Trois jours en Val d'Illiez
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Trois jours en Val d'Illiez

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Avec 4 illustrations.Par Ph. Bérard.

Les beaux jours d' automne sont passés. Le ciel a tendu son voile gris du Salève au Jura, plongeant citadins et campagnards dans une lumière blafarde monotone comme une horloge arrêtée, car le soleil ne marque maintenant ses heures claires que pour les montagnards, au-dessus du voile.

En un jour, il n' est pas toujours possible d' atteindre l' altitude ensoleillée. Aussi, nous réjouissons-nous particulièrement de l' approche des fêtes de fin d' année, qui vont donner trois jours de liberté.

Par un matin de 31 décembre, alors que le canon tonne, sur la rade, pour célébrer la Restauration de 1813, notre train semble glisser le long du lac brumeux. A Lausanne, le compartiment s' anime de compagnons de voyage. Sur la Riviera vaudoise, le lac distille du brouillard; Chillon semble avoir été mis au garde-meubles, en attendant le printemps prochain.

A Monthey, l' automotrice de l' Aigle s' emplit de montagnards. Les uns engagent de longues discussions en patois, d' autres observent un silence recueilli. Nous entrons dans l' enchantement de la montagne; la plaine disparaît et la brume s' éclaircit et devient de plus en plus brillante, au fur et à mesure que nous nous rapprochons du soleil qui la fait s' évaporer.

A Troistorrents, un grand car postal attend sur la place de la gare. Nous nous y installons, afin de prendre plus vite de l' altitude. Le puissant Saurer grimpe allègrement les lacets de la route. Le ciel bleuit, les sapins givrés deviennent étincelants. Les pentes sont de plus en plus enneigées, d' une belle poudreuse prometteuse. La route s' engage dans un joli vallon avec une petite rivière; un village apparaît, c' est Morgins. Nous avons la chance de trouver encore une petite chambre à l' hôtel Victoria.

Sans perdre de temps, nous mettons les skis et traversons le champ d' exercice où de nombreux skieurs et skieuses s' interpellent joyeusement avec des accents de divers cantons et dans des langues de pays voisins ou d' outre. Puis nous mettons les peaux et nous montons tranquillement obliquement la pente sud-est de la Pointe du Corbeau. Nous faisons halte vers un beau chalet bruni et savourons notre lunch en admirant les Dents du Midi qui se découpent au-dessus de Savolayre. Puis la pente s' adoucit, aux chalets succèdent les sapins clairsemés. Nous atteignons bientôt l' arête ouest de la Pointe de Bellevue, que nous suivons jusqu' au sommet.

Surprise! Le brouillard de ce matin s' est complètement évaporé sous le soleil du Valais. La plaine s' étend toute blanche à nos pieds. Le Rhône et la Gryonne sont tracés comme sur une carte géographique. Nous distinguons chaque maison de Monthey et de Bex. Ce joli tableau est couronné par la chaîne des Diablerets, des Muverans et des Dents de Mordes. Nous distinguons des traces de skis à la Pointe des Martinets.

TROIS JOURS EN VAL D' ILLIEZ.

Puis c' est la descente en deux belles étapes, séparées par la traversée du promontoire 1707, où nous admirons les teintes or et bleu pâle des vallons enneigés sous les rayons du soleil couchant.

Après cette bonne petite course d' entraînement, nous faisons honneur à la table et aux lits du Victoria.

Nous n' avons jeté qu' un coup d' oeil au salon, où les danseurs commençaient à se réunir, et nous avons dormi d' un trait jusqu' à l' heure de la diane.

Pointe de Chésery, Ciel sans étoiles! Tant pis, nous verrons. La nuit cède déjà sa place à l' aube, et nous voyons assez clair pour suivre sans lanterne le sentier qui s' enfonce sous la forêt. Tout à coup, apparaît la silhouette d' un homme debout au milieu du chemin, la tête enveloppée d' une grande écharpe marquée d' un halo de givre devant la bouche. C' est un garde-frontière. Nous échangeons des salutations. Il est de garde, dans la nuit glacée, depuis une heure du matin.

Le mouvement nous réchauffe. Nous sortons bientôt de la forêt et les chalets de They apparaissent dans le jour blanc diffus, sous la couche de brouillard qui ferme e val. Nous cheminons le long de la rivière réduite au silence par l' hiver. Entre les deux rives enneigées, on voit passer de larges bulles d' air argentées sous la glace noire. Nous voici déjà arrivés au pont de Sassey, où s' embrr riche sur la gauche le chemin de la Porte du Soleil. Mais aujourd'hui ce serait la porte du brouillard!

Au-dessus de nos têtes, le gris-blanc du voile de nuages se dilue d' ocre et de violet pâle; il y a donc du soleil, plus haut. Nous irons le chercher à la Pointe de Chésery.

Après avoir encore longé la rivière, la Vièze de la Tine, pour la présenter, nous atteignons Fontaine blanche.

La neige est heu

La Pointe de Mossetaz se dresse dans le ciel bleu entre les deux vallons blancs de la Porte du Lac Vert, à gauche, et du Pas de Chésery, à droite, que nous atteignons bien tôt. Ici, la frontière franco-suisse n' est marquée que par l' arête sud de la Pointe de Chésery, que nous commençons à gravir en admirant le panorama qui s' ouvre toujours plus étendu autour de nous. A notre gauche, le Val de Montriond disparaît dans la mer de brouillard plus blanche que la neige.

Une petite paroi de rochers nous oblige à enlever les skis un instant, puis nous pouvons les remettre pour explorer la vaste coupole que forme le sommet, à 2250 m. d' altitude.

La vue est parfaite. Les Dents du Midi, le Dôme, Tour Salière et le Mont Ruan forment une magnifique chaîne. Puis toutes les montagnes de Haute Savoie de plus de 2000 mètres émergeant de la mer de brouillard. Non loin de nous, la Pointe de Grange, et à nos pieds le Val d' Abondance. Le soleil est déjà bas sur l' horizon et son éclairage oblique fait ressortir le relief des montagnes.

Mais le temps passe. Nous devons nous préparer au retour. Nous décidons de revenir par Châtel, à la découverte. Après un dernier regard circulaire d' au revoir, nous glissons rapidement sur la belle pente du versant sud-ouest jusqu' au col reliant Montriond à Châtel. Les petits sapins givrés, sur le col, ont poussé obliquement, sous l' effet des vents dominants du sud-ouest.

Les vagues de la mer de brouillard viennent se briser autour de nous et le soleil couchant y trace des halos orangés. Nous devons nous arracher à ce beau spectacle afin qu' il nous reste encore un peu de visibilité pour nous engager dans le Val de Châtel, qui est déjà plongé dans l' ombre bleue.

Il y a heureusement beaucoup de neige poudreuse pour amortir les surprises que le relief irrégulier et la faible visibilité nous réservent. Mon frère suit ma trace; de temps à autre, il me voit plonger jusqu' aux épaules et me relever tout blanc. Nous atteignons cependant facilement les jolies clairières qui nous conduisent jusqu' au chemin de Châtel.

Il fait tout à fait nuit lorsque nous passons le Pas de Morgins. Le douanier suisse allume sa lampe électrique et s' intéresse au contenu de nos sacs de montagne.

A l' hôtel, le dîner en est déjà au dessert; l' hôtesse nous reçoit cependant avec un gentil sourire, et nous sert bien copieusement.

Puis nous nous retirons et nous nous endormons dans le contentement d' avoir réussi à voir notre roi soleil dans sa résidence d' hiver, en ce beau jour de l' An.

En Foilleusaz.

Ce matin, nous nous mettons en route à une heure un peu moins matinale et après une courte montée à travers la forêt de Morgins nous atteignons le plateau de Savolayre. Un petit vallon qui s' élève sur la droite nous conduit sur le versant sud, d' où le regard plonge sur le Val d' IUiez tout entier, avec ses innombrables chalets ponctuant les prés blancs entre les forêts givrées. Les Dents du Midi s' élèvent comme une vague monumentale au-dessus du val, qu' elles dominent de leurs parois bleues et de leurs couloirs de neige vertigineux.

Tout alentour, le soleil fait étinceler les cristaux de givre sur la neige poudreuse.

Nous devons pourtant nous décider à tourner le dos à ce beau tableau pour monter jusqu' au sommet de Foilleusaz, à 1822 m. d' altitude, sur l' arête séparant le Val de Morgins du Val d' Illiez. Là, nouveau coup d' œil ravissant: Le fond du val encore dans l' ombre matinale, des pentes resplendissantes de soleil, et les découpures de l' arête frontière. Nous reconnaissons notre itiné- TROIS JOURS EN VAL D' ILLIEZ.

raire de montée d' hier matin, de la Fontaine blanche à la Pointe de Chésery, puis plus à droite le Cornebois, le Bécor et la Tête du Géant.

Si nous pouvions disposer de la journée entière, nous pourrions suivre l' arête de la Foilleusaz jusqu' à la Pointe de l' Haut, qui domine la Porte du Soleil, au-dessus de Champéry, et que nous avons déjà visitée l' année précédente. Mais nous nous consolons en pensant que nous allons faire une belle descente de 1000 mètres de différence de niveau, dans une bonne poudreuse givrée, encore vierge de traces et pas encore amollie par le soleil qui nous bronze.

Pour être bienfaisant, le bain de soleil devrait être pris si possible en mouvement, afin que le sang circule plus activement. A ce point de vue, quelques bains de poudreuses suivis d' une bonne friction sont tout indiqués. En outre, comme le faisait remarquer un speaker de la radio française, le bain de soleil contribue aussi à la nutrition de l' organisme, à tel point que l'on peut même réaliser ainsi une économie de provisions, ce qui est particulièrement intéressant en temps de rationnement.

Nous nous élançons, alternant les stems, les christianias, et même les télémarks, dans cette vraie neige de Norvège. Tout en appréciant la descente, nous admirons ici un chalet pittoresque, là une belle croix valaisanne, plus loin une clairière dans une forêt dont l' échancrure fait ressortir les Dents du Midi. Et voici déjà la gare de Troistorrents.

C' est ainsi que, grâce à des conditions de neige idéales et un temps très favorable, nous pûmes visiter presque toute la région de Morgins en trois jours.

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