Sur les traces des lièvres blancs
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Sur les traces des lièvres blancs

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Avec 2 illustrations ( 14, 16Par R.P. Bille

Dès qu' un peu de neige couvre la montagne, le lièvre des Alpes ne peut s' aventurer hors de son gîte sans laisser sur la surface poudreuse ses traces. Ce n' est pas une mince affaire cependant que de démêler celles-ci, mais rien au monde n' est plus passionnant! Le chasseur d' images en quête d' aventures et de clichés inédits y trouvera largement son compte. Encore faut-il déployer beaucoup de ruse et de patience pour réussir à s' approcher suffisamment de l' animal gîté sans lui donner l' éveil. C' est au début de l' hiver, alors que le lièvre variable a déjà revêtu sa moelleuse pelisse d' une éblouissante blancheur que cette chasse d' un nouveau genre présente le plus d' intérêt. A cette époque la neige s' attarde sur les alpages et c' est là que l'on aura le plus de chance de rencontrer des lièvres blancs. Plus tard ils descendent dans les bois montagneux et il est alors difficile de les surprendre au gîte, car ils détalent au moindre craquement. Lorsqu' il a neigé la journée et que pendant la nuit le ciel s' éclaircit, le lièvre des Alpes quitte son gîte un peu avant l' aube pour se rendre aux endroits où le vent a balayé la neige et découvert quelques maigres touffes de végétation. Cette pauvre nourriture suffit cependant au rongeur qui sait tirer un parti admirable des moindres gazons, des lichens et des genévriers rampants. En arrivant sur sa « pâturée », l'on remarquera alors d' innombrables pistes s' enchevêtrant en tous sens jusqu' à former un réseau compliqué. Parfois les traces d' un lagopède ou d' une martre viendront se mêler à celles-ci, mais on ne pourra les confondre. Le chasseur d' images examinera d' abord avec soin les lieux et tâchera de débrouiller la piste du lièvre. Cette besogne est facilitée par la forme des empreintes: aucune autre bête de la montagne n' en a d' aussi caractéristiques et d' aussi inégales. Cela fait, il reste encore d' autres difficultés à vaincre. Le lièvre, un peu avant de se gîter, exécute de savantes contremarches et d' assez longs détours; il double ses pas à plusieurs reprises, côtoie les arêtes où le vent souffle afin de faire perdre ses traces et déploie mille ruses: c' est alors que le vrai jeu commence! Cependant avec de l' entraînement et pas mal de sagacité, le chasseur d' images tôt ou tard parviendra au gîte, dût-il suivre tous les détours de l' animal et les pistes qui ne mènent nulle part! S' il tient bon et que les empreintes se mettent à décrire des cercles, notre chasseur peut préparer son appareil: le lièvre ne doit plus être bien loin. Hélas! il arrive souvent qu' après plusieurs heures de pénible approche la prudente bête bondit à l' improviste Y'.V telle une balle élastique sous les regards médusés du photographe, tant sa fourrure se confond avec la blancheur du paysage. Mais parfois, le lièvre se fiant à son extraordinaire mimétisme se pelotonne sur lui-même, demeure immobile, abaisse à demi ses oreilles et ne quitte son gîte qu' à la dernière extrémité. Il faut alors se garder de diriger trop souvent ses regards sur lui. Cette ruse si simple en apparence donne d' excellents résultats, si la température, l' heure et le vent sont favorables. Par grosse neige, le lièvre variable se réfugie dans les anfractuosités rocheuses d' où il est malaisé de le déloger; ou bien il aménage un trou dans la poudreuse, ne laissant dépasser que la tête et les oreilles.

En réalité peu d' approches sont aussi riches en émotions, et malgré les nombreux échecs qui guettent le débutant, celui-ci finira avec beaucoup de patience par triompher. Quelle joie de pouvoir alors emporter dans son appareil le fruit de tant d' efforts! Certes, l' ami de la nature y trouvera une profonde satisfaction, une satisfaction qu' aucune autre chasse peut-être ne saurait lui donner!

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