Noëls savoyards
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Noëls savoyards

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Avec 2 illustrations ( n08 173, 174).Par Ph. Bérard.

Le 11 novembre est passé, la guerre continue, mais Noël approche, fête d' espérance, et nous revoyons en pensée les belles fins d' année passées en Savoie.

En 1938, notre ami Cross avait décidé de regagner les rives brumeuses de la Mer du Nord. « II y a des moments, dans la vie », nous dit-il, « où les parents doivent se sacrifier pour les enfants. Betty est maintenant en âge. de recevoir une éducation anglaise... mais les montagnes vont me manquer terriblement. En tout cas nous reviendrons pour les vacances de Noël. Nous ferons un joyeux réveillon ensemble en Savoie. » Le Col des Âravis.

C' est ainsi que par une sombre après-midi de décembre notre Ford file le long de la route de la Vallée du Borne.

Un dernier défilé, et le village de La Clusaz apparaît, au pied de la chaîne imposante des Aravis. Cross nous fait les honneurs de son hôtel confortable, puis nous montons dans la direction du Plateau de Beauregard. La nuit vient, mais le ciel étoile éclaire la neige. Nos regards embrassent bientôt toute la vallée d' un coup d' œil. Le village illuminé, avec sa grande église, au-dessous de nous, et les pentes neigeuses environnantes, d' un bleu radioactif, avec ici et là les taches sombres des chalets disséminés, dont les fenêtres font un point de lumière orange, c' est tout à fait un décor de carte illustrée d' Heureux Noël.

Cette prise d' air a mis toute la compagnie en forme pour appiécier le réveillon à sa juste valeur. Nous vidons une coupe de Beaujolais en portant un toast au prochain Noël Savoyard. Quant aux enfants, ce sont les pa-pillottes à pétard qui les enchantent le plus.

Le lendemain, la Ford va encore jusqu' au pied des Rochers de l' Etalé, puis nous montons en skis au Col des Aravis. En hiver, il est beaucoup plus grandiose qu' en été, c' est presque un paysage de haute montagne. Nous continuons au-delà du col, vers la droite, jusqu' à un joli sommet d' où le panorama s' étend sur toute la chaîne du Mont Blanc et la vallée de Flumet.

Il n' y a pas de vent, le ciel bleu pâle est sans nuages, le soleil de décembre n' est pas très haut au-dessus de l' horizon, mais le paysage enneigé en est tout éblouissant. Les enfants exercent leurs stems. Betty est déjà experte, car en vraie anglaise, elle met le sport en première place I Comme nous déjeunions au sommet de Jouplane, le Noël précédent, elle refusait poliment toutes les bonnes choses qui sortaient des sacs, en prétendant qu' elle n' avait pas faim. Dans l' après, au cours de la descente, nous voyons sur la neige une inscription fort bien tracée: « hungry? yes! » et comme nous lui demandons des explications, ses yeux étincellent et dans un sourire elle répond: « Je ne voulais pas manger, pour ne pas tomber », car elle compte toujours ses chutes afin d' arriver à n' en plus faire aucune.

A' A

Dure montée

Orell Füssli Arts Graphiques S.A.Z.urich 175 - Photo A. Pedrett, St-Moritz Die Alpen - 1943 - Les Alpes Mais aujourd'hui la descente n' offrira pas de difficultés, aussi Betty peut-elle faire honneur au pique-nique. Nous avons trouvé un chalet à la vue et au soleil, et après le repas c' est un vrai farniente d' été. Le soleil réussit même à faire déclencher une avalanche sur le versant sud des Rochers de l' Etalé, et nous la regardons descendre, comme un torrent blanc qui se fige bientôt au bas du couloir.

La journée tire à sa fin, Cross est un peu mélancolique, il se demande quand il pourra revoir un semblable spectacle, lorsque toutes les montagnes se dorent au soleil couchant hivernal. Mais il regarde vers l' avenir de Betty, qui va entrer dans une école anglaise. Et le soir, dans la voiture, il lui fait répéter toutes ses « nursery rhymes » afin de dérouiller son anglais, et la petite voix égaie le trajet nocturne le long des gorges du Borne.

La montagne des Frettes.

Parmi les beaux souvenirs de Noëls Savoyards, Balajoux est l' un des plus doux. Nous avions loué un chalet pour l' hiver au-dessus du village, presque au pied de Taine et de Roche Parnal. Nous y avons passé plus d' un Noël intime, en famille.

C' est ainsi que par un beau matin de 25 décembre nous quittons le chalet avec des provisions pour un jour. Notre trace glisse tout d' abord sur les pentes d' approche de la Pointe de Taine, puis se dirige vers le col qui rattache ce sommet à Roche Parnal, le Col du Freu. Ce passage, si facile en été, ne l' est pas toujours en hiver. Un petit couloir très raide oblige à ôter les skis, et s' il est en neige glacée, il peut être impraticable sans équipement de haute montagne. Aussi la vallée à laquelle il donne accès, et qui porte le nom paisible et appétissant de Champ-Laitier, est d' une sauvagerie admirable.

Ce jour-là, le col est en poudreuse ferme, en sorte que nous pouvons même nous amuser à monter le couloir en « escalier », sans enlever les skis. Dans la parabole blanche que forme le col enneigé apparaît alors sur le fond bleu du ciel d' Italie la silhouette or pâle du Mont Blanc. Au bas de la pente que nous découvrons, le groupe des chalets inhabités de Taine. Et sur l' autre versant de la vallée, une immense montagne couverte de petits pins espacés, ce sont Les Frettes.

Une belle descente oblique sur la droite permet d' atteindre le fond du vallon de Champ-Laitier, d' où nous remontons vers un petit col où se dessine une frange de pins givrés, qui étincellent au soleil en contre-jour. Après un grand lacet sur le versant est, nous repassons l' arrête pour contourner une paroi de rochers, et une dernière petite pente raide nous amène au sommet.

Nos regards planent bien haut au-dessus des nuages blancs floconneux que la bise froide traîne au fond des vallées, tandis que sur la hauteur l' air est absolument calme. Tous les sommets aimés de Haute-Savoie sont reconnus l' un après l' autre sous un angle nouveau. A la jumelle, le trou de Pointe Percée est nettement visible, entre le sommet et le Doigt, car elle se découpe sur un ciel clair.

De l' autre côté, la montagne des Frettes forme un immense plateau en pente douce, le long duquel nous nous laissons glisser en décrivant ici et là un stem ou un télémark entre les pins. Un couple de coqs de bruyère s' envole à quelques mètres de nous, tout effarouché, et s' enfuit à d' aile vers le Parmelan. Il y aurait encore des kilomètres et des kilomètres de cette forêt vierge à explorer, mais il est déjà l' heure de songer à regagner notre chalet. Cette course nous a permis de repérer une belle promenade pour le lendemain:

Soudine.

Ce 2000 mètres, situé à moins d' une trentaine de kilomètres de Genève, est une vraie « Montagne Perdue » en hiver, entouré de tout côté par des parois de rochers bordant le plateau sommital. On ne p>eut l' atteindre que par quelques passages, dont aucun n' est sans difficultés.

Mais la récompense est digne de l' effort à fournir. Un immense plateau s' élève en pente douce, avec une vue encore plus immense sur les deux Savoies. Par-dessus la montagne des Frettes, nous caressons du regard la chaîne régulière des Aravis, en nous arrêtant aux sommets préférés, dont chaque détail est visible.

La pente devient de plus en plus faible, et tout à coup nous arrivons au bord d' un précipice à pic plongeant sur les chalets de Balme et Orange. Avec ses couloirs vertigineux enneigés et remplis d' ombre glaciale, ce versant est vraiment impressionnant. Vers Genève, nous voyons en miniature le Salève, avec ses Rochers de Faverge, et la chaîne du Jura, avec le Credo. Et plus près, le Plateau des Bornes, aux belles fermes isolées.

Nous pouvons faire une longue halte au sommet. Nous nous rappelons en avoir été chassés, un jour d' été, par un beau nuage cumulus blanc qui s' élevait au-dessus de La Roche et, en s' approchant, faisait crépiter nos lames de couteau tendues vers le ciel pour en mesurer le potentiel électrique. Une demi-heure après, un orage copieux nous arrosait sur 1c chemin du retour, alors que les éclairs éclataient sur l' arête.

Aujourd'hui c' est une glissade tranquille vers Champ-Laitier, le long du toit de Soudine, où poussent seulement encore quelques pins, tandis que de nombreux troncs morts sont dressés vers le ciel comme des poteaux indicateurs. Notre frère aîné avait baptisé cette région « le Pays des petits bâtons », en souvenir d' une description du Nord Canadien dans le beau récit de Jack London intitulé « l' Amour de la Vie ».

La descente par le sentier, à travers la grande forêt, est rendue facile par la forte chute de neige encore poudreuse. Puis la Ford, toute guillerette, reprend le chemin de la maison.

Les Genevois se réjouissent des rumeurs de paix, qui annoncent en même temps le retour de ces belles excursions en Haute-Savoie. Les C. F. F. perdront une jolie clientèle. Il y aurait peut-être un moyen de conserver une partie au moins de ce trafic touristique, mais, cela est une autre histoire... pour un prochain récit de course.

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