton. ) Le 25 mai, je suis monté à la cabane Dupuis ( Col d' Orny ) avec mon ami et fidèle compagnon de ces sortes de courses, M. Edouard Correvon ( C.A.S. Jaman ), et l' excellent guide Emile Crettex, de Champex. Nous avons pu chausser les skis, indispensables, dès les chalets d' Arpettaz ( 1700 m ). Depuis la forêt, la couche s' épaississait beaucoup; le raide couloir aboutissant à la Fenêtre du Chamois était si bien enneigé qu' il ne nous a demandé que 3/i d' heure d' efforts; en mars 1921, il avait exigé trois heures!

Le plateau de Trient, qui n' était, en automne 1921, qu' une écumoire, avait repris son aspect rassurant. On ne voyait plus de rimaie s' ouvrir sous le totalisateur. En revanche, le déchaussement, déjà anormal en 1921, du promontoire de la cabane s' est encore accentué et une petite soufflure s' est dessinée sous la terrasse, à l' occi. Le 25 mai, on ne voyait plus de crevasse sur la piste en passant le Col d' Orny et les abords du nivomètre n' en montraient pas non plus.

La grande soufflure au nord de la cabane avait 12 m de profondeur au droit de la Tour rocheuse, le 25 mai, et s' en écartait de 16 m; le 24 septembre, Kersting a mesuré la même profondeur et 17,3 m de largeur.

En mai, j' ai vu encore quelques plages de la surface d' étiage de 1921, maintenues dénudées par la violence du vent: ainsi au Col d' Orny même et plus bas, sous les Ravines Rousses, vers 2900 m. Les corniches étaient grandes et les rimaies béantes et surplombantes.

Le 25 mai aussi, la surface du névé avait, en beaucoup d' endroits, mais spécialement sur les parties déclives exposées au midi, dans les parages du totalisateur et de la cabane Dupuis, une structure singulière et rappelant quelque peu la formation observée par moi en 1921 sur le glacier d' Orny x ).

C' était aussi une subdivision de la surface nivale en lames glacées, empilées ou juxtaposées, épaisses de 2 à 3 cm, écartées de 1 à 2 cm et enracinées parallèlement ou presqu' à 4 à 5 cm de profondeur. Leur plan était à peu près normal à la surface et allongé en travers de la pente. Ces écailles étaient de longueur variable ( quelques décimètres ) et formaient un guillochage en chicane au travers des accidents généraux de la surface ( sillons de fonte du névé, par exemple ).

Cette formation surprenante, nouvelle pour moi en tout cas, me semble participer de la nature et de l' origine des « pénitents de neige » et procéder de l' insolation essentiellement.

B. Relevés nivométriques.

En 1915, en même temps que j' installais le totalisateur du sommet des Diablerets, j' établissais un pluviomètre à contrôle quotidien au Plan des Iles, aux Ormonts-dessus. Pour qu' il fournisse les données les mieux comparables avec celles du sommet, je l' avais garni d' un écran de Nipher, tout pareil à celui du mougin 2 ). Une étude toute récente de M. le professeur R. Gautier, directeur de l' Observa de Genève 3 ), confirme une fois de plus non seulement l' efficacité, mais encore la nécessité d' un tel accessoire partout où la précipitation est en majorité neigeuse. Le nouveau pluviomètre à écran de l' Hospice, placé tout à côté de l' ancien non abrité, a recueilli, de 1917 à 1922, en hiver, 55 % d' eau de plus que son voisin; en été, saison où il pleut davantage, l' excès n' a été que de 26 %. La moyenne en faveur de l' engin protégé est 43 % pour l' année entière. M. le Dr R. Billwiller, qui avait d' ailleurs fait, dès 1907, une installation de comparaison semblable à l' Hospice du St-Gothard, a obtenu ( 1908 à 1909 ) des écarts du même ordre * ).

Ensemble nivométrique d' Orny. Il n' y a, hélas, guère à en dire de très heureuses choses cette année! Quand MM. Correvon, Emile Crettex et moi l' avons visité le 25 mai, nous avons eu le chagrin de trouver le mougin étendu tout de son long dans la neige! Une bourrasque, combien violente, a dû l' abattre, car il ne portait aucune trace de malveillance. Il ne fallait pas songer à le rétablir sur l' heure. L' opération a été faite en automne, non sans peine et à grands frais aussi. ( L' Institut météorologique central a bien voulu en prendre une bonne partie à sa charge. ) Une visite préalable de M. Gaschen, le 11 août, avait permis d' arrêter le meilleur parti: Renonçant à des scellements, coûteux, dans le granit, on s' est contentéVoir 42« Rapport, 1921, p. 265. s ) Voir 35e et 36e Rapports, 1914 et 1915, Fig. 5.

3 ) Nouvelles mesures des chutes de neige et de pluie au Grand St-Bernard; Archives de Genève, IX—X, 1922.

* ) Cf. Meteorologische Zeitschrift, 1910.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.

de prolonger les trois jambes du support par des empattements transversaux en fer plat et de les relier également par un ruban métallique. Le trépied une fois dressé, l' assemblage a été chargé de quartiers de roc.

Ces travaux de serrurerie et d' ajustage ont dû être faits sur place; ils ont été menés à bien par MM. Kersting, ingénieur, Mantz, cand. méd., J. P. Vittoz et A. Bugnion, stud, ing ., tous ressortissants de l' Université de Lausanne.

Ces quatre jeunes hommes ont démontré, une fois de plus, ce que tant d' expé lointaines ont prouvé déjà, à savoir que le zèle, le dévouement et le désintéressement seront toujours les leviers les plus efficaces souvent et les seuls, pour réaliser des tâches scientifiques qui rebuteraient de simples salariés ou seraient rendues inexécutables par leurs exigences. Montés là-haut avec vingt kilogrammes sur les épaules, ces messieurs ont passé la journée du 11 septembre, à 3150 m, dans la neige et le vent, à tarauder, forger, visser, maçonner. La bourrasque terrible des 12 et 13 les a confinés dans la cabane Dupuis pendant deux jours, durant lesquels le vent a soufflé en tempête, amoncelant la neige qui tombait sans relâche. Deux porteurs venus en skis pour ravitailler une caravane, mirent quatre heures à monter de la cabane d' Orny au refuge supérieur, avec de légers fardeaux.

Le 14, le groupe dut regagner la plaine sans avoir réussi à recharger le mougin; ils y mirent la journée entière, tant la neige fraîche entravait la marche. Le remplissage de l' engin eut lieu dix jours plus tard par les soins de MM. Kersting et Boscoscuro, montés tout exprès. J' adresse ici l' hommage de ma reconnaissance admirative à tous ces vaillants du « Groupe nivométrique vaudois ». Je dois également remercier la Section Diablerets pour les facilités financières qu' elle m' accorde pour l' utilisation de la cabane.

N wo met re. Le tableau I en donne les lectures et le tableau II les bilans comparatifs. Malheureusement, il faut enregistrer ici une déconvenue de plus: M. Joseph Joris, le gardien de la cabane Dupuis, qui nous avait habitué à des lectures régulières de l' échelle, les a discontinuées sans penser à nous en prévenir, ce qui nous réduit à un trop petit nombre d' observations. Elles suffisent toutefois à faire notre opinion:

Tableau I.

Nivomètre d' Orny ( 3100 m ). ( 2 degrés valent 1 mètre. ) Dates 1920 1921 25 III > 29 ( enfoui ) 22,5 25 V > 29 ( enfoui11 VIII 22 8 11 IX12 16 6 14249 X 18.5 2 1922 14 6 4 9 8,5 Tableau II. Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiuer Mitres Eté Mètres Automne Mitres 1918—1919 >9 1919

1919

1919—1920 >7 1920

1920

1920—1921 >4 1921

> 10

1921 — 6 1921—1922 >6 1922

1922

On voit que le réenneigement a gagné deux mètres par la seule bourrasque de la mi-septembre. Il ne peut faire doute que l' étiage de 1922 est survenu juste avant, car l' automne n' aura pas pu venir à bout de ces deux mètres nouveaux.

Balises et sondages. Le 25 mai, la balise provisoirement érigée le 3 octobre 1921 n' était plus visible. Sur son emplacement supposé, nous avons dressé l' ancienne perche de 1918 ( marque XVIII ). Cette balise est longue de 491 cm; elle porte une graduation en mètres entiers, tracée à la scie, à partir de son gros bout. Le 25 mai, elle saillait de 291 cm et se trouvait à 180 m du bloc repère de la cabane.

Le 19 juillet, elle émergeait de 341, le 11 août de 402, le 24 septembre de 390 cm. La visée de son pied, le 24 septembre, au clisimètre Goulier, depuis le repère de la cabane, révèle une dépression de 12,2 m sous le dit repère. Cela reporte la surface d' étiage de 1922 à —12,7 m, c'est-à-dire à la même cote que celle de 1921. La surface s' est donc encore affaissée, en 1922, d' autant que le collecteur s' est épaissi.

La perte de la balise provisoire nous empêche d' ailleurs de connaître la valeur exacte de ce résidu d' alimentation. Les sondages d' automne ne nous apprennent rien à cet égard, car s' ils ont bien mesuré une couche superficielle de neige fraîche épaisse de 0,6 m ( de densité 0,25 ), ils sont douteux à plus grande profondeur et ne paraissent pas avoir atteint la surface de 1921.

La balise étant suffisamment longue a été laissée en l' état.

Totalisateur. Cet appareil infortuné a reçu, le 23 septembre 1923, 6000 g d' eau, 6000 g de chlorure de calcium pur desséché et 600 g d' huile de vaseline. Souhaitons-lui un fonctionnement désormais moins décevant!

Glacier d' Orny. Le front glaciaire, déjà réenneigé, n' a pu être l' objet d' aucune des opérations de contrôle habituelles. Ce sera pour 1923. Il semblait d' ailleurs n' avoir guère changé.

Ensemble nivométrique des Diablerets.

Nivomètre. Il a été fidèlement lu à chaque passage par M. Ernest Reber, guide à Ormonts-dessus, qui a surveillé pareillement balise et mougin et a bien voulu se charger également de soigner le pluviomètre du village. Notre collaborateur a fait plusieurs fois l' ascension de la montagne tout exprès, souvent dans des conditions difficiles, ce dont je le remercie encore.

La campagne annuelle a eu lieu le 28 septembre; y ont pris part avec moi: MM. Willy Custer, E. Reber et son fils, un jeune homme de quinze ans dont je dois louer l' entrain et l' endurance. La neige nouvelle a rendu la course plutôt pénible, le föhn et le brouillard ayant empêché la neige de se durcir la nuit. Néanmoins toutes les opérations ont pu être menées à bien.

Nivomètre. Les tableaux III et IV en donnent lectures et bilans:

Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.

Nivomètre des Diablerets ( 3030 m ) 1.

Tableau III. ( 2 degrés valent 1 mètre. ) Degrés Degrés Dates 1920 1921 1922 Dates 1920 1921 I 1922 6 VI > 91 ( enfoui ) 84 — 13 VIII80 22 VI 82,5 84 17 87

< 70 i

[émergé ) 79 1 VII 82 83 21 — » 77 8 81 82 29 — 75 20 75 84 7 IX 85 » 74 23 71 82 20 83 » — 27 > 91 ( enfoui24 — » 73 1 Vili > 91 ( enfoui ) 82 2872,5 9 91 81 2 X — 58 estimé — Tableau IV. Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiver Mètres Eté Mètres Automne Mètres 1917—1918 24 1918 13 1918

+ 11

1918—1919 17 1919 23 1919 — 6 1919—1920 16 1920 12 1920

1920—1921 9 1921 21 1921 - 12 1921—1922 > 13 1922 > 6 1922

Balises et sondages. La balise, longue de 475 cm ( et non 500 comme indiqué à tort dans le Rapport précédent ), érigée le 18 novembre 1921 sur le Tsanfleuron et qui en émergeait alors de 385 cm, saillait de 185 cm le 22 juin et de 325 cm le 28 septembre 1922. Des coups de sonde répétés ont rencontré à 75 cm de profondeur une couche dure, épaisse de quelque 5 cm, puis, à travers de la neige plus tendre, ils ont atteint, sans équivoque, l' ocre jaune de 1921 à 170 cm. Les pesées des « carottes » ont indiqué les densités suivantes:

Couche de 0 à 57 cm 0,32 » » 0 » 790,64 ( glace incluse !).

Il résulte de ces constatations que l' extrémité inférieure de la balise était à 20 cm au-dessus de l' ocre, alors qu' au moment de son érection elle était à 90 cm au-dessous. Voilà qui est bien singulier! La seule explication que j' en puisse donner serait qu' un touriste malavisé aurait essayé d' extraire la balise et y aurait réussi, partiellement au moins. Il l' aurait renfoncée après dans son trou, mais pas assez profondément! Pourtant l' arrachage d' une telle perche n' est ordinairement pas facile. Alors?

Totalisateur. Cet appareil s' est bien comporté. Le 22 juin, M. Reber y a prélevé deux échantillons: la nappe liquide était alors à 566 mm de l' ouverture. Le 28 septembre, elle en était à 531 mm.

On a vidé le réservoir en s' aidant d' un siphon de caoutchouc concurremment avec le soutirage; cette manière de faire gagne un temps précieux et doit être recommandée quand, comme c' était le cas au sommet du Diableret, le vent froid et fort rend les opérations pénibles.

Dr Paul-Louis Mercanton.

Le mougin, qui n' avait pas été vidé en 1921, renfermait, toutes corrections et décomptes faits, 67,4 kg d' eau météorique, ce qui correspond à une hauteur totale de 338 cm d' eau revue du 11 septembre 1920 au 28 septembre 1922. En utilisant les mesures intercalaires des 18 novembre 1921 et 22 juin 1922, on obtient les résultats définitifs ci-dessous:

IntervallesSommet ( 3250' 18 novembre 1921 au 22 juin 1922.. 179 cm 22 juin 1922 au 28 septembre 1922.. 34 » novembre 1921 au 28 septembre 1922 213 cm Village ( 1170 " ) 103 cm 51 » 154 cm La réduction à 365 jours donne pour le sommet 248 cm, valeur conforme aux observations antérieures.

A ce propos je dois rectifier le chiffre donne dans le Rapport précédent pour 1920 à 1921 sur la base d' un calcul que je savais d' ailleurs peu rigoureux:

Du 11 septembre 1920 au 18 novembre 1921, la chute d' eau observée n' a été en réalité que de 125 cm au lieu des 142 indiqués, soit donc de 105 cm pour 365 jours. Ce chiffre est plus conforme à ce que l'on sait de la sécheresse exceptionnelle de 1921.

Ensemble nivométrique du massif de la Jungfrau.

Nivomètre de l' Eiger. Cette précieuse échelle a été surveillée avec le soin et la ponctualité accoutumés par le personnel du Chemin de fer de la Jungfrau, dirigé par M. Liechti, que j' en remercie ici comme ses agents.

Les tableaux V et VI résument cette surveillance:

Nioomètre de l' Eiger ( 3100 m ).

Tableau Y.

( 2 degrés valent 1 mètre. ) Degrés Degrés Dates 1920 1921 1922 Dates 1920 1921 1922 1 I 28 32 8 11

VII

30 14 41 21 29 38 27 20 28 10 42 2 II 30 38 30 4 VIII 26 4 33 15 30 39 38 12 24 0 30 2 III 30 35 42 4

IX

24 3 30 15 30 29 52 20 28 1 22 1 IV 35 28 60 29 28 0 22 15 38 34 58 10

X

28

26

20 40 36 60 26 26 1 30 3 V 44 34 > 60 ( enfoui ) 9 XI 26 6 34 15 42 30 > 60 ( enfoui ) 29 28 2 48 30 36 28 58 2

XII

28 4 18 14 VI 36 22 56 20 30 4 52 30 36 16 51 Minimum absolu de 1921: — 1 ( 10 X ). Maximum absolu de 1922: > 60 ( IV à V ) Minimum absolu de 1922: 22 ( IX ).

Tableau VI. Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiver Mètres Eté Mètres Automne Mètres 1918—1919 17 1919 23 1919 — 6 1919—1920 16 1920 12 1920

1920—1921 9 1921 21 1921 - 12 1921—1922

> 30

1922

> 19

1922

Le réenneigement est manifeste, mais il est loin d' avoir compensé les pertes énormes de 1921.

Balises du Jungfraufirn. Ces deux perches, dont l' une se dresse à quelque 200 m en aval de l' autre, ont donné les hauteurs d' enneigement ( moyennes et écarts des lectures simultanées ) consignées dans le tableau VII, à partir du 22 octobre 1921 ( étiage ), en centimètres. Les écarts sont négatifs quand la hauteur est la plus petite à la balise amont:

Balises du Jungfraufirn ( 3350 m ) Tableau VII.

Epoques Hauteur moyenne Ecart 22 X 1921 0 0 1 XI 25 10 23 XII 120 40 17 I 1922 210 - 90 1 II 230 — 100 23 205 — 150 30 III 305 — 150 13 IV 355 — 110 9 V 430 — 20 25 VIII 120 40 Le tableau s' arrête malheureusement avant l' étiage de 1922, qui a dû se produire vers la mi-septembre comme ailleurs, avec une hauteur du reste peu différente de celle observée le 25 août. Les relevés ont été faits par les agents de la Station Jungfraujoch.

J' extrais ces chiffres du précieux rapport de la Commission glaciologique de la Société de Physique de Zurich, intitulé « Der Firnzuwachs pro 1921/1922 in einigen schweizerischen Firngebieten », par le Dr R. Billwiller, président de la Commission * ).

Nivomètres de l' Aletsch. Ils ont fourni au Service fédéral des Eaux les chiffres consignés dans le tableau VIII:

Tableau VIII.

Grüneck N ( 2810 m ) Grüneck S ( 2800 m ) Faulberg ( 2800Strahlhorn ( 2350 m ) 10 sept. 1921 26 sept. 1922 Résidu — 9,6 — lO.o 9,5 -0,5 13,2 H,5 -1.7 8,4 8,0 -0.4 Le bilan est déficitaire partout, mais peu.

Les précipitations au glacier du Rhône. Les mougins placés et servis par le S. F. E. ont mesuré les hauteurs d' eau suivantes, réduites à 365 jours:

x ) Vierteljahrsschrift der Naturforschenden Gesellschaft in Zürich, LXVII, 1922.

Tableau IX.

Localité Altitude Hauteur d' eau Excès sur 1921 1920 m cm cm cm Gletsch 1770 160

+ 43

- 35 Nägelisgrätli 2390 133Hühnerboden 2700 308

+ 47

- 42 Ruhstein 2780 148

+ 28

— Scheidjluh 2800 212

+ 48

— 120 Triftlimmi 3130 ( endommagé par la tempête ) II y a excès net partout sur 1921, mais encore déficit sur 1920. La balise ayant de nouveau disparu, aucun sondage n' a pu être fait.

Ensemble nivométrique de la Commission glaciologique zurichoise. Je tire les résultats essentiels du rapport précité de M. Billwiller. Nos collègues ont éprouvé comme nous les effets fâcheux de l' été défavorable et conduit les mêmes luttes contre les éléments.

Clarides. La balise supérieure, déchaussée en 1921 par la prolongation anormale du désenneigement, s' est abattue et l' hiver l' a définitivement soustraite aux investigations. Toutefois, comme l' étiage de 1921 reste indiqué par une croûte glacée exceptionnellement dure, les sondages eussent pu fournir les données désirées, si le mauvais temps ne les avait rendus impraticables. Ceux réussis par MM. Frank, Streif-Becker et Golaz à la balise inférieure ( 2700 m ) ont décelé une couche superficielle récente, épaisse de 75 à 80 cm ( densité 0,35au-dessous, une autre plus compacte ( densité 0,65 ) limitée inférieurement, à 135 cm de profondeur totale, par une couche durcie. Enfin, à 240 cm, on rencontra un autre lit très résistant qui peut avoir été l' étiage de 1921.

La balise fixe de la cabane a marqué, le 17 avril, un maximum d' enneigement de 450 cm. De la balise inférieure, on n' a que des lectures tardives; le gain d' ali, de 160 cm le 23 juillet, n' était plus que 150 le 1er septembre et 140 le 25 septembre. Ce dernier chiffre paraît petit, venant après la bourrasque de la mi-septembre; il s' agit probablement de l' effet du vent. A la cabane, d' ailleurs, la couche de neige gisante ne s' est pas épaissie non plus.

Le mougin du Geissbützistock a recueilli 401 cm d' eau du 15 septembre 1921 au 25 septembre 1922. Dans le même laps de temps, Auen-Linthal en a mesuré 197 cm.

Silvretta. La campagne annuelle a eu lieu le 18 octobre. MM. Billwiller, E. Landolt et Johann Guler ( Klosters ) y ont pris part, sur skis. Ils ont trouvé le glacier moins crevassé qu' en 1921.

L' accroissement du névé à la balise du Col du Silvretta ( 3015 m ) était de 180 cm dont 65 de neige fraîche. On trouva l' ocre de 1921 à 115 cm et déjà sous une croûte de glace anormalement épaisse, due probablement au durcissement d' une première chute de neige automnale.

L' enneigement de la balise fixe, à la cabane, a dépassé 450 cm en avril; il n' y restait plus rien le 18 août.

La balise inférieure marquait 180 cm le 4 avril, 65 cm le 18 août et 105 cm le 18 octobre. Aux mêmes dates, les chiffres étaient 270, 130 et 180 à la perche du Col.

Cette dernière balise a cheminé à raison de 3,5 m/an vers Klosters. Elle a été prolongée par une autre, émergeant de 420 cm, le 18 octobre 1922.

On remarquera que l' ocre a été retrouvé à la profondeur de 115 cm, c' est dire à 65 cm au-dessus de la division marquée par la balise pour la surface d' étiage 1921! La balise aurait-elle subi de la part de passants facétieux un enfoncement supplémentaire. Ce serait alors la réplique de la manœuvre soupçonnée aux Diablerets. On peut d' ailleurs, hélas, attendre des touristes plus de ces gestes irréfléchis que d' observations aux balises!

Pourtant la même discordance se manifeste à la balise inférieure où le résidu d' alimentation atteint 105 cm, tandis que la sonde révèle l' ocre à 82 cm seulement!

Cette balise émergeait de 360 cm le 18 octobre 1922.

Le totalisateur de l' Eckhorn ( 3150 m ) a recueilli 125 cm d' eau; celui de la cabane 180. Klosters a reçu 153 cm.

Balise du Piz Err ( 3200 m ). M. J. Hess l' a trouvée, le 13 août, émergeant de 310 cm; le gain résiduel de 1922 est de 190 cm environ.

S t- Got hard et Santi s. Au col du St-Gothard, le maximum a été note le 7 avril, par 295 cm de neige gisante; le 5 mai, il y en avait encore 280 cm.

Au Säntis, on a note 510 cm comme maximum, mais la disparition du malheureux Haas a créé une discontinuité dans la série des mesures, très difficiles sur ce sommet venté.

Conclusions. L' enneigement des Alpes suisses a été nettement progressif en 1922, plus encore par déficit d' ablation que par abondance d' alimentation. Le réenneigement n' est toutefois pas parvenu à combler le déficit de 1921.

P.L. M.

CXLIV. Chronique des glaciers suisses en 1922.

L' année 1922 a été néfaste pour la glaciologie en Suisse.

Tout d' abord elle a eu le malheur de perdre, en la personne de Maurice Décoppet, inspecteur général des Forêts, un de ses meilleurs soutiens.

Maurice Décoppet avait succédé à l' Inspectorat au vénérable Jean Coaz, qui prenait sa retraite. Il l' avait remplacé aussi dans la Commission S.H.S.N. des Glaciers, assurant ainsi de plein gré le maintien du régime de collaboration étroite entre les glaciéristes et le personnel forestier suisse pour la surveillance continue des glaciers. Nous lui en garderons un souvenir reconnaissant.

Les hommes passent, l' esprit demeure. Je ne doute pas que le travail commun ne continue à se faire dans les mêmes sentiments d' intérêt scientifique et de confiance réciproque qu' auparavant entre les Inspectorats fédéral et cantonaux des Forêts et la Commission des glaciers.

Il n' a tenu à personne, d' ailleurs, que le dernier contrôle fût moins restreint; les conjonctures météorologiques de 1922 en sont la cause unique. Nombre de glaciers n' ont pu être visités utilement avant l' hiver, trop précoce; beaucoup d' autres sont restés enneigés ou le sont redevenus prématurément. En outre, les ascensions ont été moins fréquentes et l' appoint de renseignements attendu de la circulaire expédiée en 1922 encore dans les centres d' excursion a été minime. Nous n' avons ainsi des données suffisantes que sur 84 appareils; en 1921, ils étaient 132!

Je me console volontiers de cette déconvenue en considérant qu' aucun de nos collaborateurs, institutions officielles, groupements officieux ou simples particuliers, n' ont boudé à la besogne.

Le Service fédéral des Eaux a pourvu aux mensurations des glaciers du Rhône et de Gratschlucht ( M. Kuntschen ); du Grindelwald ( Wyss ) et d' Allalin ( Lütschg et Anker ). M. le professeur A. de Quervain a voué ses soins comme précédemment au glacier Supérieur du Grindelwald. Ses neveux, MM. Pierre et Francis de Quervain, ont visité certains appareils des Alpes centrales bernoises, M. Campiche ( Meiringen ) d' autres dans le Hasli. M. Guex est resté fidèle à son Trient. M. Hans Gaschen, professeur à Cossonay, a bien voulu aller spécialement à Zermatt contrôler l' état de quelques glaciers. Le chroniqueur a pu faire deux campagnes à ceux de l' Aar. Seul M. J. Hess, retenu à Zurich par les devoirs de sa charge, n' a pas eu le loisir de revoir les glaciers des Grisons qu' il a munis de repères en 1921; c' est dommage!

Le cryocinémètre, le petit instrument à mesurer la vitesse d' écoulement au front du glacier et que j' ai sommairement décrit dans mon 41e Rapport ( 1920 ), a trouvé souvent son emploi en 1922. Son utilisation pour distinguer les glaciers en crue des autres serait, si elle s' avérait légitime, si avantageuse qu' on ne fera jamais trop d' efforts pour cette vérification. Le lecteur verra qu' elle n' est pas encore acquise. Il sera peut-être satisfait de trouver ici aussi quelques aspects de l' appareil et de sa mise en service. La figure 4 a représente mon premier cryocinémètre, fait d' un simple réveille-matin disqualifié; la figure 4b montre l' instru réalisé par le constructeur Mettler de Zurich pour la Commission des glaciers, selon les directions de M. de Quervain.

Voici maintenant les résultats détaillés des contrôles de 1922, dans leur forme habituelle. J' ai restreint aux seuls appareils mensurés, c'est-à-dire contrôlés quantitativement, la comparaison pluriannuelle, me contentant d' énumérer les autres:

I.

Bassin du Rhône.

Tableau X.

Variations, en mètres, en Variations, en mètres, en Glaciers 1920 1921 1922 Glaciers 1920 1921 1922 Rhône 12 22 -28 Duran ( Tsinal ) 32.5 — 4 Gratschlucht 12 53 — 51 Ferpècle - 8 — 10 — 6 Fiesch

- 7 — 4 Arolla -11 0 - 3.5 Aletsch — 2130 — 20 Tsigiorenove 15 6,5 — 9,5 Jägi18 Grand-Désert -19,5 -24,5 -19 Latschen 83 51 27 Mont-Fort 0 - 8 0 Kaltwasser — 25>5 0 Valsorey - 6 — 2 ^1,6 Fee 12,5 10 4,5 Saleinaz 14 10,6 20Allalin 27 17 15(max. ) Trient 24 20 6 Gorner -14,517 — 12 Panegrossaz - 5 — 20 2 Turlmann — 2 10 - 2,5Repères détruits; estimation.

En outre, les glaciers suivants étaient:

en crue certaine: Findelen, Nest, Schwarzenberg, Lang; en crue probable: Distel, Hohwang; en décrue probable: Zmutt, Thäliboden, Ofental.

Le glacier du Rhône est bien décidément en décrue. En 1921, on pouvait en douter, car la partie médiane de son front avait encore avance de 22 m malgré que le glacier ait déjà perdu 1500 m2 de terrain, dans un recul moyen de 5 m. Au début de septembre 1922 le retrait atteignait 28 m en moyenne, avec un maximum de 48 m et la surface libérée a été de 8400 m2. J' ai visité le front le 25 juillet; le portail était déjà à 26 m de la petite moraine récente. Latéralement, l' écart ne dépassait cependant pas 6 m. La vitesse, mesurée près du portail, était encore de 21,5 cm/jour, vitesse de crue, semble-t-il. S' agit d' une irrégularité locale? Il ne peut être question d' une erreur d' instrumentation.

Quant aux profils transversaux en amont de la cataracte, ils se sont tous quatre affaissés, mais beaucoup moins qu' en 1921. On a eu ( S. F. E. ):

Profil Supérieur du Grand Nevé ( 2950 m0,6 m » Inférieur » » »2820 m1,3 m » Rouge » » »2560 m0,4 m » Jaune » » »2400 mltl m De 1920 à 1921, ces abaissements ont été respectivement: — 2,65 m2,71,9 et - 2,75 1 ).

La vitesse superficielle a subi, sur les deux profils rouge et jaune, une diminution de quelque 6 %. C' est un symptôme de décrue.

Le Gratschlucht qui était en crue si forte en 1921, a perdu, en 1922, presque toute cette avance. Il avait gagné 26700 m2 de terrain; il en a reperdu 25700 ( au nord du parallèle cartographique 43500 m ). Son recul moyen a été de 51,5 m, mais, comme au glacier du Rhône une année auparavant, un ultime pointement frontal a cru encore de 13,5 m.

Le glacier d' Allalin s' est allongé de 15 m au maximum en recouvrant 4400 m2 le lit, entre le 8 septembre 1921 et le 19 septembre 1922.

M. Gaschen a appliqué le cryocinémètre aux fronts des glaciers de Findelen et de Gorner. Les 29 et 30 juin, la vitesse était, au Gorner, de 9,5 cm par jour en moyenne, grandeur qui laisserait l' appréciation de l' état du glacier hésitante, si son aspect et la comparaison des photographies de 1920 et 1922 ne décidaient nettement en faveur de la décrue, régime que le contrôle des forestiers a d' ailleurs confirmé.

Le glacier de Findelen était, lui, en crue nette le 1er juillet, et sa vitesse frontale d' écoulement, 16 cm, n' était que de 2,6 cm inférieure à celle d' août 1920.

Un fait plutôt troublant doit être mentionné ici: M. Lütschg, utilisant un des instruments de Metti er trouvé parfaitement correct, a relevé les vitesses suivantes:

x ) Je dois rectifier ici mon Rapport précédent où les chiffres relatifs aux profils Inférieur GN et Rouge se trouvent intervertis par mégarde.

Fee 11 VIII 1922 6,s cm/j.

Findelen 18 VIII 1922 8,3 » Zmutt 19 VIII 1922 2,4 » Gorner 21 VIII 1922 2,, » Hochwang 22 VIII 1922 4,8 » D' où proviennent ces grandes différences entre les chiffres de MM. Gaschen et Lütschg? Le premier disposait de deux instruments qui ont donné des chiffres concordants; l' appareil de M. Lütschg était juste! Peut-on admettre la possibilité de tels écarts de vitesse en si peu de temps pour un même front glaciaire?

Il ne reste plus qu' à multiplier les expériences sur le même front glaciaire, évidemment!

M. Francis de Quervain a trouvé, le 22 septembre, le glacier de Jägi ( Lötschental ) en crue accentuée et sur tout son front. Le cryocinémètre, qui n' y mesurait en août 1921 qu' un demi-cm/j ., marquait 8 cm/j. en 1922. A la même date, la vitesse atteignait 17 cm/j. au Langgletscher, lui aussi en forte avance sur un terrain où se dressaient déjà quelques mélèzes. Le Tsigiorenove ( Arolla ), le plus impétueux de nos glaciers, a, semble-t-il, terminé sa crue. Celle du Trient ( Guex ) décline.

Le réenneigement prématuré a bloqué tous les glaciers vaudois; nous n' avons de renseignement utilisable que pour le Paneyrossaz, en légère avance.

Bassin de l' Aar.

Tableau XI.

Variations, en mètres, en Glaciers 1920 1921 1922 Unteraar — 8 -14,5 — 14 Gamchi 11 0 — 3 Grindelwald Supérieur 45 13 5 Grindelwald Inférieur 10 50

+

Rottal1 Stein 8 3 0 Eiger

+

3 0 Blù' mlisalp 7 0 ( i Wildhorn 54 — 81 -12,5 Tsanfleuron -16 -20 — 13 Les contrôles qualitatifs ont fourni l' appoint suivant:

En crue certaine: Rosenlaui, Renfen, Grindelwald Inférieur.

En crue probable: Thierberg, Rottal.

En décrue probable: Oberaar, Trift.

En décrue certaine: Gauli.

Aq front du glacier d' Unteraar, les 27 et 28 juillet, la vitesse était inférieure à 2 em/j. Les mensurations des forestiers comme aussi les levés soignés de la Compagnie des Forces motrices bernoises ( B. K. ) montrent que ce glacier continue son lent recul. Les B. K., par les soins de leur ingénieur résidant à Innertkirchen, M. Kaesch, ont levé dès 1921 un profil transversal au droit du Pavillon Dollfus. Le profil a baissé d' environ 2 m de 1921 à 1922. Les repères de mouvement qu' il portait ont cheminé de 40 m en moyenne dans la partie centrale; le maximum a été 43 m, un peu à droite de la grande moraine médiane. La Compagnie se propose de compléter son œuvre par d' autres profils tant transversaux que longitudinaux, qui livreront les éléments de la comparaison tant attendue avec la carte d' Agassiz ( 1842 ). L'on ne saurait louer trop cette intelligente initiative.

On trouvera au CXLII ce qui concerne l' Hotel des Neuchâtelois. Notre première campagne, en juillet, n' ayant pas permis de recueillir les données nécessaires à une comparaison provisoire, je me suis rendu sur place le 10 septembre, accompagné cette seconde fois du seul M. Custer. Malheureusement, le mauvais temps nous a bloqué dans le Pavillon pendant deux jours et a tout recouvert d' une couche de neige épaisse d' une quarantaine de centimètres, neige d' ailleurs bientôt reprise par le vent du nord et amoncelée de la façon la moins commode. Ceci ne nous laissa d' autre possibilité que de mesurer au théodolite, dans des conditions difficiles, une double base sur les rochers même du Pavillon et d' en user pour recouper trigonométriquement un certain nombre des gros blocs qui émergeaient encore de la neige sur la grande moraine. Parmi eux s' est trouvé heureusement celui que les B. K. ont eu au milieu de leur profil en 1921 et qu' ils ont pourvu d' une balise métallique. Je réserve à un prochain rapport les résultats, complétés, de ce travail. Le retour à l' Hospice de la Grimsel prit 7 y2 heures, tant nous étions charges et tant la neige était harassante; en juillet, nous n' avions pas mis la moitié de ce temps. Je dois un hommage particulier à mon compagnon de travail qui n' hésita pas, pour aller porter la mire sur un point indispensable, à se risquer à travers le raide couloir à l' ouest du Pavillon, alors qu' une coulée de neige venait de s' y produire; j' étais, à ce moment moi-même indispensable au théodolite.

J' ai visité aussi le glacier d' Oberaar avec M. Custer, le 30 juillet. Il paraissait en recul et sa vitesse frontale n' était que de 2,5 cm/j.

Il y a là, en plein dissipateur glaciaire, mais assez en arrière du front, un amas rocheux tout à fait isolé qui, d' aval, m' a semblé fait de moraine pure, mais que l' Atlas fédéral donne comme de roche en place. Nous n' avons pu y aller voir, mais je recommande aux futurs pèlerins de l' Oberaarjoch de faire le détour. Ne s' agirait pas plutôt ici de la résurgence des matériaux d' un éboulement anciennement tombé dans le collecteur? Il importerait de le vérifier.

La figure 3 représente le glacier avec cet accident singulier au milieu.

Le Rosenlaui était encore en crue, faible mais certaine; sa langue s' est également élargie un peu. La poussée sur le flanc gauche, contre la paroi du Wellhorn, était encore sensible; d' autre part, le retrait de 1921 au flanc droit n' a pas persisté. A la cote 2367, la glace s' exhaussait assez fortement.

Le front du Renfen avançait énergiquement et se bombait beaucoup aussi. En revanche, le Thierberg a ralenti sa crue.Campiche. ) Le glacier Supérieur du Grindelwald a grandement changé de forme. Son épaisseur frontale a fortement augmenté. A la mi-novembre 1922, le centre rongé par la Lütschine ne montrait qu' un avancement d' un mètre environ, mais il devait avoir été plus fort au printemps, car le torrent coulait sur une laisse d' une vingtaine de mètres de largeur, entre la glace et la moraine récente. Sur les deux côtés, l' avance a été de 10 à 15 m.Müller. ) D' après les mensurations de la Commission S.H.S.N. des glaciers ( C. G. ) l' avance moyenne a été: 5 m et le maximum 14,5 m.

La Commission des glaciers continue à subvenir aux frais d' établissement d' un film de cette crue, sous la direction de M. de Quervain. Certains indices font penser cependant que la poussée en avant ne touche pas encore à son terme.

Le glacier Inférieur est, lui aussi, en crue nette. Du côté de la carrière de marbre, la glace a atteint la petite moraine de 1893; de l' autre bord, il s' en faut encore d' une trentaine de mètres. Dans la gorge, l' avance est marquée; l' entrée du tunnel est devenue dangereuse en raison des blocs qui s' y éboulent, et le garde Weiss a été tué par l' un d' eux. Les mensurations de la C. G. indiquent pour 1922 un abaissement des 3 profils supérieurs jusqu' à la Bäregg et un léger exhaussement près du front. La vitesse superficielle était, dans le chenal étroit inférieur, un quart plus grande que dans la plaine amont.

M. Francis de Quervain a mesuré aux deux glaciersdes vitesses de 12 cm/j.(fronts ).

L' état du glacier de l' Eiger est très difficile à connaître, car les glaces s' y brisent toujours au rebord d' un abrupt rocheux. Il semble pourtant qu' elles y soient moins épaisses. Je donne ce glacier comme stationnaire jusqu' à plus ample informé.

Je rangerai dans la même catégorie celui de la Blümlisalp et le Kanderfirn. ( F. de Q. ) La vitesse frontale était de 2 à 3 cm/j. à celui de Stein. ( A. de Q. ) Le Rottal est probablement en crue, car une énorme avalanche de glace s' en est détachée le 2 août, laissant une vaste niche de fracture vers 2400 m. La coulée a atteint la Lütschine ( 1100 m ) en la pontant sur cent mètres de son cours.

Du bassin de la Linth, il ne nous est parvenu aucun résultat de contrôle; la neige en est cause; en revanche et grâce au zèle éclairé de M. l' inspecteur forestier Oechslin, nous sommes renseignés, et bien renseignés, sur l' allure très intéressante des glaciers du bassin de la Reuss.

III. Bassin de la Reuss. Tableau I. Variations, en mètres, en Glaciers Firnälpli E. Griessen Kartigel Wallenbühl Kehlefirn Schlossberg Hüfi Brunni Schiessbach Damma Fischlen 1920 1921 192215 2

— 30,,

-15 4 31,5 17,5 22,5 2,5 4,5 13 — 18 -12 51 -29,5 14,5 - 4,5 -21,5 3,5 — 35 28106 En outre, le Firnälpli W et le Griessen sont en décrue probable. Mis en regard de la différence flagrante des conjonctures météorologiques de 1921 et 1922, ce passage quasi subit et si général de la décrue à la crue chez ces glaciers, dont aucun n' est très long, est éminemment suggestif. Le glacier d' Hüfi pousse dans une gorge étroite une langue effilée. Le 19 juin, M. F. de Quervain a trouvé le fond du vallon d' Erstfeld semé d' un éboulis de glace; le brouillard ne lui a pas laissé voir d' où il était descendu.

Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.

V. Bassin du Rhin.

Tableau XIII.

Variations, en mètres, en Glaciers 1920 1921 1922 Sardona -10 -14 0 Piz Sol — 5,5 -IS, » 0 Punteglas 15 -22,5 41 »g Lavaz.« -18,57 ". ;. '; Tambo4g4 Zapporl 17 — 18 - 4 Paradies - 5 -55 -35 Porchabella — 1 - 5 - 5 VI. Bassin de l' Inn.

Morleratsch -16 — 6g Roseg 12 - 4.5 — 18.. ::. VII. Bassin de l' Adda.

Palü 6 23 — Forno — 4 -21« — 11 Vili. Bassin du Tessin.

Rossboden202037 En outre, les glaciers d' Eischa, du Piz Piatta, de Piott, de Cambrena, d' Albi, de Palü, de Fex et de Fedoz sont donnés comme en décrue probable; le Suretta est en décrue certaine.

On remarquera l' avance énergique du Rossboden. Le tableau XIV récapitule les contrôles de 1922:

Tableau V. Récapitulation pour 1922.

Bassins Nombre des glaciers Observés En crue Stationnaire« En décru« Rhône

30 17 12 0 15 13 6 9 0 2 4 0 5 15 7 3 10 Aar

Reuss...

Linlh.., Rhin,...

Inn

4 0 1 5 Adda

3 0 0 3 Tessin

1 1 0 0 Totaux

82 29 12 43 1922 %

35 33 14 6 51 61 1921 %

Différence %..

— 10 En résumé, de 100 glaciers suisses observés en 1922, 35 étaient en crue, 14 étaient stationnaires et 51 étaient en décrue.

En 1921, on en comptait 61 en décrue; le réenneigement de l' hiver suivant, mais plus encore le temps assez froid et très mouillé de l' été 1922 ont atténué, voire arrêté, la décrue générale. Pour certains glaciers même, ils ont permis la reprise de la crue. Comme on pouvait le penser, ce sont les petits appareils qui ont réagi le plus tôt et le plus complètement dans ce sens.

La tendance à la crue semble pourtant s' être durablement atténuée chez les appareils en avancement fort depuis plusieurs années; par exemple, le Supérieur du Grindelwald, le Lötschen, l' Allalin, le Trient.

Un trop grand nombre de glaciers ont dû être laissés à eux-mêmes en 1922, 1923 doit réparer cet abandon. Veuillent les clubistes nous y aider!

En terminant je leur signale, à ceux en particulier qui fréquenteraient le massif du Mont Rose, une étude très documentée du Dr H. Monterin, géologue, de l' Université de Turin, intitulée: « Les oscillations récentes des glaciers italiens du massif du Mont Rose. 1915—1921»x ). Ils y trouveront une belle série photographique des aspects de nombreux glaciers. Dans leur ensemble, ceux-ci ont subi une crue à partir de 1912 ou 1913. L' année 1921 l' a, comme en Suisse, fortement contrecarrée.P.L. M.

x ) Extrait de la Revue Augusta Praetoria, Turin, Officina Bodoniana OGEB, Corso Principe Oddone, 34.

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