Vivre
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Au début de ces belles vacances nous pensions qu' après les différents séjours faits dans ce pays et ces belles randonnées les Grisons nous seraient familiers. Eh bien! il n' en est rien. Si nous avons parcouru de belles contrées, nous en avons entrevu de plus belles encore et nous n' avons qu' une envie: continuer notre voyage en zigzag.

Vivre.Par Paul Schnaidt.

«... on vit fort, tant que le cœur palpite fort... » Tsunao Miyajima. « Respirer, c' est vivre, Bien respirer, c' est bien vivre. » La joie de vivre, le bonheur de vivre, ah! ces mots pleins d' enthou, tout empreints d' une folle ivresse, ces mots qui semblent pour quel-ques-uns un songe lointain, un rêve caressé, une réalité à laquelle ils désireraient atteindre, mais où la volonté ne suit pas le désir, ou souvent, désir trop peu ardent, trop peu croyant en son propre pouvoir. Doute, hélas! qui anéantit tout, qui détruit tout. Douter? non, on n' a pas le droit de douter; est-ce parce que le soleil aujourd'hui ne luit pas qu' il ne faut pas croire en son existence?

Le montagnard, le vrai, lui, ne doute jamais, si ce n' est de la folie des hommes! Il est de nature optimiste et, le ciel est-il chargé des nuages les plus noirs, toujours il espérera un petit rayon de soleil qui viendra lui sourire, et il sera heureux de ce peu.

Les problèmes les plus compliqués se présentent chaque jour à notre entendement et les événements nous associent à toutes les peines et à toutes les misères de l' heure présente; on voudrait oublier qu' il est question de conflits armés, on voudrait pouvoir oublier les luttes pour l' existence, on voudrait pouvoir oublier comme un souvenir, un cauchemar, une obsession, une honte même, l' horrible fléau qu' est le chômage, on voudrait qu' un peu de bonheur soit pour tous...

Vivre! oui, vivre!

Le montagnard, s' il vivote six jours de la semaine, vit pleinement, le septième, il le vit bien, et le souvenir de ce jour de « bien vivre » durera jusqu' au jour où déjà celui qui va absorber ses pensées va venir, car vivre, bien vivre avec « Elle », c' est tout le désir d' une âme simple, saine. Elle, avec une majuscule immense, immense, Elle, la montagne.

« On vit fort, tant que le cœur palpite fort. » Je méditais les paroles si vraies de cet auteur japonais lorsque trois amis me tirèrent de ma torpeur et m' obligèrent bien vite à m' asseoir au volant de ma rapide 301 qui devait nous sortir de cette atmosphère écrasante moralement et physiquement, sortir de dessous ce rideau qui nous cachait la réalité, le ciel bleu, le soleil!

Et nous voilà quatre gais compagnons, quatre amis, sur la route froide, le jour à peine levé, glissant à vive allure à travers le brouillard. Dans les champs alentour, à peine visibles, de la neige, oh! un peu de neige, juste assez pour faire douter, hésiter les « pas purs ». Nos planches frétillent-elles d' aise à l' idée de pouvoir bientôt voler sur les pentes raides ou hurlent-elles de douleur sous les chocs de la route, parce que mal attachées dans le spider, on ne le saura jamais: respirer, c' est vivre, bien respirer c' est bien vivre, surtout lorsqu' on est obligé d' ouvrir la vitre et que le froid perce tout!

Mais la montée de Mieussy a raison de tout, le brouillard est loin derrière nous; oh! le ciel bleu, le soleil sort de derrière les crêtes blanches; alors c' est tout le charme de cette superbe vallée du Giffre, charme sauvage sous son manteau dominical, Taninges, Morillon, Le Verney. Halte! intrépide 301, tu vas rester sage jusqu' à ce soir. A nous, fidèles skis, tout là-haut, oui là-haut est notre but, la Tête de Pré-de-Saix ( 2125 m .) qu' on devine blanche à travers les coupes de forêts noires. Quelques maisons rustiques, une minuscule chapelle, des gens affables, voilà le hameau de Verney situé entre Morillon et Samoëns à 665 m.

Charmant départ par un petit bois, quelques prés à peine recouverts de neige durcie; skis sur l' épaule on marche, on grimpe, on devise, on parle, on discute et je ne sais pourquoi cette idée m' obsède de plus en plus: « vivre fort », oui une journée comme celle qui s' annonce en ce beau dimanche de janvier, n' est pas là la vie, la vraie vie, la vie saine, la vie bonne?

.. L' un de nos amis revient de Cuba, des Etats-Unis, l' autre sort de sa boutique, le troisième de sa banque et moi de la conférence des quarante heures, oh! quels contrastes, toute cette agitation vaine en face des merveilles toujours plus grandioses de la nature, en face de ces sommets enneigés, fiers sous le soleil radieux...

Ah! mais ici on respire bien!

Et, sans nous en apercevoir, nous avons déjà grimpé fort haut, les skis aux pieds, la neige est belle et abondante, le paysage si varié et si pittoresque. Nous voilà aux chalets de d' en, une courte partie assez scabreuse à remonter dans une coupe de bois très raide(oh! descente !) nous conduit bientôt aux chalets de Saix ( 1613 m. ). Vue admirable sur le Buet, les Grands Vents, la Tête de Pré-de-Saix, la Tête de la Kédenza, la Croix des 7 Frères et toutes les pentes admirables qui descendent vers le Giffre. Au fond la masse plantureuse du Môle coiffé d' un casque blanc et dans une brume exquise se dessine au loin la ligne monotone mais belle du Jura. C' est beau! Nous n' avons mis que deux heures. Après un court arrêt, nous nous remettons en marche pour le sommet, trajet des plus variés et des plus intéressants, trajet qui va donner de folles jouissances à la descente! Une crête, un dos d' âne, un petit plateau, puis des pentes, des pentes raides, raides, et enfin le sommet est atteint en une heure et demie. Nous sommes sur ce sommet prodigieux qu' est la Tête de Pré-de-Saix.

Quelle vue! les yeux ne suffisent pas à fixer dans le cerveau la splendeur de ce paysage: à gauche, en regardant vers le nord, la vallée de l' Arve, à droite celle du Giffre, toutes deux embrumées d' un léger voile bleu, puis la Pointe Percée, les Dents Blanches, le Buet, l' Aiguille Verte, un monde de beautés, et quels éclairages, quels contre-jours... bien respirer, c' est bien vivre... on vit fort, oh! oui, parce que le cœur palpite fort et pourquoi?

. Nous sommes en face de la vraie, de la seule réalité, belle, celle que les hommes ne font pas miroiter devant nous avec des discours, des promesses...

Nous décidons de dévaler les pentes qui descendent jusqu' aux chalets de Vernant par le Col des Grands Vents; quelle neige, un trait, et quelle griserie! De nombreux skieurs amis montent d' Araches par le Carroz, viennent des Grangettes, la jolie cabane de la section genevoise, par le Mouillet et la Combe de Vernant.

Saluti salut! mot qu' on n' entend à peine...

Puis, ce sont quelques doux instants au soleil, devant les chalets! ah! quelle joie de vivre, de se laisser caresser par tant de douceurs. Après un bon arrêt nous remontons au Col et à la Tête de Pré-de-Saix, préparons nos skis pour la descente et oust!...

Voilà la folle vitesse, les virages arrachés, parfois un petit crochage, une chute même, un schuss, puis un arrêt aux chalets de Saix et on continue. Ce sont de ces choses qu' on ne raconte pas, il faut les vivre soi-même: on ne raconte pas une descente en ski, les mots ne vont pas assez vite!

Et lorsque le soleil lèche les crêtes du Crion et des Dents Blanches, nous nous retrouvons les quatre bons amis autour d' une table hospitalière et d' un café exquis du Verney!

Et la 301 ronfle sur la route, elle est contente, elle aussi, elle va vite; trop vite ses huit chevaux nous enfoncent dans la nuit et nous ramènent là où nous essayons de respirer, alors que nous venons de bien respirer durant un long jour!

Ah! puissions-nous souvent encore, chers amis, sentir palpiter fort notre cœur d' un commun accord, avec le même idéal, la même pensée! Alors plus tard, bien plus tard, nous pourrons nous endormir en disant:

« Je ne regrette rien, j' ai bien vécu! »

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