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Zones humides de montagne. Un monde riche et fascinant

Zones humides de montagne

Contrairement à la plaine, où les zones humides ont massivement disparu au XX e siècle à cause des activités humaines, la montagne en abrite encore un large éventail: lacs, étangs, marais ou torrents.

A condition de s' agenouiller sur le sol tourbeux ou de se poster le long d' une rivière, le promeneur attentif – et respectueux – peut découvrir les richesses de la nature. En cette Année internationale de l' eau douce, nous vous proposons une balade au pays de la linaigrette, du cincle et de la grenouille.

Lacs profonds et étangs aux dimensions modestes Il y a davantage de lacs et d' étangs en altitude qu' en plaine, où ils ont souvent été comblés. Les lacs occupent par exemple des dépressions glaciaires ou des espaces délimités par des éboulements, voire des moraines. Ils sont alimentés par la nappe phréatique et les eaux de ruissellement recueillies sur les versants voisins. La principale caractéristique du lac est sa profondeur qui, en retenant la lumière, empêche la végétation de le coloniser entièrement. Dans nos régions, les lacs présentent une végétation aquatique jusqu' à 2400 m environ. Au-delà, l' eau devient trop froide. La végétation lacustre de montagne diffère de celle de plaine. Plusieurs renoncules, potamots et rubaniers, avec leurs feuilles émergentes ou subaquatiques, y dominent. Toutefois, la plante la plus typique est la linaigrette de Scheuchzer, aux fleurs évoquant des boules de coton. Quant aux étangs, leur végétation est plus dense en raison de leur faible profondeur qui permet à la lumière d' en atteindre le fond. Mais à terme, les dimensions modestes de l' étang entraînent son comblement et sa transformation en marais à cause du dépôt de sédiments et de débris végétaux.

Marais abritant une végétation variée La végétation très variée des marais plats ou bas-marais est dominée par les laîches qui ressemblent aux graminées. Certains types de bas-marais abritent aussi plusieurs orchidées: rares et menacées comme l' orchis des marais; ou plus courantes comme l' orchis incarnat, remplacé en altitude par l' orchis à larges feuilles. Citons également la jolie primevère farineuse avec ses fleurs roses, les grassettes, des plantes carnivores dont les feuilles absorbent les insectes qui s' y en-gluent, ou la rare gentiane pneumo-nanthe.

Les tourbières ou hauts-marais se distinguent des bas-marais par leur forme légèrement bombée. Il s' agit d' accumulations de tourbe, le plus souvent dans des cuvettes rendues étanches par l' argile ou la roche. Les sphaignes, des mousses fonctionnant comme des éponges, jouent un rôle capital dans la conservation de l' eau de pluie qui alimente la tourbière. Parmi les fleurs, la présence du trèfle d' eau indique un sol tourbeux. Les tourbières abritent également plusieurs plantes discrètes et parfois rares de la famille de la myrtille ( Ericacées ), qui y sont particulièrement adaptées.

Mais les zones humides ne se limitent pas aux milieux déjà évoqués. Il y a aussi des torrents tumultueux avec leur bordure de végétation luxuriante, des bisses ou des sources qui alimentent des marais de pente, etc.

Et les habitants de ces milieux?

Batraciens d' un abord facile Le promeneur aura peu de chance d' ob des poissons dans les rivières et lacs de montagne. Pourtant, truites fa-rios, vairons et ombles y vivent localement, parfois jusqu' à 2800 m d' altitude. En fait, la présence de truites est souvent due à des lâchers effectués par les pêcheurs.

Les batraciens sont d' un abord plus facile. Les plus fréquents dans les marais et les étangs de montagne sont le crapaud commun et la grenouille rousse. Il s' agit d' espèces distinctes qui se livrent néanmoins parfois à des joutes amoureuses insolites. Le phénomène s' ex en grande partie par l' étourderie des crapauds mâles, enclins à s' accrocher à n' importe quoi! Peu bruyantes, ces espèces se signalent surtout lors de leur période de reproduction en printemps. Grappes, cordons d' œufs et têtards trahissent également leur présence, de même que leurs armées de jeunes à peine métamorphosés.

Les étangs et les mares froides accueillent aussi le discret triton alpestre,

Cascade du Bas-Valais. Hormis leur valeur naturelle et économique, les zones humides de montagne constituent aussi un capital de poésie inestimable Lac du Chablais valaisan, 2000 m, en mai. Malgré la présence de neige et de glace résiduelles, les pariades des grenouilles rousses et des crapauds communs y battent leur plein Pho to s:

Ale xa nd re Sc he ur er Torrent de montagne au val d' Illiez, littéralement la vallée de l' eau. Au premier plan, le populage, une renoncule, s' épa dans cette humidité Petit lac du Bas-Valais aux eaux d' émeraude Etang tourbeux du Bas-Valais colonisé par le trèfle d' eau au premier plan LES ALPES 11/2003

dont le mâle se distingue par sa coloration ventrale orange vif. Au premier printemps, il supporte l' eau glacée des étangs partiellement gelés, jusqu' à plus de 2000 m. Puis viennent les accouplements, durant lesquels le mâle utilise sa queue repliée pour disperser son odeur vers la femelle. D' allure voisine, la salamandre noire ou des Alpes, surtout nocturne, se rencontre moins souvent. Toutefois, elle arpente volontiers son territoire de jour par temps pluvieux, et présente alors l' aspect d' un lézard noir et luisant, aux mouvements incroyablement lents et maladroits. Monde ailé Parmi les insectes, plusieurs libellules fréquentent les mares jusqu' à plus de 2500 m, comme l' æschne des joncs. Au printemps, leurs larves aquatiques et carnivores côtoient les tritons. Puis, la métamorphose s' effectue à l' air libre. Certains papillons sont inféodés aux zones humides comme le rare solitaire qui fréquente les tourbières alpines, le petit apollon qui recherche les ruisseaux bordés de saxifrages faux aizoon ou le nacré de la sanguisorbe qui habite les prés humides.

Certes, les zones humides de montagne sont loin d' abriter le large éventail d' oiseaux qui fréquentent celles de plaine. On y trouve néanmoins plusieurs espèces typiques. Parmi les plus communes, colverts et foulques peuvent nicher jusqu' à plus de 1800 m, dans de petits lacs ou même dans des gouilles minuscules pourvues de végétation. Les eaux courantes pures sont le domaine du cincle plongeur ou merle d' eau. Ce curieux passereau brun à la bavette blanche plonge dans les torrents pour trouver sa pitance, larves d' insectes et autres invertébrés. Son adaptation anatomique comprend une membrane qui lui couvre les yeux durant la plongée. Certains cincles gagnent la plaine en hiver, d' autres non. L' équivalent à poil du merle d' eau est un des plus petits mammifères d' Europe: la musaraigne

Torrent forestier du Chablais valaisan avec sa végétation luxuriante Mâle de triton alpestre, avec sa belle livrée nuptiale orange vif, sur les hauts de Martigny Grenouille rousse sur la terre ferme. Les amphibiens peuvent effectuer de longs déplacements hors de l' eau Æschne peu après sa métamorphose. Au bas de l' image, on distingue l' en ( exuvie ) qui abrite la larve aquatique de la libellule. Certaines æschnes se reproduisent à plus de 2700 m!

Pho to s:

Ale xa nd re Sc he ur er LES ALPES 11/2003 1 Il en existe en fait deux sortes presque indiffé-renciables.

aquatique 1. Mais si le cri aigu et la silhouette rasant l' eau du premier sont bien connus, la musaraigne est un fantôme aussi difficile à rencontrer que le lynx...

Pour compléter le triptyque, citons la bergeronnette des ruisseaux, elle aussi inféodée aux cours d' eau rapides. En montagne, l' ornithologue observe aussi des oiseaux d' eau peu fréquents. Encore récemment, il était rare d' y apercevoir un héron. Aujourd'hui, on peut rencontrer, même l' hiver, au val de Bagnes par exemple, des individus attirés par le repeuplement piscicole. Les berges des lacs alpins, jusqu' à 2500 m, peuvent aussi accueillir des hôtes de passage peu communs: petits échassiers migrateurs, chevaliers ou bécasseaux, transitant entre le nord de l' Europe et l' Afrique au printemps et en automne. Enfin, de rares lacs et étangs alpins riches en végétation abritent le minuscule grèbe castagneux, au chant évoquant un rire moqueur. Anciennes croyances Achevons ce tour d' horizon par un survol de la culture populaire. Car la faune des lieux humides a inspiré son cortège de croyances. La vouivre, un animal fantastique voisin du serpent, hantait jadis les lacs de montagne. On connaît aussi l' image maléfique du crapaud, son « venin » soi-disant mortel comme celui de la salamandre tachetée. D' ailleurs, pour nos aïeux, la seule vue de cette dernière pouvait causer du mal. Même la jolie libellule avait la réputation de posséder une piqûre mortelle ou de crever les yeux des hommes! a

Alexandre Scheurer, Martigny Nacré porphyrin recouvert de rosée. L' espèce est encore commune dans les prés et pâturages assez humides à végétation touffue ( Chablais valaisan ) Le chevalier gambette est l' un des petits échassiers les plus « souvent » remarqués en montagne, où la présence de ces oiseaux reste toutefois exceptionnelle Rivière du Valais central bordée de linaigrettes LES ALPES 11/2003

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