La Flore de la Suisse et sa protection
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La Flore de la Suisse et sa protection

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Par H. Correvon ( section Genevoise ).

La question de la protection de certaines plantes indigènes en Suisse a été posée à Genève il y a quelque 15 ans, peu après l' apparition du remarquable travail du docteur H. Christ, de Bâle: „ Das Pflanzenleben der Schweiz ". Une lettre de l' auteur de ces lignes avait paru dans le „ Journal de Genève " du 30 avril 1880, protestant alors déjà contre les ravages commis dans notre flore suisse par des marchands qui apportaient sur le marché de Genève de vraies montagnes de plantes rares arrachées dans la nature. Notre marché était alors inondé de ces plantes; l' Adonis vernalis arrivait par bottées des Folaterres; I' Atragene alpina, du Salève, le Cyclamen hederœfolium, des environs de Roche, etc. Et tout cela était là, gisant sur le sol, au gros soleil du printemps, offert à vil prix aux amateurs. Ce qui ne se vendait pas était jeté à la voirie; cela faisait mal à voir. Des espèces du plus haut intérêt pour la phytogéographie étaient arrachées sans pitié et la localité détruite sans qu' on se souciât de la chose. Et c' était alors par milliers que les petites plantes rares de nos montagnes prenaient le chemin de l' étranger, arrachées par des enfants ou des femmes sans expérience et expédiées, à tant le cent, par des „ agents " dans les centres horticoles de l' étranger. Du Sépey-sur-Aigle, il s' expédiait par 10,000 pieds à la fois des plantes telles que Anémones, Renoncules, Trolles, Primevères, qui s' en allaient périr misérablement chez les horticulteurs des pays voisins; ils en perdaient, de leur propre aveu, près du 90 oi' o, ces plantes étant mal arrachées et toujours expédiées à l' époque de leur floraison.

Les travaux du Dr Christ et les statistiques qui les suivirent éveillèrent l' attention des amis des plantes, et on en vint à comparer l' état actuel de la flore dans notre pays à ce qu' il était au commencement et même vers le milieu de ce siècle. On acquit alors la conviction que si, d' une part, notre tapis végétal s' est enrichi par l' apport — et I' invasion même — de certaines espèces étrangères et cosmopolites, d' autre part, il s' est considérablement appauvri en ce qui concerne les types qui lui donnent un caractère spécial. On s' aperçut même qu' un certain nombre de plantes autochtones, enfants de notre sol, espèces qui appartiennent en propre à la flore helvétique, étaient en voie de recul et que leur aire géographique, au lieu de s' étendre, semblait se rétrécir à mesure qu' aug l' élément „ touriste " et „ collectionneur ". C' est, d' ailleurs, dans l' ordre des choses, puisqu' il est admis qu' en cette fin de siècle nivela-teur et égalisateur le costume national doit disparaître pour faire place partout au cosmopolite habit noir. Ne voyons-nous pas, avec nos traditions nationales et nos dialectes si caractéristiques, se fondre toute originalité et se dissiper tout ce qui donnait un ton spécial, un cachet particulier à nos moeurs locales?

Où sont les voix mystérieuses d' antan? qu' est advenu de ces harmonies qui s' échappaient du terroir et qui donnaient à chaque village, à chaque vallée, à chacun de nos cantons son caractère parfaitement distinct? Où pourrons-nous jamais retrouver ces impressions délicieuses que ressentaient nos pères à la „ découverte " de tel vallon encaissé et perdu ou dans la bénévole auberge suisse d' autrefois, impressions dont notre inimitable Töpffer nous a conservé les charmants souvenirs. Quand on lit les récits de ces pittoresques escalades et de ces voyages en zigzag au travers de nos montagnes, on se prend à regretter que la civilisation ait tout envahi et que de semblables jouissances ne soient plus réservées à nos enfants.

Sans doute il faut marcher, et les progrès de la civilisation sont un inestimable bienfait. Pourtant l' esprit humain regarde avec passion vers le passé, et, plus il est civilisé, plus l' homme aime à laisser bercer ses esprits aux sons des ballades lointaines. Est-ce un regret? Est-ce un malaise ou quelque sombre pressentiment? Je l' ignore, mais c' est un fait bien aisé à constater.

En ce qui concerne plus particulièrement le monde des plantes, ces sentiments de conservation ont une raison d' être moins artistique, moins idéale; il s' agit ici d' une cause scientifique et plutôt abstraite. Le motif qui pousse le naturaliste à protester contre la destruction des plantes rares est le même que celui qui provoque un mouvement en faveur de la conservation des animaux dont la race s' éteint: le bouquetin dans les Alpes du Piémont, le bison — c' est trop tard, hélas, car il n' existe plus de bisons en Amérique — le castor au Canada, etc. Ces êtres, qui disparaissent grand train, appartiennent à des âges géologiques antérieurs et constituent autant de témoins vivants de l' histoire du monde.

Si les plantes de l' époque carbonifère ont pu, grâce aux empreintes qu' elles ont laissé dans la houille en la formant, permettre la reconstitution de la vie végétale d' alors, les frêles enfants de nos Alpes n' ont pas, à moins de cataclysmes improbables, le privilège d' écrire ainsi leur histoire. Il appartient donc à l' homme, Roi de la Création, à cet être intelligent qui devient d' autant plus dangereux pour les manifestations de la vie sauvage et pour les êtres inférieurs qu' il est plus civilisé, il appartient à l' homme de protéger les espèces menacées.

Nul pays n' est, relativement à son étendue, plus riche en espèces végétales que notre petite Suisse. Est-il besoin de rappeler que, tandis que la grande plaine allemande et que le vaste plateau russe offrent, sur des espaces cinq fois plus grands que notre pays, à peine 300 à 400 phanérogames, la Suisse, elle, en compte plus de 2500? La cinquième édition de la Flore suisse, de Gremii, porte 2637 espèces parfaitement caractérisées ( en comptant les cryptogames vasculaires ). Et si l'on voulait ajouter à ce chiffre les très nombreuses formes et variétés qu' on rencontre dans notre pays, on arriverait à plus de 3000. Les cryptogames inférieurs, les mousses, lychens, champignons, algues, conferves, etc., sont naturellement exclus de cette liste.

C' est une richesse considérable dans le domaine de l' histoire naturelle, un bien que nous ont légué nos pères et que nous n' avons pas le droit de dissiper, mais que nous devons laisser à nos descendants. C' est l' une des beautés de notre pays que ce tapis végétal incomparable, et il s' agit de le traiter avec les égards qui lui sont dus.

La Suisse doit à sa configuration si mouvementée, à l' extrême diversité des aspects de son territoire, à la variété tant chimique que physique de son sol, de posséder des plantes de toutes les contrées de l' Europe. Sa flore est comme la synthèse de celle du continent. En quelques heures le botaniste peut récolter, dans une ascension des Alpes valaisannes ou tessinoises, les plantes de la région méditerranéenne et celles des zones polaires en passant par tous les intermédiaires. Nous avons, en outre, la flore des steppes dans les vallées sèches et chaudes, les derniers vestiges de l' époque glaciaire dans les tourbières du Jura et d' Einsiedeln, celle des eaux dormantes et des marécages tourbeux, du calcaire et de la silice. Le lumineux littoral de la Méditerranée nous a envoyé de nombreuses espèces en des irradiations qui se sont maintenues le long de nos lacs et de plusieurs vallées. Bref, notre flore suisse est l' une des plus intéressantes qui soit au monde et l' une des plus dignes d' attention. Elle joint aux couleurs brillantes des régions chaudes la grâce et l' élégance des formes septentrionales, et la délicate Linnœa borealis L. côtoyé chez nous le brillant Adonis vernalis L. du Midi.

Nous avons donc, sur notre petit territoire, des plantes appartenant à plusieurs époques géologiques, derniers vestiges des fibres d' autrefois. Par un penchant naturel de notre esprit, nous nous intéressons à ces témoins des âges disparus. Il en est comme de ces antiques ruines que nos sociétés d' archéologie cherchent à maintenir pour l' édification des générations futures. Ce sont les témoins du passé, des vieillards qui luttent avec peine contre les espèces plus jeunes, plus vigoureuses, plus envahissantes, et aussi contre les nouvelles conditions d' existence que leur offre notre civilisation.

Il en est de l' espèce comme de l' individu; elle a une vie bornée, un commencement et une fin, une aurore et un déclin. De même que le monde que nous habitons n' est pas éternel, ainsi l' espèce, en tant qu' es, est appelée à disparaître après avoir brillé à l' horizon. L' étude des couches géologiques qui composent notre globe nous montre l' espèce apparaissant brusquement à une certaine époque sans qu' elle ait eu d' as; elle nous la montre aussi disparaissant tout à coup sans laisser d' autres traces que celles de son empreinte que les siècles ont fossilisée. Il arrive un moment où l' espèce, après une vie plus ou moins longue, suivant la force impulsive qu' elle a reçu à son apparition, ne peut plus hitter pour sa propre existence, qu' elle recule et, finalement, disparaît. Elle devient caduque; c' est un vieillard digne de protection.

Le docteur Henry de Varigny, dans un travail très étudié sur ce sujet,1 ) écrit les lignes suivantes: „ II me paraît superflu de démontrer „ l' intérêt qu' a la conservation des espèces déshéritées ou en voie de „ diminution; c' est, dans la plupart des cas, un intérêt d' ordre purement „ scientifique. La conservation à l' étude de ces espèces servira à nous „ expliquer le quo-modo de la lutte pour l' existence; elle contribuera à „ éclairer pour nous plusieurs des mystères de la vie végétale. Et si l' in de cette œuvre n' est que scientifique en apparence et pour le „ présent, on peut être assuré qu' un jour les résultats obtenus fourniront „ des déductions pratiques, les seules qui soient capables d' intéresser „ un peu la masse du gros public. "

Et plus loin, il ajoute: „ En empêchant la disparition d' espèces végétales, en assurant la protection et la survivance de celles-ci et en fournissant en même temps au naturaliste les moyens d' étudier des fait » „ curieux et importants, les botanistes et leurs amis font ce que les zoologistes regrettent de n' avoir pas fait, quand il en était temps encore, „ pour maintes espèces animales. Autant d' espèces disparues, autant de „ documents perdus, de feuilles arrachées dans le livre de la nature. Et „ nous ne déchiffrons déjà point ce dernier avec une telle aisance que „ nous puissions nous permettre la fantaisie de sauter une page ici ou là „ et risquer d' omettre un passage important. "

Certaines contrées isolées, l' Australie par exemple, ont conservé une végétation et une faune rappelant beaucoup celle de l' époque tertiaire et dont plusieurs types appartiennent à cette époque lointaine. Cir-conscrites et isolées par la mer, les grandes îles de formation antique ont généralement gardé l' aspect qu' elles avaient aux époques reculées. Mais il a suffi de l' apparition de l' homme civilisé, qui a défriché, puis labouré le sol, qui a introduit d' autres éléments de végétation, pour modifier du tout au tout la vie dans ces pays-là. L' homme est bien souvent, hélas, le génie destructeur qui abat sans savoir comment il reconstruira. La forêt ou la plante qui ne lui offre aucun gain matériel et immédiat, il la détruit par le feu et le fer, quitte à réduire la contrée en désert et à la rendre inhabitable.

Si nous étudions l' histoire des transformations qu' a subi le tapis végétal qui recouvre notre pays, nous sommes frappés par ce fait incontestable, c' est que des phénomènes absolument opposés les uns aux autres s' y sont succédés pendant des millions d' années et ont provoqué l' apparition, puis la disparition, des végétations les plus hétérogènes.

Ce sont d' abord les plantes remarquablement luxuriantes de l' époque carbonifère, dont les fougères de nos bois et de nos rochers et les prèles de nos marécages sont les derniers descendants. Longtemps après vint l' époque tertiaire avec sa curieuse végétation, dont les flores de l' Austral et de certaines parties de l' Amérique nous ont conservé plusieurs types et dont nous avons des représentants dégénérés dans les pins et les conifères actuels. Puis vint la grande époque glaciaire, qui a sapé, presque jusqu' à sa base, toute la végétation antérieurement introduite, ne laissant que fort peu de terrains libres de glace. Les glaciers, sous l' influence, non point comme on le croit souvent, d' un refroidissement considérable, mais sous celle de longues périodes d' humidité, se sont étendus sur nos vallées et ont recouvert notre plateau suisse. La végétation qui se maintint dans les étroites limites des territoires libres de glaces, entre le glacier et la neige éternelle, était celle, à peu près, qui brille au grand soleil de nos Alpes actuelles. Quand les glaciers se retirèrent, elle regagna petit à petit les hauteurs, où elle retrouva ses conditions antérieures d' existence. Après quoi vint cette période xéro-thermique dont on parle beaucoup maintenant et dont on comprend la nécessité quand on réfléchit à la masse énorme d' eau et de boue qui recouvrait notre pays après le retrait des glaces. Les vents chauds et desséchants soufflèrent alors avec violence sur l' Europe centrale et nous apportèrent la flore des steppes /Stipa pennata, Ephedra helvetica, les Astragales, les Oxytropis, etc. ). L' eau se retira dans les lieux bas ou étanches et y forma les marécages dans lesquels s' installèrent les types de la flore paludéenne qu' on retrouve encore ici et là à l' état de plantes rares ( Calla palustris L., Betula nana L., etc. ).

Puis vinrent les irradiations méditerranéennes dont le Dr Christ a dressé une belle carte dans son volume. Ces irradiations, partant du littoral méditerranéen, ont pénétré chez nous par le trou du Fort de l' Ecluse, d' une part, par le Tessin et le bassin du Pô, d' autre part, enfia par l' Alsace et le Rhin. C' est ainsi que le sapin blanc, qui nous est venu des Pyrénées, s' est installé avec le buis, son compagnon, sur les calcaires du Jura et des contreforts des Alpes, tandis que l' argousier ( Hippophaë Rhamnoïdes! remontait le cours du Rhône jusque près des glaciers et que la vallée chaude du Valais donnait asile à l' armoise du bord de la mer, qui se modifia et devint VArtemisia Vaìesiaca, et à tant d' autres plantes méridionales.

Notre canton de Genève offre, dans son étroit territoire, toute une végétation dont le centre de dispersion doit être cherché au midi. Placé à l' entrée même et à la base du plateau suisse, il en est comme le vestibule et, en quelque sorte, le prélude. Aussi a-t-il recueilli et gardé beaucoup de types qui, du midi comme du nord, sont venus échouer sur son territoire. Genève et son étroit bassin forment un cap botanique, un îlot de plantes rares. Il est arrivé pour ce canton ce que nous ne trouvons dans aucune autre partie de la Suisse, c' est qu' on y rencontre des plantes qui ne sont pas précisément rares en France, mais qui n' y sont pas communes et qui sont venues mourir à Genève sans s' avancer plus au nord. Elles ne se rencontrent déjà plus dans le canton de Vaud. En sorte que la cité du refuge des vieux Huguenots a un territoire qui est lui-même un refuge phyto-géographique. Il y a à peu près, dans ce canton ou dans ses environs immédiats, une quarantaine d' espèces qui sont dans ce cas; ce sont d' illustres étrangères qui se sont fixées là et qui ont plus ou moins de peine à s' y maintenir. Elles deviennent par ce fait très intéressantes; il en est d' elles comme de ces colonies romaines noyées au sein de peuplades étrangères et qui ont conservé à travers de longs siècles un cachet de romanisme non équivoque. Et ces plantes deviennent ainsi des raretés, car une plante n' est commune que lorsqu' elle est chez elle.

Ces irradiations méditerranéennes s' en vont jusque sur les bords des lacs de Brienz et de Thoune et même des Quatre-Cantons, où l'on retrouve une flore méridionale mélangée à des irradiations venant du nord-ouest et de Sibérie.

Et à toutes ces flores d' origines si diverses vient s' ajouter l' appoint de ces types si précieux qui se sont formés chez nous, qui sont le produit de notre sol et de notre pays. Le très curieux Campanula excisa, de Saas et du Simplon, est le type le plus curieux en l' espèce. Beaucoup de nos plantes suisses sont des types étrangers, modifiés par le climat ou les conditions d' existence. L' Ephedra du Valais provient de l' Ephedra distachya, Y Anemone montana du Pulsatilla, etc. Mais la petite campanule du Simplon est bien nôtre par sa création et son origine; elle ne s' est pas naturalisée et adaptée, elle a dû surgir ainsi. Elle n' est peut-être, à tout prendre, que l' un des anneaux détachés d' une longue chaîne d' espèces dont les types intermédiaires ont disparu dans îa longue suite de cataclysmes qu' a occasionnés la période glaciaire. Chi lo sa? Est-elle peut-être une forme nouvelle, une espèce à son aurore? Ou bien, est-elle, au contraire, un vieillard qui s' éteint? C' est une question qui se pose pour beaucoup de ces espèces dont l' aire est si limitée qu' un collecteur consciencieux, qui procéderait dans l' esprit de plusieurs que nous connaissons, aurait bientôt fait d' exterminer leur race. Le Senecio uniflorus, le Crépis jubata, le Primula longiflora, l' Andro Charpentieri et le Campanula Raineri, au Tessin et dans les Alpes de Come, sont dans ce cas, et bien d' autres encore.

Les plantes rares de la Suisse sont-elles vraiment menacées d' ex, se demandera-t-on peut-être, et était-il bien nécessaire de jeter un cri d' alarme et de fonder une société pour protéger les espèces menacées? A qui en doute, je conseille une revue serrée de tous les faits publiés dans les 15 numéros de nos rapports annuels.x ) Des articles émanant de botanistes, de naturalistes et d' auteurs les plus divers, le prouvent d' une manière irréfutable. Ces Bulletins se trouvent dans les bibliothèques de la plupart des sections du S.A.C. Il est inutile de citer ici des faits et d' entrer dans des détails. Ce que je tiens à faire, c' est de retracer une fois, dans le Jahrbuch, très succinctement l' activité de cette association.

Fondée le 23 janvier 1883, au local du S.A.C. à Genève, et sur l' initiative de deux membres de notre section, l' association pour la protection des plantes compte actuellement près de 900 membres. Elle publie un Bulletin annuel dont les derniers ont une moyenne de 80 pages, ce qui a fait dire au Rédacteur du Jahrbuch que l' association est, désormais, entrée dans ses „ Fetten Jahre ". Ce Bulletin, tire à 1500 exemplaires, est envoyé non seulement aux membres de l' association, mais aux bibliothèques des Clubs alpins étrangers, à celles des sociétés scientifiques, à la presse, aux botanistes, naturalistes, pasteurs, cures, régents, aux hôtels et aux municipalités dans les contrées qui recèlent des plantes qu' il faut protéger. Cette publication répand ainsi partout la connaissance des faits que nous tenons à signaler.

Nous répandons aussi à profusion l' appel suivant:

Protégez les plantes.

Un proverbe espagnol dit: „ Si tu veux comprendre l' importance des plantes, imagine un monde sans elles, et la comparaison t' épouvantera, parce que l' idée de la mort viendra de suite. "

* ) Bulletin de l' association pour la protection des plantes, de 1883 à 1897.

Amis des plantes et des fleurs, avez-vous jamais réfléchi à ce que serait notre tapis végétal, s' il était dépouillé des gracieuses corolles qui i' égayent? Avez-vous songé à ce que seraient nos montagnes, si les touffes fleuries qui animent leurs pentes étaient supprimées, si le pâturage était sans fleurs, le rocher sans verdure, la forêt dépourvue de ces myriades d' étoiles qui brillent sur le fond sombre du sol?

Avez-vous jamais songé qu' il est des espèces de plantes rares ou recherchées pour leur beauté, qui peuvent disparaître de la flore d' un pays aussi bien que certains animaux ont disparu de sa faune? Que les trésors de la nature ne sont pas inépuisables et que pour peu que la destruction dépasse la production, l' espèce est menacée d' extinction?

Ces craintes ne sont malheureusement pas chimériques; elles sont fondées sur des faits. Plusieurs espèces de plantes rares, intéressantes ou jolies, ont disparu du territoire suisse soit par suite des ravages causés par des collectionneurs, marchands de „ centuries ", pour fournir les échanges, soit par suite de l' extension des terres cultivées, soit enfin par les amateurs ou horticulteurs qui introduisent ces plantes dans leurs cultures.

L' Association pour la protection des plantes a pris à tâche de protéger les espèces menacées et recommande: 1° Aux botanistes et aux touristes de ne pas dévaster les stations de plantes rares et de se borner, dans le cas où ils voudraient obtenir des exemplaires pour leurs herbiers^ à la plante sans la racine en prenant le moins possible; 2° Aux amateurs d' élever les plantes rares et recherchées par le moyen du semis ou de les acheter chez les horticulteurs qui les élèvent par ce moyen-là; 3° Aux autorités, aux professeurs, aux gens lettrés enfin, de veiller à ce qu' une station de plantes rares ne soit point livrée aux cultures sans qu' une compensation ait pu être donnée à la nature en replantant l' espèce menacée dans les environs, si possible à l' abri de défrichements futurs. Elle recommande aussi la fondation et l' entretien de jardins protecteurs dans les territoires menacés; 4° A tous enfin, le comité de l' Association pour la protection des plantes recommande l' adhésion à cette société, dont chacun peut devenir membre moyennant une cotisation annuelle de deux francs. Le Bulletin de l' Association est envoyé gratis aux personnes que le sujet intéresse.

Pour tous renseignements s' adresser à M. II. Correvon, président de l' Association pour la protection des plantes, à Genève, 2, rue Dancet.

Puis nous faisons des conférences, en divers lieux, sur le sujet et saisissons toutes les occasions qui se présentent pour informer le public qu' il faut combattre la destruction de certaines espèces de plantes. Nous avons placardé, dans les principaux hôtels de la Suisse et des Alpes autrichiennes, italiennes et françaises, des affiches recommandant cette protection et prévenant les touristes qu' ils commettent un acte de vandalisme en arrachant en masse les plantes rares du pays. Nous nous adressons aussi à l' esprit patriotique de nos Confédérés et à cet amour de l' idéal dont chaque homme un peu civilisé porte en lui le germe, agissant ainsi par la persuasion plutôt que par des mesures restrictives.

Sans doute nous avons rencontré beaucoup d' obstacles et des oppositions très vives provenant parfois de malentendus, d' autres fois du fait que nous nous attaquions à des intérêts privés et considérables. Toute œuvre qui s' attaque à des abus et qui vent les reformer rencontre de semblables oppositions, et nous nous y attendions bien lorsque nous fon-dions notre association. Le fait que nous avons, après quelque temps d' essais et de tentatives infructueuses, provoqué la fondation d' un jardin d' acclimatation qui combattait le mal par le mal et traitait homéopa-tiquement, a été mal interprété par quelques-uns qui n' y ont vu qu' une tentative d' accaparement. Nous avons da en venir là sur les conseils de nos principaux botanistes ( voir les lettres de MM. Alphonse de Candolle, Edmond Boissier et du Dr H. Christ dans notre Bulletin de 1884, page 2 ). Nous avons da, pour cela, nous imposer de lourds sacrifices, car cet établissement, qui a pour principe de livrer les graines et les plantes qu' il élève à des prix plus bas que celles fournies par les établissements étrangers, qui font arracher par milliers les plantes chez nous, n' a jamais soldé que par des déficits. Il a fourni gratuitement un trop grand nombre de jardins botaniques et alpins pour qu' il pût en être autrement. Mais il a répondu au but que s' étaient propose ses premiers fondateurs, et c' est tout ce qu' ils désiraient. Malgré cela, les résultats financiers ont été tellement décourageants qu' il eût fallu fermer boutique si l' un d' entre les promoteurs de la chose n' en eût pas fait son affaire personnelle et n' eût pas, en l' exploitant pour son compte et en lui imprimant une direction plus commerçante, sauvé la situation.

Nous avons encore réintroduit, en diverses localités dévastées ou dans leurs environs, et de manière à ce que la chose restât secrète le plus longtemps possible, plusieurs des plantes intéressantes qui avaient disparu du pays. Nos Bulletins renferment à ce sujet quelques renseignements aussi vagues que possible à ce sujet; nous ne tenons pas à réveiller le zèle des collectionneurs. Le Dr St. Lager, botaniste Lyonnais bien connu, a vivement encourage nos efforts dans ce sens.1 ) Les résultats les plus palpables, cependant, de l' activité de l' asso protectrice des plantes — qu' on a nommé la société phytophile — consistent dans la fondation d' un certain nombre de jardins dits protecteurs qui ont été établis sur son initiative dans plusieurs contrées des Alpes. Ces jardins sont de vrais refuges, des Conservatoires ou Musées vivants placés dans les différents centres de dispersion de la flore alpine. Celui de la Linnsea, à Bourg-St-Pierre, de beaucoup le plus important, est bien connu de tous les membres du S.A.C.

Le premier en date, cependant, a été celui que l' auteur de ces lignes a établi auprès de l' Hôtel du Weisshorn, à 2300 m, dans le Val d' Anni. Il fut inauguré en juillet 1886, mais déclina rapidement par suite du manque de soins et de l' impossibilité matérielle où nous étions de le diriger de Genève. Bientôt d' autres sociétés, apprenant par les journaux la fondation de ce petit embryon de jardin botanique, trouvèrent l' idée bonne et en firent autant. D' autre part, l' association protectrice cherchait depuis longtemps déjà un terrain où elle pût installer un véritable jardin botanique pour les plantes des hautes montagnes. En 1888, la commune de Bagnes, en Valais, nous offrit gratuitement un terrain que nous avions visité, et nous avions annoncé déjà la fondation, à Fionnay, du Jardin de la « Linnœa »,quand, tout à coup et sans que nous en comprenions alors les motifs, cette concession nous fut retirée. C' est alors que nous achetâmes à Bourg-St-Pierre, sur la route du Grand St-Bernard, une partie du gracieux mamelon dit le „ Château ", petit sommet-miniature de 60 mètres de haut, qui possède tous les avantages que nous recherchions. 11 avait même alors l' honneur de voir se former sur son flanc septentrional une avalanche annuelle que notre plantation d' aroles a annulé désormais. Ce monticule, qui offre des pentes de tous les côtés et qui porte sur l' une de ses épaules un joli bois de mélèzes, est formé de rochers abrupts supportant plusieurs plateaux superposés les uns aux autres. Par des sentiers zigzaguant de l' un à l' autre, on arrive en un quart d' heure de la base au sommet. Là la vue est superbe; elle embrasse toute la vallée et les beaux sommets blanchis du Velan et des Aiguilles de Valsoray, avec une merveilleuse cascade à leur pied.

Le jardin de la Linnsea fut inauguré le 20 juillet 1889 et a reçu depuis cette époque de nombreux encouragements. Il est très visité dans la belle saison, surtout par les membres du S.A.C., qui y ont accès gratuitement. Un travail très documenté dû à la plume savante et alerte de son président d' alors, M. Arthur de Claparède,2 ) a d' ailleurs paru dans le Jahrbuch et me dispense d' entrer dans des détails. Je dirai seulement que ce jardin, dont le terrain a été acheté par le comité de notre asso- dation, a été place entre les mains d' un comité spécial indépendant de la société protectrice. C' est M. le Dr R. Chodat, professeur de botanique à l' Université de Genève, qui en est actuellement président. Le Conseil fédéral, diverses sections du S.A.C. et son Comité central lui-même ont, avec l' association protectrice, subventionné cette création, qui devient de plus en plus utile et intéressante. Il y a là des cultures de plantes de toutes les montagnes du monde, mais plus particulièrement des Alpes suisses, et les espèces menacées d' extinction y sont plus particulièrement soignées. Le but du comité est d' en faire une station d' études pour la botanique, et nous espérons arriver à y construire une maisonnette qui permettra le travail microscopique et de classification.

Après la Linnsea vint la Daphnœa, créée sur l' initiative de l' un de nos membres italiens les plus dévoués, M. le comte Lurani, de Milan. Après de nombreuses démarches, il obtint du comité de la section milanaise du C. A. L, dont il faisait partie, qu' un jardin botanique dans le genre de celui de la Linnaea serait fondé par la dite section. M. Artaria, botaniste milanais bien connu et principal collaborateur de Lurani, a publié dans notre Bulletin x ), en janvier 1892, le premier compte rendu de cette fondation, qui n' était point banale, car nos amis ont très bien fait les choses. Ce jardin, inauguré en juillet 1891, est situé sur l' un des sommets du Monte Baro, au-dessus de Lecco ( lac de Come ). Il est à 800 m d' altitude et comprend un territoire de 1300 mètres carrés.

Le Bulletin de 1895 de notre association 2 ) contient un très intéressant article du comte Lurani à son sujet, article auquel je ne puis que renvoyer le lecteur qui désire en savoir davantage.

Puis vint le jardin alpin que la section des Alpes maritimes du C. A. P. établit en 1892 à St-Martin-Vésubie, sur l' initiative de l' un de ses membres qui est également l' un des plus anciens et des plus zélés adhérents de notre association, M. Michel Gilly. Il est situé à une altitude de 1000 in environ et offre une superficie de 2000 mètres carrés. Malheureusement, il a décline par suite du manque de surveillance, et nos collègues en sont à chercher ce « rara avis » qui s' appelle un bon gardien.

La Société des Touristes du Dauphiné, après avoir prié le président de l' association protectrice de prêcher la chose à Grenoble, a entrepris un jardin semblable à l' alpe de Chamrousse, lequel jardin, placé sous la direction de M. le professeur Lach mann, de la faculté des sciences de cette ville, est en pleine prospérité. Il a d' ailleurs, d' emblée, été H. Correvon.

adopté et subventionné par l' Etat, et l'on y fait des études scientifiques du plus haut intérêt. Nous sommes heureux et fiers du résultat obtenu à la suite de nos premières démarches. Les vœux exprimés dans le journal « Le Dauphiné»,1 ) à la suite de notre conférence de Grenoble, ont été, on le voit, pleinement réalisés.

La section des Hautes-Vosges du C.A.F., à Belfort, qui est membre de notre association, a fondé en 1895, sur le Ballon d' Alsace, un jardin botanique semblable qui semble également en pleine réussite. M. le professeur Camille Brunotte, de Nancy, et d' autres botanistes l' ont pris sous leur protection, et les plantes que nous lui avons adressées semblent y réussir.

Ajoutons, puisque nous sommes en France, que M. le Dr Flahault, professeur de botanique à Montpellier, médite depuis longtemps la fondation d' un établissement de ce genre dans les Cévennes, et que nous espérons bien que le Club alpin de cette ville, qui est également membre de l' association, lui donnera un vigoureux coup de main dans ce but.

Au Petit St-Bernard, à 10 minutes de l' hospice et sur le côté italien, le Révérend Père Chanoux, recteur, a commence sur notre conseil, il y a 3 ans déjà, un très joli jardin botanique. Le jardin alpin de Genève lui a adressé une collection de plantes rares qui y ont été judicieusement disposées dans les rocailles et pelouses du très bel emplacement clos d' un mur de 500 mètres de long qu' il a choisi. Ce jardin, la « Chanousia », sera définitivement inauguré dans les premiers jours de juillet par une fête botanico alpine à laquelle nous convions tous les amis de la flore des montagnes. Situé à 2100 m, sur le bord du chemin qui relie la vallée d' Aoste et l' Italie à la Tarentaise et à la France, il sera l' une des créations de ce genre les plus intéressantes et, nous en sommes certains, les mieux réussies.2 ) Rentrons enfin en Suisse pour ascendre les rochers de Naye, où nous trouverons en pleine prospérité le jardin botanique dédié à Rambert, le poète de nos Alpes vaudoises. Le jardin de la c Rambertia. » est situé à cinq minutes du grand Hotel des Rochers de Naye; il est à cheval sur la troupe de la montagne et comprend près d' un hectare de rochers et plateaux diversement exposés. Son côté nord a été entouré d' une barrière, il y a trois ans, par les soins de la Société botanique de Montreux et de son président M. de Jackewsky, qui a fondé le premier embryon de ce jardin auquel il avait donne le nom de „ Favratia " en l' hon du distingué et très regretté botaniste M. le professeur Favrat, de Lausanne. Nous avions nous-mêmes jeté les bases, en 1892, avec M. le baron Scheluchine, qui fonçait, d' un grand jardin botanique d' un hectare, aux environs du petit lac de Jaman, au pied des rochers de Naye. La maladie, puis le départ du bailleur de fonds ayant anéanti ce projet, nous fûmes très heureux de le voir repris par son jeune compatriote. Malheureusement M. de Jackewsky dut partir à son tour, et le jardin fut délaissé; il est fort heureux que M. le professeur Dutoit, de Lausanne, s' en soit occupé, car, à ce moment-là, sans ses efforts, il eût da être abandonné. La Société botanique de Montreux s' est définitivement dissoute le 7 juin 1896, et le jardin fut alors remis entre les mains du président de l' association pour la protection des plantes, lequel, dès le lendemain, 8 juin, convoqua quelques personnes de Montreux et provoqua la formation d' une nouvelle société qui, sous le nom de « Rambertia D, prit pour but de restaurer la „ Favratiau, d' en changer complètement la sphère d' action et de faire du jardin, non plus un établissement purement scientifique — qui d' ailleurs eût nécessairement été une concurrence à celui que l' Université de Lausanne a fondé au Pont-de-Nant, dans les Alpes de Bex — mais bien un vaste parc alpin avec jardin agreste et naturel. Deux petites sommités nommées les Dentaux sont comprises dans notre territoire qui touche, d' autre part, à la célèbre glaciaire dont on a tant parle. En outre, le comité vient d' obtenir de la commune de Villeneuve la cession d' un vaste plateau de plusieurs hectares, nommé le „ Plan d' Arène ", avec toutes les pentes herbeuses qui l' entourent. Dans ce superbe emplacement, qui est situé à près de 100 mètres plus bas que les rochers formant le sommet du jardin, nous espérons acclimater plusieurs conifères et essences diverses, ainsi que les plus belles plantes des régions montagneuses. Le nom du botaniste Favrat est conservé à la partie ancienne du jardin, mais l' ensemble de la création et la Société elle-même a pris le nom de Rambert. C' est dire que l' institution sera artistique et alpiniste et non plus scientifique uniquement.

Nous avons, grâce aux subventions votées par les différentes sociétés des environs ( Chemin de fer du Territet-Glyon et de Glyon-Naye, Société d' utilité publique, des hôteliers, etc. ), pu commencer en 1896 tout un plan d' agrandissements et d' améliorations et nous permettre le luxe d' un eu stos qui est un vrai jardinier-botaniste, M. Alfred d' Allinges, le petit-fils de l' ancien jardinier chef du jardin botanique de Genève.

La Société de la Rambertia a son siège à Montreux, et elle admet comme membre toute personne qui paye une cotisation annuelle de 5 francs au minimum. Son président est l' auteur de ces lignes, son vice-président M. le Dr Chatelanat, à Montreux, son trésorier M. Georges Masson, et son secrétaire M. G. Bettex, rédacteur de la Feuille d' avis de Montreux. Dans ce comité, nous remarquons encore les noms de MM. Dutoit, professeur, à Lausanne, Baer, syndic de Vevey, Ami Chessex, Bührer, Raoul Pictet, de Ribaupierre, Dr Martin, Ernest Correvon, président de la section des Diablerets du S.A.C., A. Emery, président de la Société de » hôteliers, Fr. Doge, Bornand, président de la Société d' utilité publique, Puenzieux, inspecteur cantonal des forêts, Dupraz, président de la Société de navigation sur le lac Léman, Vuichoud, président du Cercle de Montreux, Dr Bertholet et Victor Mercier, ingénieur.

En outre il est question de fonder dans la vallée de Joux, sur les marais tourbeux du Sentier, un jardin-refuge pour les nombreux types de plantes aquatiques et paludéennes qui reculent devant le dessèchement général des marais et dont plusieurs déjà ont disparu de leurs stations naturelles. Nous avions d' abord espéré réaliser ce projet clans les eaux d' Yverdon, mais la municipalité de cette ville s' est montrée peu disposée à entrer dans nos vues, et nous avons dû chercher ailleurs. A la vallée de Joux, au contraire, l' idée a fait son chemin, et nous espérons bien ne pas tarder à la réaliser.

Disons aussi que le Tessin est entré dans cette voie et que la section ticinese du S.A.C., à la tête de laquelle est un savant botaniste, le zélé Dr Silvio Calloni, l' un des membres les plus anciens de notre association, a fondé à Lugano même, dans le jardin du Lycée, un petit jardin alpin qui contient des plantes de diverses montagnes que nous lui avons envoyées de Genève, à côté des espèces tessinoises les plus rares et les plus menacées. Il est aussi question, à la suite d' une conférence que nous avons faite à Locamo, le 8 mai 1894, de créer sur les hauteurs qui dominent la riante petite ville des bords du Maggiore, un jardin-refuge pour les espèces menacées, et nous espérons que nos amis locarnais ne laisseront pas enterrer cette question.

En ce moment, c' est dans l' Engadine, à St-Moritz ou à Pontresina, que nos regards se portent dans l' espoir d' y voir naître un beau jardin botanique alpin. Le sympathique président de la section Bernina nous assure qu' on s' occupe activement de la question dans ce paradis des botanistes, si riche en espèces, mais aussi, hélas, si terriblement dévasté par les amateurs. Nous connaissons assez, d' ailleurs, l' intelligence et le dévouement des membres de la section Bernina pour être assurés d' a qu' ils s' en occuperont d' une manière sérieuse, et nous leur promettons d' avance un bon assortiment des plantes de notre jardin de Genève pour établir les bases de leurs collections.

En somme, c' est bien cette branche-là de l' activité de notre association, ce mouvement qui consiste à provoquer la fondation de jardins-école ou de jardins-refuges in situ qui offre le plus d' intérêt, et c' est de ce côté-là, désormais, que nous dirigerons nos efforts. L' impulsion est donnée et ne s' arrêtera pas de sitôt. Mais il faut l' encourager, et si l' association peut, en subventionnant ces diverses créations, aider à son développement, nous estimons qu' elle devra le faire.

Quant à ce qui concerne les destructeurs de plantes, ces agents des grandes maisons horticoles de l' étranger qui arrachaient par milliers nos plantes rares, nous savons que nous n' avons plus grand' chose à craindre de leur part. La plupart sont de très honnêtes gens que nous avons été voir chez eux et qui ont compris nos doléances, se sont rangés à nos avis et élèvent, désormais, les espèces rares par le semis. Il en est bien, ici et là, que nous n' avons pu convaincre et qui, même, nous ont méchamment attaqués. Mais le fait est si rare et la valeur de leurs arguments si misérable qu' il ne vaut pas la peine de s' y arrêter. On trouvera dans nos divers bulletins les déclarations de plusieurs d' entre les principaux horticulteurs d' Angleterre qui ont fini par se joindre à nous et devenir membres de notre association. Il est reconnu désormais que la flore alpine s' acclimate plus aisément, dans la grande majorité des cas, par le semis que par la transplantation directe. Et quant aux espèces communes, qui reprennent facilement par ce dernier mode, nous n' avons pas à les protéger, attendu que nos montagnes sont une pépinière naturelle qui les produit par millions. Ce que nous avons uniquement en vue, c' est la protection des espèces menacées, rares ou intéressantes par leur antiquité ou leur jeunesse, en tant qu' espèces, ou bien encore par le fait qu' elles appartiennent à une flore étrangère et sont chez nous à l' état de colonies.

Les fondateurs de l' association phytophile ont eu raison de croire, en 1883, au succès de leur protestation. Le son de cloche qu' ils ont fait retentir s' est répercuté au loin, et nul, désormais, n' ignore qu' il est des espèces menacées d' extinction et dignes de protection. Plusieurs sociétés scientifiques ou d' utilité publique, voire des sections de Clubs alpins, ont répété ces accents et commence, pour leur propre compte, à protéger les espèces rares et qu' elles considèrent comme telles. L' éveil a été donne au bon moment; la conscience publique a parle et l'on a compris que l' homme doit une protection aux faibles dans le monde des plantes aussi bien que dans celui des animaux. Nous pourrions disparaître sans que le mouvement souffrît le moins du monde.

Toutefois nous continuerons à lutter pour ces frêles enfants de notre tapis végétal. Peut-être aurons-nous à modifier un peu nos moyens d' action et à concentrer davantage notre activité sur l' œuvre des différents jardins botaniques dans les montagnes. Notre comité étudie en ce moment un projet d' union entre plusieurs de ces jardins qui, reliés entre eux comme en une fédération, se développeront certainement mieux qu' en restant isolés. Si notre caisse pouvait les subventionner tous libé- ralement, il est évident qu' elle rendrait là un service très important à la cause; mais l' état de notre budget ne nous permet pas d' y songer pour le moment. Peut-être cela viendra-t-il plus tard.

En attendant, nous recevrons toujours avec plaisir les avis et les conseils de ceux des membres du S.A.C. qui s' intéressent à la question. Nous sommes heureux de constater que la plupart des sections du Club font partie de notre association, et nous espérons bien pouvoir, un jour ou l' autre, présenter au Club alpin suisse une oeuvre complète et digne de son appui.

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