Ski de printemps
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Ski de printemps

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rrPar P. Rossy

Avec 3 illustrations ( 22—24 Monthey ) Suzanfe ( 2110 m. ) Courbés sur nos guidons, le front perlé de sueur, nous pédalons vers Champéry. Les petits skis attachés le long du cadre et le sac d' où pointe le piolet lestent généreusement nos vélos. La montée est rude; mais cela ne nous empêche pas d' admirer souvent les Dents du Midi, là-haut à notre gauche, ou de saluer en passant les vieux chalets brunis.

Grand Paradis. Nous avons traversé Champéry dans sa somnolence d' entre: rue déserte, volets clos. Un court repos nous a redonné du souffle; les vélos sont garés. Et nous partons pour Suzanfe. Au rythme zigzaguant du sentier pierreux, on s' élève rapidement. En sortant de la forêt la pente diminue; Champéry est déjà bien au-dessous de nous, parsemant l' herbe neuve de ses toits rouges ou noirs. Plus bas brille la coupole dorée de l' église de d' Illiez plus loin encore, par delà le Rhône et sa vallée, le Mont d' Or ferme l' horizon de son grand cône aux couloirs neigeux. Le soleil est chaud déjà, le printemps sourit.

Contraste. Passé Bonnavaux dont les chalets, tels des marmottes, dorment encore du long sommeil hivernal, nous entrons dans l' ombre et la neige. Aux parois rocheuses qui nous dominent pendent de longs glaçons. Il faut sortir le piolet et marcher prudemment sur les névés durs qui masquent notre chemin. Le « Mauvais Pas » n' est encore qu' un talus neigeux par-dessus la vire étroite où l'on passe en été. Et pour traverser la Sauflaz, point n' est besoin de chercher le petit pont de pierre; la gorge entière est encore remplie de neige. Mais de là jusqu' à « Porte Neuve », la montée est aussi raide qu' en été...!

Tout est encore blanc dans le Vallon de Suzanfe. Seuls émergent au sommet des crêtes quelques taches de verdure naissante où pointent les premières fleurs. Les perdrix des neiges s' envolent lourdement à notre approche. Mais dès que s' est tu leur roucoulement guttural le silence retombe, troublé seulement par le bruit monotone des cascades, là-haut sous le Glacier du Ruan.

Et voici la cabane, blottie sous son toit de cuivre comme pour se mieux protéger de la froidure. Heureux chaque fois de la retrouver, nous en poussons la porte au battant chevronné de vert et blanc. Notre petit groupe s' installe comme chez lui. Chacun a sa tâche; et bientôt le souper fumant nous réunit autour de la table. Après quoi, bien à l' aise, pieds nus dans les lourdes socques, mains au fond des poches et pipe au coin de la bouche, nous admirons de la terrasse les sommets tout proches que le soleil couchant teinte de rose. Puis nous rentrons vite, surpris tout à coup par l' air vif du soir; et nous allumons la lampe à pétrole. Je renonce à chercher les mots pour dire le charme et la douce quiétude de ces soirées en cabane, laissant aux initiés la nostalgie d' en revivre le souvenir, et souhaitant aux autres d' y goûter bientôt.

Tour Sallière ( 3227 m. ) Au jour naissant nous nous étirons, dérangés par le son grêle du réveil. C' est le moment où l'on maudit la montagne et ses exigences, où l'on ne voudrait que se rendormir. Mais le plus courageux nous met sur pied d' un énergique « grand beau » crié triomphalement, à peine le volet repoussé.

Notre course commence par une courte descente jusqu' au fond du vallon. Puis le rythme de nos pas s' égalise en grimpant le long névé qui fait face à la cabane. Plus haut, derrière l' arête rocheuse, la vire où nous allons nous faufiler est déjà libre de neige. On en sort entre deux gros blocs pour reprendre la lente cadence de montée au long des pentes blanches toujours plus rapides. La neige porte bien, mais permet tout de même de marquer le pas sans effort. Au gré de la montée notre regard se porte sur les bleus séracs qui nous dominent, frangés de neige, ou sur les Dents du Midi que le soleil anime de ses premiers rayons.

Après la raideur de la Grande Pente, on retrouve d' un coup terrain plus stable sur le Glacier du Ruan aux molles ondulations. L' arrêt que réclame notre souffle épuisé nous permet d' admirer tout à loisir le sommet que nous allons gravir. Séparés par le col d' où l'on découvre un vaste panorame courant du Cervin au Mont Blanc, la Tour Sallière et le Ruan se dressent fièrement dans le soleil. La neige s' adoucit et permet de mettre les skis. A longues foulées, nous traversons toute la blancheur scintillante du glacier pour aller attaquer en de grands lacets le vallon neigeux qui monte au Col du Dôme ( 2960 m. ). Nous nous accordons là-haut un long repos, étendus sur les rochers chauds de soleil, grignotant quelques fruits secs.

Puis notre petit groupe s' élance impétueusement sur l' arête; chacun grimpe à sa fantaisie, mais évite de mitrailler ses camarades en détachant d' un pied maladroit les rocs peu solides. A mi-hauteur, nous laissons nos skis sur une plateforme neigeuse. Si nous voulions descendre sur Barberine par l' autre versant, ce qui est très joli aussi, il nous faudrait les prendre jusqu' au sommet. Mais aujourd' hui reviendrons de ce côté-ci. Sans difficulté, longeant toujours la crête qui domine le gouffre du Grand Revers, nous atteignons bientôt le point culminant. Notre regard instantanément s' en va vers le Mont Blanc, neigeux monarque entouré de sa vaste cour de rocs et de glace. Puis les yeux suivent l' horizon, saluent en passant chaque sommet et viennent se poser enfin à nos pieds sur le bleu du Lac de Barberine tout encombré encore d' icebergs.

Nous resterions bien là des heures; mais le soleil darde et la neige sera douce si nous tardons trop. En quelques minutes, nous retournons donc à nos skis. Il s' agit d' être prudents d' abord, car la pente est raide et la neige encore dure, ici à l' ombre. Mais après deux ou trois dérapages prudents, coupés de rapides virages en position bien accroupie, nous sautons d' un bond l' étroite rimaye pour trouver terrain plus facile. La vaste combe est à nous avec sa neige gros sel brillant sous le soleil; nous y traçons de sinueux paraphes, tout à l' ivresse de pareille descente. Puis, nous laissant glisser sur le plateau doucement incliné du glacier, nous arrivons au coin de la Grande Pente. Drôle d' impression, après s' être mollement confié à ses skis, de devoir plonger tout à coup le long de ce revers si rapide. Nos traces du matin y marquent un double rang de trous réguliers; les prenant pour axe nous nous élançons, virant à leur droite, à leur gauche en des* courbes rapides, le corps bien ramassé. Après avoir eu presque peur de s' y hasarder, on regrette ensuite que cela finisse déjà!

Une fois les muscles remis de l' effort qne leur a demandé pareille descente, nous repartons de flanc pour atteindre la dernière combe avant cette vire pierreuse où il nous faut enlever les skis. Mais passé l' angle du rocher, nous les remettons bien vite pour marquer l' ultime pente de virages appliqués que nous pourrons admirer ou critiquer mutuellement tout le soir, du seuil de la cabane.

Haute Cime ( 3260 m. ) Nous pouvons partir tard puisqu' aujourd nous allons seulement à la Haute Cime. Sa pyramide se dresse au nord du Col de Suzanfe, le flanc tout blanc de neige encore, entre les arêtes que vents et soleil ont déjà nettoyées. Après avoir serpenté pendant une heure au gré des combes du vallon, nous atteignons la vaste selle du col. De l' autre côté Salante dort encore, plateau immaculé où commencent à se marquer en taches sombres les méandres de la rivière.

Depuis là le chemin est le même qu' en été, mais bien plus agréable; car au lieu des pierriers croulant à chaque pas, on monte sur de bons névés où le pied marque facilement sa trace. Une petite niche de rocher, un peu plus haut que le Col des Paresseux, abritera nos skis pendant que nous montons au sommet. ( On peut quelquefois les prendre jusqu' en haut, mais c' est rare. Car de là, la neige est généralement soufflée, formant des plaques de verglas et laissant passer traîtreusement la pointe des rochers qu' elle recouvre. ) Il faut donc grimper tant bien que mal la pente raide, s' aidant parfois du piolet pour tailler une ou deux marches, au son de verre brisé que font les éclats qui dévalent.Installés sur les rochers du sommet, nous nous laissons griller par le soleil, nous retournant parfois pour voir plonger un chocard dans le gouffre glacé du versant nord, ou pour admirer plus bas encore les villages du Val d' Illiez, dont les chalets semblent d' ici des jouets posés sur le vert tendre de l' herbe nouvelle. Il fait si bon que nous avons de la peine à songer au retour; et la perspective d' une jolie descente à skis jusqu' à la cabane n' est pas de trop pour nous décider à quitter notre perchoir. En une rapide dégringolade où chacun rit aux culbutes des autres sans penser qu' il en fait autant, nous sommes bientôt à nos lattes. Puis à la file indienne, traçant de grands lacets réguliers, nous glissons dans la combe rapide qui prend naissance sous le Col des Paresseux. Une traversée de flanc succède, où il faut aller prudemment, car on domine des dalles de calcaire gris; et l'on atteint bientôt l' étroit couloir qui permet de passer au-dessous de ces rochers, le long des pentes conduisant au vallon. On doit faire là de courts virages, rapides et précis, entre les deux rives rocheuses. Puis la rimaye franchie, on retrouve l' espace et la liberté de glisser où l' envie nous en prend. Nos sillages s' entrecroisent en courbes fantaisistes; nos exclamations de joie se répercutent d' une pente à l' autre, apeurant les marmottes qui risquent leur première sortie.

Un tertre de gazon naissant, cerné encore de tous côtés par la neige, nous réunit un instant avant d' aborder les derniers vallonnements où nos skis mettront leur double trace à côté de celle du matin. Nous cueillons là quelques fleurettes qui égayeront notre soirée, minuscule bouquet sur la table de la cabane, au milieu du cercle de nos visages basanés.

Grand Ruan ( 3067 m. ) Nous nous levons avec le jour et partons bientôt. Par l' itinéraire de l' avant, nous arrivons sur le Glacier du Ruan, au haut de la Grande Pente, alors que les premiers rayons dorent le sommet que nous allons escalader. Traversant le blanc plateau en une vaste courbe pour éviter les crevasses qui le strient, nous sommes bientôt au pied de l' arête est. On ne peut l' attaquer directement, car un grand surplomb rend le premier ressaut inaccessible. Nous allons donc un peu plus loin, là où bien à propos la rimaye est bouchée. Et nous nous encordons, petits skis et bâtons bien amarrés sur le sac. Une courte cheminée ouverte, une vire montante étroite, un couloir encaissé aux pierres branlantes nous conduisent à une petite selle au pied d' un mur rébarbatif. Mais on peut s' échapper à gauche, le long d' une dalle que la neige recouvre, appelant la prudence. La pente qui suit est un immense escalier naturel rappelant les amphithéâtres des temps jadis. Comme eux il a subi l' outrage du temps: nombre de débris le jonchent et nous y devons monter avec circonspection. Mais une fois sur l' arête, on ne risque plus la mitraille; le vide est là, de chaque côté, prêt à happer tout ce qui roule sous le pied. Nous montons tantôt sur la crête neigeuse, tantôt à gauche sur les rochers déjà découverts de son flanc sud.

Le sommet, long dos d' âne blanc, s' étend sur près d' un demi-kilomètre entre le point maximum sur Suisse et la cime-frontière qui est à peine moins élevée. Nous déposons bagages entre les deux, et tout de suite notre regard plonge d' un côté, puis de l' autre. Ici c' est le Vallon de Suzanfe qui s' étend à nos pieds, bien bas, avec sa minuscule cabane. Là, c' est comme l' autre jour déjà Barberine et son lac bleu, le Mont Blanc et tous les sommets qui l' en. La clarté éblouissante du soleil baigne tout, estompant l' horizon et faisant scintiller les névés lointains comme autant de miroirs. Notre peau, déjà tannée pourtant, a peine à soutenir ce baiser brûlant.

Nous avons mis les skis; mais personne n' ose se lancer, car le départ n' est pas très engageant. Le flanc sud du Ruan est formé de larges vires déversées descendant en diagonale et que séparent de hauts murs de rocher brun-rouge. La neige heureusement est assez douce pour qu' on ne risque pas le dérapage; et bientôt nous nous en donnons à cœur-joie, glissant et virant sans plus penser qu' en cas de chute nous risquerions un beau saut. Au bord supérieur du glacier, quelques larges crevasses essayent de nous tendre leur piège; mais nous les tournons par d' habiles christianias et continuons la belle descente jusqu' au Vallon de la Chaux dominant le Lac de Barberine.

Nous aurions bien continué plus bas encore. Mais il se fait tard; et nous avons à remonter jusqu' au Col de la Tour Sallière. En plein soleil, 500 mètres de grimpée ne se font pas avec le sourire... Nous parvenons néanmoins au col en assez bon état pour pouvoir apprécier encore comme elle le mérite la rapide descente vers Suzanfe.

Epilogue II y aurait encore bien des courses à faire au printemps tout autour de cette jolie cabane que la section d' Yverdon a posée là pour le bonheur de ses vétérans, mais dont nous sommes les maîtres incontestés en cette saison hâtive, nous autres jeunes skieurs. On pourrait monter à Plan-Névé, et de là escalader la Dent Jaune, la Cathédrale, la Cime de l' Est que la neige ne rend pas inaccessibles; et descendre ensuite sur Salanfe, au flanc des crêtes ou le long des ravins encaissés, pour revenir à Suzanfe encore ou s' en aller par Van d' en. On pourrait monter au Dôme ou traverser sur Barmaz en passant par le Col de Corna-Mornay.

Mais nos vacances sont finies! Il nous faut redescendre, heureux déjà d' avoir si bien réussi. Le guidon orné d' un bouquet de rhododendrons, nous roulons vers Monthey où sans tarder, abandonnant vélo et skis, nous irons nous baigner à la piscine qui vient d' ouvrir ses portes. Après l' air pur et le soleil, quoi de meilleur que cette bonne eau fraîche pour clore si merveilleuse aventurel

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