Notes pour l'alpiniste en Corse
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Notes pour l'alpiniste en Corse

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Par Marcel Kurz.

Dans les pages de cette revue ( novembre 1926, pages 429 à 438 ) mon ami Adrien Jaquerod a raconté fort spirituellement les randonnées qu' il fit, au gros de fete, dans les montagnes de la Corse. Malheureusement Jaquerod déteste les « tuyaux » et c' est évidemment pourquoi il nous en donne si peu dans sa relation, faite surtout d' impressions personnelles.

Au moment de me mettre en route moi-même, j' ai dû faire des recherches assez compliquées dans la littérature et c' est précisément pour éviter ces ennuis à mes collègues que, dès mon retour, je rédige brièvement ces notes purement pratiques.

Et d' abord, quelle est la meilleure époque pour l' alpinisme en Corse? N' y allez pas en hiver pour faire du ski, ni en été pour gravir des sommets: nous avons beaucoup mieux dans nos Alpes ou ailleurs. Le vrai moment pour la Corse est le mois de mai j' entends la période équivalant à un mai normal, au cours des saisons plus ou moins bouleversées dont nous sommes gratifiés. Cette année-là ( 1931 ) avril fut mauvais et la saison propice retardée d' environ trois semaines. Mais dès le 10 mai, le temps et les conditions étaient à peu près parfaites. C' est le meilleur moment pour la flore éclatante et variée, pour la neige encore abondante, et pour la température, très agréable dans les régions montagneuses. En plein été, il fait beaucoup trop chaud et les montagnes sont trop sèches, arides et pierreuses, pour nos goûts d' alpinistes.

A mon grand étonnement, la neige reste bien meilleure en Corse que dans les Alpes au mois de mai. Ceci n' est pas dû au gel nocturne ( plus faible que chez nous ), mais doit probablement être attribué à l' air salin et au climat maritime. De fait, cette neige semble plus compacte que la nôtre. Bref, nous n' avons jamais « pataugé » comme cela arrive si fréquemment l' après, sur les glaciers alpins, en mai et juin.

Il n' existe pas encore de guide pour l' alpiniste en Corse. C' est une lacune regrettable, car les relations sont dispersées dans une quantité de revues. Espérons qu' un alpiniste français se décidera bientôt à compiler tous ces renseignements et rédiger un guide pratique. La plupart des sommets sont gravis, mais il reste une quantité d' aiguilles vierges et de voies à découvrir — voies utiles et intéressantes. Au moment où l' exploration de nos Alpes touche à sa fin, il est réconfortant de se dire que, là, tout près, en Corse, à un jour et demi de voyage, de véritables arêtes attendent encore leurs conquérants.

Le Guide Bleu illustré de Hachette ( édition 1929 ) est excellent pour le touriste, mais insuffisant pour l' alpiniste qui s' écarte des itinéraires classiques. Force est donc de puiser aux sources originales. Les articles les mieux documentés sont ceux du Dr von Cube dans la Zeitschrift du DÖAV ( 1901 et 1903 ) et celui de André Lejosne dans La Montagne d' août 1911 ( avec une précieuse carte-esquisse du massif du Cinto ).

En chair et en os, il n' existe aucun guide digne de ce nom qui puisse être vraiment utile à un bon alpiniste. Les chasseurs de mouflons sont certainement d' habiles grimpeurs de rochers, mais ils sont très difficiles à trouver. Du reste, comme presque tous les Corses, ils craignent la neige plus que le feu et seraient d' un secours bien illusoire. Par contre et comme partout, le concours de l' indigène est précieux ( surtout de nuit ) tant qu' il s' agit de suivre des sentiers, souvent très mal tracés. Egalement celui des mulets, lorsque ceux-ci ne se transforment pas en minuscules bourriquots...

Les levés de l' état français au 1: 80,000e et leurs agrandissements s' étendent également à la Corse, mais nous savons ce qu' ils valent... Actuellement, la meilleure carte pour l' alpiniste est celle du Service vicinal ( en couleurs ) au 1: 100,000e, en 17 feuilles ( Librairie Hachette, 79, Boulevard St-Germain, Paris ). La partie la plus intéressante des montagnes corses est représentée sur les trois feuilles Corte, Bocognano et Zicavo, au centre de l' île. On obtient ces feuilles pliées et cartonnées à très bon marché. La carte au 1: 200,000e publiée par le Service géographique de l' armée donne une bonne idée du relief général. Par contre sa nomenclature laisse beaucoup à désirer et son altimétrie est tout à fait insuffisante.

Quel est le meilleur itinéraire pour se rendre en Corse? Pour les Suisses romands et surtout pour ceux qui sont pressés, il n' y a pas à hésiter: prendre l' express de nuit et s' embarquer à Marseille ( 5 départs par semaine: lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi ) ou Nice ( 3 départs par semaine: mardi, vendredi et samedi ). Ceux qui craignent la mer préféreront s' embarquer à Nice, d' où la traversée ne dure que sept heures pour Ile Rousse, neuf heures pour Bastia ou 9% h- pour Ajaccio — alors qu' il faut compter 12 à 13 h. de Marseille à Ajaccio et 14 à 15 h. pour Bastia ( traversée de nuit ). En partant de Genève le lundi soir avec l' express de nuit, on peut s' embarquer à Nice le mardi à midi pour Ile Rousse où l'on arrive à 19 h. C' est le trajet le plus court.

Pour les Suisses allemands, l' itinéraire le plus direct passe naturellement par le Gothard, Gênes et Livourne d' où la traversée ne dure que six heures ( le mercredi seulementmais la plupart préféreront faire le détour par Genève pour éviter les ennuis de la douane italienne. Il n' est pas nécessaire de retenir ses places plus de 1 à 2 h. d' avance. La compagnie de navigation Fraissinet a des bureaux dans tous les ports indiqués ci-dessus.

La Corse est si petite que, même pour un voyageur pressé, il est assez indifférent de débarquer à Ajaccio, Bastia, Ile Rousse ou Calvi. Ces ports sont reliés entre eux par les chemins de fer départementaux dont les wagons de première et seconde classes sont confortables.

A part les chemins de fer, l' île est desservie par un service d' autocars postaux et de cars du P. L. M., de sorte qu' on peut se transporter très rapidement de la montagne à la mer ou vice-versa, selon le temps, la température ou ses propres caprices, et c' est là un,des grands charmes de cette Ile de Beauté. Malheureusement, le service des cars P. L. M. laisse encore beaucoup à désirer. Cette compagnie, dont l' organisation est impeccable sur le con- tinent, ne donne pas satisfaction sur le réseau corse. Les chauffeurs ( très mal payés ) ne tiennent pas toujours leurs horaires, ni même leurs itinéraires. L' idéal est d' avoir sa propre auto, de façon à être absolument indépendant J ).

Pour l' alpiniste, la partie la plus intéressante de l' île est comprise entre la côte occidentale et la voie ferrée Ile Rousse-Corte-Vizzavone-Ajaccio, avec le Monte Cinto au centre, comme point culminant de l' île ( 2709 m. ). Tout ce massif est constitué par des roches volcaniques ( porphyre » granit, granulite ). C' est dire l' attrait qu' il offre aux varappeurs. Mais n' allez pas croire que la Corse est exclusivement une école de varappe: ce serait là une idée tout à fait fausse. En mai, la Corse procure toute l' illusion de la haute montagne. Certes, aucun panorama n' est comparable à ceux de nos Alpes, mais, par contre, la vue est plus variée en contrastes et en couleurs: on domine en même temps l' immensité bleue de la mer, capricieusement découpée par les dentelures de la côte occidentale; les profondeurs mystérieuses des forêts tapissant les vallées et les gorges; de petits lacs à moitié gelés et tout l' enche enneigé de crêtes rocheuses, souvent très rébarbatives. La neige recouvre encore tous les pierriers, facilite les voies d' approche et surtout les glissades dans les grands couloirs.

Pour peu que l'on soit favorisé par le temps, un séjour de trois semaines permet de visiter les principaux massifs de la Corse.

Un des plus beaux et des moins connus est le cirque qui ferme la partie supérieure de la vallée d' Asco. La vallée d' Asco débouche à Ponte Leccia ( 195 m .) qui est un nœud ferroviaire important, à l' embranchement des lignes venant de Calvi ( Ile Rousse ) et de Bastia. De là ( en 3/4 d' heure environ et pour 60 fr.)2 ) on peut se faire conduire en auto jusqu' au terminus de la route conduisant au village d' Asco ( 750 m. ). Asco lui-même s' atteint par un chemin muletier en une % h. depuis le terminus de cette route qui doit du reste être prolongée. Comme village, Asco n' a rien d' attirant. Ses maisons de pierre sont perchées sur une pente aride et rappellent certains hameaux du Péloponèse. Mais on y trouve un miel unique au monde, fleurant tous les parfums du maquis, un curé légendaire et un maire fort hospitalier. Les truites ne m' ont jamais semblé si délicates et si volumineuses qu' à ce petit hôtel Guerrini.

Asco est le meilleur point de départ pour visiter le Monte Padro ( 2396 m .), belvédère d' où l'on découvre toute la vallée d' Asco et, plus au nord, celle de Tartagine, au haut de laquelle se dressent le Monte Corona ( 2143 m .) et le fameux Capo al Dente ( 2032 m .) qui donna tant de fil à retordre au Capt. Finch.

Si une visite à Asco est intéressante, elle ne s' impose pas nécessairement. En effet, peu avant le terminus de la route, commence un téléphérique de 9 km. de longueur qui conduit au cœur de la forêt d' Asco et sert à transporter les billons. La station du téléphérique est reliée à Ponte Leccia par téléphone et l'on peut s' entendre avec le directeur pour utiliser ce moyen de transport, cela gratuitement, mais à ses propres risques et périls. Ceux-ci se réduisent à l' éventualité d' une panne dans une cage suspendue dans le vide et d' où la vue est fort intéressante et instructive. En une heure environ, on peut donc parvenir avec armes et bagages et sans la moindre fatigue au terminus du téléphérique, au lieu dit Giunte ( réunion de plusieurs vallons, à près de 1000 m ., d' altitude ). On découvre là un petit village international, fait de baraques en bois, où vivent les ouvriers occupés à l' exploitation de la forêt d' Asco — une centaine. On y entend parler français, italien, allemand, flamand, russe, polonais, serbe... et même corse.

Celui qui craindrait de se confier au téléphérique devra alors passer la nuit à Asco et en partir le lendemain de bonne heure pour suivre le thalweg. Compter 3 h. jusqu' à Giunte avec mulets et bagages. De Giunte, une voie Decauville remonte la rive droite du Stranciacone. On la suit très facilement à pied en une y2 h. Un sentier lui succède qui mène à un petit pont ( trois troncs ) en face de la bergerie de Finuselle ( où se dresse encore une baraque de forestiers ).

Malheureusement, les bêtes de somme ne peuvent pas traverser ce pont, ni le torrent à gué: elles sont obligées de remonter une mauvaise piste sur la rive gauche du Stranciacone. De Finuselle ( 1145 m .) à Stagno ( 1430 m .), le sentier est à peine tracé. Il faut se laisser guider par le muletier. Compter 2% h. de Giunte à Stagno avec mulets. Si l'on arrive par le téléphérique, on peut obtenir 1 à 2 ânes à Giunte. Je suis monté à mulet jusqu' à Stagno. La descente à pied à Asco peut se faire en 3 % n- Stagno ( 1430 m .) est un site enchanteur, avec une bergerie et un excellent emplacement de bivouac. On peut coucher dans l' une des deux huttes et installer la cuisine dans l' autre. Mes amis Bürger et Preiss ( du AACZ ) avaient emporté leur tente et campèrent là 8 à 10 jours. Eau et bois en quantité. Lorsque les vivres viennent à manquer, on peut en faire monter du magasin de ravitaillement de Giunte à des prix modiques. A part celui de Viro, je crois qu' aucun cirque en Corse n' offre une telle variété d' ascensions. Il est du reste divisé en deux par la puissante arête septentrionale de la Punta Minuta: à l' ouest le Stranciacone lui-même; à l' est le cirque de Trimbolaccia qui confine au Monte Cinto. Ce dernier cirque, encadré par les pins séculaires ( pinus laryx ), est d' un effet grandiose et il y a là tout ce qu' il faut pour enthousiasmer le montagnard le plus blasé. Tous ces sommets offrent des problèmes intéressants, même difficiles, dont plusieurs attendent encore leur solution.

Pour toutes ces ascensions, le piolet et la corde sont de rigueur. En mai, les crampons peuvent être utiles dans les couloirs. A ce propos, il serait intéressant de pouvoir créer un dépôt de matériel alpin en Corse. Il existait autrefois une section corse du C.A.F., dont le siège était à Ajaccio, mais elle s' est dissoute.

La direction centrale du C.A.F., ou peut-être la section des Alpes Maritimes ( à Nice ), ou encore l' entreprenant G. H. M. contribueraient à faciliter l' alpinisme en Corse en créant, par exemple à Corte, au centre de l' île, un dépôt où l'on pourrait louer le matériel de bivouac, cordes et piolets, toujours ennuyeux à emporter avec soi.

Le refuge alpin est encore inconnu en Corse. On s' en passe du reste volontiers. Il existe bien des maisons forestières, souvent très bien aménagées, dans des sites fort pittoresques; malheureusement, pour pouvoir y coucher, il faut obtenir l' autorisation de la Direction des forêts du Ministère de l' Agri à Paris... Il est à souhaiter que le C.A.F. intervienne et cherche à simplifier ces formalités beaucoup trop compliquées.

Comme provisions, on trouve le nécessaire à Ajaccio, Bastia et même à Corte. Cependant les gourmets feront bien d' emporter du chocolat et des conserves ( fruit et lait condensé ) de fabrication suisse.

Au sud de la vallée d' Asco, sur l' autre versant du Monte Cinto, est situé le village de Calacuccia ( 847 m .) que Finch a surnommé le Zermatt de la Corse. Etalé sur une terrasse fertile, plantée de châtaigners, avec beaucoup d' air et une vue bien dégagée, Calacuccia jouit d' une situation beaucoup plus riante qu' Asco. Mais c' est beaucoup moins « montagne », bien que l' altitude soit de cent mètres supérieure à celle d' Asco. On y monte en 1 h. 1/i d' auto postale, de la gare de Francardo ( entre Ponte Leccia et Corte ) par les fameuses gorges de Santa Regina ( dont la réputation me semble un peu surfaite ).

Calacuccia a l' avantage de posséder un bon hôtel ( Hôtel des Touristes ) dont l' hôtesse est fort aimable et où l'on se sent vite chez soi. Il n' y manque qu' une cuisine un peu plus abondante, l' électricité et une chambre de bain. On m' a assuré que tout cela était prévu.

Le Monte Cinto et la Paglia Orba sont accessibles de Calacuccia directement, mais les distances sont grandes ( surtout pour la seconde ) et les différences de niveau également, le village étant décidément bien bas. Pour le Cinto ( 2709 m ., point culminant de l' île ) j' en suis parti à 2 h. 10 ( malheureusement sans lune ) et suis monté à mulet jusqu' à la bergerie de Bicarello ( 4 h. 45 ) d' où j' ai renvoyé le muletier et sa bête ( 70 fr. ). La voie classique est assez bien décrite dans le Guide Bleu. A 7 h. 50 j' étais au sommet et il n' y avait pas encore un nuage au ciel. Le signal Helbronner est déchaussé et penche fortement. Retour à Calacuccia pour le lunch, par la bergerie de Sesta. Ce n' est pas une course très intéressante et le panorama est plutôt décevant. On pourrait évidemment rentrer par la Bocca Crocetta et le Val Viro, mais c' est alors une très longue course.

A Calacuccia, j' eus la chance de rencontrer deux fameux alpinistes: Madame V. Bally-Leirens et son guide Arthur Ravanel de Chamonix. J' avais suivi leurs traces au Cinto et ils m' invitèrent à les accompagner le lendemain à la Paglia Orba ( 2523 m .), le plus beau sommet de la Corse * ).

Dans les conditions où nous l' avons réussie, cette course à la Paglia Orba est beaucoup plus intéressante que le Cinto et c' est la plus variée que j' aie faite en Corse. Départ à 3 h. 30 de Calacuccia, en auto, par la route du Col de Vergio, à travers toute la superbe forêt de Valdoniello. On s' arrête à l' avant virage du col pour prendre à droite un sentier forestier qui descend en quelques zigzags dans le vallon de Tuia. Normalement, on devrait remonter tout ce vallon jusqu' au Col Foggiale, mais le chemin forestier vous conduit dans une combe secondaire, ouverte au pied sud de la Punta Castelluccia, combe monotone que l'on remonte jusqu' à son origine, au-dessous du faîte Castelluccia-Paglia Orba. Par une traversée presque horizontale, on gagne alors le Col Foggiale, immense selle d' éboulis rosés, incurvée au pied de la Paglia Orba * ).

Au gros de l' été la montée du Col Foggiale à la Paglia Orba doit manquer de charme. Heureusement pour nous, les éboulis étaient encore complètement recouverfs d' une excellente neige. Dans le couloir ( cheminée ) par lequel on surmonte le banc /rocheux, Ravanel dut tailler quelques marches dans la glace. Le sommet s' atteint ensuite par une large croupe neigeuse où percent quelques rochers. Il soufflait ce jour-là un vent du sud ( sorte de sirocco ), semblable à notre fœhn, qui avivait les teintes, rapprochait les côtes, nettoyait le ciel en un clin d' œil et qui nous valut un panorama grandiose, par ses contrastes, autant que par sa nouveauté z ).

La descente du Col Foggiale dans le Val Prugnoti nous procura une série d' amusantes glissades sur une neige parfaite, dont l' épaisseur, à certains endroits de la gorge, atteignait bien 4 à 5 m. On arrive ainsi au confluent du Prugnoti et du Viro, dans un site enchanteur qui ne le cède en rien aux merveilles de Stagno: des pins laryx dans toutes leurs contorsions archaïques, couvrant de leur ombre épaisse des parterres rosés de cyclamens; des torrents d' eau limpide où foisonnent les truites et dont les vasques transparentes vous invitent au bain; à deux pas, un lieu de bivouac historique, la « Grotte aux Anges » et, dominant tout le fond du Viro, au delà des pins, au-dessus des neiges, l' énorme obélisque noir de la Paglia Orba, penché sur le vide... C' est très beau. Je n' ai fait qu' y passer, mais, spontanément, je me suis promis d' y revenir.

On est ici à quatre heures de Calacuccia et à 1300 m. d' altitude. En plantant sa tente près de la grotte des anges, on peut facilement rayonner durant huit jours et explorer les crêtes de la Paglia Orba à la Punta Minuta, de celle-ci au Cinto et du Monte Fàlo aux Cinque Frati3 ).

C' est ici que les frères Finch et Alf. Bryn campèrent en avril 1909 et qu' ils réussirent des courses devenues classiques depuis lors, telles que la traversée du Capo Tafonato, celle des Cinque Frati et la Paglia Orba par le versant oriental. Ici comme ailleurs, les montagnes qui passaient pour difficiles sont en train de perdre leur mauvaise réputation et l'on m' a cité des horaires extraordinairement courts. Par contre, entre la Paglia Orba et le Capo Ucello, Ravanel m' a montré une crête hérissée de gendarmes où il avait varappe durant onze heures.

La descente de la grotte des anges à Calacuccia est longue et pierreuse. Le torrent du Viro sépare très franchement les forêts de la rive droite, de la pente aride et ensoleillée de la rive gauche, où passe, sans beaucoup descendre, le sentier muletier. En 1 h. 1/i de la grotte on parvient à Calasima ( 1100 m .), le village le plus élevé de la Corse, curieuse bourgade de pierre, étalée au pied du Monte Fàlo. De là, en une heure, on arrive à Albertacce, sur la grand' route de Calacuccia.

Cette route est parcourue de Corte à Piana ( ou vice-versa ) par les cars du P. L. M. J' en ai profité plus tard pour traverser le Col de Vergio et visiter Evisa dont on m' avait chanté merveille. Certes, la situation d' Evisa est charmante et inoubliable le coup d' œil sur le golfe de Porto, surtout au coucher du soleil. Mais Evisa n' intéressera guère l' alpiniste, parce que situé trop bas ( 835 m .) et surtout trop loin des vraies montagnes. C' est par contre un centre de ravissantes excursions dans de magnifiques forêts de châtaigniers, de pins et de hêtres.

Au sud de Calacuccia, au delà des vallées de Tavignano et de Restonica, se dressent le Monte Rotondo ( 2625 m .) et ses satellites. Toutes les voies d' ap sont longues, si longues, qu' il n' est guère possible de gravir cette montagne en un jour. Le mieux est de partir de Corte ( 400 m .) et de monter à mulet à la bergerie de Timozzo ( 1500 m. env. ) où il faut coucher pour repartir le lendemain de très bonne heure.

Plus au sud encore, se creuse le grand sillon parcouru par le chemin de fer Ajaccio-Corte. Celui-ci passe dans un tunnel, sous le Col de Vizzavone, mais la route nationale franchit le col et, tout près de ce col, à 1500 m. d' altitude, se trouve un excellent petit hôtel, tapi en pleine forêt — forêt de hêtres immenses, avec des ombrages magnifiques. C' est donc un point de départ relativement élevé pour la Corse. La cuisine y est excellente et la tranquillité complète — à part les quelques autos qui passent sur la route l ).

Par contre, le choix des courses n' est pas grand. L' ascension préférée est naturellement celle du Monte d' Oro ( 2391 m .) qui domine directement l' hôtel. C' est un belvédère réputé et comme la description du Guide Bleu est par trop fantaisiste, voici quelques notes destinées à diriger l' alpiniste.

De l' hôtel, un bon sentier ( à reconnaître la veille ) conduit en 10 minutes au fort génois de Vizzavone qui se dresse sur la crête d' une ancienne moraine. Là, le sentier se perd peu à peu. Continuer à monter dans la même direction jusqu' à un mamelon herbeux ( 1430 m.; 40 min. ) précédant une large selle où y'--.'commence un chemin qui descend en zigzags à la bergerie de Tortetto ( 1360 m.; 15 min.)1 ). Du fort, on peut aussi prendre à droite un sentier pierreux dans la forêt de hêtres. Ce sentier, d' abord horizontal, va rejoindre celui qui vient de la gare de Vizzavohe ( marqué en rouge ) et conduit à Tortetto. Il serait bon de reconnaître cet itinéraire la veille.

A Tortetto, les traces disparaissent presque complètement. On traverse le torrent de l' Aghione ( sur un vieux hêtre renversé ) puis on s' élève sur la rive gauche, à travers des éboulis et des sortes de lapias où croissent encore des bruyères et des vernes rampants. La combe tourne lentement à droite ( nord ) et devient monotone. On laisse derrière soi les derniers buissons. En mai 1931, la neige commençait à 1500 m. dans cette combe. Les névés alternent avec des côtes rocheuses descendant du Monte d' Oro et qu' il faut traverser ( quelques traces de sentier ). Arrivé au sommet de cette combe, on débouche sur un col de l' arête faîtière, puis sur un mamelon ( 2150 m.; 2% h- de Tortetto ).

Le sommet entièrement rocheux du Monte d' Oro se dresse à l' est et domine un petit lac gelé qui s' étend à vos pieds. Suivre le faîte dans la direction du sommet, en tournant éventuellement quelques difficultés à droite ( sud ). Arrivé au pied du massif rocheux terminal, obliquer franchement à droite et traverser des couloirs et des névés pour gagner une large épaule au sud du sommet. On rejoint là l' itinéraire classique venant de la gare de Vizzavone. Un sentier aménagé dans les rochers monte jusqu' au sommet ( 1 h. ). Soit 414 h- de l' hôtel au sommet.

Comme au Cinto, le ciel était sans nuage. Le panorama est intéressant, spécialement vers le Rotondo.

Pour ne pas rentrer par le même chemin, je suivis les traces venant de la gare de Vizzavone. De l' épaule, on traverse un vaste névé vers le NE, puis on peut glisser dans un couloir et gagner ainsi beaucoup de temps. Mais le guide local n' admet pas ce genre de sport, comme je pus m' en convaincre d' après ses traces égrenées en interminable chapelet. Une heure suffit pour descendre du sommet à la bergerie de Pucciatili ( 1580 m .) et une % h. de là à l' endroit où la combe forme une sorte de plan défriché, où l'on franchit le torrent à 1350 m. environ. Le sentier descend ensuite dans la forêt de pins, mais, comme les sentiers corses en général, il ne semble le faire qu' à regret, en décrivant d' exaspérants et interminables zigzags. Il faut cheminer des kilomètres pour descendre quelques centaines de mètres. Le sentier, puis le chemin forestier qui conduisent à la gare de Vizzavone sont compliqués mais bien décrits et représentés dans La Montagne, 1930, 236 sq. ( esquisse p. 238 ) 2 ).

Vis-à-vis du Monte d' Oro, de l' autre côté du col et de la route de Vizzavone, se dresse la jolie Punta dell' Oriente ( 2109 m .) qui offre également une vue intéressante, spécialement sur le massif du Monte d' Oro et sur la baie d' Ajaccio.

Du Col de Vizzavone, un sentier monte à travers la forêt de hêtres et conduit à la bergerie de l' Agnata ( 1370 m .), puis à une croupe de gazons et d' éboulis que l'on suit constamment, jusqu' au moment où l'on peut passer sur le névé. Le sommet est formé de trois jolies tours rocheuses. De là, on peut suivre le faîte jusqu' au Monte Renoso ( 2358 m .), point orographique important.

Il resterait à parler de l' Incudine ( 2136 m .), belvédère réputé, accessible à mulet, d' où l'on embrasse un panorama très étendu sur toute la région méridionale; des extraordinaires Aiguilles de Bavella, immortalisées par les affiches du P. L. M.; des satellites du Monte Rotondo et du Monte Signor... Mais je n' ai admiré ces montagnes que de loin: ce sera peut-être pour une autre fois.

Voici pour terminer deux sources bibliographiques très importantes concernant les montagnes de la Corse:

Jahrbuch S.A.C. vol. XXXVII, pp. 189—190 ( index bibliographique général à la fin de l' article de Walter Flender ).

La Montagne ( C.A.F. ), 1911, p. 469—470 ( index bibliographique purement alpiniste, à la fin de l' article d' André Lejosne ).

Depuis 1911, les notes techniques concernant les nouvelles ascensions en Corse semblent avoir été publiées spécialement dans La Montagne et dans Y Österreichische Alpen-Zeitung.

Dans cette dernière, je relève entre autres:

1° 1927, 7—12, Alfred von Martin: Bemerkungen zu einer Reise nach Korsika, 2° 1927, 33—34, Tourenberichte ( Virotal ), 3° 1928, 129—130, Tourenberichte ( Aig. de Bavella, Monte d' Oro, Virotal ), 4° 1928, 215, Tourenberichte ( Monte Rotondo ), 5° 1929, 12—16 und 33—39, Neues und Altes aus Korsika ( récit détaillé des courses signalées dans 3° ), 6° 1929, 203—205, notes pratiques ( Monte d' Oro et Cintogruppe ).

Une excellente téléphotographie de la Paglia Orba a paru dans La Montagne 1929, face à p. 136, illustrant un article de Paul Helbronner ( Deux semaines au sommet du Cinto ). On distingue parfaitement la route Bryn-Finch.

PS. Outre ceux dont j' ai déjà parlé, voici encore trois hôtels recommandables: Ajaccio: Restaurant ( et Hôtel ) Adrien ( surtout pour le restaurant ). Bastia: Hôtel de France. Corte: Hôtel de la Paix.

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