Une semaine dans l'Ötztal
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Une semaine dans l'Ötztal

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P. Tschui

Durant l' été 1967, nous avons décidé de faire une excursion d' une semaine dans les montagnes de l' Ötztal. L' organisateur en était le vieux routier charmeur Franz Burch, opérateur de cinéma, les participants Hans Schellhammer et le boute-en-train Willy Nussbaum, auxquels se joignirent également les deux fonceurs Walter Meier et Georges Baumgartner, puis Fredi Graetzer, notre benjamin Heinz Zeller, le chroniqueur et — la rose parmi les épines - notre courageuse et tenace Heidi Kunz. Werner Benseier ne put malheureusement pas être de la partie.

Le samedi 2 septembre, nous occupons, avec nos sacs bourrés, le compartiment réservé de Y Arlberg express. Le train part à l' heure et sort de la gare de Bâle dans un nuage de pluie. Par Zurich, Buchs, Feldkirch, Bludenz et St-Anton, nous atteignons Landeck après la traversée impressionnante de la région de PArlberg. Notre guide, Sepp Praxmarer, nous y attend pour nous faire faire dans son bus VW les 25 kilomètres qui nous séparent de Feichten ( 1290 m ), dans la vallée de Kauner. Dans la pension famille Edelweiss que tient Sepp, nous pouvons immédiatement nous mettre à table. Là se joint à nous un autre compagnon du nom d' Adam Dietewich qui passait ses vacances avec sa femme et son fils à Prutz.

Après un délicieux repas et un dernier contrôle de notre équipement, nous prenons, à 15 heures, le chemin de la cabane Verpeil ( 2025 m ), une montée de deux heures à travers une jolie forêt de conifères et y prenons nos quartiers pour la nuit. A proximité immédiate s' élèvent les bastions rocheux de la Schwabenkopf et de la pointe de Verpeil.

Les cabanes du Club alpin autrichien se révèlent partout des « hôtels de montagne » bien tenus, au contraire de nos cabanes du CAS, dans lesquelles tout est livré à l' individualisme.

Après une nuit quelque peu agitée — notre organisme doit s' habituer à l' altitude - nous nous équipons pour notre première ascension.

Dimanche: la paroi de Rofel ( 3354 m ) A 6 heures, nous sortons devant la cabane et nous commençons à monter le long de l' eau bruissante, en direction du glacier de Schweikert. Regarde par là, des bouquetins! me chuchote Sepp qui marche devant moi. En effet, nous découvrons, à quelque cinquante ou cent mètres au-dessus de nous, une vingtaine de ces équilibristes des rochers. Notre guide nous apprend que ces animaux proviennent de la colonie de la Bernina. Quelques-uns d' entre nous ne veulent pas perdre cette occasion et essaient prudemment de grimper dans les rochers pour fixer sur leur pellicule les bouquetins dont certains sont magnifiques.

Sur le glacier de Schweikert durci par le gel, nous suivons un éperon jusqu' à 2900 mètres d' altitude, et atteignons le pied de l' arête est, en tournant par le nord-est le glacier supérieur de Toten. Une escalade facile nous conduit par-dessus une vire blanche vers l' arête aérienne et découpée, et nous nous trouvons bientôt devant le passage-clé, un pilier splendide, qui plonge dans la paroi nord. La joie de grimper dans du granit avec de bonnes prises est malheureusement trop courte, et le chemin continue dans des éboulis; à 11 h 30, nous posons le pied sur le sommet Après un court repos, nous amorçons 1Aufnahme vom jj. August igs8: £inalrothorn, Ober Gabelhorn und Dent Blanche, vom Weisshort 2Aufnahme vom I. August 1938: Am Weisshorn-Nordgrat; Blick in die Westflanke 3Oberster Teil des Weisshorn-Nordgrates Photos Werner Letsch, Zollikon la descente par le couloir sud. Nous nous laissons glisser dans la pente, bien assurés par notre corde de 120 mètres, ancrée par des vis à glace. Dans la partie inférieure du couloir de glace, Georges et Walter d' une part, Heinz et moi de l' autre, sommes entraînés dans une glissade involontaire, qui pourrait devenir dangereuse, lorsqu' on songe à nos souliers armés de crampons. Comme les pointes crochent mal dans la neige fondue, nos deux cordées glissent sur quelques mètres, vers l' extrémité du couloir. Cependant, à part quelques égratignures, cette aventure se termine en douceur.

Bientôt nous nous retrouvons sur le glacier, et, à 14 h. 30, nous atteignons la cabane hospitalière. En fin d' après, nous suivons avec plaisir une leçon instructive de Sepp sur le maniement de la corde. Mais, au moment de gagner nos couchettes, nous percevons, avec de tristes mines, le bruit des gouttes de pluie qui tombent sur les tôles et sur le bois.

Lundi Dès le réveil, je consulte l' altimètre, et je constate avec déception que la pression atmosphérique est descendue de Io mm. Un coup d' œil aux nuages de pluie confirme cette triste découverte. Pourtant, après une effusion de « b' jour », nous chargeons nos sacs sur les épaules, et nous marchons, entre des buissons de rhododendrons en fleurs, en direction des tours de Madatsch. Après une bonne heure, la paroi nord encore vierge de la tour de Verpeil entre dans notre champ de vision. Sepp et moi discutons d' un itinéraire éventuel. Cependant la pluie qui tombe sans arrêt ne permet aucune ascension de haute difficulté. A 2700 mètres d' altitude, au pied des tours de Madatsch, la neige, le tonnerre et les éclairs s' ajoutent à la pluie, de sorte que notre détermination d' escala ces tours est bientôt abandonnée. Nos parapluies pliables nous rendent d' immenses services, mais ils ploient presque à se rompre sous le poids sans cesse grandissant de la neige. Encor- dés, nous passons, pareils à deux groupes de danseurs, du col de Madatsch ( 3010 m ) sur le glacier de Planggeross, en direction de la cabane du Kaunergrat ( 2811 m ), que nous atteignons aux environs de midi. Jean Rosset se montre récalcitrant, si bien que nous sommes contraints de passer l' après assis dans la cabane, et le visage sombre. L' accorte jeune fille qui nous sert ne réussit guère à rasséréner notre humeur. Pour comble de malheur, certains d' entre nous doivent passer la nuit sous une seule couverture. Même en étant serrés les uns contre les autres, nous ne cessons de claquer des dents.

Mardi: la pointe de Verpeil ( 3425 m ) On comprendra que notre premier regard soit pour le temps. Nous constatons qu' il est tombé vingt à trente centimètres de neige fraîche. Nous nous décidons pourtant, puisque le ciel n' est que peu nuageux, à gravir la pointe de Verpeil par la voie normale. A 7 h 30, nous nous mettons en route. En cordées de deux et de trois, nous montons à travers le flanc ouest, vers la grande selle neigeuse. Parmi des congères souvent énormes, nous cherchons des prises pour les mains et pour les pieds. Nous nous assurons, car, sous la neige, le rocher est glacé ou mouillé. A 11 h 30, nous sommes au sommet, mais le vent glacial ne nous engage pas à nous attarder. Sepp organise immédiatement la descente, que nous entreprenons, tous encordés au même filin. Lentement, mais sûrement, nous rejoignons le pied du flanc ouest, et à 14 heures déjà, nous nous restaurons de délicieuses côtelettes.

L' après, les assoiffés d' action font de la gymnastique sur les rochers environnants. J' équipe de pitons une traversée ascendante ( IV ), de sorte que tous peuvent venir à bout de ce passage. La descente est faite d' un rappel aérien et surplombant de quarante mètres.

Après des spaghetti à la bolonaise et un verre de vin, nous nous enroulons dans nos couvertures, car la diane doit sonner demain à 5 heures.

S

« Wtr 1 uè sur la Weisseespitze ( 3526 m ), enfin de journée loto Walter Meier, Bale Vild Spitze ( 3770 m ) loto Lisa Gensetter, Davos Remarques:

DéniveIJation totale à la montée: 6345 mètres à la descente: 5700 mètres Total des heures de marche effectives: 44 */2 Dénivellation totale: 12 050 mètres Par heure = 270 m ( sans tenir compte de la distance parcourue ) ir Jeu.Ven.Sam.

6«7«8e jours 1000 Mercredi: Watzespitze ( 3533 m ) Un ciel sans nuages donne des ailes à nos préparatifs: sept d' entre nous sont déjà en chemin à 6 heures, tandis que Heidi, Franz, Fredi et Willi projettent l' excursion un peu moins pénible du Schwabenkopf ( 3379 m ). La neige tombée le jour précédent et pendant la nuit a fait échouer nos projets d' escalader les arêtes est ou ouest. Comme second choix, nous nous décidons pour l' itinéraire de glace. Sous le premier sérac, nous nous encordons en deux groupes: Sepp conduit la cordée d' Adam et Hans, moi-même celle de Walti, Georges et Heinz. Comme deux d' entre nous n' ont que peu d' expérience à marcher avec des crampons, Sepp taille les marches de la première longueur. Le temps qu' il y met nous permet d' admirer l' impressionnant panorama qui nous entoure dans la lumière du matin. Seuls les coups du piolet interrompent le calme bienfaisant. Nous nous trouvons bientôt au milieu d' un labyrinthe de crevasses; pourtant le valeureux « Seppi vo Feichten » monte sans se tromper vers le premier plateau du glacier, que nous traversons sous l' ardeur d' un soleil brûlant. Le long de la puissante rimaye, certainement large de dix ou quinze mètres, nous nous élevons par le deuxième couloir, et sommes bientôt sous le deuxième plateau. Nous le traversons, puis l' itinéraire nous conduit par un goulet glacé ( 40-50 degrés ) à la brèche la plus profonde de l' arête sud. Là, nous nous débarrassons de nos crampons et avançons vers le sommet par une escalade plaisante et aérienne. En haut, un cirque imposant de sommets nous accueille, dont les plus connus sont le Grossglockner, l' Ortler, la Wildspitze, et, tout là-bas dans le lointain, le massif de la Bernina.

Après une bonne heure de repos au sommet, nous descendons par les dalles de la paroi sud, contournons par la droite un gigantesque miroir qu' abrite un grand toit, et « atterrissons » sans grande fatigue sur le deuxième plateau du glacier. La glace, dure ce matin, est ramollie, et il nous paraît sage de poursuivre la descente assurés. Le dernier de cordée assure les compagnons qui le précèdent au piolet planté profondément dans la glace et, quand la corde est entièrement déroulée, il descend à son tour. Naturellement Passurage personnel des autres membres de la cordée est très important pendant cette seconde phase de l' opération. Au cours de la descente, l' aisance de chacun grandit. En bonds audacieux au-dessus des crevasses et des rimayes, nous nous rapprochons du dernier abîme. Sepp taille un champignon de glace auquel il ancre une corde de réserve, et c' est en nous tenant à cette main courante, dans la ligne de pente ( 40 degrés ) que nous atteignons rapidement le pied du glacier. Puis nous nous hâtons vers l' accueil cabane du Kaunergrat et en franchissons le seuil à 17 heures, après onze heures d' exercice.

A nouveau, le ciel se couvre de nuages gris. Nos estomacs affamés et nos gorges assoiffées sont apaisés par un émincé de veau et un verre rouge. Le vin contribue à la joie que nous procure la réussite de cette course, point culminant de la semaine. Mais nos membres fatigués aspirent au repos, et, lentement, nous disparaissons les uns après les autres, à l' exception de Sepp et de Franz, que la gentiane retient fermement dans la cuisine. Avec des grognements, Franz débarrasse enfin sa couchette des cordes et autres pièces d' équipement avec lesquelles il l' avait barricadée, tandis que Sepp lui prodigue des conseils tels que: « Tu n' as pas besoin d' oreiller; prends donc tes crampons! » Jeudi. Passage d' une cabane à l' autre, jusqu' à la maison de Taschach Un brouillard épais et le givre qui recouvre tout donnent à ce matin-là un caractère particulier. Nous nous mettons en route à 8 heures. Bientôt la pluie nous tient à nouveau compagnie, et elle rend délicat le passage-clé, équipé de câbles et d' échelles, du chemin conduisant à la cabane de Riffelsee. « Franz-la-gentiane » souffre visiblement des effets de la nuit précédente. Après avoir déjeuné dans cette cabane du Club alpin autrichien, nous nous remettons en route dans la purée de pois, et arrivons, après plus de six heures de marche, à la maison de Taschach ( 2434 m ). Malgré les transformations en cours, nous trouvons une chambre bien chauffée, et pouvons nous attendre à une bonne nuit. Pourvus de couvertures de laine douces et neuves, nous passons en effet une nuit très confortable.

Vendredi: col de Taschach - cabane de Vernagt — Fluchtkogel — maison de Brandenburg Vers quatre heures, Sepp regarde le temps, car aujourd'hui la Wildspitze, le point culminant, est au programme. Son rapport est écrasant:

II a neigé et je ne vois pas à un mètre. Nous nous glissons à nouveau sous les chaudes couvertures, et vers huit heures, résignés, nous nous levons pour gagner la maison de Gepatsch en passant par le col de l' ölgruben. La pensée de manquer le détour par la paroi nord de la Wildspitze ( 3770 m ) me ronge le cœur. Brusquement, à 2700 mètres, la couverture de brouillard se déchire. Au-dessus de nous s' étend un ciel étincelant, légèrement nuageux. Immédiatement nous discutons notre position, faisons le compte de nos provisions et de notre équipement, et décidons de monter en direction de la cabane Vernagt. Après nous être répartis en cordées, Sepp, toujours soucieux du bien de ses « clients », nous conduit à travers la région crevassée à l' ouest de l' Urkund du Pitztal; plus loin, nous montons jusqu' à la selle de l' Urkund. Sous le soleil brûlant même à travers le brouillard élevé, nous atteignons le col de Taschach ( 3240 m ) en enfonçant parfois jusqu' aux genoux. De là, nous apercevons, furieux et la mort dans l' âme, deux groupes qui descendent de la Wildspitze. Après encore une heure de marche sur le glacier de Vernagt, nous nous mettons à table dans la cabane du même nom.

De la maison de Taschach à la cabane de Vernagt, on compte environ six heures de marche. Restaurés, nous nous tournons vers le Fluchtkogel. En montant par la moraine « 1850 », nous atteignons les 3000 mètres et le glacier, et arrivons au col supérieur de Guslar ( 3360 m ) vers 17 heures. Là, nous entreposons les sacs et nous hâtons, allégés, vers le sommet ( 3500 m ), que nous foulons dans une atmosphère vespérale inoubliable. L' heure et le spectacle sont favorables aux photos à contre-jour. Malheureusement les mots appropriés me manquent pour décrire ce que nous voyons et ressentons ici. Les superlatifs habituels me paraissent trop lourds pour un moment aussi extraordinaire. L' ami de la montagne les garde dans son cœur pour s' en souvenir sa vie durant. Je regrette seulement que Werner Menseler ne soit pas parmi nous.

Par un vent du sud opiniâtre et quelques degrés de froid, nous marchons péniblement, protégés par nos survêtements, vers la maison de Brandenburg ( 3270 m ). A 18 h 30, nous plions avec joie la corde gelée. Cette course a remplacé valablement la Wildspitze et s' est fort bien achevée: dix heures et demie de marche effective et une dénivellation de 1550 mètres. Mention spéciale à la petite Heidi. Bravo!

Mais, maintenant, nous nous régalons de goulasch ou de « rippli » avec de la bière. Avant d' aller nous étendre pour la nuit, je sors encore une fois devant la cabane. Le ciel est criblé d' étoiles; la Voie Lactée est clairement visible; au sud, dans le lointain, frémissent des éclairs de chaleur. Si le vent glacial ne me hurlait pas aux oreilles, c' est en plein air que je dormirais le plus volontiers; cependant je rentre dans la cabane.

Samedi: Weisseespitze ( 3526 m ) Rien ne nous pousse à nous hâter ce matin, car un coup d' œil par la fenêtre nous promet un jour rayonnant. A 7 h 15, nous marchons en trois cordées sur le glacier de Gepatsch, le long de la frontière italo-autrichienne. Peu de temps après, nous apercevons des bandes de nuages noirs et menaçants qui se déplacent rapidement du sud au nord. Au bout d' un quart d' heure, le brouillard nous enveloppe, et les cristaux de neige s' installent dans nos barbes de belle apparence. En cagoule et la casquette enfoncée jusqu' aux oreilles, nous nous débattons pour gravir les derniers mètres du sommet convoité. Une poignée de main, et déjà nous nous tournons vers la descente, par l' arête nord-est. A un rythme rapide, nous traversons le grand glacier de Gepatsch, de plus de vingt-cinq kilomètres carrés, surnommé « le Bourbier ».

A la cabane Rauhkopf ( 2732 m ), nous faisons la connaissance d' un groupe d' étudiants de l' Uni de Giessen, qui a la tâche de mesurer la partie inférieure du gigantesque fleuve de glace.

Nous mangeons un morceau et reprenons la route en direction du Kaunertal. A 2000 mètres, la neige fait place à la pluie, et nous nous rapprochons rapidement de la maison de Gepatsch ( 1928 m ) sous nos tom-pouce. Après notre longue marche dans la neige et sous l' effet de l' eau qui pénètre de partout, nos souliers peuvent se comparer à des éponges bien imbibées, et nous sommes heureux de savoir que nous pourrons bientôt nous en débarrasser.

Dans le bus VW de Sepp, nous longeons le lac artificiel de Kauner jusqu' à Feichten, où nous sommes cordialement accueillis. Quelques représentantes du sexe « faible » paraissent effrayées à la vue de nos visages barbus. Mais nous sommes décidés à importer dans notre pays, et sans payer de douane, ces touffes de poils.

Nous nous installons dans la chambre accueillante de l' Edelweiss, et nous apprêtons à passer notre dernière soirée dans ce Tyrol hospitalier.

De la cuisine de Sepp, on nous sert une oie rôtie, que nous dégustons lentement; pour réjouir pleinement nos palais, notre ami nous régale encore d' une omelette norvégienne. Nous conversons amicalement, et c' est aux sons d' un duo autrichien que se termine notre semaine de 1 Albanie septentrionale: Massif du Korab, dont le sommet principal ( ajjßm ) est le le plus élevé de l' Albanie courses. Par quelques paroles chaleureuses, Franz remercie avec émotion notre cher Sepp de son travail, et lui offre un piolet gravé de nos noms, en signe de gratitude pour ses services et sa camaraderie exemplaires. Il remet également à chaque participant une jolie assiette gravée. Le plus merveilleux de toute la soirée, ce sont toutefois les lits moelleux.

Dimanche Un jour sombre et brouillardeux se lève lorsque, sous les cris d' adieu, nous partons en voiture pour Landeck, où, à dix heures, nous montons dans le train à destination de la Suisse. Nous rentrons chez nous pleins d' impressions, de souvenirs et avec la certitude de rencontrer bientôt de nouveau notre ami « Seppi vo Feichten ».

( Traduit de l' allemand par Catherine Vittoz )

Albanie

Fritz Lôrtscher, Berne Pendant cinq ans, un groupe d' alpinistes suisses et autrichiens avait vainement attendu un visa pour un voyage en Albanie. Alors que tout espoir semblait perdu, l' autorisation arriva pourtant, et en 1966, pour la première fois, des Européens de l' ouest purent traverser en long et en large ce pays hermétiquement fermé depuis la guerre. Des permissions spéciales furent encore nécessaires, de district à district, et nous fûmes toujours accompagnés d' un fonctionnaire, aussi bien dans les montagnes frontière sévèrement gardées de la Yougoslavie que sur la côte.

Se rendre en Albanie représente déjà une petite aventure. Comme aucune voie ferrée n' y conduit, qu' un voyage par mer est long et compliqué, seul l' avion reste en cause. Le parcours se fait de Vienne par Budapest et Belgrade sur Tirana, au moyen d' un ancien bimoteur Tupolev russe appartenant à une compagnie tchèque.

Peu après la plaine du Danube, un monde de montagnes escarpées apparut à nos yeux, et une violente lumière étincela à l' horizon: l' Adriati. A l' arrivée à Tirana, les sommets rocheux des Alpes de l' Albanie du Nord s' érigeaient, puissants, dans le ciel. Aussi loin que va le regard, des chaînes un peu moins hautes s' élèvent derrière, sauvages et profondément déchiquetées. Très bas luit le Lac de Scutari, que traverse la frontière entre la Yougoslavie et l' Albanie.

Une curiosité européenne Bien que située près de l' Europe centrale, l' Al est le pays d' Orient qui s' est dérobé le plus longtemps sans doute à l' influence de l' Occident et nous apparaît de ce fait très étranger et lointain. Pays plein de romantisme et de contrastes mystérieux, qui donne au visiteur l' impression d' un saut dans le Moyen Age. Une grande partie de la population est musulmane. Le pays a environ les dimensions de la Belgique. Les Shkipétars ne sont ni des Slaves, ni des Latins, mais descendent des anciens Illyriens, une race indépendante, d' origine indo-germanique.

Pays montagneux, doté de nombreux lacs, de hauteurs boisées, de sommets enneigés en hiver, il rappelle un peu la Suisse. Le sous-sol est très riche, mais presque inexploité, fouilles et aménagements étant inexistants ou commençant seulement à être mis en oeuvre ( 1966 ).

De la charrue de bois à la batteuse Avant la guerre, « l' industrie » se bornait à un petit artisanat. Depuis lors, les Russes, les Etats de l' Est, actuellement les Chinois, tentent de faire de ce pauvre vestige du Moyen Age un Etat à demi industrialisé. A la fin de la guerre - à l' exception de Tirana, la capitale - il n' existait pratiquement ni électricité, ni routes carrossables, ni chemins de fer dans tout le pays. Seule une petite couche supérieure de la population avait vécu largement du commerce jusqu' à ce moment. La plus grande partie des habitants travaillait dans les champs des grands propriétaires pour un salaire modeste.

Hrokaster, l' ancien Argyrocastron, près de la frontière grecque. Toutes les maisons sont recou-'tes de dalles de pierre. Les pentes douces de l' arrière montent jusqu' à 2300 mètres.

Ibanie centrale. Construction typique de l' époque de la vendetta: les Kullas, maisons des proscrits.

loto Fritz Lörtscher, Berne Par des crédits à long terme et une aide technique, l' Union Soviétique tendit une main secourable au petit frère de l' Adriatique. Les Etats de l' Est offrirent aussi leur appui. Les premiers rails furent posés sous conduite tchèque.Vers 1965, le réseau ferroviaire comptait 137 km et reliait le port de Durrës à Tirana et à Elbasan. Les Hongrois et les Allemands de la République démocratique s' occupèrent de la mécanisation de l' agri, et leur appui permit la création de conserveries de poissons, de légumes, de fruits. La Bulgarie et la Pologne installèrent d' importants barrages et une grande centrale électrique sur le cours supérieur du Mati. Des camions et des autobus permirent un trafic plus moderne. Les contrastes sautaient aux yeux: pendant le parcours d' Elbasan à Korça, on voyait encore des paysans travailler la terre aride avec d' antiques charrues de bois tirées par des mules ou des ânes. En revanche, dans la plaine d' alluvions fertiles de la Myze-que, des moissonneuses-batteuses fonctionnaient déjà. Une mine fut ouverte pour l' extraction du cuivre, et une raffinerie de pétrole installée à Sta-lindstadt ( autrefois Kuçova ).

En 1960 survint la rupture avec l' Union Soviétique. Les techniciens russes rentrèrent chez eux, et les Chinois s' installèrent dans le très exclusif hôtel « Daiti » à Tirana. Les crédits russes furent dénoncés, de nombreux travaux restèrent inachevés, et pas seulement dans l' industrie. Et ce que les Chinois livrent encore dans le port toujours surencombré de Durrës ( Durazzo ) n' est plus qu' un fragment de l' aide apportée auparavant par l' Union Soviétique et ses satellites.

De l' Agrarland arriéré à l' Etat industrialisé Revenus d' une expédition dans la « Muraille calcaire de Kruja », nous nous trouvions dans la large vallée au-dessous du Skanderberg, territoire où l'on a prévu l' installation d' un important com-binat chimique. A Elbasan, nous vîmes une usine nouvelle pour l' exploitation du bois et une fabrique de cigarettes; à Fier et à Vlora, des fabriques de chaussures et de ciment. Les usines possèdent leur Les Alpes — 1970 — Die Alpen propre force thermique, alimentée par le charbon du pays. Des cheminées fument maintenant en Albanie: Signe de vie nouvelle et de développement! On produit du savon, des médicaments simples, si bien qu' une région agraire, aussi désespérément retardée que l' était l' Albanie, est en train de devenir un pays moderne, à la recherche du progrès.

Montagnes albanaises La structure superficielle de ce pays perdu est assez compliquée. Son relief se présente avec un changement radical des formes quand on pénètre de la mer à l' intérieur. Tenant compte de cette structure, on peut diviser l' Albanie en trois parties: l' Albanie littorale, l' Albanie intérieure et les Alpes albanaises du Nord.

L' Albanie littorale est séparée de l' Albanie intérieure par une chaîne de montagnes qui commence, au nord, vers la ville de Shkoder ( Scutari ) et s' achève dans les massifs de Kruje, Mali Shapit et Gur i Topit. Ceux-ci s' étendent jusqu' à la haute plaine de Voskopoj et jusqu' au Bassin de Kolonja. Dans la partie septentrionale touchant à l' Adriatique, la région côtière est plate ou légèrement ondulée; au sud, partiellement baignée par la Mer Ionienne, elle est montagneuse. La plaine littorale albanaise, dont la largeur oscille entre quelques kilomètres et une trentaine, va du Lac de Scutari, au nord, à la Baie de Vlona ( Vlora ), au sud. Cette plaine s' élève jusqu' à deux cents mètres et entoure le bas pays de Shkoder, les vallées du Mat, de l' Ishm, ainsi que la dépression de Muzaki.

Les hauteurs de l' Albanie du sud s' étendent du NO au SE. Le massif du Tomor, haut de 2480 mètres ( à l' est de la ville de Berat ), et celui du Nemerck avec le Majé Papingut ( 2486 m ) en font partie. Enfouies dans les chaînes de montagnes, les vallées de la Vijose, du Drin, de la Shushica et d' autres rivières coupent les crêtes par endroits, et forment des gorges typiques. Du Cap Linguetta à la Baie de Votrinto s' élèvent le Karaburun et le massif du Himara, sommets calcaires, gris, pelés.

Les parois tournées vers la mer sont rocheuses et raides; la chaîne aride du Himara, peu peuplée.Vers la ville de Himara les montagnes s' éloignent de la côte et forment une bande étroite de pays plat et au climat particulièrement doux, la « Riviera albanaise ».

L' Albanie intérieure se trouve à l' est de l' Alba littorale et au sud du Drin. Cette région se caractérise par de nombreuses chaînes s' étendant du nord au sud. On peut en distinguer trois grandes qui s' allongent vers le sud: la chaîne centrale de l' Albanie intérieure et celles qui la flanquent à l' est et à l' ouest. La chaîne centrale s' étend du Drin, au nord, au massif du Mokres, au sud. La partie méridionale qui s' étire jusqu' à la crête du Zepe ( au nord ) se compose d' une série de sommets atteignant jusqu' à 2000 mètres ( Mokres, Mali Pishkashit et Mal i Shebenikut ). La haute plaine de Golloberda sépare l' Albanie intérieure septentrionale de la méridionale. Dans la partie nord de la chaîne centrale, la région montagneuse de la Merdita, les sommets culminent à de faibles altitudes. La vallée du Drin Noir forme une série de cuvettes grandes et petites, coupées par de gorges. S' y rattachent les cuvettes du Lac d' Ohrid auquel se joignent, au sud, la plaine de Korea, puis les bassins de Dibra et de Peshkepjie, les plus petites cuvettes d' Ujmishte et de Bicaj, et finalement au nord les vallées de Krume et de Valbone.

A l' est du Drin Noir s' érigent, du sud au nord le long de sa vallée, les hautes cimes du Stegovo et la longue chaîne déchiquetée du Kora avec son sommet de 2764 mètres, le point culminant de l' Alba. Plus au nord encore, les massifs élevés du Dja-lica e Lûmes et du Koritnik ( 2500 m),séparés l' un de l' autre par la gorge profonde du Lûmes. Au nord du Koritnik se situe le massif du Beshtriq.A l' ouest de la chaîne centrale se creuse une vallée étroite formée de plusieurs cuvettes. Sur sa rive ouest, une série de crêtes. Cette vallée est divisée par le haut pays de la Cermenika en une partie septentrionale ( bassin du Mat et vallées moins importantes au nord de celui-ci ) et une partie méridionale, coupée par le fleuve Shkumbi.

La région septentrionale se compose de trois chaînes parallèles: à l' ouest par la chaîne du Kruje avec ses 1600 m, ses parois raides, coupées par les lits des rivières sortant du massif du Skan-derbegut, par la chaîne médiane, la région du Skanderbegut qui forme la ligne de partage des eaux. Au nord-ouest se trouve le Mali Shapit et, à l' est de celui-ci, le Mali Polisit. Les deux chaînes se rejoignent au sud et forment la crête du Gur i Topit dont les hauteurs culminent jusqu' à 2379 mètres. Plus au sud encore s' étendent la Suha Gora, le massif du Koshnice et la région montagneuse de Voksopoj qui touchent au massif de l' Ostravice et au bassin de Kolonja, au sud.

Les Alpes albanaises septentrionales au nord du Drin se présentent sous forme de sommets calcaires, allant de 2000 à 2460 mètres. Ces sommets occupent du SO au NE une bande longue de 50 kilomètres et large de 20 kilomètres. Les Alpes de l' Albanie du Nord se caractérisent par des crêtes acérées, tourmentées, coupées de nombreuses vallées abruptes et de torrents.

Alpinisme en Albanie Du point de vue de l' alpinisme, seules les Alpes de l' Albanie du Nord, avec leurs amoncellements de rocs calcaires, offrent des ascensions intéressantes. Comme il s' agit le plus souvent de chaînes frontière avec la Yougoslavie, des autorisations spéciales sont nécessaires pour y pénétrer. Les massifs de l' Albanie intérieure et méridionale, plus faciles à atteindre grâce à leur situation, sont plus propices aux excursions qu' aux ascensions. L' alpiniste cherchera vainement des guides, des refuges ou autres abris possibles. En l' absence de chemins de fer et de routes praticables, beaucoup d' expéditions rencontrent des obstacles dès le début. Tentes, matériel, vivres doivent être transportés à dos de mulet dans les vallées supérieures, souvent arides, solitaires, vierges. Le manque de voitures particulières adéquates nous a souvent obligés à avoir recours à des camions d' origine russe ou tchèque jusqu' au terme des routes dans les vallées.

L' argent ne joue pas ici le rôle primordial, mais la patience, encore la patience, toujours la patience jusqu' à l' obtention du visa pour la province envisagée, jusqu' à ce que les mulets et les ânes indispensables soient trouvés et bâtés. Chaque expédition s' accompagne inévitablement d' un fonctionnaire du tourisme albanais — obligation à la fois avantageuse et préjudiciable. ( Traduit de l' allemand par E.A.C. )

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